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Full text of "Romania"

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HANDBOUND 
AT  THE 


UNIVERSITY  OF 
TORONTO  PRESS 


ROMAN  lA 


ROMANIA 

RECUEIL     rUIMESTRIEL 

CONSACRÉ   A    l'étude 

DES    LANGUES    ET     DES     LITTÉRATURES     ROMANES 

PUBLIÉ    PAR 

Paul   MEYER    et    Gaston    PARIS 


Pur  remenbrer  des  ancessurs 
Les  diz  et  les  faiz  et  les  murs. 


S"    ANNÉE    -    1886 


PARIS 

F.  VIEWEG,   LIBRAIRE-ÉDITEUR 

67,    RUE    DE    RICHELIEU 


0-. 


4- 


o 


F.TUDES  SUR   LES   ROMANS   DE  LA  TABLE  RONDE 


GUI  NGLAIN 


LE     BEL    INCONNU 


Ce  roman,  un  des  plus  agréables  à  lire  de  tout  le  cycle  breton,  en  est 
aussi,  à  divers  points  de  vue,  un  des  plus  intéressants.  Laissant  de  côté 
pour  le  moment  la  rédaction  en  prose  du  xvi''  siècle,  la  version  anglaise, 
le  poème  italien  de  Carduino  et  le  poème  allemand  de  Wigalois,  sur  les- 
quels nous  reviendrons,  ;  ous  allons  nous  occuper  du  poème  français  de 
Renaud  de  Beaujeu.  Il  nous  a  été  conservé  dans  un  seul  manuscrit,  le 
recueil  bien  connu  qui  fait  partie  de  la  bibliothèque  de  M.  le  duc  d'Au- 
male  à  Chantilly,  et  il  a  été  imprimé,  d'une  façon  déplorable-,  en  1860, 
par  C.  Hippeau. 

Le  récit  est  très  simple  et,  sauf  en  un  point,  ne  s'écarte  guère  du 
cadre  banal  des  compositions  de  ce  genre;  mais  la  banalité  du  thème  est 
rachetée  par  le  charme  des  détails.  A  la  cour  d'Arthur,  à  Carlion-sur- 
Mer,  se  présente  un  jour,  accompagnée  du  nain  Tidogolain,  une  «  pu- 
cele  «  nommée  Hélie,  demandant  pour  sa  dame,  fille  du  roi  Gringas  de 
Galles,  le  secours  d'un  chevalier,  qui  doit  venir  seul,  être  preux  entre  les 
preux  et  capable  d'accomplir  l'aventure  du  «  fier  baiser  ».  Un  jeune  che- 
valier, qui  ne  connaissait  ni  son  père  ni  même  son  nom  3,  et  qu'on  avait 


1.  Le  tome  XXX  deVHistoire  littéraire  de  la  France  s'ouvre  par  un  grand 
article  collectif  sur  les  romans  en  vers  du  cycle  de  la  Table  Ronde.  J'extrais  de 
cet  article,  dont  la  première  partie  est  déjà  imprimée,  la  notice  du  roman  de 
Guinglain.  en  demandant  aux  lecteurs  de  la  Romania  les  additions  et  rectifica- 
tions qu'ils  pourront  me  lournir. 

2.  Voyez  les  observations  de  M.  Fœrster,  Zdtschrift  jùr.  rom.  Philologie, 
t.   II,  p.  78. 

5.  Aux  questions  qu'on  lui  fait  à  son  arrivée,  il  répond  :  «  Certes  ne  sai, 
Mais  que  tant  dire  vos  en  sai  Que  hiel  fil  m'apeloit  ma  mère,  Ne  je  ne  sai  se  je 

Romania,  XIV.  i 


appelé  le  Bel  Inconnu,  venait  d'arriver  à  la  cour  et  avait  obtenu  du  roi 
la  promesse  qu'il  lui  accorderait  sa  première  requête.  Il  demande  à  être 
chargé  de  cette  aventure,  et  Arthur  le  désigne,  malgré  les  plaintes  dHélie, 
qui  aurait  voulu  obtenir  un  des  chevaliers  renommés  de  la  Table  Ronde^ 
au  lieu  de  ce  jouvenceau  qui  n'a  donné  •encore  aucune  preuve  de  sa 
prouesse.  Elle  s'éloigne  sans  même  faire  attention  au  Bel  Inconnu,  qui  la 
rejoint  et  l'accompagne,  mais  qu'elle  engage  à  renoncer  à  une  aventure 
au-dessus  de  ses  forces.  Cependant,  arrivé  au  <(  gué  périlleux  «,  le  Bel 
Inconnu  renverse  d'abord  Bliobliéris,  qui  en  défendait  le  passage,  puis 
ses  trois  amis  qui  essaient  de  le  venger  •  ;  il  tue  ensuite  deux  géants  qui 
voulaient  faire  violence  à  une  demoiselle  dans  la  forêt.  Hélie  reconnaît 
alors  le  mérite  du  champion  qu'elle  a  dédaigné,  et  lui  demande  pardon  de 
son  injustice.  Sa  confiance  toute  fraîche  dans  la  valeur  de  son  compagnon 
lui  inspire  une  présomption  fort  peu  louable  :  elle  s'empare  d'un  «  bra- 
chet  ))  ou  petit  chien  de  chasse  qu'elle  rencontre,  et  refuse,  malgré  les 
prières  du  Bel  Inconnu,  de  le  rendre  à  son  maître,  l'Orgueilleux  de  la 
Lande  ^  ;  ce  caprice  a  pour  suite  un  combat  terrible,  où  l'Orgueilleux  est 
vaincu.  Vient  ensuite  un  épisode  qui  se  rencontre  souvent  dans  nos  ro- 
mans, celui  de  l'épervier  donné  en  prix  de  la  beauté  :  Margerie,  fille  du 
roi  d'Ecosse,  y  a  prétendu,  et  a  vu  son  ami  tué  en  voulant  soutenir  ses 
droits  ;  le  Bel  Inconnu  la  venge,  et  triomphe  en  effet  de  Giflet,  le  fils  de 
Do  3,  qui  revendiquait  l'épervier  pour  sa  belle. 

Toutes  ces  aventures  ne  servent  guère  qu'à  allonger  le  récit.  Celle  qui 
suit  est  plus  intéressante.  Nos  voyageurs  arrivent  devant  un  château 
admirablement  construit,  qui  appartient  à  «  la  demoiselle  aux  blanches 
mains  ».  Cette  demoiselle 

Les  set  ars  sot  et  encanter, 
Et  sot  bien  estoiles  garder, 
Et  bien  et  mal,  tôt  ço  savoit  : 
Merveilious  sens  en  li  avoit.  (V.  1917) 

Elle  avait  établi  une  singulière  coutume  pour  se  trpuver  le  mari  le  plus 
vaillant  possible.  Tout  prétendant  à  sa  main  devait  garder  un  pont  qui, 


oi  père  ».  Perceval  non  plus  ne  sait  pas  son  nom,  et  sa  mère  ne  l'appelle  aussi 
que  Beûus  fias.  De  même  Chev.  ju  Cygne,  éd.  Hippeau,  v.  881. 

1.  L'histoire  de  ce  second  combat  est  préparée  seulement  ici  et  n'est  racontée 
qu'après  la  dé.'aite  des  géants;  mais  le  poème  anglais  place  les  faits  dans  rordf 
que  nous  avons  suivi. 

2.  Ce  nom  provient  du  Perceval.  \ 
5.  Encore  un  personnage  de  Chrétien  de  Troies,  par  exemple  dans  £r«.  L'éd^ 

teur  imprime  à  lort  «  le  fils  d'O  »  pour  «  le  fils  Do.  » 


GUINGLAIN    OU    LE    BEL    INCONNU  î 

devant  le  château,  fermait  la  route,  et  combattre  avec  tout  chevalier  qui 
se  présentait  :  s'il  était  vainqueur  pendant  sept  années  consécutive?,  il 
devait  être  l'époux  de  la  demoiselle  ;  s'il  trouvait  un  vainqueur,  celui-ci 
prenait  sa  place  aux  mêmes  conditions.  Ce  poste  périlleux  est  occupé  en 
ce  moment  par  Mauger  le  Cris,  qui  a  triomphé  déjà  pendant  cinq  ans 
de  tous  ceux  qu'il  a  combattus  :  cent  quarante-trois  têtes  de  chevaliers 
garnissent  les  pieux  qui  entourent  sa  tente  ;  mais  s'il  est  vaillant,  il  est 
discourtois  et  félon  ;  la  demoiselle  le  hait  et  souhaite  sa  défaite  ;  autant 
en  font  tous  ses  vassaux.  Aussi,  quand,  après  un  combat  terrible,  le  Bel 
Inconnu  le  tue,  on  lui  fait  un  accueil  enthousiaste,  et  la  demoiselle, 
charmée  de  sa  beauté  autant  que  de  son  courage,  déclare  qu'elle  abolit 
l'ancienne  coutume  et  qu'elle  épousera  dans  huit  jours  le  vainqueur  de 
Mauger.  .Mais  cela  ne  fait  pas  l'affaire  d'Hélie,  qui  rappelle  à  son  compa- 
gnon l'aventure  qu'il  a  entreprise,  et  tous  deux  concertent  le  moyen  de 
s'enfuir  le  lendemain  matin  du  château.  Le  Bel  Inconnu  a  quelque  mé- 
rite à  tenir  sa  parole,  car  la  demoiselle  aux  blanches  mains  avait  employé 
de  grandes  séducnons  auprès  de  lui.  Au  milieu  de  la  nuit,  quand  tout  se 
taisait  et  qu'il  ne  dormait  pas.  il  vit  la  maîtresse  du  château  franchir  la 
porte  de  sa  chambre  : 

Sans  guimple  estoit,  eschevelee. 

Et  d'un  mantel  lu  afublee 

D'un  vert  samit  o  riche  hermine. 

Meut  estoit  bêle  la  mescine. 

As  {éd.  Les)  ataces  de  son  mantel 

De  fin  or  furent  li  tasse!  : 

Desus  sa  teste  le  tenoit, 

L'orle  lés  sa  face  portoit  : 

Li  sibelins,  qui  noirs  {éd.  voirs)  estoit, 

Lés  le  blanc  vis  meut  avenoit. 

N'avoit  vestu  fors  sa  cemise, 

Qui  plus  estoit  biance  a  devise 

Que  n'est  la  nois  qui  siet  sor  branche; 

Meut  estoit  la  cemise  blanche, 

Mais  encore  ert  la  cars  moût  plus 

Que  la  cemise  de  dessus. 

Les  ganbes  moût  blanches  estoient. 

Qui  un  petit  aparissoient  : 

La  cemise  brunete  estoit 

Envers  les  ganbes  (éJ.  la  dame)  qu'il  veoit. 

A  l'uis  la  dame  s'apuia. 

Et  vers  le  lit  adiès  garda, 
*  Puis  demanda  se  il  dormoit... 

1  0  Dort  il,  fait  ele,  qui  ne  dit.?  »  (V.  237^) 


4  G.    PARIS 

Sur  sa  réponse,  elle  s'approche  de  lui  et  le  serre  tendrement  dans  ses 
bras  ;  mais  quand  il  veut  lui  donner  un  baiser, 

Se  il  a  dit  :  «  Ce  ne  me  plaist  : 

Tôt  torneroit  a  lecerie. 

Saciés  je  ne!  feroie  mie 

De  si  que  m'aies  esposee  : 

Lors  vos  serrai  abandonee.  >• 

De  lui  se  parti  (éd.  parai  maintenant. 

Se  li  dist  :  «  A  Diu  vos  commant,  » .  . . 

Celi  a  laissé  esbahi, 

Qui  meut  se  tient  a  escarni.  (V.  2428) 

Il  n'en  quitte  pas  moins  furtivement,  le  lendemain  matin,  ce  séjour  de 
délices,  et  il  reprend  sa  marche  avec  Hélie.  Avant  d'arriver  au  terme,  il 
soutient  encore  un  combat  contre  Lampart,  le  seigneur  du  «  chastel  Ga- 
ligan  »,  qui  n'héberge  que  ceux  qui  l'ont  vaincu.  Renversé  par  notre 
héros,  il  l'accompagne  jusqu'à  la  ville  de  Senaudon  (v.  3561,  3822^  ou 
Sinaudon  v.  6078I,  qui  est  le  but  de  son  voyage,  et  dans  laquelle  il  faut 
sans  doute  reconnaître  le  nom  des  montagnes  du  Snovvdon  '  ;  mais 
Lampart  ne  peut  y  entrer  avec  lui  ;  il  lui  explique  ce  qui  l'attend  dans 
cette  ville  qui,  depuis  la  dévastation  à  laquelle  elle  est  en  proie,  ne  s'ap- 
pelle plus  que  la  Gaste  Cité.  Au  milieu  des  rues  désertes  et  des  édifices 
en  ruines,  il  verra  un  palais  de  marbre  magnifique,  qui  n'a  pas  moins  de 
mille  fenêtres  :  à  chacune  se  tient  un  jongleur  avec  un  instrument  et  un 
cierge  ardent  devant  lui  ;  ils  salueront  courtoisement  l'arrivant,  mais  qu'il 
ait  bien  soin  de  leur  répondre  :  «  Dieu  vous  maudisse  !  »  Il  entrera  dans 
la  salle  et  attendra  son  aventure,  en  se  gardant  de  pénétrer  dans  la 
chambre  voisine. 

Le  Bel  Inconnu  arrive  en  effet  au  palais,  répond   par  une  malédiction 
au  salut  des  mille  joueurs  d'instruments,  puis  entre  à  cheval  dans  la  grande 
salle,  dont  on  ferme  la  porte  après  lui,  et  qui  est  vivement  éclairée  par^ 
les  mille  cierges  des  jongleurs.   Un  chevalier  armé  sort  d'une  chambre 
et  vient  l'attaquer;  le  Bel  Inconnu  le  met  en  fuite  et  le  poursuit  jusqu'ai 
seuil  de  la  chambre  ;  il  va  franchir  ce  seuil,  oubliant  la  recommanda- 
tion de  Lampart,  mais  il  s'arrête  à  temps  en  voyant  des  haches  levée 
pour  le  frapper.  Un  nouvel  adversaire  se  présente,  monté  sur  un  chevj 
qui  porte  une  corne  au  front  et  dont  la  bouche  jette  des  flammes.  Apre 
un  combat  auquel  ne  se  comparent  pas,  d'après  le  poète,  ceux  deTristal 


\ 
1 .  Nous  voyons  également  figurer  le  Snowdon  dans   le  roman  latin  de  ; 
riadoc  ;  voy.  W^rd.,  Catalogue  of  romances,  t.  I,  p.  375. 


GUINGLAIN    OU    LE    BEL    INCONNU  .; 

contre  le  Morhout,  de  Mainet  contre  Braimant  et  d'Olivier  contre  Roland 
V.  50IO-1 5\  le  Bel  Inconnu  tue  son  ennemi,  dont  le  corps,  tombé  aus- 
sitôt en  décomposition,  exhale  une  fumée  infecte  ;  en  même  temps  les 
jongleurs  disparaissent  avec  leurs  cierges,  un  fracas  terrible  se  fait  en- 
tendre, et,  r'ongé  dans  l'obscurité  la  plus  profonde,  le  jeune  héros  sent 
l'épouvante  le  gagner  ;  mais  il  se  signe  et  reprend  courage  en  pensant  à 
la  demoiselle  aux  blanches  mains,  dont  il  espère  obtenir  le  pardon.  Sou- 
dain une  «  aumaire  »  s'ouvre,  il  en  sort  une  guivre,  dont  le  corps  était 
gros  comme  un  baril  et  long  de  quatre  toises,  et  qui  avait  une  bouche 
vermeille  d'où  partait  du  feu,  des  yeux  luisants  comme  des  escarboucles, 
et  une  queue,  quatre  fois  nouée,  brillant  de  toutes  les  couleurs.  Le  Bel 
Inconnu  met  la  main  à  l'épée,  mais  la  guivre  s'incline  : 

Semblant  d'umelité  il  tait, 

Et  cil  s'espee  plus  ne  trait: 

«  Jo  ne  la  doi,  fait  il,  tocier, 

Puis  que  la  vol  humelier  ».  (V.  3133) 

La  guivre  cependant  s'approche  de  plus  en  plus,  et  il  met  de  nouveau 
la  main  à  l'épée,  mais  elle  lui  fait  de  nouveau  des  démonstrations  ami- 
cales :  elle  est  tout  près,  il  va  la  frapper,  mais  elle  l'apaise  encore,  et  il 
admire  la  bouche  qu'elle  a  si  belle,  il  s'absorbe  dans  cette  contemplation, 
quand  elle  se  lance  sur  lui  et  le  baise  à  la  bouche,  après  quoi  elle 
s'éloigne  et  rentre  dans  1'  «  aumaire  »,  qui  se  referme.  Le  Bel  Inconnu  a 
fait  «  le  fier  baiser  »,  mais  il  craint  que  la  guivre  ne  soit  le  diable  et 
qu'il  ne  soit  perdu.  Une  voix  se  fait  entendre  et  le  rassure.  Elle  lui  ap- 
prend d'abord  qu'il  s'appelle  Guinglain  '  et  qu'il  est  fils  de  Gauvain  et 
de  Blanchesmainsla  fée-,  qui  lui  a  préparé  cette  aventure  pour  sa  gloire 
et  son  bonheur.  Epuisé  par  tant  d'émotions,  Guinglain  s'endort  ;  à  son 
réveil  il  voit  près  de  lui  une  jeune  fille  d'une  merveilleuse  beauté  :  c'est 
Blonde  Esmerée,  celle  qu'il  a  délivrée,  la  reine  de  Galles  ;  elle  lui  raconte 


1.  Telle  est  la  forme  constante  du  manuscrit  (voy.  Zeitschrijt  fur  rom.  Philo- 
logie, t  II.  p.  78);  elle  répond  au  nom  gallois  Winwaloen  ;  c'est  aussi  celle  du 
poème  anglais  'voyez  ci-dessousj.  L'éditeur  du  poème  français,  sans  prévenir, 
imprime  partout  Giglain  (sauf  au  v.  3266  Guiglain),  sans  doute  à  cause  du  roman 
en  prose  du  xv'=  siècle  qui  porte  Giglan. 

2.  Ce  nom  est  malheureusement  choisi,  faisant  une  confusion  gênante  avec 
c.p\u\  de  la  demoiselle  >•  aux  blanches  mains  ».  M.  Kœlbing  s'y  est  trompé  :  «  La 

e  du  héros,  dit-il,  semble  devoir  à   sa  nature  de  tée  le  privilège  de  pouvoir 
!  la  maîtresse  de  son  propre  fils  i.  Les  vers  4878  et  suivants  auraient  dû  lui 
',  r  cette  idée  singulière.  La  rédaction   en  prose  appelle  la   mère   de  Giglan 
■'  mchcvalec. 


6  G.    PARIS 

qu'après  la  mort  de  son  père  deux  enchanteurs,  Eurain  et  Mabon  (qu'il 
vient  de  tuer  l'un  après  l'autre),  ont  dévasté  sa  cité,  frappé  de  folie  ou  de 
mort  les  habitants,  et  l'ont  changée  elle-même  en  cette  guivre  mons- 
trueuse qu'il  a  vue  ;  elle  aurait  pu  acheter  sa  grâce  en  consentant  à 
épouser  Mabon,  mais  elle  s'y  est  toujours  refusée,  sachant  qu'elle  serait 
délivrée  si  elle  pouvait  donner  un  baiser  au  meilleur  chevalier  de  la  Table 
Ronde,  c'est-à-dire  à  Gauvain  ou  à  son  fils  Guinglain.  Celui-ci  l'a  en 
effet  désenchantée;  du  même  coup  elle  redevient  maîtresse  de  sa  ville  et 
des  trois  royaumes  qui  en  dépendent,  et  elle  offre  à  son  libérateur  et  sa 
personne  et  son  empire. 

Il  est  clair  que  le  roman  devrait  s'arrêter  là  pour  ressembler  aux  autres 
romans  biographiques,  ou  du  moins  se  borner  à  nous  raconter  le  retour  de 
Guinglain  à  la  cour,  sa  reconnaissance  avec  son  père,  et  son  mariage 
avec  Blonde  Esmerée,  et  nous  verrons  en  effet  que  le  récit  qui  a  servi 
de  source  à  Renaud  de  Beaujeu  se  terminait  de  cette  façon  naturelle. 
Mais  notre  poète  l'a  abandonné  pour  donner  à  la  première  partie  du 
roman  une  suite  qu'il  ne  comportait  pas  et  qui  n'a  pas  laissé  de  l'embar- 
rasser pour  son  dénouement  :  évidemment  séduit,  comme  son  héros,  par 
la  belle  hôtesse  de  l'Ile  d'Or,  il  lui  a  attribué,  pour  cette  seconde  partie, 
un  rôle  assez  différent  de  celui  qu'elle  devait  avoir  dans  le  conte  original 
et  qui  re  cadre  pas  bien  avec  le  reste.  Il  est  de  règle,  en  effet,  dans  les 
romans  de  ce  genre,  que  le  héros  n'a  qu'un  amour,  celui  qui  le  meneau 
mariage  final,  ou  que  du  moins,  s'il  en  a  d'autres,  ils  disparaissent  devant 
celui-là  ;  mais  ici  c'est  tout  le  contraire  que  nous  voyons  arriver.  Quand 
Blonde  Esmerée  déclare  à  son  libérateur  qu'elle  veut  faire  de  lui  son 
époux,  Guinglain  lui  montre  «  beau  semblant  «,  mais  il  déclare  qu'il  ne 
peut  prendre  d'engagement  avant  d'avoir  le  consentement  du  roi  Arthur. 
En  réalité,  il  ne  songe  qu'à  la  «  fée  »  (on  lui  donne  ici  ce  nom  pour  la 
première  fois)  de  l'Ile  d'Or;  il  la  revoit  sans  cesse  telle  qu'elle  lui  est 
apparue  dans  cette  nuit  où  elle  l'a  visité,  il  se  reproche  la  façon  discour- 
toise dont  il  a  agi  envers  elle,  et  doute  qu'elle  lui  pardonne  jamais.  Au 
moment  où  la  reine  de  Galles,  qui  a  présenté  Guinglain  à  ses  barons 
comme  son  futur  époux,  s'apprête  à  partir  avec  lui  pour  la  cour  d'Ar- 
thur, il  lui  déclare  qu'une  affaire  pressante  l'oblige  de  la  laisser  aller 
seule.  Elle  s'en  désole,  mais  continue  son  chemin,  et  Guinglain,  accom- 
pagné de  son  fidèle  écuyer  Robert,  se  dirige  aussi  rapidement  que  pos- 
sible vers  l'Ile  d'Or. 

Il  rencontre  la  fée,  puisqu'elle  s'appelle  désormais  ainsi,  qui  revient  de 
la  chasse;  il  s'approche  d'elle  et  demande  à  lui  parler  à  part  ;  il  implore 
son  pardon  ;  elle  feint  d'abord  de  ne  pas  le  reconnaître,  puis  lui  reproche 
sa  conduite  et  lui  déclare  qu'elle  ne  le  punit  pas  comme  elle  le  devra' 
cause  de  l'amour  qu'elle  a  éprouvé  pour  lui,  mais  qu'elle  ne  l'aimera       ^ 


^ViS 


r.UINGLAlN    OU    LE    BEL    INCONNU  7 

jamais,  a  Éh  bien  !  dit  Guinglain ,  je  resterai  au  moins  dans  votre  voisi- 
nage, et  j'y  mourrai  assurément  sans  beaucoup  attendre.  »  En  effet,  il 
va  prendre  son  logis  non  loin  du  palais  de  sa  belle,  et  bientôt  l'insomnie, 
le  jeûne,  le  chagrin,  le  rédi  lient  près  de  l'extrémité.  Mais  un  jour  la 
dame  le  fait  mander;  il  arrive  et  lui  parle  de  ses  maux.  «  Je  ne  crois  pas, 
dit-elle,  que  ce  soit  pour  moi  que  vous  souffriez,,  et  en  tout  cas  je  serais 
bien  folle  de  vous  donner  une  seconde  fois  mon  amour  :  vous  me  trom- 
periez encore  et  vous  en  iriez  comme  l'autre  jour.  «  Guinglain  proteste, 
s'excuse,  et 

La  dame  li  fait  un  regart, 
Et  Guingiains  li  de  l'autre  part: 
A  iols  s'enblent  les  cuer.s  andui... 
Puis  li  a  dit  :  «  Li  miens  amis, 
Meut  mar  i  fu  vostre  proece, 
Vostre  sens  et  vostre  largece. 
Qu'en  vos  n'a  rien  a  amender 
Fors  tant  que  ne  savés  amer. 
Mar  fustes  quant  vos  ne  savés  ; 
Totes  autres  bontés  avés. 
Et  je  vos  di  en  voir  gehir... 
Plus  vos  amasse  que  nului 
Se  vos  iço  faire  saviés.  »  (V.  432^) 

Elle  l'invite  cependant  à  venir  habiter  avec  elle,  et  chacun  lui  fait  fête. 
Le  soir  venu,  elle  lui  indique  un  lit  magnifique,  où  il  doit  reposer,  et  lui 
recommande,  bien  que  la  porte  de  la  chambre  où  elle  dort  soit  toute 
proche  de  ce  lit  et  qu'elle  la  laisse  ouverte,  de  ne  pas  y  entrer  pendant 
la  nuit  : 

«  Gardés  ne  soiés  tant  engrès 

Que  en  ma  cambre  entrés  a  nuit  : 

Paor  me  fériés  vos,  je  cuit; 

Ne  le  faites  sans  mon  commant.  »  (V.  4414) 

Guinglain  ne  peut  résister  longtemps  à  la  tentation.  Au  milieu  de  la 
nuit,  il  se  lève  et  veut  aller  chez  la  fée  ;  mais  il  ne  peut  trouver  la  porte, 
et  se  voit  tout  à  coup  au  milieu  d'une  étroite  planche,  au-dessus  d'un 
torrent  tumultueux,  n'osant  ni  avancer  ni  reculer.  Le  vertige  le  prend, 
il  tombe  et  se  retient  à  la  planche  ;  il  sent  ses  bras  s'affaiblir  et  lâcher 
prise,  et  se  met,  éperdu,  à  demander  du  secours  : 

«  Signor,  fait  il,  aidics,  aidiés 
Por  Dieu  !  car  je  serai  noies. 


Secorés  moi,  bone  gent  france, 

Car  je  petit  ci  a  une  plance. 

Ne  ne  me  puis  mais  retenir. 

Signor,  ne  m'i  laissiés  morir  !  »  (V.  4487) 

On  accourt  avec  de  la  lumière,  et  on  trouve  Guinglain  se  tenant  par 
les  mains  à  la  perche  d'un  épervier.  L'enchantement  dont  il  était  victime 
se  dissipe  dès  qu'on  arrive,  et  tout  honteux  il  se  remet  dans  son  lit.  Il  n'y 
reste  guère.  Il  s'étonne  de  s'être  laissé  prendre  à  cette  «  fantosmerie  >- 
et  se  décide  à  aller  voir  son  amie,  qui  est  si  près  de  lui.  Il  se  lève  ; 
mais  à  peine  a-t-il  fait  quelques  pas  qu'il  croit  soutenir  sur  sa  tète  et  ses 
épaules  toutes  les  voûtes  de  la  salle.  Plein  d'angoisse,  il  s'écrie  : 

«  Signor,  fait  il,  aiue  !  aiue  ! 
Bone  gens,  qu'estes  devenue  ? 
Sor  lo  col  me  gist  ois  palais  : 
Ne  puis  plus  soustenir  cest  fais; 
A  mort,  ce  cuit,  serrai  grevés 
Se  de  venir  ne  vos  hastés  !  » 
Lors  se  relievent  maintenant, 
Cierges  ont  espris  li  sergant  : 
Guinglain  ont  trové  corne  fol, 
Son  orillier  deseur  son  coi, 
Et  si  n'avoit  autre  besoigne. 
Quant  il  les  vit,  si  ot  vergoigne  : 
Jus  jeté  le  plus  tost  qu'il  pot 
L'orillier,  si  ne  sona  mot 
Ne  les  sergens  pas  n'araisonne  ; 
De  nule  rien  mot  ne  lour  sonne  : 
Son  cief  a  enbrucié  en  bas, 
Puis  s'est  couciés  en  es  le  pas 
Ens  en  son  lit  tosesmaris, 
Et  de  honte  tos  esbahis.  (V.  4557) 

Cette  fois  il  ne  songe  plus  à  renouveler  sa  tentative,  et  il  se  désole  si- 
lencieusement; mais  la  dame  le  trouve  suffisamment  puni,  et  elle  l'envoie 
chercher  par  une  demoiselle,  qui  l'introduit  dans  la  chambre  magnifique 
et  longuement  décrite  de  la  fée.  Celle-ci  n'a  plus  les  scrupules  qu'elle 
avait  montrés  lors  de  leur  première  entrevue  nocturne,  elles  deux  amants 
sont  heureux.  La  fée  raconte  à  Guinglain  qu'elle  l'aime  depuis  son  en- 
fance, où  elle  le  voyait  chez  sa  mère,  qu'elle  aurait  pu  le  retenir  la  pre-  ^.^ 
mière  fois,  mais  qu'elle  voulait  lui  laisser  accomplir  l'aventure  où  elh^j, 
savait  qu'il  se  couvrirait  de  gloire  et  qu'elle  lui  avait  d'ailleurs  procurée  ei-  "^ 
envoyant  Hélie  à  la  cour  d'Arthur  ;  c'est  elle  aussi  dont  la  voix,  après  L' 


GUINGLAIN    OU    LV.    BKL    INCONNi:  9 

défaite  de  Mabon  et  le  fier  baiser,  a  appris  à  Guinglain  qui  il  était.  Le 
lendemain  matin  elle  convoque  tous  ses  barons  et  leur  fait  reconnaître 
Guinglain  pour  seigneur,  mais  elle  ne  parle  plus  de  l'épouser. 

Cependant  Blonde  Esmerée  est  arrivée  à  la  cour  d'Arthur  et  y  attend 
vainement  Guinglain.  Elle  rdconte  qui  il  est  '  et  comment  il  l'a  délivrée, 
puis  a  disparu.  Pour  le  retrouver,  on  proclame  un  grand  tournoi,  pen- 
sant qu'il  voudra  y  prendre  part.  En  effet,  apprenant  cette  nouvelle, 
Guinglain  annonce  à  son  amie  qu'il  va  la  quitter  pour  aller  au  tournoi, 
mais  qu'il  reviendra  aussitôt.  Elle  lui  prédit  qu'il  ne  reviendra  pas,  qu'il 
trouvera  à  la  cour  une  femme  qu'on  lui  fera  épouser,  et  qu'il  est  perdu 
pour  elle.  Mais  voyant  sa  résolution,  elle  prend  elle-même  son  parti,  et 
le  lendemain  matin  Guinglain,  à  sa  grande  surprise,  se  réveille  dans  une 
lande,  ayant  à  côté  de  lui  ses  armes,  son  cheval  et  son  écuyer.  Il  se  rend 
au  tournoi,  dont  il  obtient  le  prix,  après  quoi  il  se  fait  connaître.  Arthur 
lui  demande  d'épouser  Blonde  Esmerée  : 

Li  roi  et  tuit  l'ont  tant  proie 

Que  Guinglains  ior  a  otroié.  (V,  60471 

C'est,  comme  on  le  voit,  un  mariage  de  raison.  Le  cœur  du  poète  est 
tout  entier  à  la  fée  de  l'Ile  d'Or  et,  bien  qu'après  son  mariage  Guinglain 
ne  dût  plus  penser  à  elle,  Renaud  de  Beaujeu,  dans  les  jolis  vers  qui 
terminent  son  roman,  manifeste  le  projet  de  les  réunir  dans  une  suite  de 
son  ouvrage  : 

Ci  faut  ii  roumans  et  define. 
Bele,  vers  cui  mes  cuers  s'acline, 
Renais  de  Biauju  moût  vos  prie 
Por  Diu  que  ne  l'obliés  mie  : 
De  cuer  vos  veut  tos  jors  amer, 
Ce  ne  li  poés  vos  veer. 
Quant  vos  plaira  dira  avant, 
U  il  se  taira  ore  a  tant  ; 
Mais  por  un  biau  sanblant  mostrcr 
Vos  feroit  Guinglain  recovrer 
S'amie  que  il  a  perdue... 
Se  de  çou  li  faites  délai, 
Si  est  Guinglain  en  tel  esmai 
Que  ja  mais  n'avéra  s'amie. 


I .  On  s'attendrait  à  ce  que  Gauvain,  quand  il  apprend  que  le  jeune  héros  est 

SOT  -,  manifestât  une  grande  joie.    Le  poète  dit   simplement  (v.    ^142):  Et 

\V*'  '  (jueses  fius  cstoit  Et  que  la  fa  amcc  avait.  Il  est  vrai  qu'il  y  a  une  lacune 

^\>iS  -es  vers,  mais  elle  doit  être  d'un  vers  seulement. 


D'autre  vengeance  n'a  il  mie; 

Mais  por  la  soie  grani  grevance 

Ert  sur  Guinglain  ceste  vengeance, 

Que  jamais  jou  n'en  parlerai 

Tant  que  le  bel  sanblant  avrai.  (V.  6105) 

Il  faut  croire  que  notre  aimable  poète  n'obtint  pas  le  «  beau  semblant  >^ 
qu'il  demandait,  car  nous  ne  trouvons  aucune  trace  d'une  continuation 
de  son  poème.  Dans  ce  poème,  à  plus  d'un  autre  endroit,  Renaud  de 
Beaujeu  se  met  en  scène  et  s'adresse  à  sa  dame,  et  ces  passages  sont 
parmi  les  plus  agréables  de  son  oeuvre  ;  ils  rappellent  les  interruptions 
du  même  genre  qui  se  trouvent  dans  Partenopeus  de  Blois.  C'est  pour 
plaire  à  celle  qu'il  aime  «  outre  mesure  »,  nous  dit-il  dès  le  début,  qu'il 
a  composé  son  roman,  et  pour  lui  montrer  ce  qu'il  sait  faire.  Plus  loin, 
et  sans  que  le  récit  fournisse  un  prétexte  à  cette  digression,  il  insiste  sur 
sa  loyauté  envers  celle  qu'il  n'a  pas  le  droit  de  nommer  «  amie  »,  mais 
qu'il  peut  appeler  «  bien  amée,  »  et  parle  avec  une  indignation  peut-être 
habile  de  ceux  qui  prennent  l'amour  légèrement  : 

Ce  dient  cil  qui  vont  trecant, 

Li  uns  le  va  l'autre  contant  : 

«  Peciés  n'est  de  feme  traïr.  » 

Mais  laidement  sevent  mentir, 

Ains  meut  est  grans  peciés,  par  m'ame. 

Or  vos  penserés  d'une  dame 

Qui  n'avéra  talent  d'amer  : 

Vers  li  irés  tant  sermonner 

Que  sera  souprise  d'amor, 

Tant  li  prières  cascun  jor 

Bien  li  pores  son  cuer  enbler... 

Por  vos  tos  ses  amis  perdra 

Et  son  mari,  qui  Pâmera  : 

Quant  en  avrés  tôt  vo  voloir, 

Adont  la  vaurés  décevoir  ! 

Mal  ait  qui  s'i  acostuma 

Et  qui  ja  mais  jor  le  fera  ! 

Cil  qui  se  font  sage  d'amor. 

Cil  en  sont  faus  et  traïtor. 

Por  ço  mius  vueil  faire  folie 

Que  ne  soie  loiaus  m'amie: 

Ce  qu'ele  n'est  l'ai  apelee; 

Que  dirai  dont .?  la  moût  amee.  f 

S'cnsi  l'apel,  voir  en  dirai  ;  " 

S'amiedi,  lors  mentirai,  à 


GUINGLAIN    OU    LE    BEL    INCONNU  I  I 

Car  moi  n'en  fait  ele  sanblant. 

Las  !  por  li  muir,  et  por  li  cant  !  (V.  1232) 

Il  se  plaint  encore  ailleurs  de  la  cruauté  de  celle  qu'il  a  aimée  dès  le 
premier  jour  qu'il  l'a  vue  : 

De  moi  ocire  ne  repose, 

Et  je  l'aim  plus  que  nu!e  cose  !  (V.  41 18) 

Et  en  racontant  le  bonheur  de  Guinglain,  il  fait  un  retour  sur  lui- 
même,  et  déclare  encore  que  toutes  les  peines  de  l'amour  sont  largement 
payées  par  la  récompense  qu'il  peut  donner.  Il  part  de  là  pour  faire 
l'éloge  des  dames  et  blâmer  sévèrement  ceux  qui  médisent  d'elles  : 

Dius  les  fist  de  si  grant  vertu  : 

De  tes  biens  les  forma  et  fist, 

Et  biauté  a  eles  eslist  ; 

Et  Dius  nos  vaut,  ce  cuic,  former 

Por  eles  toutes  honerer 

Et  por  lor  comandement  faire.  (V.  4751) 

Si  nous  ne  possédons  pas  d'autre  roman  de  Renaud  de  Beaujeu,  nous 
avons  une  chanson  dont  il  est  l'auteur,  et  qui  nous  permet  d'établir 
approximativement  le  temps  où  il  vivait.  En  effet  le  premier  couplet  de 
cette  chanson  est  cité  '  sous  le  nom  de  «  Renaut  de  Biauju  »,  dans  le 
roman  de  GullLiume  de  Dole ^  qui,  comme  on  peut  l'établir  par  un  ensemble 
de  preuves  convergentes,  a  été  écrit  dans  les  dix  ou  douze  premières 
années  du  xiii''  siècle.  Renaud  de  Beaujeu  a  donc  composé,  sinon  son 
roman,  au  moins  sa  chanson,  avant  1 2 1 2,  et  sans  doute  un  certain  temps 
avant,  puisqu'elle  était  dès  lors  devenue  célèbre.  Elle  présente  bien  d'ail- 
leurs les  sentiments  et  la  manière  de  l'auteur  du  fie/ /«connu.  On  en  jugera 
par  le  premier  couplet,  qui  ressemble  de  fort  près  aux  passages  qui 
viennent  d'être  cités  : 

Loial  amor  qui  en  fin  cuer  s'est  mise 
N'en  doit  ja  mais  partir  ne  removoir, 
Que  la  dolor  qui  destreint  et  justise 
Semble  douçor  quant  l'en  la  puet  avoir. 
Qui  en  porroit  morir  en  bon  espoir 
Gariz  seroit  devant  Deu  au  juïse; 
Por  ço  m'en  lo  quant  plus  me  fait  doloir. 


Jûhrbuck  fur  romanischc  Literatur,  XI,   161. 


Cette  chanson  soulève  en  outre  une  question  assez  curieuse.  Elle  ne 
porte  le  nom  de  Renaud  de  Beaujeu  que  dans  Guillaume  de  Dole^  qui  a 
d'ailleurs  une  autorité  exceptionnelle  ;  elle  est  anonyme  dans  deux  ma- 
nuscrits de  Paris  ',  mais  dans  le  célèbre  chansonnier  de  Berne  elle  se 
retrouve  (fol.  124]  accompagnée  de  cette  rubrique  :  Li  alens  de  dallons. 
On  a  cru  voir  -  dans  ces  mots  l'altération  du  nom  d'un  chevalier  dont 
nous  avons  trois  autres  chansons,  Alart  de  Chaus  ou  de  Caus,  mais  c'est 
une  conjecture  peu  vraisemblable  ;  il  est  bien  plus  probable  que  le  rubri- 
cateur  du  manuscrit  de  Berne,  qui  était,  comme  on  sait,  fort  ignorant  et 
fort  distrait,  a  mal  lu  et  mal  reproduit  l'indication  qu'il  devait  copier  et 
qui  portait  :  Li  cuens  de  Challons.  Cette  restitution  nous  ferait  voir  dans 
Renaud  de  Beaujeu  un  comte  de  Chalon  ;  malheureusement  nous  ne 
trouvons  pas,  à  l'époque  où  il  vivait,  de  comte  de  Chalon  qui  ait  porté  le 
nom  de  Renaud,  bien  qu'il  y  ait  eu  plus  d'un  rapport  entre  la  maison  de 
Beaujeu  et  celle  de  Chalon  ;  nous  ne  rencontrons  pas  non  plus,  à  l'époque 
où  a  dû  vivre  notre  poète,  de  Renaud  parmi  les  membres  de  la  famille 
de  Beaujeu  dont  le  nom  est  venu  jusqu'à  nous.  Nous  croyons  toutefois 
probable  que  l'auteur  du  Bel  Inconnu  appartenait  à  cette  grande  maison 
de  Beaujeu  qui  donna  à  la  France  tant  d'illustres  hommes  de  guerre,  et 
qui,  dès  le  milieu  du  xii*^  siècle,  lui  avait  donné  un  poète  célèbre,  Gui- 
chard  de  Beaujeu.  Le  roman  de  Renaud  a  bien  l'air  d'avoir  été  écrit  par 
un  chevalier,  par  un  homme  du  monde,  plutôt  que  par  un  poète  de  pro- 
fession ;  les  négligences  même  qu'on  y  remarque  décèlent  cette  origine, 
et  on  peut  en  retrouver  des  traces  jusque  dans  les  libertés  que  l'auteur  a 
prises  avec  son  sujet,  et  qui  dépassent  celles  que  se  sont  permises  d'or- 
dinaire les  auteurs  de  romans  analogues. 

Nous  avons  déjà  dit  en  effet  que  Renaud,  pris  d'un  intérêt  particulier 
pour  la  belle  habitante  de  l'Ile  d'Or,  lui  avait  sacrifié  la  véritable  héroïne 
du  récit,  et  avait  détruit  par  là  même  l'unité  et  la  proportion  de  ce  récit. 
C'est  ce  qui  résulte  clairement  de  la  comparaison  de  son  œuvre  avec  un 
poème  anglais  qui  a  certainement  la  même  source,  mais  qui  la  représente 
plus  fidèlement.  Ce  poème,  appelé  d'un  titre  français  Ly  beaus  desconus, 
n'est  pas,  comme  on  l'a  dit  5,  une  traduction  abrégée  du  roman  de  Re- 
naud de  Beaujeu.  C'est  ce  que  suffit  à  montrer  une  comparaison  rapide 
des  deux  ouvrages.  Pour  la  faire  nous  nous  servons  des  trois  manuscrits 
du  poème  anglais  qui  ont  été  imprimés  ou  collationnés,  et  qui  présentent 
entre  eux  certaines  différences  que  nous  signalerons  quand  elles  en  vau- 


1.  B.  N.,  ms.  fr.  846, /o/.  78  a;  ms.  fr.  20050,70/.  19. 

2.  Raynaud,  Bibliographie  des  Chansonniers,  t.  II,  p.  175,  231. 

;.   Hippeau,  Le  Bel  Inconnu,  p.  xxiv;  Ward,  Catalogue  of  romances,  p.  400. 


GUINGLAIN    OU    LE    BEL    INCONNU  I  5 

dront  la  peine.  L'un  de  ces  manuscrits,  conservé  depuis  longtemps  au 
Musée  Britannique  (Bibl.  Cottonienne,  Caligula  A.  ii.l,  a  été  publié  au 
XYiii*^  siècle  par  Ritson  '  ;  M.  Hippeau,  le  croyant  inédit,  l'a  réimprimé 
à  la  suite  du  poème  de  Renaud ,  en  demandant  pardon  aux  savants  anglais 
de  les  avoir  devancés.  Un  second  manuscrit,  qui  se  trouve  à  Naples,  a 
été  l'objet  d'une  collation  soigneuse  de  la  part  de  M.  E  Kôlbing  En- 
glische  Stiidien,  t- 1,  P-  121  et  suiv.).  La  troisième  copie,  qui  n'est  que  du 
xvii"'  siècle,  est  dans  le  fameux  manuscrit  que  possédait  l'évêque  Thomas 
Percy  et  qui  est  maintenant  au  Musée  Britannique  [Addiîional  27879;  ; 
elle  a  été  imprimée  avec  le  manuscrit  entier  par  MM.  Haies  et  P^urni- 
vall  -.  Des  trois  autres  mss.  on  ne  connaît  que  quelques  passages  com- 
muniqués par  les  éditeurs  du  manuscrit  Percy. 

Le  poème  anglais,  bien  que  beaucoup  plus  bref  que  le  français,  pré- 
sente une  introduction  qui  manque  à  ce  dernier.  Nous  apprenons  tout  de 
suite  que  Guinglain  ?  a  été  engendré  par  Gauvain  «  à  la  lisière  d'une 
forêts  i.  ;  il  a  été  élevé  dans  cette  forêt  par  sa  mère,  et  c'est  parce 
qu'un  jour  il  a  rencontré  un  chevalier  dont  il  a  admiré  l'armure  qu'il  se 
rend  à  Glastonbury,  à  la  cour  d'Arthur,  et  lui  demande  d'abord  de  le 
faire  chevalier,  ensuite  de  lui  accorder  le  premier  combat  qui  se  pré- 
sentera. Arrive  Elene  (c'est  le  nom  que  porte  ici  Hélie)  accompagnée 
de  son  nain  Teaudelayn,  et  les  aventures  se  succèdent,  avec  de  légères 
différences  5,  comme  dans  le  roman  français.  Mais  le  caractère  et  le  rôle 
de  la  belle  châtelaine  de  l'Ile  d'Or  sont  autres,  et  tels  que  nous  avons  sup- 
posé qu'ils  devaient  être  originairement.  Elle  est  appelée  «  la  Dame 
d'amour,  »  et  est  une  véritable  enchanteresse,  qui  ne  fait  qu'arrêter  le 
héros  dans  le  cours  de  sa  vraie  carrière.  Elle  le  retient  fasciné  '=  pendant 


i.  Ritson,  Ancicnt  Engleish  metrical  romances,  t.  II,  p.  i  ;  Hippeau,  Le  Bel 
Inconnu,  p.  xxiv,  241. 

2.  Percy's  Folio  manuscript,  t.  II,  p.  41 5. 

3.  Les  mss.  parlent  :  Gyngelayn,  Ginglûine,  Gingclyane,  Gingelagne,  Geyn- 
leyn,  Gynleyn. 

4.  Cf.  ci-dessous,  p.  18.  Ainsi  le  poème  anglais  se  rattache  au  conte  inséré 
dans  le  Pcrceval. 

5.  Voy.  ci-dessus,  p.  2,  n.  i.  Bliobliéris  est  appelé  ici  William  Cele- 
bronche  (confusion  avec  le  Guillaume  de  Salebrant  qui,  dans  le  français  est  un  de 
ses  trois  amis);  la  jeune  fille  délivrée  des  géants  se  nomme  Violette  et  a  pour 
père  le  comte  Antor,  qui  l'offre  à  son  libérateur;  Gifflet,  '  le  fils  Do,  devient 
■(  Gyfiroun  le  fludous  »  ;  l'épisode  de  l'Orgueilleux  de  la  Lande  (ici  «  Otes  de 
Lile  »)  est  assez  différent,  etc.  Le  poème  anglais  contient  même  en  plus  un  ou 
deux  épisodes  d'ailleurs  insignifiants. 

6.  «  Cette  belle  dame  savait  beaucoup  de  sortilège  ;  elle  lui  faisait  entendre 
des  mélodies  de  toutes  les  sortes  d'instruments  qu'on  pouvait  imaginer.  Quand 
il  voyait  son  visage,  il  lui  semblait  qu'il  était  vivant  en  paradis;  ainsi  elle  lui 
troublait  les  yeux.  » 


14  ti.    PARIS 

douze  mois  et  plus  ' ,  et  c'est  alors  seulement  qu'Elene  réussit  à  lui  faire 
honte,  à  lui  rappeler  l'engagement  auquel  il  manque,  et  à  le  faire  sortir 
du  château  de  l'Ile  d'Or,  où  il  ne  revient  plus.  Cet  épisode,  dans  l'anglais, 
est  d'ailleurs  traité  fort  brièvement,  et  a  sans  doute,  comme  nous  le  ver- 
rons, omis  des  traits  importants.  Arrivé  à  Sinaudon,  Guinglain,  après 
un  combat  qui  ressemble  d'assez  près  à  celui  du  poème  français,  délivre, 
en  recevant  le  baiser  du  serpent,  la  princesse  enchantée  sous  cette  forme 
elle  n'est  pas  nommée)  ;  ce  qui  est  plus  naturel  que  chez  Renaud,  c'est 
que  la  délivrance  a  lieu  dès  que  le  baiser  est  donné,  et  que  la  princesse 
est  aussitôt  devant  lui,  «  nue  comme  quand  elle  est  née,  et  tout  son 
corps  tremblant  ».  L'épisode  de  la  voix  qui  parle  à  Guinglain  fait  complè- 
tem.ent  défaut:  après  la  délivrance  de  la  princesse,  Guinglain,  qui  natu- 
rellement accepte  avec  joie  la  main  qu'elle  lui  offre,  et  qui  reçoit  aussitôt 
les  hommages  de  ses  nouveaux  vassaux,  se  rend  avec  elle  à  la  cour 
d'Arthur.  Là  vient  aussi  la  mère  de  notre  héros ,  qui  dans  le  poème 
anglais  n'est  nullement  une  fée  ;  elle  présente  à  Gauvain  le  fils  qu'elle  a 
eu  de  lui  et  qui  fait  tant  d'honneur  à  son  père.  Gauvain  bénit  les  jeunes 
époux,  la  noce  se  célèbre,  et  le  poème  finit-. 

L'auteur  dit  expressément  qu'il  suit  un  modèle  français  S  et  les  noms 
français  qui  sont  restés  dans  son  ouvrage  suffiraient  à  le  démontrer  ;  mais 
l'analyse  qu'on  vient  de  lire  prouve  que  ce  modèle  n'était  pas  le  poème  de 
Renaud.  C'était  un  poème  qui  ressemblait  beaucoup  à  ce  dernier,  et  qui 
présentait  déjà  les  noms  du  «  Bel  Desconeù  »,  de  1  Ile  d'Or,  de  Mauger  le 
Gris,  de  Lampart,  de  Sinaudon,  des  enchanteurs  Eurain  (angl.  Irain)  et 
Mabon,  mais  qui  ne  faisait  du  séjour  de  Guinglain  auprès  de  l'enchante- 
resse de  l'Ile  d'Or  qu'un  épisode  au  milieu  des  autres  et  n'y  revenait  pas 
une  seconde  fois  4.  Renaud  de  Beaujeu  a  eu  ce  même  poème  sous  les 
yeux  et  l'a  transformé  comme  on  l'a  vu,  au  détriment  de  l'unité  d'action 
de  son  poème  et  du  caractère  de  son  héros.  Quant  au  récit  lui-même, 
nous  pouvons  en  indiquer  une  forme  plus  ancienne  encore  que  celle  du 


1 .  Dans  le  manuscrit  de  Naples  il  n'est  parlé  que  de  trois  semaines. 

2.  Cette  fin  n'est  complète  que  dans  deux  mss  (Naples  et  Ashmole)  ;  dans  le 
ms.  de  Lincoin's  Inn,  il  manque  la  strophe  où  paraît  la  mère  de  Guinglain  ;  les 
mss.  Cotton  et  Lambelh  omettent  les  trois  strophes  relatives  au  père  et  à  la 
mère  ;  le  ms.  Percy  s'arrête  au  moment  où  Guinglain  et  sa  fiancée  partent  pour 
la  cour. 

j.  V.  222,  2  122  des  éditions  Ritson  et  Hippeau 

4.  On  pourrait  croire  aussi  que  l'auteur  anglais  a  remanié  et  simplifié  le 
poème  trançais;  mais  c'est  fort  peu  vraisemblable  :  le  poète  anglais  aurait  re- 
trouvé d'instinct  la  forme  que  la  comparaison  avec  Cardinno  nous  montre  avoir  ■ 
été  la  forme  primitive.  M.  Kœlbing,  dans  le  travail  cité  plus  haut,  a  porté  Icj 
même  jugement  que  nous  sur  le  rapport  des  deux  poèmes.  \ 


GUINGLAIN    OU    LE    BEL    INCONNU  I  5 

poème  où  ont  puisé  à  la  fois  Renaud  de  Beaujeu  et  l'auteur  de  la  version 
anglaise. 

Cette  forme  nous  a  été  conservée,  plus  ou  moins  fidèlement,  dans  le 
petit  poème  italien  àeCarduino,  quia  éié  composé  dans  la  seconde  moitié 
du  xiv-'  siècle,  peut-être  par  Antonio  Pucci,  auteur  de  plusieurs  ouvrages 
du  même  genre,  et  dont  M.  Pio  Rajna  nous  a  donné  il  y  a  quelques  an- 
nées la  première  et  très  bonne  édition.  Carduin,  qui  joue  ici  le  rôle  de 
Guinglain,  n'est  pas  le  fils  de  Gauvain  :  son  père  Dondinel  a  été  empoi- 
sonné à  la  cour  d'Arthur,  dont  il  était  le  favori,  par  Mordretet  ses  frères 
parmi  lesquels,  l'auteur  le  dit  expressément,  était  Gauvaim,  et  à  cause 
de  cela  la  mère  s'est  retirée  avec  l'enfant  dans  une  forêt  sauvage,  où  il 
grandit  seul,  dans  l'ignorance  absolue  du  monde,  croyant  même  qu'il  n'y 
a  pas  d'autres  humains  que  sa  mère  et  lui,  vivant  et  se  couvrant  de  la 
chair  et  de  la  peau  des  bêtes  qu'il  tue.  Mais  un  jour  il  rencontre  le  roi 
Arthur  avec  ses  hommes  :  les  chevaux  et  les  chevaliers  l'émerveillent  ;  il 
déclare  à  sa  mère  qu'il  veut  connaître  le  monde  qu'il  a  entrevu,  elle  y 
consent,  et  le  mène  à  la  ville,  où  elle  lui  procure  des  vêtements  et  des 
armes.  La  ressemblance  entre  ce  début  et  celui  du  Perceval  est  évidente  ; 
M.  Rajna  ■  a  cependant  remarqué  avec  raison  que  certains  traits  sont  ici 
plus  primitifs  que  dans  l'œuvre  de  Chrétien  de  Troies,  et  il  a  conjecturé 
que  l'auteur  de  Carduino  pouvait  bien  avoir  connu  une  forme  du  Perceval 
'<  plus  simple  et  plus  authentique ^  ».  La  supposition  est  juste  au  fond, 
mais  il  n'est  pas  nécessaire  d'admettre  que  dans  la  source  du  rimeur  ita- 
lien le  héros  de  l'aventure  ait  déjà  été  Perceval.  Si  nous  comparons  à  son 
récit  celui  du  poème  anglais,  nous  voyons  que  là  aussi  la  mère  de  Guin- 
glain habite  une  forêt  solitaire,  et  élève  son  fils  dans  l'ignorance  du 
monde,  d'où  le  tire  une  rencontre  avec  des  chevaliers.  Ce  trait  de  l'ancien 
conte  est  déjà  bien  atténué  dans  l'anglais,  et  Renaud  de  Beaujeu  l'a 
presque  tout  à  fait  supprimé  5,  mais  ce  qui  reste  suffit  à  nous  montrer 
qu'il  était  primitif.  C'est  d'ailleurs  un  lieu  commun  celtique,  et  Chrétien 
l'a  pris  n'importe  où  pour  l'appliquer  au  héros  de  son  Conte  du  graal  ; 
nous  le  retrouvons  par  exemple,  avec  des  traits  tout  particuliers  et  d'autres 
qui  ressemblent  de  fort  près  à  ceux  du  poème  champenois,  dans  le  lai  de 
Tyolet4  et  ailleurs  encore. 


1.  Rajna,  Carduino,  p.  xxviï. 

2.  M.  Rajna  n'aurait  pas  dû  d'ailleurs  comprendre  dans  .«a  comparaison  les 
6oo  premiers  vers  de  l'édition  du  Perceval,  particuliers  au  manuscrit  de  Mons. 
et  qui  ne  sont  certainement  pas  de  Chrétien. 

3.  On  en  trouve  des  traces,  comme  l'ignorance  oij  Guinglain,  appelé  seule- 
;  lement  Bels  fils  par  sa  mère,  est  resté  de  son  vrai  nom  (voy.  ci-dessus),  etc. 

4.  Romania,  t.  VIII,  p.  40. 


Carduin  se  rend  à  la  cour  d'Arthur,  et  l'aventure  du  désenchante- 
ment de  la  belle  changée  en  serpent  se  présente  aussitôt  à  lui.  Elle  s'ap- 
pelle ici  Béatrice,  et  sa  sœur,  qui  remplit  le  rôle  de  la  demoiselle  Hélie, 
raconte  tout  de  suite  au  roi  qu'il  s'agit  pour  un  chevalier  hardi  de  déli- 
vrer Béatrice  d'un  enchanteur,  qui,  pour  se  venger  de  son  refus,  a  désolé 
son  pays  et  l'a  réduite  elle-même  au  plus  triste  sort.  Entre  le  départ  de 
la  cour  et  l'arrivée  à  la  ville  enchantée,  Carduin  ne  rencontre  que  trois 
aventures  :  l'une  est  le  meurtre  d'un  chevalier  qui  veut  lui  ravir  sa  com- 
pagne de  route,  et  qui  se  trouve,  à  la  grande  )oie  de  Carduin,  êtreCuer- 
riès,  frère  de  Mordret,et  celui  même  qui  avait  remis  le  poison  au  père  de 
notre  héros  ;la  seconde  est  celle  delà  jeune  fille  délivrée  des  deux  géants, 
dont  le  récit  présente  une  remarquable  coïncidence  tant  avec  le  poème 
anglais  qu'avec  le  poème  français  ;  enfin  la  troisième  (qui  est  la  première 
dans  l'ordre  du  récit)  mérite  de  nous  arrêter  un  instant  :  c'est  au  fond 
celle  de  la  fée  de  l'île  d'Or,  mais  avec  des  traits  particuliers.  Carduin,  la 
sœur  de  Béatrice  et  le  nain  arrivent  dans  un  château  dont  la  dame,  une  du- 
chesse, était  une  puissante  «  maîtresse  d'art.  »  Elle  dit  fort  nettement  à 
Carduin,  après  lesouper:«  Tu  connais  la  coutume  constante  :  je  veux  que 
tu  dormes  avec  moi  cette  nuit.  »  Seulement  elle  ajoute  cette  restriction: 
«  Ecoute-moi  bien.  Quand  je  t'appellerai,  ne  viens  pas;  si  jeté  dis  de  ne  pas 
venir,  tu  viendras.  Fais  toujours  le  contraire  de  ce  que  je  te  dis.  »  Carduin 
le  promet,  mais  quand,  de  sa  chambre  voisine,  elle  l'appelle  et  lui  dit  : 
«  Entre  ici,  chevalier  » ,  il  oublie  la  recommandation  et  s'élance.  Aussitôt  il 
entend  des  mugissements  comme  ceux  d'une  mer  irritée  et  il  sent  un  vent  de 
tempête  ;  des  géants  le  saisissent  et  le  pendent  par  les  mains  au-dessus 
de  l'eau  qu'il  croit  voir,  il  passe  ainsi  toute  la  nuit  à  dondolare,  jusqu'à 
ce  que  le  jour  rompe  l'enchantement.  Carduin  tout  confus  quitte  le  château 
sans  prendre  congé.  La  sorcière  joue  ici,  comme  dans  le  poème  anglais, 
un  rôle  purement  épisodique,  quoique  bien  moins  important.  Mais  ce 
qui  est  remarquable,  c'est  la  présence  dans  le  poème  italien  du  trait  de 
la  fascination  du  héros,  que  le  poète  anglais  a  supprimé  ou  s'est  borné  à 
indiquer  vaguement,  et  que  le  poète  français  a  retiré  de  l'endroit  où  il 
devait  se  trouver  pour  le  reporter  ailleurs  et  le  motiver  tout  autrement. 
Il  est  probable  que  la  source  commune  accordait  à  l'épisode  de  l'enchan- 
teresse à  peu  près  l'importance  et  la  durée  qu'il  a  dans  le  poème  anglais, 
et  y  insérait  l'histoire  de  la  fascination  subie,  une  nuit  seulement  ou  deux 
nuits  de  suite,  par  le  héros.  Cette  fascination  même  est  tout  à  fait  du 
genre  de  celles  que  nous  trouvons  dans  plusieurs  romans  ou  chansons 
de  geste  du  moyen-âge,  et  paraît  répondre  plus  particulièrement  à  cer- 
taines conceptions  de  l'imagination  germanique. 

Le  dénouement  du  poème  mérite  aussi  notre  attention.  Il  n'y  a  icil 
qu'un  enchanteur  au  lieu  de  deux,  ce  qui  est  plus  naturel,  et  non  seulemera 

// 


GUlNCLAlN    OU    LE    BEL    INCONNU  I7 

il  a  changé  Béatrice  en  serpent,  il  a  encore  métamorphosé  en  toutes 
sortes  de  bêtes  tous  les  habitants  de  la  cité,  et  en  rochers  les  édifices  et 
les  maisons  qui  la  formaient,  sauf  le  palais  où  il  habite.  Instruit  par  le 
nain  qui  remplace  ici  Lampart  ',  Carduin  tue  le  magicien,  et  brise  un 
anneau  qu'il  trouve  dans  sa  ceinture  et  auquel  était  sans  doute  attachée 
sa  puissance-.  Ensuite  a  lieu  le  «  fier  baiser  "  ;  seulement,  au  lieu  que 
ce  soit  la  guivre  qui  le  donne  au  héros,  comme  dans  les  deux  poèmes 
sur  Guinglain,  c'est  lui  qui  a  le  courage  de  la  baiser  in  bocca,  ce  qui 
est  encore  visiblement  plus  naturel  et  plus  ancien.  Aussitôt  non  seulement 
Béatrice,  mais  tous  ses  sujets  reprennent  forme  humaine,  et  te  poème  se 
termine  par  le  mariage  de  Carduin,  devenu  un  des  premiers  chevaliers 
de  la  Table  Ronde,  avec  la  belle  princesse  qu'il  a  délivrée. 

On  voit  que  le  poème  italien,  quoique  bien  postérieur  au  poème  fran- 
çais, représente  plus  fidèlement,  au  moins  dans  les  traits  essentiels,  le 
vieux  conte,  dont  celui-ci  s'éloigne  au  contraire  beaucoup.  Une  première 
modification  de  ce  conte,  qui  a  consisté  a  faire  du  héros  le  fils  de  Gau- 
vain,  s  est  produite  dans  la  source  commune,  perdue  aujourd'hui,  du 
rimeur  anglais  et  du  poète  français  ;  ce  dernier  a  fait  volontairement 
d'autres  chan-gements,  dont  il  est  maintenant  facile  de  se  rendre  compte. 
Le  vrai  sujet  du  récit,  devenu  déjà  moins  important  dans  le  poème  anglais 
et  encore  plus  effacé  dans  le  poème  français,  c'est  le  «  fier  baiser  »,  sur 
lequel  il  nous  reste  à  dire  quelques  mots. 

Cette  histoire  d'une  jeune  fille  changée  en  serpent  et  qui  ne  peut 
reprendre  sa  forme  humaine  que  s'il  se  rencontre  un  mortel  assez  coura- 
rageux  pour  lui  donner  un  baiser  se  retrouve  ailleurs  encore  dans  la  lit- 
térature arthurienne.  Elle  forme  un  épisode^,  d'ailleurs  fort  altéré  et 
maladroitement  rattaché  au  reste  du  récit,  du  roman  de  Lancekt,  mis 
en  allemand  par  Ulrich  de  Zatzikhoven  3 .  Mais  ce  n'est  pas  seulement  dans 
les  contes  bretons  que  cette  merveilleuse  histoire  figure  ;  elle  paraît 
d'origine  orientale  ou  au  moins  byzantine,  et  nous  la  trouvons  localisée 


1.  Un  détail  montre  combien  est  incontestable,  malgré  tant  de  divergences,  le 
lien  qui  attache  les  différentes  versions  de  notre  conte.  Le  nain  dit  ici  à  Carduin: 
«  Quand  tu  auras  frappé  ton  adversaire,  il  fuira  dans  une  chambre  voisine  ; 
garde-loi  bien  de  l'y  poursuivre,  car  son  dessein  est  de  revenir  par  un  détour 
connu  de  lui  et  de  te  frapper  par  derrière  «;  et  en  effet  c'est  ce  que  l'enchanteur 
essaie  plus  tard  de  faire.  Ce  trait  n'est  pas  dans  l'anglajs  ;  mais  il  a  laissé  dans 
le  français  une  trace  visible.  Lampart  dit  à  Guinglain  (v.  2807)  :  Et  tant  corn  vos 
amis  xo  vie,  Si  gardes  que  vos  n'entres  mi:  En  la  cambre  que  vos  verres;  mais  le 
motif  a  été  changé  (voy.  ci-dessus,  p.  4). 

2.  Nous  avons  ici  un  vrai  trait  de  conte  de  fées,  comme  le  montreraient  des 
•'-orochements  où  nous  ne  pouvons  entrer,  mais  assez  gravement  altéré. 

"'■'   Voyez  Rom.  X,  476,  477. 

i<om.in:a,  XIV.  2 


en  Grèce  et  singulièrement  reliée  à  des  souvenirs  de  l'antiquité  classique. 
Le  voyageur  anglais  Jean  de  Mandeville,  connu  par  ses  fables,  rapporte 
qu'en  passant  devant  l'île  de  Lango  (Cos),  il  entendit  raconter  que  la 
fille  du  fameux  Hippocrate  habitait  cette  île  sous  la  forme  d'un  dragon. 
Un  jour  un  jeune  homme,  ignorant  cette  circonstance,  avait  débarqué 
dans  l'île  et  y  avait  rencontré  une  jeune  fille  d'une  grande  beauté,  qui 
lui  avait  dit  de  revenir  le  lendemain,  et  de  lui  donner  un  baiser,  sans 
s'effrayer  de  l'apparence  sous  laquelle  il  la  verrait  :  il  la  délivrerait  ainsi, 
et  jouirait  avec  elle  de  Tîle  et  de  ses  trésors.  Le  jeune  homme  revint  ; 
mais  quand' il  vit  le  terrible  dragon  qui  s'avançait  vers  lui,  la  peur  le 
saisit  et  il  s'enfuit,  en  sorte  que  la  fille  d'Hippocrate  ne  fut  pas  désen- 
chantée. Elle  l'aurait  été  plus  tard,  si  Ton  en  croit  l'auteur  de  Tirant  le 
Blanc,  qui,  ayant  sans  doute  lu  Mandeville,  fait  mettre  l'aventure  afin  par 
un  certain  Èspertius,  lequel  d'ailleurs,  comme  le  héros  de  notre  poème, 
reçoit  le  baiser  au  lieu  de  le  donner.  La  légende  de  la  fille  d'Hippocrate, 
à  en  croire  des  témoignages  récents,  n'est  pas  encore  oubliée  dans  l'île 
de  Lango,  et,  malgré  le  récit  de  Jacques  Martorell,  on  croit  qu'elle  a 
conservé  sa  forme  de  serpent  et  qu'elle  attend  toujours  un  libérateur  ' .  On 
a  rattaché  cette  légende  au  fait  qu'Hippocrate  aurait  eu  un  petit-fils  (et 
non  un  fils)  du  nom  de  Dracon.  Il  est  plus  probable  que  dans  l'attri- 
bution de  cette  métamorphose  à  la  fille  d'Hippocrate  il  y  a  un  souvenir 
de  l'ancien  rôle  du  serpent  dans  le  culte  d'Esculape,  qui  a  dû  être  facile- 
ment confondu  avec  le  «  divin  «  médecin  de  Cos.  Quoi  qu'il  en  soit, 
l'aventure  même  se  retrouve  dans  bien  d'autres  endroits,  par  exemple 
dansV Orlando  furioso  duBojardo,  dans  les  Contes  amoureux  de ]ean  Flore, 
et  dans  beaucoup  de  récits  et  de  chants  populaires  de  divers  pays  qui  ont 
été  savamment  réunis  et  commentés  -.  Elle  a  pénétré  dans  les  contes  celti- 
ques, mais,  comme  bien  d'autres  éléments  de  ces  contes,  elle  n'est  pas 
d'invention  celtique  et  provient  d'une  source  étrangère. 

Le  personnage  auquel  le  poème  qui  est  la  source  de  la  version  an- 
glaise et  du  roman  de  Renaud  de  Beaujeu  a  rapporté  l'aventure  du 
«  fier  baiser  «  n'est  pas,  en  dehors  de  cette  aventure  qui  lui  est  originai- 
rement étrangère,  inconnu  à  la  littérature  arthurienne.  La  première  con- 
tinuation du  Perceval  de  Chrétien  de  Troies  raconte  que  Gauvain  eut 
d'une  demoiselle  qu'il  avait  rencontrée  dormant  sous  une  tente  dans  une 
forêt  5  un  fils,  qui  tout  enfant  fut  enlevé  du  château  de  Lis,  oii  il  vivait 


1.  Duniop's  Geschichtc  der  Prosadichtung,  ûbcrsdzt  von  Liebrecht,  p.  175. 
Nous  devons  dire  que  malgré  nos  recherches  nous  n'avons  trouvé  aucune  trace 
de  la  survivance  actuelle  de  ce  conte  dans  l'île  de  Cos.  , 

2.  Child,  The  tnglish  and  scoUish  popular  Ballads,  part  II,  p.   307.  | 

3.  Cette  demoiselle  a  un  père,  Méiiant  de  Lis,  et  deux  frères,  Morre  dt^ 


GUINGLAIN    OU    LE    BEL    INCONNU  l  C) 

avec  sa  mère,  plus  tard  adoubé  par  un  chevalier,  et  recueilli  par  la  «  de- 
moiselle esgaree  '  '>.  La  manière  fort  abrégée  dont  l'auteur  parle  de  ces 
aventures  montre  qu'il  se  référait  à  une  source  où  elles  étaient  racontées 
en  détail  ;  ce  qu'il  ditsuffit  en  outre  pour  nous  faire  voir  que  l'enfance  du 
fils  de  Gauvain  ressemblait  beaucoup  à  celle  de  Perceval  et  de  Tyolet  ; 
le  héros  primitif  de  l'aventure  du  «  fier  baiser  »  avait  aussi  une  pareille  en- 
fance, et  c'est  sans  doute  ce  qui  a  été  cause  qu'on  a  attribué  cette  aven- 
ture au  fils  de  Gauvain.  Le  récit  qu'avait  sous  les  yeux  le  continuateur 
du  Perceval  lui  prêtait  d'ailleurs  beaucoup  d'autres  exploits  auxquels  ce 
continuateur  s'est  contenté  de  faire  rapidement  allusion  :  après  avoir 
rappelé  le  merveilleux  écu  d'or  dont  le  jeune  chevalier  se  rendit  maître, 
il  ajoute  v.  20691  et  suiv.    : 

Mais  ne  me  loist  mie  arester 

De  ceste  aventure  conter 

Ne  des  autres,  dont  meut  i  a  : 

Si  com  la  sale  délivra, 

Ne  l'abatement  del  plancier 

U  on  le  dut  jus  trebucier, 

Ne  ke  il  tensoit  sor  le  pont 

Ciaus  ki  furent  monté  a  mont, 

Ne  le  hardement  des  degrés 

Que  il  fist  quant  il  fu  armés, 

Dont  li  pules  s'esmerveilla 

Et  li  rois  quant  il  l'esgarda, 

Car  moût  estoit  jovenes  d'eage  2  ; 

En  la  chambre  a  l'orne  sauvage 

S'en  entra,  qui  5  moût  estoit  biaus, 

Et  si  avoit  nom  Yoniaus  ; 

A  sa  fin  vos  voel  amener  ; 

Ceste  oevre  me  fait  sorparler. 


et  Bran  de  Lis;  ils  surprennent  Gauvain   auprès  de  leur  sœur  et  le  défient: 
Gauvain  tue  le  père  et  l'un  des  frères,  et  combat  plus  tard  l'autre  en  pleine  cour 
d'Arthur,  puis  se  réconcilie  avec  lui,   la  demoiselle   jetant  entre  eux  deux  l'en- 
fant qu'elle  a  de  Gauvain.  La  première  partie  de  ce   récit  (Perceval,    v.  16885- 
17481)  a  fourni  le  sujet  d'un  poème  anglais  du  xve  siècle,  dont  on  ne  possède 
qu'un  long  fragment  (Madden,  S}t  Gairayne,  p.  207  et  suiv.).  Il  est  remarquable 
que  l'aventure  de  Gauvain  avec   la   demoiselle  est  racontée  une  première  fois, 
dans  une  des  rédactions  de  cette  continuation,  tout  autrement  que  dans  le  récit 
''àisç^''*''^  plus  tard  Gauvain  lui-même  (v.  i  1987  ss.). 
"  .  ^^erceval,  v.  20387  et  suiv. 
•  çn|Le  ms.  suivi  par  M.  Potvin  porte  :  Car  moût  fu  jovenes  ses'eages,  et  au 
fil^giivant  :  a  l'orne  sauvages. 
._  .^e  ms.  de  Mons  porte  et  au  liei*  de  qui. 


Un  jour  il  rencontre  Gauvain,  joute  avec  lui  sans  résultat  ;  Gauvain 
lui  demande  son  nom,  mais  il  ne  le  sait  pas  lui-même  :  au  château  de 
Lis  on  ne  l'appelait  que  «  le  neveu  de  son  oncle  ».  Gauvain  le  reconnaît 
pour  son  fils,  se  fait  reconnaître  pour  son  père,  et  tous  deux  s'en  vont 
joyeux  à  la  cour  d'Arthur.  —  Nous  retrouvons  dans  ce  conte  un  lieu 
commun  de  la  poésie  épique  de  tous  les  peuples  :  le  combat  d'un  père 
et  d'un  fils  qui  ne  se  connaissent  ou  ne  se  reconnaissent  pas'.  Dans 
les  vers  que  nous  venons  de  citer  il  faut  voir  le  résumé  d'un  poème 
perdu  qui  racontait  la  vie  du  fils  de  Gauvain,  tout  autrement,  sauf  au 
début,  que  les  romans  que  nous  avons  étudiés  jusqu'ici.  Dans  ce  résu- 
mé, aucun  nom  ni  surnom  n'est  donné  à  ce  fils.  Mais  dans  la  seconde 
continuation  du  Perceval,  celle  de  Gaucher  de  Dourdan,  qui,  suivant 
toute  vraisemblance,  n'a  pas  connu  la  première,  il  apparaît,  d'ailleurs 
seulement  pour  un  instant  (v.  24523  ss.),  sous  le  nom  du  «  Bel  Desco- 
«  neù  ».  Sous  ce  surnom  et  le  nom  de  Guiglain,  il  fait  aussi  une  courte  et 
insignifiante  apparition  dans  le  roman  de  Tristan  en  prose  ,voy.  le  ms. 
franc.  B.  N,  750,  fol.  921.  «  Lo  bels  Desconogutz  »  est  cité  dans  le  ro- 
man provençal  de  Jaujré  parmi  les  chevaliers  de  la  cour  d'Arthur. 

Si  nous  avons  pu  nous  rendre  un  compte  à  peu  près  exact  du  rapport 
qui  existe  entre  notre  poème,  le  poème  anglais  et  le  poème  italien,  il  est 
beaucoup  plus  difficile  de  comprendre  celui  qui  l'unit  au  poème  allemand 
de  11 7^^/o/5_,  composé  en  Bavière,  vers  12 10,  par  Wirnt  de  Gravenberg. 
Les  ressemblances  sont  incontestables,  mais  intermittentes  :  Wigalois, 
qui  porte  visiblement  le  même  nom  que  Guinglain,  est  fils  comme  lui  de 
Gauvain  et  d'une  fée  ;  comme  lui  il  se  présente  à  la  cour  d'Arthur  et 
réclame  le  droit  de  suivre  l'aventure  que  vient  annoncer  une  jeune  fille 
accompagnée  d'un  nain  ;  comme  lui  encore,  il  est  d'abord  l'objet  des 
mépris  de  la  demoiselle;  il  lui  arrive  en  chemin  plusieurs  des  aventures 
que  rencontre  Guinglain,  celle  de  Lampart  ifort  différente  et  mise  en  pre- 
mier lieu),  celle  de  la  jeune  fille  délivrée  des  deux  géants  (avec  des  traits 
absolument  pareils',  celle  de  la  demoiselle  à  qui  il  pssure  le  prix  de  la 
beauté  lil  s'agit  ici  non  d'un  épervier,  mais  d'un  cheval  et  d'un  perro- 
quel^),  celle  du  chien  que  son  maître  veut  reprendre  à  la  compagne  du 
héros  (le  récit  allemand  est  plus  près  de  l'anglais  que  du  françaisi  ;  mais 
l'aventure  principale  n'offre  qu'une  vague  ressemblance  :  il  y  a  bien  un 
dragon,  une  bête  merveilleuse  qui  reprend  sa  forme  humaine  et  qui  révèle 
au  héros  le  nom  de  son  père,  une  princesse  délivrée  et  épousée  par  lui, 


1.  Voy.  les  remarques  de  M.  R.  Kœhler  dans  l'cdition  des  lais  de  Ma 
France  de  M.  Wanrke,  p.  xcvii.  'rie  de 

2.  Comme  dans  le  Conk  du  papcgaut.  petit  roman  épisodique  encore  |l 

/inédit. 


GUINGLAIN    OU    LE    BEL    INCONNU  2  1 

mais  tout  cela  ne  rappellerait  guère  l'histoire  de  Guinglain  si  la  similitude 
du  nom  et  la  ressemblance  d'autres  épisodes  ne  provoquaient  à  la  com- 
paraison. Au  reste,  l'histoire  de  Wigalois,  déjà  très  longuement  racontée 
dans  cette  dernière  partie,  ne  s'arrête  pas  encore  là  :  le  roman  a  toute 
une  fin  qui  ne  correspond  à  aucune  partie  du  roman  français  ;  il  a  de 
même  une  longue  introduction,  oiï  sont  racontées  les  amours  deGauvain, 
dans  le  pays  des  fées,  avec  Florie,  la  mère  de  Wigalois,  qui  pourrait 
bien  être  sortie  de  l'imagination  du  poète  allemand  '.  Pour  le  reste,  la  • 
question  est  aussi  compliquée  :  Wirnt  dit  à  deux  reprises  qu'il  ne  tire 
pas  son  sujet  d'un  livre,  qu'il  l'a  entendu  raconter  à  un  écuyer  -,  et  se 
plaint  des  difficultés  qu'il  a  ainsi  eues  à  le  bien  connaître  '.  Quelle  qu'ait 
été  la  source  où  Técuyer  avait  puisé  et  la  fidélité  avec  laquelle  il  a  com- 
muniqué son  information,  on  ne  peut  guère  douter  que  le  chevalier  bava- 
rois n'ait  pris  à  son  tour  de  grandes  libertés  avec  le  récit  qu'on  lui  faisait, 
ne  l'ait  amplifié  notablement  et  ne  l'ait  beaucoup  changé  4.  Il  termine 
son  ouvrage  en  nous  disant  que  Wigalois  et  la  belle  Larie  (c'est  le  nom 
de  l'héroine  eurent  un  fils  dont  l'histoire  est  bien  plus  belle  que  celle 
de  son  père  et  demande,  pour  être  dignement  traitée,  un  talent  que  lui, 
Wirnt,  ne  se  sent  pas;  cependant  il  s'y  essaiera  peut-être  si  un  meilleur 
ne  se  met  pas  à  la  tâche.  Ce  héros  s'appelait  d'après  lui  (<■  li  fort  Gawa- 
nides  »  s,  nom  singulier,  qui  parait  plus  latin  que  français;  il  est  complète- 
ment inconnu  d'ailleurs,  et  il  nous  semble  fort  probable  que  le  bon  Wirnt, 


1.  Cependant  dans  le  roman  inédit  de  Rtgonur  (cf.  Rom.  x,  495),  nous 
voyons  que  Gauvain  a  pour  amie  une  fée  appelée  Lorie,  ce  qui  ressemble  d'assez 
près  à  Florie. 

2.  Wigalois,  V.   152,  596,   11623. 

5.  Racontant  que  Gauvain  fut  renversé  et  pris  par  un  chevalier  inconnu 
(grâce,  il  est  vrai,  à  une  ceinture  magique),  le  poète  croit  devoir  dire  :  «  Jamais 
de  lui  on  n'avait  raconté  pareille  honte,  et  elle  ne  sortirait  pas  non  plus  de  ma 
bouche,  si  un  écuyer  ne  me  l'avait  dit  comme  une  entière  vérité,  mais  j'en  dis- 
pute tout  le  temps  avec  lui  y.  C'est. un  passage  à  joindre  à  ceux  qui  sont  cités 
ailleurs  sur  la  tradition  qui  présente  Gauvain  comme  invincible. 

4.  M.  Kœlbing,  dans  le  travail  cité  plus  haut,  admet  que  le  poème  anglais 
et  le  poème  allemand  représentent  deu.x  poèmes  français  perdus  ;  ces  deu.x  poè- 
mes (Det  \V)  forment  avec  le  poème  français  (R)  trois  dérivations  indépen- 
dantes d'une  source  perdue  (.v),  qui  était  sans  doute  déjà  un  poème  français,  et 
dont  nous  avons  l'imitation  la  plus  fidèle  dans  D,  la  plus  éloignée  dans  W. 
Mais  M.  Mebes  iUcber  dcn  Wigalois,  progr.  de  la  Realschuk  de  Neumùnster, 
ç^79)  a  montré  qu'il  y  avait  dans  W  des  passages  qui  ne  pouvaient  s'expliquer 
c|4e  comme  une  traduction  des  passages  correspondants  de  R.  Il  conclut  avec 
„  aisemblance  que  l'écuyer  de  Wirnt  avait  des  fragments  manuscrits  du  poème 

■  Renaud  ;  pour  le  reste,  :l  l'avait  entendu  raconter  :  sa  mémoire  avait  fort  mal 

■.enu    le  récit,    et    l'imagination   de  Wirnt   s'est  efforcée,   mais  sans  grand 

nheur.  de  compléter  ce  récit  tronqué  et  incohérent. 

; .    Wigalois,  v.   1  1639. 


tout  en  se  donnant  des  airs  d'ami  scrupuleux  de  la  vérité,  comptait  tirer 
de  sa  cervelle  toute  l'histoire  du  petit-fils  de  Gauvain.  En  tout  cas  il  en 
a  été  de  son  projet  comme  de  celui  que  Renaud  de  Beaujeu  annonce  en 
terminant  son  œuvre  :  rien  ne  nous  autorise  à  croire  qu'il  ait  été  exécuté. 

En  effet,  un  autre  ouvrage  de  VVirnt  de  Gravenberg  n'aurait  sans 
doute  pas  disparu  sans  laisser  de  traces,  attendu  le  succès  considérable 
qu'a  obtenu  celui  qu'il  nous  dit  être  son  premier  et  qui  paraît  être  resté  le 
seul.  Non  seulement  les  manuscrits  en  sont  nombreux,  mais  il  a  été  mis 
en  prose  et  ainsi  imprimé  plusieurs  fois  au  xvi''  siècle  ;  il  a  même  été 
l'objet  d'une  curieuse  version  en  judéo-allemand'.  En  outre,  une  5agu 
islandaise  et  un  livre  populaire  danois  sur  Gauvain  et  Vigolès  n'ont  pas 
d'autre  source  que  le  poème  de  Wirnt,  ou  plutôt  que  le  roman  en  prose 
allemande  qui  en  est  issu. 

Le  poème  de  Renaud  de  Beaujeu,  auquel  nous  revenons  en  terminant, 
a  été,  lui  aussi,  l'objet  d'une  rédaction  en  prose.  On  en  possède  trois 
éditions,  l'une  sans  date,  l'autre  de  1 550,  la  troisième  de  1 539,  toutes 
trois  parues  à  Lyon  chez  Claude  Nourry,  et  toutes  trois  fort  rares.  L'au- 
teur, qui  se  nommait  Claude  Platin  et  était  religieux  antonin',  a  réuni 
bizarrement  deux  romans  qui  n'ont  rien  à  faire  ensemble  ;  c'est  ce  qu'in- 
dique déjà  le  titre  de  la  publication  :  L'hystoire  de  Giglan,  fdz  de  messire 
Gauvain,  qui  fut  roy  de  Galles^  et  de  Geoffroy  de  Maience  son  compagnon, 
tous  deux  chevaliers  de  la  Table  Ronde.  Ce  Geoffroy,  mal  à  propos  sur- 
nommé de  Mayence,  n'est  autre  que  le  héros  du  roman  provençaWau/rf. 
Claude  Platin  a  entrelacé  son  histoire  avec  celle  de  Guinglain,  sans  même 
essayer  de  les  unir  quelque  peu  intimement.  Dans  son  prologue,  il  nous 
dit  :  «  Moy  frère  Claude  Platin,  humble  religieux  de  l'ordre  monseigneur 
sainct  Anthoine,  ung  jour  en  une  petite  librairie  la  ou  j'estoye  trouvai  ung 
gros  livre  de  parchemin  bien  vieil  escript  en  rime  espaignolle  assez  diffi- 
cile a  entendre,  auquel  livre  je  trouvay  une  petite  hystoire  laquelle  me 
sembla  bien  plaisant,  qui  parloit  de  deux  nobles  chevaliers,  qui  furent  du 
temps  du  noble  roy  Artus  et  des  nobles  chevaliers  de  la  Table  Ronde,  dont 


1.  Graesse,  D(>  grossen  Sagenkrcise,  p.  225-227. 

2.  Frère  Claude  Platin  ne  se  contentait  pas  de  mettre  en  prose  française  du 
provençal  qu'il  prenait  pour  de  l'espagnol  ;  nous  lui  devons    encore  le  Débat  de 
l'homme  et  de  l'argent,  plusieurs  lois  imprimé   su  xv"  et  au  xvi<=   siècle,  et  que 
M.  de  Montaiglon  a  inséré  dans  !e  t.  VII  (p.   502-529)  de  ses  Anciennes  Pocsu 
françaises.  Cette  pièce,  qu'on  a  voulu,  dans  certaines  éditions,  faire  passer  poi 
l'œuvre  du  poète  Maximien,  est  précédée  d  une  préface  où   on  lit  :   «  Laquel^ 
disputation    moy,   frère    Claude  Platin,    religieux   de  l'ordre    de    monseigne'  " 
sainct  Anthoine,  ay  translaté  de  langaige  ytalien  en  rime  françoyse  ».  Le  Dèb\ 
est  traduit  d'un  poème  italien  :  //  Contrasta  dcl  danaro  e  deW  iiomo;  voyez  Tat  de 
mirable  Ca'alogiic  des  livres  des  M.  lebaron  James  de  Rothschild,  t.  I,  p.  557^ 

''lit. 


GUINGLAIN    OU    LE    BEL    INCONNU  2] 

l'un  des  chevaliers  fut  nommé  Giglan,  qui  fut  filz  de  messire  Gauvain 
nepveu  du  roi  Artus,  lequel  Giglan  fut  roy  de  Galles  qu'il  conquist 
par  sa  prouesse  ;  et  l'autre  eut  nom  Geoffroy,  fils  du  duc  de  Maience. 
Ay  voulu  translater  ladicte  hystoire  de  celle  rime  espaignolle  en  prose 
françoise  au  moins  mal  que  j'ay  peu  selon  mon  petit  entendement,  a  celle 
fin  que  plus  facilement  peust  estre  entendue  de  ceux  qui  prendront 
plaisir  a  la  lire  ou  ouyr  lire.  «  Malgré  cette  déclaration,  il  ne  faudrait 
pas  croire,  comme  on  l'a  fait  ',  que  Claude  Platin  a  réellement  traduit  un 
roman  espagnol  fondé  lui-même  sur  le  poème  de  Renaud  de  Beaujeu  :  il 
est  certain,  et  par  la  forme  des  noms  propres  =  et  par  d'autres  rapproche- 
ments, que  c'est  ce  poème  même  sur  lequel  a  travaillé  le  prosateur.  Ce  qu'il 
dit  de  «  rime  espaignolle  »  ne  s'applique  qu'au  roman  de  Jaufré  ;  il  a 
pris,  comme  bien  d'autres  de  son  temps,  du  provençal  pour  de  l'espa- 
gnol, et  il  a  étendu  à  l'autre  ouvrage  qu'il  mettait  en  prose  ce  qui  ne 
s'appliquait  qu'au  premier.  C'est  donc  en  vain  qu'on  rechercherait  l'ori- 
ginal de  Claude  Platin  parmi  les  manuscritsdes  bibliothèquesespagnoles  '. 
La  rédaction  de  frère  Claude  nous  a  paru  généralement  fidèle  ;  il  faut 
remarquer  seulement  qu'au  début  du  récit  elje  intercale  un  épisode  assez 
intéressant  qui  n'est  pas  dans  le  poème.  Giglan  vient  d'arriver  à  la  cour 
d'Arthur,  quand  une  demoiselle  s'y  présente,  accompagnée  d'un  cheva^ 
lier  qui  vient,  dit-il,  se  disculper  d'avoir  tué  Gauvain  en  trahison  et  pro- 
voque ceux  qui  douteraient  de  sa  loyauté.  Au  milieu  du  deuil  que  la 
nouvelle  de  la  mort  de  Gauvain  répand  dans  la  cour,  le  Bel  Inconnu 
demande  et  obtient  la  faveur  de  le  venger  ;  il  est  cependant  prévenu  par 
le  sénéchal  Keu,  mais  celui-ci,  selon  sa  coutume,  subit  un  échec  ridicule. 
Le  combat  entre  Giglan  et  le  chevalier  inconnu  reste  longtemps  indécis  ; 
enfin  celui-ci  lève  son  heaume  et  se  nomme:  c'est  Gauvain  lui-même  ; 
il  raconte  qu'un  félon  chevalier  avait  pris  son  nom,  et,  sachant  que  la 
demoiselle  qui  l'accompagne  s'était  éprise  de  Gauvain  sur  sa  renommée, 
avait  voulu,  sous  ce  masque  usurpé,  non  seulement  la  séduire,  mais  lui 
faire  violence  :  Gauvain  était  survenu  précisément  à  temps  pour  la  sauver 


1.  Hippeau,  Le  licl  Inconnu,  p.  i. 

2.  Le  r.om  «  Giglan  »  semblerait  seul  avoir  une  forme  méridionale,  mais 
Emerie  (Esmerie),  la  Gaste  Cité,  l'Ile  d'Or  et  plusieurs  autres  n'ont  certainement 
pas  passé  par  une  langue  étrangère.  Nous  avons  déjà  vu  que  la  mère  de  Giglan 
est  appelée  «  Blanchevalee  »  (fol.  O  ii  vo)  ;  il  est  singulier  que  dans  le  premier 
chapitre,  énumérant  les  principaux  chevaliers  de  la  Table  Ronde,  l'auteur  dise: 
Il  Giglan  qui  fut  filz  de  messire  Gauvain  et  de  la  f;ie[e]  Helinor  ». 

3.  Il  existe  bien  en  espagnol  une  imitation,  assez  libre  et  fort  médiocre,  de 
Jaiiftc,  le  roman  de  Tablante  de  Ricamonte  ;  mais  en  comparant  ce  roman  à 
celui  de  Claude  Platin,  on  voit  clairement  qu'ils  ne  proviennent  pas  l'un  de 
l'autre,  et  que  tous  deux  remontent  directement  au  poème  provençal. 


24  G.    PARIS 

et  tuer  l'usurpateur  de  son  nom.  A  cette  révélation,  la  joie  est  grande, 
comme  on  pense,  et  la  demoiselle,  charmée  d'apprendre  que  ce  Gau- 
vain  qu'elle  aimait  n'est  ni  indigne  ni  mort,  est  encore  plus  contente  de 
le  prendre  pour  époux.  Nous  avons  là  sans  doute  le  résumé  d'un  petit 
poème  épisodique  sur  Gauvain,  qui  peut  compter  parmi  les  plus  heu- 
reusement imaginés  ;  l'auteur  de  ce  poème  avait  habilement  utilisé  un 
trait  qui  se  retrouve  souvent  dans  nos  romans,  où  plus  d'une  jeune  fille, 
sur  la  grande  réputation  du  neveu  d'Arthur,  déclare,  sans  l'avoir  vu, 
qu'elle  n'épousera  jamais  que  lui.  Ce  récit  n'avait  originairement  rien  à 
faire  avec  Guinglain,  et  c'est  un  troisième  élément  que  Claude  Platin  a 
fait  entrer  dans  sa  compilation  ;  en  donnant  à  Guinglain  le  rôle  du  che- 
valier qui  combat  Gauvain,  il  a  produit  une  nouvelle  variation  du  thème 
du  combat  d'un  fils  contre  son  père,  que  nous  avons  déjà  rencontré  dans 
le  Percerai,  également  appliqué  à  Gauvain  et  à  son  fils. 

L.e  roman  en  prose  de  frère  Claude  Platin  a  été  analysé  par  le  comte 
de  Tressan,  dans  la  Bibliotliècjiie  des  Romans  i  octobre  1777',  avec 
l'inexactitude  et  les  enjolivements  qui  caractérisent  les  «  extraits  »  de  ce 
galant  vulgarisateur '. 

Gaston  Paris. 


I.  M.  Koelbing,  dans  le  travail  plusieurs  fois  cité,  a  cru  à  la  fidélité  de  l'ana- 
lyse de  Tressan,  ce  qui  l'a  induit  à  porter  un  jugement  erroné  sur  la  version  de 
Claude  Platin. 


LES 

PROVERBES  DE  GUYLEM  DE  CERVERA 


POEME    CATALAN    DU    XliT    SIECLE 


Le  poème  que  nous  publions  ci-dessous  in  extenso  pour  la  pre- 
mière fois  a  été  signalé  à  diverses  reprises  par  les  savants  qui  ont 
travaillé  à  la  bibliothèque  Saint-Marc  de  Venise.  Le  bibliophile  Jacob  ', 
Keller^  Paul  Heyse?,  K.  Bartsch4  ont  donné  quelques  extraits  du 
manuscrit  CIV  6  qui  nous  a  conservé  la  majeure  partie  de  l'œuvre  de 
Guylem  de  Cervera,  Milâ  y  Fontanals  s  a  reproduit  les  soixante  premiers 
quatrains  et  les  six  derniers,  qui  avaient  été  publiés  par  Heyse,  et  les  a 
fait  précéder  d'une  notice  sur  l'auteur,  ou  plutôt  sur  la  famille  catalane 
de  Cervera.  Est-il  bien  sûr  que  notre  auteur  appartînt  à  cette  famille  i* 
On  trouve  dans  les  Layettes  du  Trésor  des  Chartes  une  lettre  adressée  au 
roi  de  France  Louis  VIII,  vers  la  fin  d'avril  1226,  par  un  seigneur  du 
nom  de  «  Cuillelmus  de  Cervaria  »,  qui  lui  offre  ses  services  contre  les 
Albigeois  et  annonce  que  l'abbé  de  la  Grasse  fournira  au  roi  des  détails 
plus  précis  à  ce  sujet.  Teulet,  qui  a  publié  cette  pièce  6,  a  cru  qu'il 
s'agissait  en  effet  d'un  seigneur  catalan  de  Cervera;  mais  Boutaric  7 
pense  avec  raison  que  Cervaria  désigne,  dans  cette  lettre,  la  localité  de 
Serviés-en-Val,  près  de  l'abbaye  de  la    Grasse,  dans    le  département 


I  .   Dissertations  sur  t^uel^ues  points  curieux  de  l'histoire  de  France  et  de    l'Iiis- 
toirc  littéraire^  t.  VII,  p.  149. 

2.  Romvarf^  p.  1. 

3.  Romanischi  Inedita,  p.   13-20. 

4.  C/irw/. /TOI'.,  3«  éd.,col.  305-506. 

y  Los  Trovadores  en  Espana,  p.  551-357. 

6.  Lavettes,  t.  II,  pièce  n"  1776. 

7.  Saint  Louis  et  Alphonse  de  Poitiers,  p.  37. 


2b  A.    THOMAS 

actuel  de  l'Aude.  Faut-il  de  même  retirer  notre  poème  à  la  Catalogne 
pour  le  rendre  au  Languedoc?  Je  ne  le  crois  pas.  L'origine  catalane  de 
l'œuvre,  et  par  suite  de  l'auteur,  y  est  trop  fortement  empreinte  pour 
qu'on  puisse  la  méconnaître.  Je  ne  parle  pas  de  l'orthographe  du  manus- 
crit: il  se  pourrait  que  le  scribe  seul  en  fût  responsable.  Mais  ce  qui 
trahit  bien  un  auteur  catalan,  ce  qui  ne  pourrait  en  aucun  cas  se  trouver 
chez  un  Languedocien,  c'est  le  mélange  à  la  rime  des  e  fermés  et  des  e  ou- 
verts que  nous  offre  fréquemment  notre  poème.  En  voici  quelques  exem- 
ples: qu.  19  ligèts:  trobaréts;  28  trobaréts :  -^^bés:  adès ;  76  pè :  bé; 
226  jés:  portés;  371  pogués :   senyoragès ;  527  es  :  adcs,  etc. 

La  supposition  de  Milâ  y  Fontanals  est  donc  juste.  D'autre  part,  je 
pense  avec  lui  que  les  vers  du  huitième  quatrain  contiennent  une  allu- 
sion à  la  croisade  de  1 270  :  par  conséquent  il  ne  faut  pas  songer  à  iden- 
tifier notre  poète  avec  le  personnage  historique  du  même  nom  qui  joua 
un  rôle  important  en  Catalogne  dans  la  première  moitié  du  xiir  siècle  et 
qui  mourut  en  1245.  Il  est  possible  que  notre  Guylem  soit  le  même  que 
Guylem  de  Cervera,  surnommé  el  gordo,  ainsi  que  MiLi  incline  à  le 
croire  ;  mais  cette  identification  est  en  somme  d'un  mince  profit,  puisque 
nous  ne  savons  à  peu  près  rien  sur  ce  personnage,  sinon  qu'il  apparte- 
nait à  la  même  famille  que  le  précédent. 

Le  poème  de  Cervera  n'a  aucun  titre  dans  le  manuscrit  de  Venise.  Je 
lui  ai  donné  celui  de  Proverbes,  me  conformant  à  la  pensée  exprimée  par 
l'auteur  au  quatrain  22,  où  il  appliquée  son  œuvre  le  nom  de  verses 
proverbiiils,  en  l'opposant  aux  vers  légers  qu'il  avait  autrefois  composés. 
Ces  Proverbes  ne  sont  pas  toutefois,  comme  on  l'a  dit  ',  une  simple  para- 
phrase des  proverbes  de  Salomon.  Cervera  a  emprunté  beaucoup  au 
Livre  des  Proverbes  comme  aux  autres  livres  de  la  Bible,  mais  son  œuvre 
est  dans  une  certaine  mesure  originale,  sinon  pour  le  fond  des  pensées, 
du  moins  pour  la  forme  qu'il  leur  a  donnée.  Nous  avons  affaire  à  un 
recueil  de  maximes  et  de  préceptes  de  conduite  analogue  au  Libre  de 
Seneca  publié  en  18)6  par  M.  Bartsch;  c'est,  en  plus  petit  et  moins  les 
allégories,  une  encyclopédie  morale  assez  semblable  aux  Documcnti  de 
Barberino.  Cervera,  il  est  vrai,  est  loin  d'avoir  l'immense  érudition  du 
docte  notaire  florentin.  Pourtant  quand  il  déclare  au  début  de  son  poème 
ne  pas  savoir  le  latin,  il  ne  faut  pas  trop  prendre  sa  déclaration  au  pied 
de  la  lettre.  Il  est  bien  difficile  de  croire  que  pour  les  nombreuses  sen- 
tences qu'il  a  empruntées  à  la  Bible,  aux  Pères  de  l'Eglise  et  au  Pseudo- 
Caton,  il  se  soit  servi  de  traductions  en  langue   vulgaire.   Ce   qui  est 


1.  Bartsch,  Gniminss  dcr  prov.  Lit.,  p.  4^. 


LES  PROVERBES    DE  GUYLEM  DE  CERVERA  27 

exact,  c'est  que  beaucoup  de  ses  lectures,  à  en  juger  par  les  réminis- 
cences qu'elles  lui  ont  laissées,  sont  celles  d'un  laïc  instruit  plutôt  que 
d'un  clerc.  Il  connaît  le  roman  de  Renart  (qu.  625),  la  chanson  de  geste 
de  Basin;i  14$,  les  poèmes  sur  Alexandre  ipassim]  et  sur  Tristan  997  et 
surtout  une  quantité  de  fables,  de  contes  et  de  nouvelles  dont  la  mention  est 
peut-être  pour  nous  la  partie  la  plus  intéressante  de  son  poème  '.  Ce  ne 
sont  pas  seulement  ses  lectures,  mais  sans  doute  aussi  ses  voyages  qui 
lui  ont  laissé  des  souvenirs  :  c'est  vraisemblablement  au  delà  des  Alpes 
qu'il  a  appris  les  vers  italiens  qu'il  nous  a  transmis  (166  . 

Le  texte  de  Cervera  s'arrête  dans  le  manuscrit  de  Venise  au  milieu  du 
feuillet  49  v%  après  le  quatrain  1 169.  Une  main  postérieure  a  ajouté  en 
manière  d'explicit  :  Finiio  libro  sit  Lus  gloria.  Hamen  ;  mais  il  est  évident 
que  ce  n'est  pas  là  la  véritable  fin  de  l'œuvre.  Les  feuillets  50  et  5 1  ont 
été  laissés  en  blanc,  et  la  même  main  [de  la  fin  du  xiii''  siècle)  qui  a  écrit 
le  poème  de  Cervera  a  transcrit,  à  partir  du  f"  52,  une  composition  de 
Serveri  de  Gerona  dont  le  début  fait  défaut  ^.  Notre  manuscrit  semble 
donc  copié  sur  un  autre  manuscrit  où  deux  feuillets  auraient  été 
arrachés  :  ces  deux  feuillets  devaient  contenir  à  la  fois  la  fin  des  Pro- 
verbes et  le  début  du  petit  poème  de  Serveri  de  Gerona.  Si  cette  conjec- 
ture est  juste,  il  ne  nous  manque  que  peu  de  chose  de  l'œuvre  de  Guy- 
lem  de  Cervera. 

Au  xv"  siècle,  un  Majorquin  nommé  Pach,  qui  se  qualifie  de  sobrecoch 
cuisinier  en  chef)  de  Jean  1,  roi  d'Aragon,  a  cité  plusieurs  fois  notre 
poème  dans  une  composition  morale  dont  la  Bibliothèque  nationale  pos- 
sède deux  mss.  complets  ifonds  espagnol  n'*  54  et  55  3),  et  qui  a  été 
publiée  à  Barcelone,  d'après  une  copie  incomplète,  dans  le  tome  XIII  de 
la  Coleccion  de  documentas  inedkos  dei  archivo  de  la  Corona  de  Aragon^ 
pp.  186  à  301.  Par  une  bizarrerie  singulière,  Pach  cite  constamment  les 
couplets  qu'il  rapporte  sous  le  nom  de  Serveri  :  E  per  ço  diu  Serveri. . . 
ou  simplement  ^m  Se/Tm.  Il  est  probable  qu'il  avait  un  ms.  où,  comme 
dans  celui  de  Venise,  l'œuvre  de  Guyllem  de  Cervera  était  jointe  à  quelque 
poème  de  Serveri,  et  qu'il  n'aura  pas  fait  la  distinction  des  deux  auteurs. 
Mon  ami  M.  Morel-Fatio  a  bien  voulu  me  copierles  passages  cités  dans  la 
compilation  de  Pach.  Ils  avaient  du  reste  été  indiqués  pour  la  plupart  dans 


1.  Voyez  le  mot  istoria  à  l'Index. 

2.  P  Heyse  a  donné  des  extraits  de  cette  composition,  extraits  reproduits 
par  Mila  y  Fontanals.  J'avais  copié  le  texte  complet  de  Serveri  en  même  temps 
que  celui  de  Cervera,  c'est-à-dire  au  mois  d'octobre  1880,  avec  l'intention  de 
les  publier,  mais  j'ai  été  devancé  par  M.  Suchier  dans  ses  Dcnkm.:lcr  prov. 
Literiitur  luid  Sprachc,  p.  256-271. 

;.  N"^  21  et  22  du  Catalogue  de  M.  Morel-Fatio. 


28  A.    THOMAS 

les   Tromdores  en   Espana   de  Milâ  y  Fontanals,  (p.  5721,  qui  les  avait 
tirés  de  l'édition. 

Je  n'ai  fait  au  texte  du  manuscrit  que  le  minimum  indispensable  de 
corrections,  c'est-à-dire  que  j'ai  conservé  toutes  les  inconséquences  gra- 
phiques quand  elles  ne  gênaient  ni  le  sens  ni  la  mesure.  Je  publie  les 
vers  de  Cerverasous  forme  de  quatrains  de  six  syllabes  à  rimes  croisées; 
dans  le  manuscrit  ils  sont  disposés  comme  des  vers  de  douze  syllabes 
rimant  à  la  fois  par  le  premier  et  par  le  second  hémistiche.  Il  m'a  semblé 
que  la  disposition  du  manuscrit  était  purement  matérielle  et  ne  préjugeait 
pas  la  question  de  savoir  dans  quel  mètre  a  voulu  écrire  Cervera.  Or, 
pour  une  œuvre  de  ce  genre,  il  est  plus  naturel  d'admettre  des  vers  de 
six  syllabes  que  des  vers  épiques  de  douze  :  Serveri  de  Gerona  écrit 
en  vers  de  six  syllabes  rimant  deux  à  deux  et  Guiraut  Riquier  égale- 
ment. J'ajoute  —  et  c'est  M.  P.  Meyer  qui  me  suggère  cette  remarque  — 
que  le  catalan  ne  connaît  guère  de  vers  de  douze  syllabes  avec  la  césure 
épique. 

Antoine  Thomas. 


I .   Sitôt  letra  no  say,         /.  i 
Eu  Guylem  de  Cerveyra 
Als  plans  comenseray 
Plan'  obra  vertadeyra. 


^ .  Mas  am  ezay  amat 
Es  enquer  amaray, 
E  pas  etz  ay  passât 
E  ligeligiray. 


2.   Mas  nom  conexeran, 
Jes  ne  m'entendran  be: 
Can  mon  nom  ausiran 
Nels  sovendra  de  me. 


6.   Car  ligir  ditz  emblar, 
Per  qu'emblar  volgra  mi 
A  tôt  vil  malestar, 
C'aytal  emblar  vey  fi. 


] .   No  conosc  ablatius, 
Singulars  ni  plurals, 
Verbs,  oblicz,  sostantius, 
Ne  mudes  ne  vocals, 


7.    E  ligirs  coylir  dits, 
Per  qu'eu  volgra  cuylir 
Amor,  plasers,  servis, 
Ab  poder  de  servir. 


4.   Prétérits  ne  presens, 
Consonans,  leonismes. 
Ne  absens  ne  accens, 
Ne  comtes  d'argorismes. 


8.    R  ligirs  passar  dits, 
Per  qu'eu  volgra  passar 
Ab  los  très  reys,  guarnits 
De  tôt  arnes,  la  mar. 


coylir. 


b  Heyse  i7  /u  en .  —  4  c  dragorismes.  —  6  </  ney. 


E  ligits  dits 


8  a  K  li^its. 


9.    E  ligirs  dits  ligir 
Can  hoin  la  letra  lig 
E  iriar  ez  eslir, 
Siiot  be  no  config 


LES  PROVEKbES    DE  GUYLEM  DE  CERVERA 
17 


b» 


E  no  podrets  far  re 
Ni  menar  ab  les  mas 
Quel  cor  noy  an  dese. 
En  bocha  ni  en  nas 


29 


0.  Eslir  volgr'  e  triyar, 
Si  pogues,  mal  e  be 
El  be  pendre,  laixar 
Lo  mal,  c'axis  cove. 


No  pot  hom  re  sentir 
Quel  cor  ades  noy  an. 
Tuyt  me  poran  ausir, 
Mas  be  no  m'entendran. 


1 1 .    E  volgre  ligir  libre  s 
On  conagues  cals  suy, 
Ecolmonvay,  con  gibrefs) 
Cals  seray  e  cals  fui. 

12  .    Fiyl,  per  vos  altres  die 
Aquestz  dits  planamen, 
Car  volgra  fossats  rie 
De  saber  e  de  sen. 


9.   Fiyl,  vos  cuylets  enblan 
E  pessats  e  ligets 
Axi  con  dits  devan, 
Que  iigen  trobarets, 

!o.  Si  sebets  legir  be 
E  triar,  tal  seber 
Que  vos  metex  e  me 
Complirets  de  plaser. 


1 5 .   Esguardan  m'escoutats     i'" 
E  de  cor  m'entendets, 
E  can  be  m'entendais 
Mos  plans  dits  retenets, 

14.  Qu'escoutars  sens  entendre 
Fa  mays  trop  mal  que  be. 
Qui  escouta,  rependre 

Se  fay,  can  no  rete 

15.  Lo  be  c'als  bons  aus  dire 
E  laix'anar  lomal, 
Corn  no  deu  re  escriure 
Hon  perda  son  jornal. 

16.  Tots  vostres.v.  sens  vuyl 
Metats  en  l'escoutar, 

Car  lay  hon  guardon  l'uyl 
Fan  desel  cor  virar. 


21  .   Sitôt  non  ay  seber, 
Engeyn  subtil  eprim, 
Cor  ay  c'a  mon  poder 
Ades  aplan  e  lim 

22.  Verces  proverbials, 

En  loc  de  ceyls  c'ay  fayts 
Leugers  e  venarsals 
C'ay  en  cantan  retrayts. 

23 .  Dels  proverbis  que  fe 
Le  savis  Selamo 

Hi  pauseray  granre 
Per  gensar  la  reyso. 


24. 


Si  volets  c'om  vos  am, 
Amats  de  bon'  amor  ; 
No  camjets  per  aram 
Aur,  ne  seyn  per  foylor. 


q  f  E  matez  eslir.  —  24  <?  i  Se\ec.\.,  Epist.  ix.  4  :  Si  autem  vis  amari,  ama 


2  5-   Ab  re  tan  be  nos  pren  if. 
Focz,  corn  ab  autre  foc; 
Amors  aman  s'encen 
Mils  c'ab  als,  en  tôt  loc. 


32  .   Re  no  pren  comensar, 
Si  non  a  bona  fi. 
Not  cal  tu  eys  lausar, 
Qu'els  fayts  conex  hom  mi. 


26.   Sobre  tôt  amats  Dieu 
E  vostres  pruymes  si 
Com  vos  metex,  car  grieu 
Porets  falir  axi. 


3  3 .    Puys  Deus  asira  cel 
Qui  s'engana,  can  part. 
Que  pora  far  de  ce! 
C'assi  no  rete  part  ? 


27,   Trop  fayrets  gran  foldatis: 
E  fait  descuminal 
S'essér  cuyats  amat  si 
Fer  cel  cuy  volets  mal. 


14.   Tu  qui  parts  tot[sjtos  bes, 
Si  tu  matex  non  as 
E  rendras  comt'  ades 
A  Dieu^  que  li  diras  ? 


28.   Ab  mi  no  trobarets 
Bon'  amor  paternal, 
Fiyl,  si  vos  no  m'avets 
Bon'amor  filial. 


3  S .   Gardar  vols  de  morir 
Lo  cors  qui  t'aduts  mort, 
E  l'arma  vols  aucir  ? 
A  tu  matex  fas  tort. 


29.  A  l'un  ensenyarai, 

E  si  vol  l'autre  apendre, 
Ascolt  so  que  diray, 
Car  be  s' i  pot  entendre. 


36.   Qui  non  es  passiens 
Non  a  autruy  ni  si; 
Passiencia  vens 
E  s'esforsa  ses  fi. 


30.   Ja  no  ams  ton  paren 
Aytant  cant  us  ne  sia 
Ab  lo  teu  malvolen, 
Car  tôt  ton  dan  volria. 


37.   Tots  hom  savis  soana      [v" 
Lo  foyl  e  sa  paria  : 
Qui  si  metes  enjana, 
A  cal  leyal  séria  .'' 


3 1 .   Mos  parents  sis  restrayn 
En  far  mon  desplaser, 
Aytant  con  plus  me  tayn 
Me  doblemal  seber. 


Tu  qui  vius,  aies  cura 
Que  la  mort  no  t'enjan; 
Forts  causa  es  e  dura 
Que  mort  an  vius  sobran. 


[cité  dans  le  Moralium  dogma  public  sous  le  nom  de  Gautier  de  Chdtillon,  chap. 
xviii).  —26  a  amenas.  —  50  b  uesia.  —  36  />  atruy  {lu  par  He)scz\v\mu\^\ 
—  36   .  es  sesforsa. 


1  ES    PROVERFiEi    DE    GUYLEM    DE    CERVERA 
46 


59.    Le  coloms  guard'  el  riu 
L'ombra  de  l'esparver; 
Ans  que  perdes  ton  briu. 
Guardet  de  Lucifer. 


Si  corn  la  flors  se  te 
El  ram  contrel  fort  ven, 
Beyla  dompnas  soste 
Ab  soptil  parlamen. 


40.   Veri,  glay,  ni  turmen 
No  son  tan  temedor 
Con  desordenamen 
De  mal  e  brau  senyor. 


47 .    L'estopa  lexeras 

Près  del  foc,  pus  vent  fay  ? 
Car  no  l'enlèveras, 
A  gran  ventura  stay. 


41 .  No  deu  hom  desirar 
Sobr'  autre  senyoria 
Mas  pel  poble  selvar 
E  c'als  bashumils  sia. 


48.    Ben  es  orb  qui  orb  guia. 
Es  orb  qui  orb  aten. 
Et  orbs  qui'n  femnas  fia. 
Tal  m'au  qui  no  m'enten. 


42.   Sil  vis  te  fay  doler 
E  vols  massa  parlar, 
Cayla  e  vay  jaser 
E  fay  l'autr'  enayguar. 


49.   Qui  no  a  hoyls.orbses  1/. 
E  pus  orbs  qui  liuyls  a, 
Pus  no  ve  mais  ni  bes 
Ni  cone.x  so  que  fa. 


43 .   De  parlar  pots  apendre 
Caylan,  e  no  parlan 
De  caylar  sens  rependre: 
Savis  rete  caylan. 


50.   Qui  fer  en  l'aguylo 
Mal  se  fay  de  la  ma. 
Cavaylssens  espero 
A  se  volentat  va. 


44.  Can  la  rosa  métras 
Fresqu'en  aygua  buylen, 
Ja  puys  no  l'en  trayras 
Beyla  ni  be  olen. 

45 .  Si  dona  met  la  ma 
En  aygua  d'  amaror, 
Tant  tost  no  l'en  trayra 
Que  noy  laix  sa  valor. 


5 1  .   Greu  pot  hom  d'avol  mayre 
Bona  fiyla  tenir  ; 
Pero  vist  ay  de  payre 
Bon  avuel  fiyl  noyrir. 

^2.   Can  humilitats  raya, 
Bas  estan  a  pleser; 
Car  non  ha  [hom]  on  caya, 
Per  so  no  pot  caser. 


41  b  autra.  —  4^  b  de  maror.  —  47  d  uenturas.  —   51  c   Heyse  a  lu  de  bon 
paire,  mais  il  y  a  dans  le  ms.  un  signe  indiquant  qu'on  doit  intervertir  les  mots 


it  lue  comme  nous  taisons. 


5  5  •   Can  humilitats  mon 
Pus  ait  que  res  qui  sia, 
Pus  bays  que  res  del  mon 
Crey  eu  c'orgoyls  estia. 

5  4 .   Can  orguyls  puia  ait 
Que  bas  no  pot  estar, 
Cax  bas  e  pren  tal  sait 
Que  puys  non  pot  levar. 

5^ .    Si  vol  cuylir  plaser, 
Plasers  deus  semenar  : 
Qui  bon  fruyt  vol  aver, 
Bon  arbre  deu  plentar. 


6i .   En  foyl  merce  atens, 
Tu  qui  non  as  merce? 
Si  aus  e  no  entens, 
Sos  dits  pert  quit  diu  re. 

62 .   Can  il  senyor  an  guerra, 
Compren  ho  a  cabal 
Li  mesqui  de  la  terra 
Qui'n  re  no  meton  mal. 

65.    Molt  mays  te  val  li  affars 
De  l'amie  quit  désira 
Que  no  fa  le  baysars 
D'enemic  qui  t'asira. 


V") 


56.   Can  senyer  sofer  fayts 
Desordonats  als  seus, 
Sobre  luy  tornal  trayts 
Cals  fassens  defar  deus. 


64.  Janot  fassa  sotmes 
Peccats  a  ton  vesi, 
C  om  d'aytants  servents  es 
Corn  a  peccats  en  si. 


57.  Ben  guarda  ta  mayso 
De  companyo  malvat, 
Car  en  mal  companyo 
Pert  hom  l'onor  el  grat. 


65 .   Nuyls  hom  no  pot  valer 
Pus  c'autra,  so  sapchats, 
Mas  ceyl,  so  say  per  ver, 
Cuy  drets  enjeyns  es  dats. 


58.   Hom  conox  en  la  plasa 
Si  dona  val  ho  no 
Can  la  serventa  passa 
Menant  vil  fayt  0  bo. 


GG.   El  libre  dits  dels  Reys 
Que  als  no  es  noblea 
—  Guarda  tu  cossit  creys 
Masentigua  riquesa. 


5  9 .   Not  vuyles  far  amichs 
D'ome  fais  ne  hyros, 
Quelis)  fais  aduts  destrichs 
E  l'hyros  mou  ten 


67 .  Si  âmes  la  riquesa 

Del  mon,  no  auras  fruyt  ; 
No  camjes  te  certea 
Per  altruv  nesi  cuyt. 


60.   Leyals  fa  leyaltats, 
Guardan  de  feyliments, 
E  l'hyros  no  trempats 
Adoucix  pasients. 


68.   Seguir  la  voluntat 

Fayts  vas  es  d'equest  mon 
Pus  Deus  t'a  dreyt  format, 
Guarda  tos  fayts  com  son. 


H  a  Car.  —  58  t^  ni!  fayt.  —  G<,  b  sosebgats.   —  66  Cdtc  c'Uatlon  m  semhh 
pas  se  retrouver  dans  I:  livre  des  Rois. 


LES    PROVERBES    DE    GUYLEM  DE    CERVERA 

69.   Deus  te  guarde  de  mais  76.  Lo  porchs  met  aytant  leu 

Et  donals  bens  don  vius;  Al  fane  lo  morr  col  pe; 

E  s'al  diable  vais,  Tu  qui  deus  lausar  Dieu 

Sils bensperts,  not  n'esquius.  Fay  laus  laigs  laxan  be. 


70.   Mal  fas  tu,  qui  del  meu 
Tefas  manents  e  richs, 
E  puys  dones  lo  tieu 
A  mos  mais  enamichs. 


77,   Sil  porchs  el  caix  ténia 
D'aur  .j.  asaut  anel, 
Pus  lieu  lo  pausaria 
Al  fa[n]c  qu'en  mi  loc  beyl. 


Dona  al  creador 
So  que  l'auras  promes  : 
Membret  del  pescador 
E  del  guat,  cossil  près. 


Menys  es  que  porchs,  quels 
No  vols  al  fane  pausar     [pas 
E  mes  la  lengua  t'es 
Als  laigs  peccats  lausar. 


72  .   Aytant  es  mays  lausats 
Bas,  can  conquer  honor. 
Con  auts  es  meyns  preats, 
Merman  prêts  e  valor. 


79.   Beyl  dit  son  anel  d'aur, 
Lausan  Dieu  quils  meylura 
No  meteston  tresaur 
Dins  avol tencadura. 


73.   Qui  apeyla  freytura       /.  41 
Tots  los  abondaments 
D'aquest  mon,  dits  dretchiura 
E  no  li  fayl  sos  sens. 


80.  Volpeyls  mor  en  trepayle, 
Metges  va  mal  querent, 
Ardits  viu  en  batayle 
El  pro  van  prêts  seguent. 


74.   Mays  val  esser  amats 

Trop  mays  per  sos  sotsmes 
Que  lemuts  ni  duptats  : 
Notât  lo  fayt  cals  es. 


i .  Can  bielas  raysos  dias, 
Si  les  vols  enantir, 
Garda  près  tais  esties 
Qui  les  sapchon  gresir. 


7^ .     Malvade  voluntats 
Non  es  fesels  ni  ferma. 
Per  que  fug  trop  ivats, 
E  qui  la  te,  bes  merma. 


82, 


Le  savi  dits:  Tôt  di 
Garda  ab  qui  seras, 
C'autra  fera  foylia 
Etu  la  compreras. 


'/O  b  fayts.  —  ji  en  marge:  Nota  asi  istoria  de  .j.  pescador.  —75  c  iuats; 
sur  attc  forme  qui  semble  dériver  d'une  fausse  lecture  du  prov.  viatz,  voy.  Mus- 
safia,  au  glossaire  de  son  édition  des  Sept  Sages,  sous  ivas.  On  trouvera  plus  loin 
ivasosamens  (quatr.  435)  dans  le  même  sens.  —  78  c  mets. 

Remania,  XV  3 


54  A.    THOMAS 

85.   Per  estranya 'ncontrada  90. 

Ne  de  tiemps  per  lonjansa 
No  deu  esser  trencada 
Entra  amichs  amistansa. 

84.  Tais  cuyda  esser  estons,  91. 
Can  fug  de  la  batayla, 

Qui  s'es  per  vida  morts, 
Puys  remor  près  la  fayla. 

85.  Tota  ren  vol  son  par        v»)        92. 
E  tira  son  semblan  ; 

Orgoyls  no  pot  durar 

Ab  altre  orgoyl(si  ses  dan. 

86.  Dones,  pus  tant  punyats  95 . 
En  crexer  la  bautat, 

Prec  que  punya  metats 
En  aver  castedat. 


Sitôt  eu^  qui  be  dich, 
Be  no  fas,  no  guarts  mi, 
C'om  val  mays  quens  castich 
Per  autre  que  per  si. 

Macips  fa  bon  senyal. 
Si  vergonya  se  dona  ; 
Ve  ne  hom  el  portai 
Si  la  mayso  es  bona. 

Can  lo  caps  mal  se  sen, 
Jes  lo  cors  no  es  sas; 
Can  fan  mal  tey  serven 
Dison  que  tu  lo  fas. 

Vergua  ecastiar 
Aporton  saviesa. 
Vols  ton  fiyl  aretar  ? 
Castiel  en  tenresa. 


87.   Dona  deu  ben  guardar 
No  perda  se  valor  ; 
Lo  bon  deu  hom  selvar 
Be,  e  myls  losmiylor. 


94.    L'aguila,  ensenhan 

Sos  pauchs  poyls  a  volar, 
Sobr'  eyls  ades  volan 
Los  vol  jent  ensenyar. 


88.  A  grieu  ensemps  estan 
Foldats  e  saviesa; 

Ab  gran  contrast  estan 
Castedat  e  balesa. 

89.  Mantes  vêts  pus  se  tarda 
Quis  cuyde  cuytar  may, 
Eîn)  qui  enan  no  guarda 
Soven  areyra  cay. 


95 .  La  berbayrits  natura 
Fugir  del  lop  ensenya  ; 
Si  del  fiyl  no  as  cura, 
Mal  aventurât  venya. 

96.  Fiyls  savis  es  del  payre 
Gloria,  benenansa; 

Si'n  joven  nol  faybrayre, 
Can  es  veyls  n'a  pesansa. 


85  EccLi.  XIII,  19,  20:  Omne  animal  diiigit  simile  sibi...  Omnis  caro  ad 
similem  sibi  conjungitur.  —  92  Cf.  qu.  349  cl  la  note.  —  93  Prov.  xxix,  i  5  : 
Virga  atque  correptio  tribuit  sapientiam.  —  96  Prov.  xiii,  y.  Filius  sapiens 
doctrina  patris. 


LES  PROVERBES    DF.  GUYLEM  DE  CERVERA 

97.    Mani  arbre  fan  fruyt  tal  105.    So  que  par  senyoria 

Fer  que  la  brancha  frayn  ;  Es  gran  subjeccios; 

Per  fiyl  pren  payre  mal  Tais  n'a,  cuy  meyls  séria 

En  loc  d'alire  guasayn.  f.y  Que  pa[u]bre  romeu  fos. 


98. 


Enans  c'autra  casti, 
Deu  hom  si  castiar; 
Qui  mal  fa  e  ben  di 
Si  eys  vol  guatiar. 


06.    Un  say  que  pot  aver 
Dos,  et  duy  no  may  d'u 
D'ayso  podon  saber 
Lo  ver  per  lor  cascu. 


99.  S'autre  volsmeynspresar , 
Esservols  meynspresats. 
Qui  no  vol  autre  honrar. 
No  vol  esser  honrats. 


07.   Cant  seras  covidats, 
Derrer  vuyles  ceser; 
Aven  humilitats 
Vey  bas  aut  romaner. 


!Oo.   So  c'a  hom  es  pus  car, 
Soes  pus  vil  a  Dieu; 
So  que  vols  mays  amar 
Poras  perdre  pus  leu. 


108.    Lay  es  caps  de  la  taule 
Hon  seon  li  miylor  ; 
Pus  Deus  lo  joch  t'entaule, 
No  prendeslo  pigor. 


ICI  .   Aytant  tart  corn  la  mar 
Tenras  femna  bestada  ; 
Tant  nol  poras  donar 
Que  jan  sia  payada. 


109.   Car  hom  hon  pus  ait  es    fv" 
Es  en  periyl  major, 
Et  hon  mays  a  conques, 
Del  perdr'a  mays  dolor. 


02 .    Us  marits  asaget 
C'ab  diables  bestes 
Sa  muyler,  quils  uget 
Ans  que  fer  se  pogues. 


10.   Qui  dona  senyoria 
A  foyl,  obra  'naxi 
Com  si  peyres  metia 
Al  mon  di  Mercuri. 


105 .    No  désirs  dignitat 
La  quai  no  pots  aver 
Sens  tort  e  sens  peccat; 
Mays  te  val  pauc  d'aver. 


II.    Si  gran  compte  tenets 
Entre  mans  et  comptats, 
S'una  peyre  hi  meiets, 
Lo  compte  er  torbats. 


104.   Altesa  de  ricor 

Es  guardaris  de  vicis; 
Per  puiar  en  honor 
Porta  mants  homscilicis. 


2 .   Can  hom  al  layra  tray 
Los  oyls,  sab  bo  a  l'orp  : 
Tôt  or  so  quel  lops  fay 
Ve  a  pleser  al  corp. 


102  ci  poques.  —  102  d  paus. 


104  b  guardans. 


?6 

I  M. 


Qui  savis  vol  usar 
Savis  coven  que  sia  ; 
Qui  ab  foyls  volenar 
Apendra  de  folia. 


114.  Trebucansa  de  gents 
Ve  per  mal  regidor; 
Bos  ho  mais  noyriments 
Ensenyon  li  senyor. 

115.  Tu  voiries  aver 
Be,  e.no  esser  bos; 
Bes  nos  pot  romener 
Mas  ab  ios  valoros. 


THOMAS 
120. 


Mays  es  menifestats 
Del  savi  us  sol  dia 
Que  la  tota  états 
Deceyl  qui  sec  folia. 

Lo  foyls  fera  tal  re         \j  6) 
Hon  hom  perlara  mays 
Que  sil  savis  fay  be  ; 
Mas  de  be  far  not  lays. 


122.   Si  com  als  cors  es  bos 
L'esauts  d'efermetat, 
A  l'arm'  es  seboros 
Aver  mal  de  peccat. 


116.    Nuyls  hom  re  no  volria 
De  mal  dins  sa  mayso, 
E  plats  li  mala  via  : 
Guardats  com  vol  son  pro  ! 


Reys  cesen  en  cadeyra 
De  judici  leyal 
A  la  gendreytureyra 
Dona  be,  lo[njyan  mal. 


117.   Nuyla  causa  non  es 

Tant  vils  com  mala  vida; 
Pauc  etrop  an  après 
Tal  c'an  l'arma  delida. 


1 24.   Trop  es  enjanayrits 
La  gloria  del  mon; 
Guarda  las  trixarrits 
Cals  an  estât  e  son. 


118.   Aytant  can  es  malvats 
En  major  dignitat, 
Dieu  esser  meynspreats 
Equi  l'i  a  pujat. 


119, 


Un'  obra  de  just  val 
.c.  mil  de  peccador; 
Non  perdon  lur  jornal 
Li  bon  laborador. 


125.  De  so  que  cuyderas 
Mays  en  est  segla  aver, 
Meyns  e  pus  tart  n'auras; 
Donchs  fay  a  Deu  plaser. 

126.  Guarda  que  no  ajusts 
Aver  don  autres  plor  : 
Les  lagremes  dels  justs 
Pujon  al  sol  senyor. 


120  c  la  don  a  estais.  —  120  Seneca.:  Unus  dies  hominum  eruditorum  plus 
patet  quam  imperiti  longissima  aetas  [cïtè  dans  la  Summd.  de  virtutibus  de  Guil- 
laume^ Pcrraut  d'où  Guylem  de  Cervera  l'aura  sans  doute  tiré).  —  126  bannes 
plor. 


LES  PROVERBES    DE  GUYLEM  UE  CERVERA 


Tota  aygua  avayl  cay, 
Aquesta  puia  amon. 
Pus  lieu  que  res  s'en  vay 
Lagloria  d'est  mon. 


1 34.   Voler  de  fornicar 
Es  engux'  e  falensa  ; 
Compliment,  ses  duptar, 
Es  trop  greus  penedensa. 


28.    No  cants  quan  foc  se  tenya 
A  l'alberch  del  vesi  ; 
Garda  qu'el  tieu  nos  prenya 
E,  si  pots,  tostl'ausi. 


135.   Qui  m'a  l'arme  lonyada 
De  Dieu,  ab  mais  acorts  ? 
Vils  volentat  malvada, 
Que  es  trop  dura  e  forts. 


I  29.   La  resits  soste  l'arbre 
El  baro  leyaltats, 
Sots  la  lausa  del  marbre 
Met  hom  los  pus  honrats. 


1 56.    En  la  terra  dels  fais 
Manjon  les  rates  fer  ; 
A  cobrir  desleyals, 
Estrayns  reysos  requer. 


30.    Reys.  ausen  entendets 
So  que  dison  li  san  : 
Grieu  caus'  es  car  falets^ 
Viats  vos  rcspondran. 


37.    En  terra  dels  enjans 
Milans  infans  enporte 
A  fais  re  no  comans, 
Que  tenrat  via  torta. 


Li  reys  de  les  abeyles 
Car  no  porton  fiblo 
Son  pus  humils  que  [ejyles 
Et  l'autra  divers  [s]o. 


58.   Tant  pauc  no  poyn   l'espina 
La  fresca  flor  del  lis 
Quel  punt  cel  qui  si  clina 
No  trop  sia  prim  vis. 


132.   Non  a  en  voluntat 
Neguna  causa  gran  ; 
Nel  proisme  vol  foudat, 
Al  poc  nom  entendran. 


159.    No  m'esaut  de  mayso 
D'ivern,  can  plou  el  foc, 
Nim  pac  d'oste  felo. 
Ni  can  vil  femna  joc. 


133.    No  pot  esser  trobada 

Nuyls  temps  fma  dousor 
Tant  fort  non  es  cercada 
Per  dura  amaror. 


140.    Si  comptes  ta  revso 
Denans  tos  enamichs, 
Can  non  as  fayt  ton  pro, 
Fas  los  de  plasers  richs. 


I  28  t  de  ton  uesi.  —  1 32  c  nol  sou  dat.  —  133^  maror.  —  1 56  en  marge: 
asi  ha  istoria.  Nous  ne  relèverons  plus  cette  mention  (jui  revient  de  loin  en  loin; 
voyez  l'index  au  mot  istoria.  —  137  c  sen  porte  —  139  i  com  pion.  — 
1  56-1  57  Allusion  i)  une  'able  connue  qui  se  retrouve  dans  Lajontainc  (ix,  1)  sous  le 
le  titre  de  :  Le  dépositaire  infidèle.  —  159  i/  cam   —  140  d  desplasers. 


Sil  misatges  qu'emvies 
Lay  on  vay  malvenguts, 
Mal  a  tos  obst'i  fies, 
Que  non  seras  cresuts. 


142  .   Qui  fa  oracios 

Ab  la  lengua  a  Dieu, 
On  fa  mans  fais  sermons, 
Sos  prechs  acabagrieu. 

14;.    Si  tremets  vil  misatge 
En  cort  d'onrat  senyor, 
Aportar  ta  dempnatge 
E  tolrat  te  lausor. 


148.  En  la  lengua  esta 
La  vida  e  la  morts  ; 
Per  la  lenguat  vendra 
Bos  0  mais  desconorts. 

149.  Lengua  es  pauch'  e  lieus, 
Pero  no  la  poria 
Governar  res  mas  Dieus, 
Tant  no  y  punyaria. 

1 50.  Paucha  es,  pero  tant  val 
Quel  mon  no[i]  a  re 
Qui  fassa  tant  de  mal 

Ni  mostre  tant  de  be. 


144.    Si  misatge[s]  tremets 
Irats,  lay  on  iran, 
Guarda  'n  cal  fayt  te  mets, 
Tots  tos  fayts  vireran. 


)  I .   Ben  esguarda  te  porta 

Que  mais  hostal  noy  prengua  ; 
A  la  lengua  fe  porta 
E  guarderasla  lengua. 


14^ .   Gara  trista  caylar  /'.  7 

Fa  leu  gens  mal  disents, 
Si  con  pluyas  anar 
Aquilos  le  gransvents. 


^2.    Domdad'es  la  natura 
De  tota  res  del  mon 
Per  home,  l'Escriptura 
Ho  dits  e  ho  despon  ; 


146.   Volenters  cayleras, 

Que  nom  voiras  re  dir, 
Pus  queconexeras 
Que  not  volray  ausir. 


I  ^  ^ .   Lengua  non  es  dondade, 
Car  es  mal  senes  fi. 
Qui  ha  lengua  trempade, 
Non  a  trésor  pus  fi. 


47.   Vis  entre  dous  et  len, 
Mays  puys  mort  et  ausi  : 
Lengua  fols  lia,  pren 
Et  comfon  autresi. 


^4.   Car  es  e  precios 

Lo  fruyt  que  lengua  porta. 
La  cal  Dieu  glorios 
Governaetcomforta. 


144  c  fayts.  —  145  </ agiles.  —  1^8  a  b  Prov.  xviii,  21  :  Mors  et  vita  in 
manu  iinguae.  —  149  Prov.  xvi,  i  :  Domini  gubernare  linguam.  —  152-155 
Jacobi  Epist.  Calh.  m,  7-8  :  Natura  bestiarum  et  setpentum,  volucrum  et  ce- 
terorumdomatur  a  natura  humana,  sed  linguam  nemo  domare  potest.  —  1 S  >  c  ^^ 
Prov.  x,  20:  Argentum  electum  lingua  justa. 


'H 


LES  PROVERBES    DE  GUYLEM  DE  CERVERA            ^,9 

Lengua  ciutats  murades  163 .    Paraula  nafra  grieu 

D'emperadors  dérocha.  Sitôt  s'es  trop  leugiera  ; 

Et  les  dompnes  preades.  De  loyn  fa  grans  colps  lieu, 

E  fen  la  pus  fort  rocha.  Tant  esfortz,ei  sobranseyra. 


1 56.  Maie  lengua  es  t'ochs 
E  universitats 

De  tôt  mal  en  tots  lochs, 
Plena  d'iniquitats. 

157.  Home  conexeras  (v°\ 
En  la  lengua  menar  : 

Sil  lauses,  feliras 

Ans  que  l'auges  parlar. 

1^8.    Nuyla  res  tant  d'onransa 
No  pot  can  lengu'  aver. 
Quant  Dieus    volch  a  sem- 
De  lengua  aperer.      [blansa 

1 59.  Ab  sen  deu  hom  guardar 
So  que  venir  poyria 

E  si  jen  castiar 
Perl'estranya  folia. 

160.  Pauc  val  cel  quis  trebayla 
Par  si  sol  aver  be, 

E  tots  hom  a  cuy  cayla 
Mays  d'autruy  que  de  se. 

161.  Trempaments,  horaysos, 
Ènsenyaments  e  laus 

De  Dieu,  comfacios 
Esgloriae  repaus. 

162.  Per  consolacios 

De  pruysmes  e  per  far 
Gracies  es  hom  bos 
E  per  foyls  ensenyar. 


164.   Guarda  si  fa  gran  guerra 
La  lengua  no  feels. 
Que  sitôt  s'es  en  terra 
Aicel  toyl  qui  es  al  cels. 

16s .   Guarda  com  parleras 
Ni  a  cuy  ne  de  que, 
El  loch  on  o  diras. 
El  temps,  c  'axis  cove. 

1 66 .  Tôt  so  qu'el  cor  t'avenya 
En  ta  lengua  no  sia  ; 
L'axemples  te  sovenya 
Dels  jagsdeLombardia  : 

1 66  bis  En  est  albe[r]ch  se  fatxic 
So  que  miser  no  satxe  ; 
Por  dicier  la  vertadc 
He  morte  lo  meu  frate  ; 
Si  tu  voy  vivere  in  pacie 
Aude  et  vide  e  tacie. 

167.  Pus  Dieus  mande  penjar 
Los  reys  no  dreture[r]s, 
Que  volgra  de  tu  far 
f^u'es  vils  et  sobrancers  ? 

168.  Dompne  sejornial  so      /. 
Par  del  mal  enemic, 
Quils  seus  met  em  preso 
El  man  volent  fainlric. 


1  ^6  c  tôt  lochs. 


dieus. 


d  sobrenters. 


40 
169. 


Tais  t'ame  quet  valria 
Trop  mays  quet  volgues  mal 
Mal  volent  not  feria 
Lo  mal  quet  fa  mortal. 


1 70 .  Per  re  no  m'esteria, 
Pus  axir  m'en  pogues, 
En  alberch,  sis  plovia, 
Can  defors  sol  faes. 

171.  L'espina  nafral  cors, 
Don  le  cors  es  sénats  ; 
Can  es  sénats  lo  cors, 
A  l'arma  ve  sentats. 


THOMAS 

'76. 


D'un  arbre  ay  vist  poms 
L'uavol,  altrebo; 
A  vêts  l'us  frayre  [es]  bos 
E  l'autre  no  te  pro. 


1 77 .  Lo  pom  hon  lo  verm  es 
Pren  ans  lo  jovenceyls 
Que  ceyl  on  no  n'a  jes, 
Car  li  semble  pus  beyls. 

178.  Bon  fruyt  no  pot  levar 
Mais  arbres,  ne  bos  mal: 
Ja  not'ansacordar 

Ab  jutge  desleyal. 


172.   Tots  hom  punyar  deuria 
En  bons  fayts  acabar, 
C'un  briant  trobaria 
Al  sol,  ab  be  sercar. 


179.   Er  ausirets  contrari, 

Que  mays  val  bo  que  bel 
Ets  un  vil  clau  d'ermari 
Ama  mays  c'  un  castel. 


175 .   Fum  geta  de  maysos 
Senyor,  so  sap  cascus, 
Estellyns  et  dregons 
Et  maie  femnapus. 

174.   Meylor  estar  faria 

Ab  dues  grans  serpents, 
Que  ab  femna  qui  sia 
Mala  ettropsebents. 


180.  Arbres tremet dousor       fv" 
Als  rams,  don  noyrit  so  ; 
Del  payredeuclamor 

Far  fiyls,  can  no  te  pro. 

181.  Tal  vesets  be  vestit 
E  beyl  et  penxinat 
C'a  lo  cordinspoyrit 
E  pie  demalvestat. 


175 .   Qui  a  sa  beyla  uxor, 
Guart  la  d'avol  vesina  ; 
Nô  esta  sens  paor 
Près  la  volp  la  gualina. 


1 82 .  Aur  ez  argent  e  perles 
Fan  dompnes  escalfar; 
Le  vents  mena  les  ferles 
Tant  que  les  fay  cremar. 


169  a  uolria.  —  170  <f  defores.  —  173  La  même  pensée  se  trouve  souvent  ex- 
primée au  Moyen  Age  :  Très  coses  giten  hom  de  casa  :  fum,  pluge  e  mala  fembra. 
(Le.livre  des  Trois  choses,  p.  p.  Morel-Fatio,  Remania,  1885,  p.  234,  §  26). 
Cf.  Le  Roux  de  Lincy,  II,  173  :  Fumée,  plu}e  et  femme  sans  rauon  ]  Chassent 
l'homme  de  sa  maison.  —  174  c  quab.  —  178  c  aus.  —  180  </  con.  —  181  d 
uestits.  —  181  />  beyls  et  penxinats. —  181  c  can,  poyrits. —  181  </ maluestats. 


i85, 


LES  PROVERBES   DE  GUYLEM  DE  CERVERA 

So  dits  Agust  César  190.    L'austors  no  vel  filat, 


Q^ue  tots  SOS  fiyls  aucis: 
^<  Mays  amera  estar 
Porchs  d'eyl  que  fiyl,  »  sodis. 


Tant  voll'ausiel  guardar; 
Tu  conoys  le  peccat, 
E  no  t'en  voislunyar  ? 


184.   Ceyl  auciu  planament 
Sos  fiyls,  quiyls  lax  périr 
Per  gran  defeliment 
De  guard'  e  de  noyrir. 


Mas  .).  moment  no  dura 
Lo  délits  d'equest  mon  ; 
Be  sec  maia  ventura 
Qui'n  délits  se  comfon. 


85 .    Molts  son,  quilbestiyar 

An  pus  cars  quels  enfants  ; 

Besties  castiyar 

Et  no   fiyls,  es  mais  grans. 


192.   Tota  res  qui  turmen       /.  9) 
Dona  mays  c'autra  res  ; 
Qui  tormen  per  Dieu  sen, 
Durables  délits  es. 


186.   Guardar  se  vol  l'ausiels 
No  cag'  en  la  tesura  ; 
Tu  not  guardes,  qu'es  veyls. 
De  la  mala  ventura. 


Non  a  en  saviesa 
Trebayl,  mas  bo  seber  ; 
Can  en  prim  cor  es  mesa, 
No  désir'  autr'  aver. 


187 


Sil  cas  en  l'aygua  cay, 
Exir  s'en  vol  nedan; 
Sil  foyls  al  peccat  jay, 
Per  sa  colpay  roman. 


194.    Enseyn  qui  vol  saber. 

Qu'ensenyan  pot  apendre  ; 

Mays  en  vol  retener 

Qui  mays  en  vol  despendre. 


L'auseyl  es  près  al  las 
El  pex  de  l'aygua  en  Tarn 
Hom  es  près  en  peccats, 
No  per  set  ni  per  fam. 


9^.   Saviesa  ligen 

En  me  cas  am  déport; 
Als  laigs  peccats  fugen 
Fugiras  a  la  mort. 


189.   Si  lo  pex  Pam  vesia, 
Si  com  ve  lo  menjar, 
Jal  menjar  no  pendria, 
Ans  volria  endurar. 


1 96 .   Can  vergu'  es  tenr'  e  moyls, 
Miels  la  pot  hom  pleyar; 
Hom  veyls  peccayre  foyls 
Mal  es  per  castiyar. 


185  Sins,ulùrc  altération  d'un  mot  attribut  à  l'empereur  Auguste  par  Macrobe 
tSaturn.  11,  4,  ?;  11)  a  propos  du  meurtre  des  fils  d'Hérode  :  MâWem  Herodis 
porcum  esse  quam  filium,  —  184  ^  planaments.  —  184  c  defeliments. —  19^  /' 
Corr.  ? 


Vaxels  mostra  tôt'  ora 
Que  y  ha  primer  estât 
Tos  fayts  ara  bos  fora, 
Qui  t'i  agues  usât. 


THOMAS 

204. 


Si'n  bona  viat  mets. 
Bona  via  tendras; 
Si  bon  présent  tremets, 
Bo  guasardo  auras. 


198.  Donar  nonauseras 

Al  bax  i'avol  gualina. 
Es  a  Dieu  offerras 
Tota  la  pus  mesquina  t 

199.  Dignes  ofFertes  porta 

A  Dieu,  de!  miyls  que  auras. 
Car  s'el  te  clau  la  porta, 
Ab  luy  no  entreras. 

200.  Soven  ve  mal  per  be 
E  soven  bes  per  mal  ; 
Not  guarts  de  Dieu  et  re 
Als,  mas  guardar,  not  cal. 

201  .   Can  l'oyl  no  veson  clar, 

Lo  cors  es  tenebros , 
Longuat  de  mal  guardar, 
Si  vols  esser  joyos. 

202  .   Guardan  ne  pessan  mal 

No  pot  hom  aver  be; 
Si  vols  fer  bon  jornal, 
Pessat  so  quit  cove. 

20^ .  Nuyls  hom  sens  pietat 
No  deu  merce  querer; 
Qui  ab  Dieu  se  combat 
Infern  vol  conquerer. 


205 .  So  on  punyat  auras 
Detz  ayns  a  guasenyar 
En  .j.  moment  perdras, 
Si  no  0  sabs  guardar. 

206.  No  compres  la  meyso 
De  ceyl  qui  l'aura  feyta  ; 
Si  as  bon  companyo, 
Not  fera  re  sofrayta. 

207.  Ayceyl  fo  compayn  bo 
Qui'n  la  preso se  mes; 
E  ceyl  pus  coratjos 

Quil  jorn  vench  que  promes. 

208.  Qui  fa  mal  en  joven, 

El  cami  sempna  espines 
On  ey!  metex  se  pren 
Ab  maies  disciplines. 

■  209.  Qui'n  joven  mal  far  voyla 
Can  al  cors  san  e  tendre, 
La  lenya  ab  aygua  moyla 
C'ab  bon  foc  deu  encendre. 

210,    La  candela  muylada 

No  s'ensien  lieu  en  loch. 
Car  resos  es  provada 
C'aygua  contrastel  foch. 


\c)-]  a  b  HoRATius,  Epist.  l,  11,  69-70:  Que  semel  est  imbuta  recens  ser- 
vabit  odorem  |  Testa  diu  (aft!' </j«5 /t- Moralium  dogtna,  f/i.  32).  —  199  fCarcei. 
—  205  è  mersa. 


LES  PROVERBES    DE  GUYLEM  DE  CERVERA 
218 


2  11.   Can  melesa  s'es  mesa 
Primer  en   ovencieyl, 
Contraste  la  bonesa, 
Vedan  qu'en  bes  capdeyl 


Can  fan  mal  li  major 
Li  menor  lo  vol  far  ; 
Cil  te  mostron  foylor 
Quit  degron  castiar. 


No  vol  metr'en  vaxel 
Laig  Dieu  se  dignitat 
Tantost  com  fa  al  biel  ; 
Donchs  mondet  de  peccat. 


219.    Mays  perfeta  [es]  la  vida 
De  meestra  leyal 
C'oracios  gresida 
Ne  paraula  no  val. 


21;.    Perdiment  de  tiemps  es 
Dur'e  estranya  causa, 
Car  tiemps  val  mays  que  res. 
Qui  en  ben  far  lo  pausa. 


220.    Dels  temps  c'as  meynscabat 
Te  deus  per  foyl  tenir; 
So  que  non  as  sempnat 
Jove,  vols  vieyl  cuylir  ? 


214.    Nuyla  res  mays  presada 
Que  tiemps  esser  no  sol, 
Mas  er  tant  es  pujada 
Viltats,  c"  om  tiemps  no  vol. 


Tots  savis  crey  mays  huyls 
Que  aureyles  no  fay  ; 
Tu  qui  mas  reysos  cuyls, 
Ab  leyaltat  hi  vay. 


215,    S'as  bes,  nolays  del  dia 
Passar  sol  una  part 
Ses  be  far,  car  foylia 
Fa  qui  de  be  se  part. 


Qui  per  comendamen 
E  per  paraul'  ensenya, 
Punya  hi  trop  lonyament, 
Per  molt  que  cor  destrenya. 


216.    Dompn'  es  si  consendats, 
Que  can  hi  cay  laydura, 
Non  es  beyls  ni  mundats 
Per  nuyla  levadura.      /.  10 


Hom  ensenya  molt  lieu 
Et  profitosam.ent 
Ab  l'exemple  Si  de  Dieu 
Et  leyaltat  siguent. 


Si  dues  vêts  t'enjan 
Ne  très,  Dieus  mal  me  do 
Can  no  t'en  vas  guardan 
Etz  a  tu,  si  mays  so. 


:24.    De  ceyls  vuylas  conceyl. 
Si  vols  sen  retenir, 
On  mays  te  meraveyls 
De  veser  que  d'ausir. 


212c  can  ta. 
-221c  mavs. 


2136  durs  estranya.  —  21^  <j  Ses  bes.  —  219  ^  parauia. 


44  A. 

225 .   Vergony'  es  ,  c'om  enseyn 
Be,  et  que  fassa  mal; 
Ja  d'ome  qui  mal  reyn 
No  auras  bon  jornal. 


252.    Can  diras,  be  comferma 
Tos  dits  ab  obra  bona  ; 
Mais  faytsbos  dits  desfferma 
Els  dients  ocaysona. 


226.   Tais  fay  lum  as  altruy 
C'a  si  eixnon  fay  jes, 
Ez  an  trop  mays  d'enuy 
Q^ue  si  lum  no  portes. 


23^.   Con  tu  as  so  mostrar 
Q^ue  conegut  non  as  ? 
Si  vols  mi  ensenyar 
Ne  autre,  apendras. 


227.  Ceyl  es  trop  desestruchs 
Qui  lum  porta  e  no  ve  ; 
Mays  li  val  c'an  huyls  cluchs 
C'oberts,  oz  eu  0  cre. 


234.   Trop  bona  disciplina 
Ue  maestr'  es  calars, 
Troban  puys  la  doctrina 
C'apendras  ensenyars. 


228.    No  t'asauts  de  senyor 
Si,  quant  l'auras  servit, 
Per  noveyl  servidor 
Te  meta  en  oblit. 


255 


Ans  que  parles,  aprin. 
Et  can  l'autra  aura  dit, 
Respon  pla  bonamen 
Asso  c'auras  ausit. 


229.  Mendaments  es  lucerna 
Dreyta  o  la  leys  luts  ; 

Si  bos  sens  not  gover[n]a 
Viats  seras  perduts. 

230.  En  so  que  jutgeras 
Autr'  a  mal  ni  a  tort, 
Tu  exs  condempneras  ; 
Donchs  euardet  de  la  mort. 


256.    En  sciencia  homil 
Es  saviesa  vera  ; 
Ab  fayt  franc  e  gentil 
Nobla  ricor  espéra. 

237.   Lo^rjgoylos  cre  saber 
.M.  causes  que  no  sab  ; 
Qui  no  sab  abstener. 
Grieu  er  que  no  meynscab. 


Beyls  parlars  ab  mal  vivra 
Non  es  als  mas  dampnars, 
Hon  hom  confon  délivra 
Ab  SOS  propis  parlars. 


258.   Ses  loquencia  bona 

Pauch  profetcha  sabers  ; 
A  savia  persona 
Cove  dits  de  plasers. 


226  a   fan,   altruyl.  —  227  c  uuyls.  —  229  b  dreyUi  &  la.   —  229  Prov 
VI,  25  :  Mandatum  lucerna  est  et  lex  lux.  —  2]i,  a  lui.  —  25^  ii  aprin. 


LES  PROVERBES    DE  GUYLEM  DE  CERYERA 


45 


259.   Noy  ha  beyla  rayso 

C  om  no  pusch'  afolar, 
Fa) t  tan  dreyt  ni  tant  bo 
Lieu  ab  mal  recomptar. 

240.    Loquencia  me  ura       [f.  1 
Con  sciencia  custume, 
Que  la  bona  natura 
Per  la  malas  consuma. 


247.  Quel  profetcha  claus  d'aur 
Pus  que  non  potsobrir 

So  que  vols,  e  tresaur 
As  don  nol  pots  servir  ? 

248.  [E]  claus  de  fust  quetnotz 
Pus  so  c'  obrir  en  vols 
Obrir  et  tencar  pots  ? 
Per  pauc  de  mal  te  dois. 


241.    Us  foyls  afoleria, 
.iiij.  tantsab  foldats 
C'us  ab  sen  no  feria 
Ab  sinquanta  asenats. 


249.   Saviesa  madura, 
Manifesta,  suaus, 
Brieus,  profitable,  pura 
Cove.  s'aver  vols  laus. 


242.    Le  savis  dits  ;<'  natura 
Pot  lieu  dessimular 
No  loquencia  pura, 
Qui  be  la  sap  guardar. 


250.   Saviesa  cove 

Manifestar  per  tal 
Que  tuyt  l'entendon  be, 
Car  estiers  re  noval. 


245 .    La  lengua  graciosa 

En  bon  home  habunda  , 
Virtuts  es  preciosa 
Qu'agensa  obra  et  munda. 


251.    La  doctrina  es  laugera 
Dels  savis  et  plasents 
A  ceyis  qui  an  maneyra 
D'aver  entendiments. 


244.    Qui  si  eys  amonesta 
Denant  tots  de  far  be, 
Pus  gloriosa  festa 
No  pot  mandar  asse. 


252.   No  deus  ta  saviesa. 
Pus  la  as,  amegar, 
C'onors  es  e  noblesa 
Ques  deu  menifestar. 


(V) 


24^ .   Qui  si  a  ensenyat, 

Miyls  pot  autr'  ensenyar  ; 
Maestra  mal  usât 
No  vuyles  demendar. 


:  ^  ^ .  Maneyr'es  molt  lusents 
D'ensenyar  e  doctrina 
D'exemplis  justamens, 
C'autra  non  es  pus  fma. 


246.  Onraments  covinables 
Es  en  pronunciar  ; 
Bels  dits  es  agredables 
Debe  acustumar. 


254.   Albirar  e  stimar 

Deus  ceyls  qui  primamen 
Ab  cuy  as  a  perlar 
E  son  enlendimen. 


243  d  qua  guens  aobra.  —  2^4  />  corrigez  tôt  primamen. 


46 
255- 


Viula,  saltiris,  tibre 
Fan  dous  e  suau  so; 
Lengua  suaus  ses  libre 
Mostran  suau  reso^, 


262 .    La  vergonya  not  dos 
De  demendar  altruy 
S'aprendr'en  vols  rasos, 
Mas  guarda  co  ni  cuv. 


256.  E  francha  de  paraules 
Brieus  fa  mants  ausidors  ; 
Ignorans  a  vetz  faules 
Monstron  sen  ses  folors. 

257.  So  retra  sans  Bernats 
Et  es  vera  resos  : 

No  pot  esser  vertats 
Vist'  ab  oyl  argoylos. 

258.  Fochs  es  desobr'els  cauts 
E  no  veson  lo  sol; 
D'aytal  foc  no  t'asauts 
C^'estar  fay  fol  caut  sol. 

2^9.   Aycel  focchs  cauts  es  ira 
E  le  sols  es  vertats, 
Per  que  Dieus  cel  asira 
Qui  n'es  trop  escalfats. 

260.    ira  no  jutge  be 

Ne  amors  la  vertat, 
S'om  donch  non  a  en  se 
Amor  e  pietat. 

261     Ventres  gros  et  fersits 
No  resep  soptil  sen. 
Que  sent  Johan  0  dits, 
Qui  parla  soptilmen. 


265 .  Can  ben  dison  li  mal 
No  so  menspreador 
D'ausir,  car  lor  dits  vais, 
Sil  fayt  non  an  velor. 

264.   Sitemps  Dieu,noseras  1/.  1  2 
En  nuyl  fayt  negligens; 
Ja  re  be  no  feras 
S'es  vas  Dieu  no  chalens. 

26^ .    Savis,  per  que  dreyt  an, 
Endresa  be  sa  via  ; 
No  savis  meynspressan 
Los  sieus  l'estrayna  guia. 

266.  Ja  no  vuyles  contendre 
Per  peraules  disen, 

Nels  prims  soptils  rependre 
Nels  fats  c'an  pauc  de  sen. 

267.  Contendres  per  laudura 
Corn  pessan  nos  ajuda 
Que  lectors  don  foyls  cura 
Sia  per  ver  vensuda. 

268.  Perseverans'  es  mayre, 
So  vesem,  de  les  arts; 
Ja  not  diran  d'arts  payre 
Si  de  la  mayret  parts. 


260  c  non  a  seen.  —  264  d  sen.  —  26^  d  lestrayan  aguia.  —  266  Prov. 
III,  30:  Ne  contendas  adversus  hominem  frustra,  etc.  —  267  a  Corr.  par- 
laduraP 


,ES    PROVERBES    DK    GUYLEM    DK    CF.RVERA 


269.    Negligencia  es 

D'ensenyaments  mayrastra  ; 
Si  volsesser  après 
Guardat  d'aytal  desastra. 


J76.   Axicon  trop  parlars      /. 
A  mants  parladors  nots. 
Sis  fa  masa  caylars, 
Et  massa  calfar  cots. 


70.   Ignoranci'es  caps 

De  tôt  mal,  don  peresa 
S'engenra,  be  lo  saps. 
E  foli'  e  peguesa. 


277.   Qui  no  guarda  raso. 
Raso  délivre  pert  ; 
Guarda  dins  ta  mayso 
Te  teinjyon  per  espert. 


271  .    Le  ferr  es  agusats 

Ab  ferr,  pus  hom  t'en  pic, 
Ez  hom  agusa  fats 
Ab  fas  de  son  amie. 


278.    Guarda  tes  escudiers 
Not  sia  trop  privais. 
Net  sia  conseylers, 
Sin  vols  esser  preats. 


272.  A  los  fiyls  compteras 
Sen,  caylan  la  folia; 
Can  arrar  lo  veyras, 
Ab  exemplis  castia. 


279.   Si  mon  servici  prens, 
Obligats  me  seras, 
E  ja  mos  mal  volens 
A  dreyt  no  jutgiaras. 


175.   Medicin'escrusels 
De  primer  es  amara, 
E  puys  dousa  com  mels, 
Can  s'ave,  fma  cara. 


280.  Menasses  valon  mays 
A  vêts  que  betiments  ; 
Qui  de  castichs'iraxs 
No  pot  esser  valents. 


274 .  Ton  fiyl  anic  ensenya 
E  no  l'en  desespers, 
C'ans  acove  que  prena 
Senab  dits  de  plasers. 

275 .  Cals  caus'  es  que  no  gir 
Custuma  e  usansa  r 
Cax,  c'  om  no  la  pot  dir. 
Donchs  ben  usant'enansa. 


281.  Can  deu  picar  l'espina, 
Aguda  nax  e  par; 
S'aver  vols  valor  fma, 
En  be  deuscomensar. 

282.  Del  proverbi  vedans 
Com  dits  entre  no  ables 
Qui  en  joven  es  sans. 
Can  es  vieyls  es  diables. 


269  h  (Jesensenyaments.    —   i/u   ^   ui..ig^...o.    -     ^ 
274  d  pour  fin'e  cara.''  —  277  b  de!  ura,  —  281  b  ua 


dengenra.    —   270  d  folia  peguesa. 


28^ .   Ab  crusels  medicines 
Poras  de  mal  guarir; 
Mas  si  sempnas  espines, 
No  cuyts  resims  cuylir. 


291 .    La  boccha  er  maldiciha 
D'ayceyl  qui  parlera 
—  So  es  raysos  escritxa 
Lahoncaylar  deura. 


284,   Qui  mays  deu  ensenyar 
Mays  de  sen  deu  apendre; 
Reysqui  deu  mays  mostrar 
Deu  mays  de  bon  seyn  pendre. 


292. 


Si  fas  tan  gran  honor 
A  un  ton  cominal 
Con  a  ton  bon  senyor, 
No  teras  bon  jornal. 


285.   Metges  deu  bons  senyals 
Del  melaute  lausar, 
Qu'estiers  nonesleyals, 
Et  cuyt  be  comensar. 


29^ .   Si  de  jenoyls  sey[n"lan 
Entres  dins  ta  mayso, 
Tuyt  t'en  escarniran 
Et  no  feras  ton  pro. 


286.   Estudi  es  la  obra 

De  fayts  malvats  0  bos  ; 
Al  cal  d'u  e  d'als  obra, 
Don  pus  es  volontos. 


294. 


Si  vas  dins  lo  moster 
Cantan  e  gabs  disen, 
Tendran  te  per  lauger 
E  perdesconaxen. 


La  régla  dels  santspayres 
Servan  qui  son  pessats 
Es  hom  dits  fiyls  e  frayres 
De  dieu,  tant  heretats. 


29^ .   Si  fas  so  de  caresma 
Que  feras  de  carnal, 
Tôt  ton  dan  t'en  aesma. 
Sil  temps  fas  cominal. 


Be  guarda  la  persona  i/.  1  ^) 
A  cuy  deus  dir  0  far; 
Tais  caus'  es  ab  l'u  bona 
C  ab  autr'  en  pot  errar. 


296.   E  si  fas  so  d'  ivern 
Que  feras  en  estiu, 
Tuyt  s'en  feran  esquern 
Si  con  de  rat  e  niu. 


289. 


290. 


Tais  caus'  es  covinens 
Denan  avesc'  0  rey, 
Qui  es  descovinens 
Denan  autres  que  vey. 

Lochs  et  sasos  cove 
A  dire  etz  a  far  ; 
En  loch  poras  far  be 
On  te  feras  blesmar. 


297.  En  primer  apendras 
So  qui  es  corporals, 

E  puys  miyls  entendras 
So  qu'  es  espiritals. 

298.  La  maysos  non  es  ferma 
Senes  bos  fundamens; 
Ab  leyeltat  te  ferma, 

Si  vols  esser  valens. 


285  a  bon.  —  289  a  comeus.  —  292  a  ten.  —  297  d  ipiritals. 


LES  PROVERBES    DE  GUYLEM  DE  CERVERA  49 

299.    Hom  a  la  carn  aciis  507.   Sil  servienl'  es  vestida 

Et  a  ses  volentats, 
Corn  sent  Jeronim  dis, 
Per  besti'  es  comptats. 


;oo.    Lo  malvat  no  entes  v^i 

Pausats  en  gran  honor 
En  aylan  con  hom  es 
A  mens  que  porcs  valor. 


Miels  quel  dona,  dan>  t'  er, 
Quel  dona  n'  er  marrida 
E  redrat  mal  loguer. 

Hom  deu    la  dompn'  onrar 
Enans  que  la  sirventa  ; 
La  carn  vey  tant  presar 
Que  l'arme  n'  es  dolenta. 


501  .    Sil  lops  pogues  far  clam 
Ne  perles  ses  duptansa, 
Dixera  :  veus  Adam  ! 
A  la  nostra  semblansa. 


509.   So  es  causa  sebuda 
Entrels  fais  els  leyals, 
C  onors  costumes  mudi 
0  en  bes  0  en  mais. 


202 .   No  deu  senyorejar 

Sobrels  princeps  negus 
Mas  Dieu,  qui  es  ses  par. 
Toi  sols  senyer  ses  pus. 

503.    Sobrel  senyor  le  sierfs 
No  tayn  que  senyorey; 
Si  tôt  clerg  fan  iloi  reviers, 
Cleyrc  e  layc  compte  rey. 

P4.   Le  vils  cors  senyoreja 
Sobre  l'esperit  tan 
Ab  argoyl  le'  per  envega 
C'amduy  hi  auran  dan. 

305.  L'esperit  ab  lo  cors 
A  comparar  no  fay; 
Can  l'esperits  n'  es  fors, 
Lo  cors  a  tierra  vay. 

306.  S(i)  âmes  mays  la  serventa 
Que  la  dona  no  fas, 
Cascuna  n'  er  dolenta 

El  dol  tôt  tu  l'auras. 


310.  Pigor  causa  no  say 
De  bas  en  ait  pausat, 
Que  can  cossech  decay 
Ab  sa  gran  cruseltat. 

311.  Terra  es  comoguda 
Per  .ii).  causes  sofrir, 
Per  la  quarta  es  vensuda 
Que  no  pot  sostenir. 

312.  Per  nuyla  re  la  terra     f.  14 
No  trop  tant  se  destrenya 
Acata  mortal  guerra 

Con  en  temps  que  serf  renya. 

313.  Causa  fayta  com  flors 
No  dura,  ans  vay  lieu, 
Ja  per  autres  senyors 
Fayta,  mas  sol  per  Dieu. 

314.  Aspra  caus' es  e  mala 
Qui  fa  de  serf  senyor, 
E  de  senyor  ser  tala. 
E  de  iuglar  comdor. 


299  a  com  acIis.  —  joo  d  pores.  —  302  c  Corr.  A  tanta.  —  ^o-j  d  reiral. 
Romania,  XV.  4 


3'5 


Le  portaments  el  ris 
D'orne  el  cubrimens 
Mostre  s'es  fais  o  fis 
Els  dits  vilso  plasens. 


316.  Si  a  tu  no  perdones 
Per  tu  metex  sivals, 
Si  asso  t'abandones, 
Conexeran  si  vais. 

517.  A  tu  metex  perdona 
Per  Dieu,  car  de  tu  fe 
Cas'a  SOS  obs  si  bona, 
Casa  no  es  per  te. 

318.   Lusia  la  lumneyra 

Denan  les  gents  per  tal 
Que  visson  lamaneyra  ; 
Bon'  es  l'obre  ses  mal. 


THOMAS 

322. 


Cascus  deu  far  fasenda 
Tal  con  li  tayn  a  far, 
Per  quels  oyls  no  offenda 
Quil  volran  esguardar. 


52?.   Cascus  dels  membres  tieus 
Deu  far  so  que  li  tayn  ; 
Vil  causa  ese  grieus 
Qui  so  que  deu  far  frayn. 


324.   La  ma  no  deu  parlar 
Ne  la  bocca  veser 
Ni  l'aureyla  guardar 
Ni  oyl  dar  ni  tener. 

32$ .   Tais  n'  i  a,  per  orgoyl 
Tenon  la  bocha  oberta 
E  tenon  tancat  l'oyl 
E  no  fan  obra  certa. 


tv°\ 


319.   Aytal  es  disciplina 
Com  bona  vestedura 
Ab  odor  bona  e  fma 
A  Dieu,  quils  bons  milura. 


320. 


Isach  l'odor  senti 
Dels  vestirs  de  son  fiyl, 
Per  que  lo  benesi 
El  tench  per  son  espiyl. 


321.   «  L'odors  dels  vestiments 
»  Teus  es  tais  »,  dix  Isach, 
))  Con  d'encens  qu'  es  plasens 
A  son  fiyl,  tant  li  plach. 


326.  No  lieus  parlan  les  ceylas 
Ni  estendras  les  mas 

Nel  coyl  sots  les  aureyias 
Ne  les  cambes  on  vas. 

327.  Ses  be  parlar  seber 

No  pre  ni  tenc  per  biel, 
Ne  qui  no  a  poder 
El  poyn  on  tel  couteyl. 

328.  Ris  es  desordonats 
D'emveya,  e  qui  ri 

Can  no  deu  rir',  es  fats; 
Com  freneticz  fa  si. 


318  d  perts  se.  —  320-321  Cf.  Gènes,  xxvii,  27:  Ut  sensit  vestimen- 
torum  iliius  fragrantiam,  etc.  —  325  Couplet  cité  par  Pach  :  Per  ço  dit  Ser- 
ver! :  Tais  hi  a  qui  per  ergoli  |  Tenen  la  bocha  uberta,  |  E  tenen  tancat 
l'ull,  I  E  non  fan  hobra  santa  (sic)  {Esp.  54,  fol.  -j  a  ;  55,  fol.  3  b). 


LES    PROVERBES   DE   GUYLEM    DE   CERVERA 
5^6 


529.   Tots  savis  mays  volria 
Esser  sas  et  plores 
C'ab  tan  gran  malautia 
Franaticz  e  rises. 

5^0     Ris  del  foyl  son  plasen 
E  les  peraules  fines 
Con  lo  sonet  que  fan, 
Can  cremon,  les  espines. 


Rire  trop  en  est  mon    f.  i  s 
No  tayn,  ans  es  folors, 
C'ab  peccat  quins  comfon 
Esbrieus  e  vayls  de  plors. 


:^7.    Una  paraula  tayn 
A  savi^  autr'  a  foyl  ; 
Lo  privât  e  l'estrayn 
Guarda  se  dur  e  moyl. 


1 ,   Aytal  guasayn  farets 
Costal  fols  fats  cesens, 
Con  can  prop  foc  serets 
D'espines  verts  cruxens. 


38.   A  l'u  tayn  parlars  aut 
Ez  a  1'  altre  suau  ; 
Sil^oi  cor  as  d' ira  caut, 
Ab  fenx  semblant  t'esjau. 


2 .    Foyls  malign  argoylos 
Sobre  biels  ri  axi 
Conlair'  emtre  layros 
Qui  d'altruy  mal  se  ri. 


^9-    Rasos  asaut    e  suau    com- 
Dir  a  foyl  no  cove,      [posta 
C'a  rasos  no  s'acosta, 
Ans  respon  mal  per  be. 


533.   Can  canteras,  not  ries 

Ab  crits,  co  vey  mans  rire, 

Per  alegre  que  sies, 

S(ii  escarns  no  vols  ausire. 

??4.   Can  hora  se  ri  e  canta 

Mermen  prenon  tuyt  trey  ; 
Com  fa  el  ris,  par  canta, 
El  cant  si  pert  son  drey. 


340.  Paraula  non  es  biela 
En  la  bocha  del  foyl, 
Ho  es  causa  noviela, 
Si  be  lai  passai  coyl. 

341 .  Non  es  tan  solamen 
Foyls  qui  savis  non  es  ; 
Masceyl  qui  malamen 
Viu  es  per  foyl  fat  près. 


335.   Le  fats  se  ri  ab  crits 
El  savis  pla  e  gen  : 
Ris  fats  es  melasits, 
En  vil  trop  non  a  sen. 


342.   Si  parles  as  aureylas 

Dels  foyls,  meynspreseran 
Tos  dits,  si  bels  conseyles, 
E  jare  non  feran. 


330  EccLE.  vu,  7;  Sicut  sonitus  spinarum  ardentium  sub  olla,  sic  risus 
stuiti.  —  331  c  can  con,  —  334  a  serri.  —  335  Eccli.  xxi,  23  :  Fatuus  in 
risu  exaltât  vocem  ;  vir  autem  sapiens  vi.x  tacite  ridebit.  —  338  />  Ezel.  — 
358  (i  ie  fian.  —  339  Prov.  xvii,  7  :  Non  décent  sîultum  verba  composita. 
—  341  (f  e  es. —  342  Prov.  xxiii,  9:  In  auribus  insipientium  ne  loquaris, 
quia  despicient  doctrinam  eloquii  lui. 


S2 

543 


No  pots  ab  foyl  parlar 
Guayre  ses  repentir, 
Ne  l' escarnit  gaubar 
Ne  l'usât  descarnir. 


344.  Le  frayres  aiudats 
De  son  frayr'  es  axi 
Com  la  ferma  ciutats  : 
Le  proverbiso  di. 

345 .  Tart  parle  raso  brieu, 
Plana,  can  parleras, 
Ab  vots  bassceta,  lieu, 
Que  plus  grasit  seras. 

346.  Sent  Jeronim  estima 

Zo  don  par  que  bet  prengua 
Ans  aports  a  la  lima 
Tos  dits,  que  a  la  lengua. 


350.   So  c 'hom  al  pruysme  do 
No  deu  dir  ni  cutjar 
Que  per  gratia  fo  ; 
Voyl'  0  no,  ho  deu  far. 

551.   Molt  mays  val  sens  periyl 
Pa  etz  aygua  manjar 
Que  perdits  ni  conils 
Ne  vi,  ab  mal  usar. 

:;  5  2 .   Nos  corromp  causa  biela 
Per  una  vetz  veser, 
Mas  corromp  se  punciela 
Per  una  vetz  tener. 

353.   S'una  vetz  prens  olor 
De  causes  ben  olens, 
Non  perdran  lor  valor 
Ni  ja  non  velran  meyns. 


347.  Le  savis  el  cor  a 
La  boca,  el  foyls  te 
Lo  cor,  c'  a  lieu  et  va, 
En  la  bocha  dese. 

348.  Per  savi  es  tenguts  ivi 
Le  foyls,  can  va  caylan  ; 
Molt  es  noble  virtuts 

Can  hom  val  cor  sobran. 

549.   Can  l'us  membres  sent  mal, 
Sis  fan  per  semblan  tuyt  ; 
Si  fas  bos  croy  j ornai, 
Alt  leveran  lo  bruyt. 


354.  Nuyla  res  not  tenra, 
Aygua,  vens  ne  presos, 
Tant  cant  femna  fera, 

On  pus  seras  gurayos    [sic] . 

355.  Lo  corptremet  Nohe 
De  l'archa,  vertats  es, 
E  no  tornet.  Per  que  ? 
Car  dix  que  muyler  près. 

3  $6.   A  metremonis  tayn 
Que  ses  solvimen  sia; 
Del  metremonis  playn 
Qui  ab  malvat  se  lia. 


544  Prov.  XVIII,  19:  Frater  qui  adjuvatur  a  fratre  quasi  civitas  firma.  — 
347  EccLi.  XXI,  29:  In  ore  fatuorum  cor  illorum.  —  348  a  b  Prov.  xvii, 
28  ;  Stultus  quoque  si  tacueril  sapiens  reputabitur.  —  348  d  Con.  —  349  c  Si 
fas.  —  349  a  C] .  Le  Roux  de  Lincy,  Livre  des  prov.  1,  276;  Cui  li  chiés  deut 
est  {lis.  el)  tuit  ii  membre.  —  351  ^  Pas.  —  35"  '^  Nenis. 


LES  PROVERBES    DE  GUYLEM  DE  CERVERA 

5^5 


Deleyts  es  metremonis 

Et  torn'  en  maltrayt  grieiis 

Ez  ajustel  demonis 

Et  re  nol  solv  mas  Dieus. 


y^ 


Le  baros  no  faels 
Es  ver  santificats 
Per  muyler  qu'  es  faels 
Et  monda  de  peccats. 


^58.   Si  vols  plasen  manjar. 
No  vuylesenans  d'ora; 
Désirs  fa  meylorar 
Manjar  c'  om  asebora. 


^66.    Santa  Cicilia  fe 

Son  espos  bo,  can  1'  ac, 

El  converti  dese. 

Tan  disen  c'  a  Dieu  plac. 


559.  Nabugadonasor 
Emfants  ensenyava  ; 
Per  aver  soptil  cor. 
Pauc  a  menyar  los  dave. 

560.  Entre  quinz'  e  .xx.  ans 
Artfocdejoventpus;  'f.  16 
Qui  vol  saber  d'enyans, 

Ab  avols  femmes  us. 


567.  Muylers  ama  merit 
Qui  no  la  fir  falona  ; 
Cel  tenc  per  benesit 
Qui  la  pot  aver  bona. 

568.  Saber,  aver,  honor 
Poi  payre  fiy[l]  donar  ; 
Mas  muyler  ses  foylor. 
La  pot  hon  al  fiyl  dar 


561  .    Qui  sa  fiyla  ajusta 

Ab  amant,  be  ho  fay, 
Can  es  ver[g]es  et  justa  ; 
Mas  miyls  fa,  sis  n'  estay. 

362 .   Qui  necis  vol  peccar 
Necis  pert  ses  govern, 
E  pers  de  perdonar 
Met  mans  bocs  en  infern. 

56 ^    De  proar  se  folia 

Muyler  horn,  pus  l'a  presa  ; 
Tenya  la,  quai  que  sia, 
Pus  en  l'alberch  l'a  mesa. 

564.   Muyle[r]s  es  gaugs  durable 
O  durables  torments  ; 
Muylers  gen  resonables 
Dona  alegraments. 


369.    Si  prens  muyler,  ben  gara 
Sia  del  tieu  semblan; 
Qui  d'aytal  fayt  s'empara, 
Ops  es  c'  ap  sen  hi  an. 

570.    Dieus  can  det  a  Adam 

Muyler,  dis  ses  doptansa  : 

■<;  Adjutori  fasam 

A  eyl  de  sa  semblansa.  » 

571  .    Dieus  no  fets  del  cap  Eva, 
Per  que  dir  no  pogues 
So  don  mans  mais  s'éleva 
Et  no  senyorages. 

572.   Eva  nofo  moguda  r  , 

Del  pe  d'Edam,  que  fos 
Per  sirventa  tenguda, 
Car  no  fora  resos. 


557  d  solem.  —  359  i  emfauis. 
bon.  —  569  c  Que. 


365  Cf.  I  Cor.  VI 


568   </  pot 


37^ .    Eva  fo  del  meg  loch 

D'Edam  per  raso  bona; 
Per  aysodel  mig  moc 
Que  fos  sa  companyona. 


THOMAS 

380. 


L'alberc  sia  per  tu 
Coneguts  bonaments, 
Si  quey  miron  cascu 
Mays  tu  quels  ornaments. 


174.    No  vuyles  de  noblea 
Ab  ta  muyler  contendre; 
De  jovent,  de  bellea, 
Te  semblant  vuyles  pendre. 


?8! 


La  verga  on  es  batuts 
Xastian  deus  baysar; 
Gels  es  sers  et  creguts 
Quis  laxa  xastiar. 


575 .    Si  estret  es  l'anels 

Pus  quel  det  no  cove, 
Nol  ports  net  sia  beyls, 
Que  no  t'  estera  be. 


382 .    No  mor  cel  quis  castic 
Per  verga  ;  can  ferras 
Ab  verga  ton  amie, 
D'imfern  lo  lunyaras. 


576.   Can  l'aneyls  ampl'  estay, 
En  prim  det  no  s'enpar, 
Que  mentement  en  cay, 
C  om  no  l'en  pot  gardar. 

377.  No  deus  pendre  muyler 
Mas  per  cessar  peccat, 
E  c'aies  heratier 

Que  tenya  te  heretat, 

378.  No  désirs  fiyls  aver 
Mas  per  crexer  t'onor 
E  c'aion  bon  seber 
D'onrar  nostre  Senyor. 

379.  En  ton  alberch  no  vuyles 
Esser  reconaguts 

Per  senyor,  ney  acuyles 
Re  don  sies  perduts. 


383 .  Verga  de  diciplina 
Aygua  de  peyra  tray. 
Si  con  la  verga  fina 
De  Moysen,  se  say. 

384.  Cil  c  'an  dur  cor  con  peyra, 
Verga  d'emfermetat  [(/".  17 
0  be  d'autra  maneyra 

L'a  tost  a  Dieu  tornat. 

385 .  Liada  es  folia 

Dins  el  cor  de  1'  emfan. 
Mas  verga  l'en  desliya 
E  fug  d'eyl  castian. 

386.  Disciplina  aduts 
Saber  et  saviesa  ; 
Ceyl  es  qui  viu  perduts 
Sens  tant  nobla  riquea. 


375  c  mig  nex.  —  379  Mart.  Dumiens.,  Formula  honestas  vitas,  cap.  III  : 
Nec  dominum  velis  esse  notum  a  domo,  sed  domum  a  domino.  —380  Martin. 
Dumiens.,  op.  de  Moribus  :  Sic  habita,  ut  potius  laudetur  dominus  quam  do- 
mus.  —   381  c  sers  =  certs  .? 


l87 


LES  PROVERBES   DE  GUYLEM  DE  CERVER/ 


Salamos  fo  aytan 
Fols  con  desemparet 
Disciplina,  don  dan 
E  mal  nom  en  portet. 


595 .   Le[s]  lagrimes  del  hoyl 
Sant  et  del  piado(r  s 
Torcara  ses  orgoyl 
Deus,  qui's  sols  poderos. 


No  digues  que  ton  frayre 
Ams  mays  que  tu  no  fas 
Sil  lays  son  voler  fayre 
E  tu  castiar  l'as. 


196.   Axi  corn  les  esteles  y°] 

Del  cel  pots  lieu  comptar, 
Si  tu  meteysno  celas, 
Porasautra  celar. 


389. 


Herater  vuyl  ceyl  fiyl 
Qui  betuts  es  per  mi  ; 
L'autra  laix  en  periyl 
Que  no  bat  ne  casti. 


597.  Can  en  rocha  veyras 
Lo  pas  de  la  serpen, 
De  ta  moyier  sebras 
Tôt  son  entendimen. 


590.   Le  simis  la  nots  lansa  _ 
C  a  vert  escorxeamare, 
Don  con  foyls  l'abondansa 
Del  gra  dois  desempare. 


398.    Hom  no  sap  de  1'  ausiel 
Volan  hos  pausara  ; 
Nos  fay  del  jovenciel 
Si  bos  0  mal  seras. 


591.  Disciplin' esamare 
Que  aporta  douçor 
Fina,  plasent  e  cara  : 
Donchs  not  fasa  paor. 


599.   Tôt  axi  com  la  luna 
Crexen  poras  mermar. 
Pots  per  ver  .j.  ne  una 
Sens  alcun  crim  trobar. 


592.   Benuyrat  seran 

Ceyl  quis  ploron,  c'apres 

Lo  plor  s'alegreran, 

C  ab  plor  ve  gaug  ades. 

595 .   Ben  sabs  que  les  abeyles 
Fan  pic  amar  con  fel. 
Mas  hom  vol  noyrir  eylas 
Per  amor  de  la  mel. 


400.  Can  veyras  lo  cami 
Qu'en  la  mar  fay  la  naus^, 
Poras  far  bona  fi 

C'ab  vil  femnat  repaus. 

401.  So  qu'esser  no  poria 
Cre  fols  et  fais  semblans  ; 
Si  nuyls  hom  en  tus  fia, 
Guardet  que  no  l'engans. 


594.    Hom  poda  lasermen 
Per  fayre  fruyt  meylor; 
S'avia  sentimen 
Sentir  n'  i  a  dolor. 


402  .    Per  amor  de  la  mayre 
Vey  demorar  Temfant; 
Jamays  de  fais  compayre 
No  vendra  pro  ses  dan. 


d  castian.  —  399  d  Cens. 


56 
403. 


De  guasayn  qui  mal  sia 
No  feras  obra  bona  ; 
Tôt  can  guasayn  falcia 
Tôt  a  desastr'  o  dona. 


404 .  Si  falcia  guasanya, 

Ne  0  met  dins  la  porta, 
Nuls  hom  non  es  qui  planya 
Can  desastras  n'  0  porta. 

405 .  Aytant  me  deus  grasir 
S'a  ton  amich  fas  be 
Per  tu,  corn  de  servir 
Tu  eys  et  mays  gran  re. 

406.  Aytant  am  mon  amich, 
Si  no  m'  0  fay  saber, 
Com  tem  mon  enamich, 
Si  nom  fay  desplaser. 

407 .  Soven  te  hom  per  mal 
Lo  bo,  el  mal  per  be; 
Tal  re  dits  hom  que  val 
Qui  nots  et  pro  no  te. 

408.  Francs  senyer  et  compayns 
Sies  dins  ton  ostal  ;    [(/.  18I 
Gint  recip  los  estrayns, 
Mas  no  tots  per  egual. 

409.  Si  vols  leyo  semblar 
Aucient  tos  sotsmes, 
No  pots  guayre  durar 
Pusnot  venca  merces. 

410.  Altres  vencre  toyl  força; 
Mas  homil  vencimens 
Donan  poder  esforça 
Tots  cels  que  merces  vens. 


THOMAS 
41  I  . 


412 


Mant  sabon  grat  aver 
De  so  que  no  feran  ; 
A  moûts  vey  conquerer 
Desgrat  de  tôt  can  fan. 

Mays  vuyl  de  mon  misatge 
Beyl  respos  ses  re  far, 
Ques  ab  respos  selvatge 
Fa[r]  so  que  vuyl  mandar. 


41  ^ .    Diables  fe  duptan 
Entrepretacio 
A  Eva,  don  es  gran  dan 
Prin  la  melor  raso. 


414. 


Pus  benenans  séria 
Trencan  roques  de  grat, 
Que  si  rosas  cuylia 
Contra  ma  volentat. 


415.  Reys  vens  ab  paciencia 
Ez  ab  dous  faytz  pus  gen 
Tots  quants  paciens  vensa 
Que  ab  enfortimen. 

416.  Meylor  venser  faria 
Una  gen  c'  un  baro  ; 
Qui  son  fel  cor  vencia, 
Faria  fayt  maysbo. 

417.  Pus  leu  aturaria 

Nau  en  mar  en  gran  ven 
Us  foyls,  que  no  faria 
Sa  lenga  mal  disen. 

418.  Moli  vey  aturar 

Per  .j.  homa,  can  mol. 
Lenguar  no  castiar 
Per  mil,  can  parlar  vol. 


403  a  cia. —  403  c  fais  sia.—  403  ^destrodona. —  410  e  força.  —  415  biec. 


LES  PROVERBES    DE  CUYLEM  DE  CERVERA 


57 


419.    Pus  lieu  sera  usada 

Lenguavil,  cant  es  lonja, 
Que  no  er  [sjaiiada 
D'usar  en  dir  mensonja. 


427.   A  l'arbre  loyl  dels  rams 

Mais,  et  membret  dels  bos  ; 
Pel  fruyt  don  me  creys  fams 
Quel  pus  disgracies. 


420 .    Bestias,  peys,  auciel 
An  abitacio 

En  est  mon  ses  capdiel, 
Mas  lo  fiyl  de  Dieu  no. 


428.    La  mala  volentat 

Pot  hom  d'ome  partir 

E  metra  la  bontat 

Don  hom  pot  fruyt  cuylir. 


42  I .   Con  ymages  aiam 

De  terra  qui  pauc  val, 
Per  que  no  la  portam 
Del  ciel  bon  e  reyal  ? 


429.   Qui  sa  volentat  fa 
No  aten  guaserdo 
Mas  de  si  ;  no  l'aura 
Per  dreyt  ni  per  rayso, 


422.  Fiyls  desobediens 
Ho  destreitzd'obesir, 
Can  ho  presera  mens 
Es  jutgats  a  morir. 

423 .  Utero  jutgamen 
Donet  per  dret  jutgat  : 
'  Fiyl  desobedien 

Sion  alapidat.  >> 

424.  Mayr'  es  obediensa 
De  totes  les  virtuts. 
Mayrastra's  de  falensa 
Et  de  vicis  sebuts. 


450.   Qui  volentat  d'autruy 
Vol  far  e  no  de  si 
Aten  grat  de  seluy 
Et  de  tu  et  de  mi. 

45 1  .   Selamos  ac  contrari 
Per  desobediensa 
Un  home  adversari 
Can  fe  tan  gran  falensa. 

4^2.    La  clau  de  paradis       /.  19) 
Trobet  obediensa 
(^is  perdet  —  so  m'es  vis  — 
Per  desobediensa 


425 


Obediensa  es 
De  merits  poderosa, 
Seluts  ferm'en  tots  bes 
E  forsa  greciosa. 


435.    S'en  vida  vols  intrar 
Durable  bonamens, 
Guardet  de  mal  obrar 
Et  servels  mendaments. 


426.    Desobediens  fo 

Adam,  per  que  perdet 
Son  poder  per  raso  : 
De  senyor  serfs  tornet. 


434.  Obediensa  quer 

.vij.  causes  veramen: 
Obesir  vol  primer 
Ez  aqueyl  simplamen, 


419  d  miada?  —  425  c  form. 


^8 

A.    THOMAS 

4^5. 

E  vol  alegramen 
Et  ivasosamens, 
Volenterosamen 
Queretberonilmens, 

445- 

Mas  en  franch  cor  omil 
Non  es  obediensa  ; 
Franques'  e  fait  jantil 
Fan  beyla  continensa. 

456. 

Continuadamens, 
Et  la  entencios 
Del  voler  francamens 
Es  grans  melorasos. 

444. 

Si  ab  mi  vols  estar,          (V"i 

Mos  mendaments  feras, 

Ab  que  not  man  mal  far; 

E  ja  no  arreras.                           1 

457.  Dieu  no  guarda  la  causa 
Que  hom  fa,  mas  lo  cor  ; 
Qui'n  malvoler  se  pausa, 
Per  lo  malvoler  mor. 


445 


Si  tu  fas  a  te  guisa, 
A  ma  guisat  daray; 
Si  tu  fas  a  la  mia 
A  la  tua  faray. 


458.   A  fait  no  guarda  Dieus, 
A  pesni  quantitat, 
Sil  fayts  es  grans  0  lieus, 
Mas  sol  la  volentat. 


446.   Poder  desordonats 

Not  moua  ne  riquesa  ; 
On  pus  seras  pugats 
Aies  mays  de  simplea. 


4;9.   Ipocras  pauset  ley 
Et  Octopigoras 
Sobrels  lors  —  fe  que  dey 
Que  negus  per  nuyl  cas 


447.   Membret  qu'el  mon  poder 
Non  a  mas  ceyl  de  Dieu; 
Qui  poder  vol  aver, 
Am  ceyl  e  meynsprel  sieu 


440.    Non  auses  demendar 
Desentencia  lor, 
Per  ques  diria  mar 
Fosson  resebador  ; 


448.   Alegra  donador 

Ama  Dieus  e  te  car, 
E  pug'  e  creys  s'onor 
Al  do  gaserdonar. 


441 .   Segonsso  quel  disen 
Aurion  be  parlât 
Fosson  il  entenden 
De  la  auctoritat. 


449.   Bieyla  car'e  douçors 
De  paraules  plesens 
Son  d'obesir  colors, 
Servan  los  mendaments. 


442 .   Nuyia  virtut  non  as 

Mager  ops  que  simplea; 

E  vergonya  auras, 

Car  no  es  sens  franquesa. 


4^0.   Pus  per  obra  plesen 

D'obesir  es  pastz  Dieus: 
De  fel  li  fas  presen, 
Si  l'obesir  t'  es  greus. 


448^(fjgas  ordonar. 


LES  PROVERBES    DE  GUYLEM  DE  CERVERA 


59 


4P  .    Lopsalm  dits,  qui  belguarda: 
.c  Deron  [mej  man  gar  fel.  » 
Nol  dons  vianda  amara, 
Tu  qui  dar  li  deus  mel. 


458.    La  verga  d'arbre  bo 
Lia  hom  a  .j.  pal 
Per  aquesta  rao 
Que  no  trenc  per  vent  mal. 


452.   Tota  bonesas tutcha, 
Car  es  propis  mestiers 
De  cel,  can  trop  noy  lucha. 
Qui  G  fa  volontiers. 


459.    Emfants  quan  es  laxats 
A  sa  volentat  fayre, 
S'al  pal  non  es  liats 
Estreyls,  confon  sa  mayre. 


453.    D'avso  son  molt  preyat 
Li  princep,  que  lur  man 
Sion  tost  acabat, 
C  hom  de  re  nols  desman. 


460.   A  fiyl  de  re  cove 

Sobra  tots  entendensa, 
E  sia  liyats  be 
Al  pal  d'obediensa. 


454.  Tu  qui  volontiers  fas, 
Co  c'  affar  as  fay  tost, 
Pus  vius  e  léser  n'as, 
Que  puystem  prop  not  cost. 


46 1 .    Qui  a  molt  ha  mandar 
Cove  c'  ai'  obesit, 
Qu'esters  no  pora  far 
Plasenment  ne  grasit. 


45  <, .   Vesist  l'orne  espert 
Denan  lo  rey  estar; 
L'obra  don  no  s'espert 
Li  fara  aturar. 


462.    Si  tu  vols  obesir, 

Temps  de  mendar  atens; 
Per  re  no  pots  feylir 
D'aver  obediens. 


456.   Ja  per  aspra  paraula     /'.  20)      46: 
No  lays  obediensa, 
Ne  no  parles  a  taula 
Tro  que  raysos  t'en  vensa. 


Tu  qui  obesit  as, 
Dels  mans  qui  t'  eron  grieu, 
Sim  creus,  te  guarderas, 
Que  ja  nols  faras  lieu. 


457.   On  pus  l'arbr'  es  cargats 

De  fruyt,  pus  fort  s'enclina  ; 
On  mays  seras  bestats 
De  bes,  homils  t'  afina. 


464.    S'aital  grat  corn  voiras 
Del  tieu  be  obesir 
Als  tieus  mandats  randras. 
Faries  te  grasir. 


4^1  b  Ps.  Lxviii  22:  dederunt  in  escam  meam  fel.  —  4^5  Prov.  xxii, 
29  :  V^idisti  virum  velocem  iti  opère  suo  ;  coram  regibus  stabit^  nec  erit 
3nte  ignobiJes.  ~  459  Prov.  xxix,  i  j  :  Puer  autem  qui  dimittitur  voiuntati 
suae  confundit  matrem  suam. 


6o 
465, 


Fiyls,  obeyits  als  payres 
Vostres  et  al  senyor, 
Ez  amats  vostres  frayres 
Si  queus  porton  honor. 


472.   Bos  compayns  en  la  via 
En  cax  carrera  es  ; 
De  companyos  tôt  dia 
Bos  apendras  tot[s]  bes. 


466 .  Vertats  emfanta  ira 
Et  servirs  fay  amies  ; 
Pero  en  verta[t]  vira, 
S'esser  vols  d'onor  richs. 


475 .    Fats  no  sab  guasenyar 
Ni  servar  amistats, 
E  ho  pots  bejurar, 
C'amichs  non  ha  hom  fats. 


467 .    Lenya  de  benifaits 
Encen  lo  foc  d'amor; 
D'auîramen  er  desfaits 
Et  mor  qui  noy  ha  cor. 


474.   Savis  faper  sos  dits 
Amar  a  gen  presada  ; 
La  gracia  ab  crits 
Dels  foyls  es  escampada. 


468.   Si  peguacaldaprens 
Senyal  t'en  porteras  ; 
S'  ab  orgoylos  aprens 
Superbiat  vistras. 


[V")      475.    Fiyls,  ab  humilitat 
Acaba  tots  tos  fayts  ; 
De  fayts  d'iniquitat 
Lexan  es  lieu  desfayts. 


469.   Tôt  aytal  companyia 
Corn  al  lop  [e]s  l'anyel 
A  ceyl  qui  malvat  sia 
A  cel  c'  a  bon  capdel. 


476.    Manera  d'ayman  ha 
Franc[a]  homilitats, 
Car  axi  va  tiran 
Coratges,  dits,  passais. 


470.  Ab  los  meylos  de  tu 
Conversa  ez  estay, 
Quel  carbos  morts  ab  .j. 
Viu  torna  viu,  so  say. 

471 .  Axi  corn  les  abeylas 
Se  paxon  en  les  flors, 
Se  pexon  a  seyn  d'eylas 
Li  bo  ab  los  meylors. 


477.  No  cal  erbes  cercar, 
Sorceras  ne  devines  ; 
Ama,  faras  t'amar  : 

Vet  les  meylos  metzines. 

478.  Honorar  e  servir 
Voyles  et  fayre  be, 
E  feras  t'  obesir 

Al  pruymes  portan  fe. 


466  d  Cesser.  —  469  d  capdeiel.  —  470  c  Cal  carbos.  —  475  Ecci.i- 
XX,  17:  Fatuo  non  erit  amicus.  —  474  Eccli.  xx,  15  :  Gratiae  autem  ta- 
tuorum  effundentur. 


479-   Estrecha  companyia 
Es  obligacios, 
C'ans  assi  dan  daria 
Que  a  tu  compayn  bos. 

480.   Si  pots  trovar  amie    1/. 
Savi,  benign  e  ferm. 
Non  auras  enamic 
Des'amor  te  desferm. 

481     Bénignes  tayn  que  sia 
Amichs,  per  tal  que  re 
No  fassa  qui  greu  sia 
A  son  amie,  mas  be. 


LES  PROVERBES    DE  CUYLEM  DE  CERVERA 
487. 


61 


La  poma  vert  toylras 
Per  força  del  pomier  ; 
La  madura  veyras 
Chaser,  sil  vent  hi  fer. 

Hom  joves  mor  per  forsa 
Kt  viels  per  madurea; 
Fuyla,  flors  es  escorca 
Pert  l'arbres  perveylea. 


489.   Si  us  arbres  floria 

Can  deu  son  fruyt  aver, 
Part  natura  faria, 
Obran  contra  plaser. 


482 .   Savis  tayn  si'  amichs, 
Que  sabcha  con  ne  can 
T'ajut,  set  crex  destrichs, 
De  cor  no  re  dubtan. 


490.   Si  hom  veyls  cavelcava 
En  una  cana  lonja 
E  con  enfants  manjava, 
Sariel  gran  vergonya. 


485 .    D'amie  tayn  fermetatz, 
Que  de  1'  autra  nos  toyla, 
Can  sia  fadiats, 
En  luy  mens  be  nol  voyla. 

484.  Qui  SOS  veyls  amichs  laxa 
Per  novels,  es  folors, 
C'axis  par,  sis  biaxa, 

Us  d'amiehs  com  de  flors. 

485 .  Les  flors  con  fresques  so, 
Plasens  et  agredables; 
Tal  vey  de  primer  bo 
Que  puys  es  vius  diables. 


486. 


Ligen  0  as  trobat, 
Si  as  après  Chato  : 
«  Conseyl  sacret  celât 
Livra  ton  eompanyo.  » 


491 .  Sabches  que  malesits 
Es  emfans  de  .c.  ayns; 
Can  seras  veleyits, 
Guardet  d'obres  d'emfans. 

492 .  Piyor  es  bestials  (v") 
Q^ue  bestiaestar; 

Si  bestia  fa  mais, 
Natura  ho  fay  far. 

495 .   Si  bestia  fa  re 

De  mal,  fa  ho  natura; 

Si  bestial  ave, 

Per  vicis,  part  mesura. 

494.   S'ab  negu  prens  paria, 

Guarda  nsi  que  bes  capdel  : 
Membret  la  companyia 
Del  lop  et  de  l'anyel. 


486  Dyon.  C.\to,  II  :  Consilium  arcanum  tacite  committe  sodali. 


G2 

495 


496. 


Si  tu  parts,  honra  gen 
Lo  meylor  per  raso  : 
Membret  del  partimen 
De  l'ase  et  del  leyo. 

Joe  far  can  no  cove 

Aduts  blasm'  e  folor  : 
Membret  lo  jochs  que  fe 
Alas  a  son  senyor. 


497.  Qui  pus  lo  carbo  mena 
Ab  lo  foc,  pus  s  'i  pren  ; 
Qui  de  saber  s'apena 
Saber  menan  apren. 

498.  Poders  et  saviesa 

No  son  senes  bontats; 
Car  hom  val  ses  bonesa 
Meyns  on  pus  es  pujats. 

499.  No  deu  hom  aver  cura 
D'autre  meynspresan  si; 
Trop  fa  mort  aspr'  e  dura 
Qui  per  autre  s'ausi. 

500.  Can  d'amie  parleras, 
Guarda  que,  ne  a  euy; 
Testimoni  feras 

Per  eyl  0  contra  luy. 

501.  No  voyles  esser  glots  ; 
Trop  manjar  mai  perpren, 
Si  com  es  bos  a  tots 
Manjar  eominalmen. 


503.  Peresos,  la  formiga 
Guarda,  que  fa  d'estiu, 
E  senyor  qui  rel  diga 
Non  a;  veies  con  viu. 

504.  Si  desfa  tos  compayns  [f.22] 
So  que  tu  auras  fayt, 

Mas  te  velra  l'estrayns  ; 
En  foyl  auras  maltrayt. 

S  04.   Ceyl  vol  mays  mal  parlar 
Qui  pus  en  vol  bestir 
E  degra  s'en  passar, 
Noab  far  ho  ab  dir. 

5 06.  La  brasa  pren  l'emfans 
Per  lo  foc  que  ve  bjel, 
Que  no  sap  si  1'  es  dan, 
Ez  un  taylan  coutiel. 

507.  Si  tu  fas  aytal  obra 

Com  l'emfans,  mala  creis  : 
La  mameyia  recobra, 
O  guarda  tu  mateys, 

508.  Emfans  s'alegra  mays 
Per  joc  que  per  senbiel 
E[ll  perdres  pus  l'irays 
D'un  pom  que  d'un  castiel. 

509.  Ben  lieu  tal  re  pendras 
Que  tendras  per  guasayn, 
Don  tu  matex  perdras 

Et  serat  trop  estrayn. 


502.   Ezahu  mal  obret 

Et  fet  trop  gran  mercat. 
Que  per  lantiles  det 
Tota  sa  heratat. 


510.   Mays  ama  pauca causa 
Emfans  soven  que  gran, 
E  per  eolps  se  repausa 
Et  per  be  va  ploran. 


LES  PROVERBES    DE  GUYLEM  DE  CERVERA 


Femna  si  pert  leumen 
Sa  fama,  con  la  flors 
Marfa  lieu  per  lo  ven 
Et  rams  fraygtz  per  calors- 


)i'~).    Femna  qui!  cors  no  gar 

Trop  lieu  en  gran  mal  cay  : 
S'om  se  tard'  el  guardar, 
Si  els  amichs  decay. 


Can  va  entre  setmana 
Defors,  pren  1'  en  axi 
Con  près  a  na  Diana, 
Can  de  l'alberch  s'eixi. 


520.   Femna  vagan  enclausa 
Trop  lieu  cay  en  peccats  ; 
Trop  es  estranya  causa 
Le  repentirs  s'er  dats. 


5  n  .    Na  Diana  y  anet 

Per  les  dones  veser  ; 
En  Xixen  l'en  trobet 
Qui'n  fe  tôt  son  plaser. 


^21.   César  fiyles  avia  : 

Per  tal  que  no  cessesson, 
Car  guardar  les  volia, 
Voie  que  lana  obresson. 


514.    Sobra  gracia  es 

Crans  gracia  pausada 
Castedat,  mays  que  res 
A  biela  femna  dada. 


522.    Si  com  biela  penchura 
Es  sobre  blanch  pausada, 
Sobre  castedat  pura 
Es  vestadura  onrada. 


515.   Verges  solon  guardar 
Denan  honestamens  ; 
Ara  volon  parlar 
E  far  ardidamens. 


5  2  î .   Femna  verges  esquiu 
Trop  manjar  et  fort  vi, 
Con  passar  .j.  gran  riu 
Et  serpen  e  veri. 


^16.    Si  tu  as  fiyla,  voylas 
Quel  marit  let  deman  ; 
Per  re  no  li  acoyles, 
Qu'il  an  marit  sercan. 

517.   Qui  fiyla  laxa  anar 
Defors,  con  ops  hi  ha. 
No  voira  dins  estar 
Tots  jorns  c'ops  hi  aura. 


524.  La  talpa  camjet  mal 
Can  oyls  per  coa  det  ; 
Guardet  de  camj'  aital, 
Cane  bos  no  s'axorbet. 

525.  So  dits  al  lop  Raynarts  : 
Tais  de  letra  sebia 
Qu'era  pecs  et  musarts. 
Guardet  c'  hom  no  t'  0  dia. 


^18.   Si  dompnes  met  en  joch 
Ni  en  femne  laugera, 
Nol  pot  hom  tener  loch 
De  tener  vil  carreyra. 


526.   Tais  s'en  cuya  portar 
Saber  et  lum  ab  si  ; 
Can  nol  sap  gen  guardar, 
Us  pauc  de  vent  l'auci. 


^20  d  repentits  cerdats. 


64  A. 

527.   Sabers  si  com  lums  es 

Que  no  merma,  qui'n  pren. 
Ans  creix  cascus  ades 
Can  horn  autra  n'ancen.. 


554.    Dona  de  bis  vestida 
Et  de  porpre  es  bona, 
Qu'estiers  non  es  gresida 
Si  non  a  cot'  et  eona. 


^28.   Janotdostropd'esmayi/.  251 
Per  noves  ne  per  perdre, 
Me  per  guasayn  trop  jay, 
Ne  re  not  fassa  sperdre. 


^55 .    Bis  es  dats  a  vestir 
Per  aver  castedat, 
E  porpre  ses  falir 
Per  aver  caritat. 


529.    Ma  sors  voil  so  escriva 
Que  sans  Jeronim  dis  ; 
^<  Verges  de  Dieu,  esquiva 
Vi  axi  com  veris.  ■' 


!6.    Ho  femna,  tu  qu'es  biela, 
De  peccar  persabuda, 
Mentanent  c'  hom  t'apela 
Tabelesa  's  perduda 


5  30.   Lots  can  fo  ambriachs 
Ab  sa  fiyla  pequet  ; 
Per  so  da  vi  not  pachs,  [ret. 
C'ab  Lotisi  mans  homs  n'er- 


537.   Tu  biela,  c' al  segl' es 
Vils  ez  imferns  t'agatcha, 
Mays  te  valgra  t'agues 
Nostre  Senyor  desfatcha. 


5  ?  I .    Dis  a  una  donzela 
C'avia  nom  Foria 
Sans  Jaronims,  per  eyla 
Esquivar  de  folia  : 


538.   Qui  son  biel  tresaur  porta 
Denan  tots  per  la  via, 
Del  tresaur  s'aconorta, 
Car  vol  que  toit  li  sia. 


532.    «  Ho  donzela,  pausada 
En  fervor  de  joven, 
No  es  asegurada 
De  fayre  felimen  ; 


539.    Si  savis  es  presats, 
A  tos  obs  ho  sera[s]  ; 
Savis  serats  onrats 
S'a  Dieu  sirven  t'en  vas. 


^33.    Plena  de  fort  vianda 
De  salses  et  da  vi 
Ab  meraveyla  granda 
Es  femna  casta  axi.  » 


540. 


Savis  cal  caus'  a  mays 
Que  fols,  sino  car  vay 
Layon  es  vid'  e  jays, 
E  foyls  areres  tray  ? 


(v°] 


529  HiERON.  Epist.  XVIII  ad  Eastochium  .  Sponsa  Chrisli  vinuni  fugiat 
proveneno.  —  531  Furia  ctait  une  de  ces  dames  romaines  dont  sain!  Jérôme  fut 
cjuelque  temps  le  directeur  de  conscience.  —  ^3 2-5  55  Cj.  Hier.  Epist.  XVIII  ad 
Eastochium:  Vinum  et  adolescentia,  duplex  incendium  voluptalis  est.  —  537  /» 
tagratcha.  —  537  c  ta. 


LES  PROVERBES   DE  GUYLEM  DE  CERVERA 

541.    Mercadiers,  si  cobria  549.  Le  manjars  s'asabora 

De  biels  draps  laigs  trosiels.  En  la  boca  testan, 

Escarnils  en  séria,  E  bos  motz  s'acolora 

Si  com  de  laigs  los  biels.  En  la  boca  menan . 


65 


^42 .   Vist  ay  mants  bos  trossiels 
De  trop  (si  laigs  draps  cuberts, 
E  cuberts  ab  draps  biels 
Mafnjs  avols,  don  suycerts. 


S  50.    L'aur  del  foc  giteras 
Qui  motle  intrera, 
Es  aytal  l'en  trayras, 
Con  lo  motle  sera. 


545 .    Dieus  mes,  a  liey  de  franch 
Qu'es  tôt  sol  poderos, 
Dins  cuberta  de  fanch 
Esperitprecios. 


551.    Paraula  ve  del  cor, 

Mas  en  la  bocas  forma. 
Es  hom  fai  la  defor 
Segons  que  s'es  la  forma. 


544.   Jes  pes  de  fust  non  es 
Gloria  de  cuil'a; 
Aytant  pauc  preye  arnes 
A  home,  can  breu  va. 


552.    Heu  ay  femna  trobada 

Pus  amara  que  mort  ;    /.  24^ 

Femna  jalosa  fada 

Plors  de  cor  ses  comfort. 


545 .    Moylers  vils  be  vestida 
Esquerns  es  de  marit, 
E  cil  es  exernida 
Ez  il  pecz  fal  mal  dit . 


5  <i  :; .    A  verges  son  .vij.  causas 
Sobre  tôt  temorosas: 
Superbia  e  pauses 
—  Fa  d'ayso  totes  hores  - 


546.    Be  se  gloriyaria 
S'avia  gran  balea 
Qui  se  gloriyal  dia 
Tôt  en  sa  gran  legesa . 


5  54.    E  taca  de  peccat 
Et  de  perseveransa, 
Fal  et  tebesetat 
Et  vils  desesperansa. 


^47.    Fiyl  et  cavelier  so 

L'argoylos  del  diable, 
Qui  es  et  er  et  fo 
Reys  d'argoyl  asirable. 


555.    La  meylor  causa  qu'es 
El  mon  es  pus  esquiva; 
E  la  pus  avol  res 
El  mon,  pus  agradiva. 


5  48 .   Senher  es  bona  nats. 

Don  hom  ha  gaugcon  manda, 

E  senyer  asirats. 

Quilsbos  mendats  desmanda. 


5^6.   Aquest  segl'  es  plo[m]bats 
De  matrimonis  gen, 
E  per  verginitats 
Paradis  bielamen. 


^42  u  Uits.  —  544  b  descasca.  —  546  a  Bes  gloriayaria. 
^^2  Cf.  EccLE.,  vu,  27  :  inveni  amariorem  morte  mulierem. 

Romania,  XV 


^6  (  quis. 


66 

557- 


Si  corn  lis  entr'  espines 
La  mia  amigastay 
Entre  les  fuyles  clines 
Al  vent  qui  las  dechay. 


558.  No  voyles  longiamen 
Sols  ab  parenta  star  ; 
Aies  remembramen 
Del  sogra  de  Tamar. 

559.  Cinc  grans  en  semblan  d'or 
Ha  en  la  flor  del  lirs  ; 

La  verges  rich  tresaur 
Ha  dins  al  cor  assis. 


560. 


Dousamen  et  fortmens 
Am'e  saviamens 
Con  fi  aur  finamens 
Dieu  ;  l'als  es  niens. 


565.  L'enamics  cèlera 
Lo  be,  can  lo  faras, 
E  l'envejos  dira 

Mays  mal  que  no  diras. 

566.  Tal  obra  penss'  a  far 

Que  per  loc  ne  (per)  fenestra 

No  la  deies  laxiar, 

Per  mar  ne  per  tempesta . 

567.  Princep  deu  esquivar 
Si  molt  perfetamen 
Nuyl  peccat  non  empar, 
Altra  peccat  giquen. 

568.  Princep  deu  abacort 
Es  ab  cossirer  far 

.  Bos  fayts,  guardan  de  tort 
E  dels  sieus  a  raubar. 


^6\ .   En  blanca  vestadura 

Par  miels  qu'en  autra  taca  ; 
Sis  fay  en  verge  pura, 
Mays  que  vert  sobre  laça. 

562.  Maysc'angels  an  poder 
Verges  la  carn  sobran  ; 
So  dits  le  viers  per  ver, 
Etl'angel  carn  no  an. 

563 .  No  voyles  c'  hom  t'apeyl 
Per  semblan  foyl  repres; 
Nés  deu  vestir  la  peyl 
Del  lop,  qui  lop  no  es. 

J64.  Tais  ha  cross'  e  aniel,     (v°) 
Non  oac  bonament; 
Tal  porton  lonc  mantel 
Q^ui  galion  la  gen. 


569.  Can  princep  guasa[n]yes 
Tôt  lo  mon,  nol  valria, 
Pus  si  metex  perdes  ; 
Tôt  l'als  re  nol  séria. 

570.  Princep  se  deu  guardar 
Que  no  sia  argoylos, 
Monsonges  ne  guabar, 
Mal  parlier  ni  iros. 

571 .  Princep  se  guart  d'emvege 
Et  de  rependre  be, 

E  monsongiers  no  crege, 
Per  cuy  tots  mais  rêve. 

^72.   Lo  nosavis  desplats 

Can  miyls  cuyda  plaser  ; 
Per  tal  es  dos  donats 
Qui  non  sab  grat  aver. 


557  Cant.  II,  2  :  Sicut  liliutn  inter  spinas,  sic  arnica  mea  inter  filias.  — 
55b  Thamar,  bru  du  patriarche  Judas;  voy.  Gènes.,  xxxviii,  6  et  suiv.  —  564 
crossa  aniel.  —  571  c  no  creyre. 


S7? 


LES    PROVERBES   DE    GUYLEM    DE   CERVERA 


Exempli  pren  sotsmes 
Del  prélat  al  peccar  ; 
Si  pecca  cel  cuy  es, 
Tuyt  volon  aytal  far . 


581 


Dieus  me  donet  lo  cor 
Per  penssar  en  tôt  be, 
E  dins  pens  e  defor 
Mal  d'autruy  e  de  me. 


67 


574.   La  pistola  primeyra 
Als  Corinthis  disen 
Dis  :  <:<  prélat  son  carreyra, 
Del  mon  esguardamen.   » 


I2  .  Pes  e  cambas  avem 
Per  anar  salvamen , 
Es  anam  e  querem 
Blasme  et  falimen. 


575 .   Si  als  mirayls  tecats 
Vols  esguardar  te  cara, 
Ja  non  seras  payats; 
D'aytal  mirayl  te  guara 


Can  hom  la  fiyla  ve 
Plasen  ab  gran  bautat, 
De  la  mayrel  sove, 
Con  ne  quais  ha  estât. 


576.   Puslaigspeccatsnonesî/. 25! 
Ne  pus  durs  de  cobesa  ; 
Hom  de  cobeitat  pies 
Compon  tota  malea . 


584.   Can  princep  tort  estay 
Qui  en  dreyt  es  pausats, 
Si  el  poble  decay 
Ab  aximplis  malvat. 


577.   Ceyl  es  benuyrats 
Qui  senes  taca  viu; 
E  senyor  asirats, 
Pus  los  sleusfranchs  esquiu. 


^85 .   Sus  pes  te  vay  entort, 
El  cap  mal  te  fera  ; 
Guarda  si  seran  fort 
Tort  qu'aïs  deys  mandara. 


578.   La  lengans  era  dada 
Per  nostra  ben  parlar, 
Es  avem  la  virada 
En  tôt  lo  corstecar. 


^86.   Qui  sa  boca  gen  guarda  iv°i 
L'anima  gara  be; 
Qui  a  parlar  nos  tarda 
Sens  causir,  mal  lui  ve. 


79.    Dieu  nos  det  les  aureyles 
Per  tots  bos  fayts  ausir, 
E  si  mal  me  cosseylas 
Nom  pots  mays  plaser  dir. 


^87.    Cel  qui  molt  vol  parlar 
Usan  moites  paraules. 
Vol  s'anima  nafrar 
Meten  per  vertats  faules. 


580  .   Les  mas  nos  eron  dades 
Per  bones  obres  far, 
Es  avem  lespausadas 
A  l'arma  imfernar. 


Axi  con  savis  fay 
Per  son  parlar  grasir, 
Foyls  al  contrari  vay  : 
Als  prims  non  cal  pus  dir. 


i74  I  CoRi.  IV,  9  :  Puto  enim  quod  Deus  nos  apostolos  novissimos  ostendit. . 
quia  spectaculum  facti  suinus  mundo  et  angelis  et  hominibus.  —  S^S  '^  entorn. 


68 
589 


Le  malvats  comfondra, 
Qui  sera  comfonduts  ; 
Fais  tant  nos  rescondra 
Que  no  sia  sebuts. 


590.  Per  les  tuas  paraules 
Seras  justificats, 

Si  con  gint  les  entaules, 
0  ben  lieu  condempnats. 

591.  David  dix:  «  Senyor  Dieus, 
Pessats  ay  en  mes  vias 

E  girats  los  peus  mieus.  » 
A  tu  enseyn  c'o  dias. 

592.  Hom  es  pus  bestials, 
C'a  raso,  can  no  n'usa, 
Que  bestia,  els  mais 
Sobrar  l'a,  per  que  musa. 

593 .  Causes  no  covinents 
Serion  als  prélats 

Tais,  que  les  autres  gens 
O  serion  assats. 

5  94 .    Fayts  no  covinents  es 
Tais  als  religios, 
Cals  seglars  f[r]anchs  entes 
0  séria  et  bos. 


THOMAS 

595 


La  paraula  del  fat 
En  la  boca'  s  represa, 
Car  loch  ne  temps  ne  grat 
Noy  a  ne  rayso  mesa. 


^96.    Riquesa,  dignitats 
Fay  autr'  omeliar 
Es  a  las  volentats 
De  si  aperaylar. 

597.  Axi  com  es  l'avars 
Devasceluy  que  ve 
Empes  assolassars 
Entorn  celuy  qui  se. 

598.  Homilmen  aclinar       1/.  26) 
Can  li  passa  denan, 

Can  s'en  va,  solats  far, 
Seguir  plasers  comtan . 

599.  Estan  de  jonoylons 
Sirven  devan  senyor  ; 
L'Apostols  en  somos 
Romans  d'aytal  honor. 

600 .  Si  trobes  via  torta, 

No  la  tendras  per  bona  ; 
Guarda  tort  con  comforta 
Da  reys,  c'a  tort  se  dona. 


07  Couplet  cité  par  En  Pach:  Cell  qui  molt  vol  parlar  |  Husant  moites  pa- 
raules I  Vol  sa  anima  nafrar  |  Mêlent  per  veritat  falcies  {Esp.  ^4,  fol.  40  d; 
55,  fol.  2]  d\  Documentos,  p.  248).  —  ^9  Prov.  xiii,  5  :  Impius  autem  con- 
fundit  et  conlundetur.  —  590  Couplet  cité  par  En  Pach:  Per  les  tues  perau- 
les  I  Seras  justifichat  |  Si  com  gint  les  entaules  |  0  ben  leu  condempnat  (Esp. 
54,  fol.  40  V";  ^^,  fol.  23  v«;  Documentos,  p.  248).  —  591  Psalm.  cxviii, 
^9  :  Cogitavi  vias  meas  et  converti  pedes  meos.  —  595  Eccli.  xx,  22  :  Ex 
ore  fatui  reprobabitur  parabola.  —  599  d  Remans.  On  ne  voit  pas  bien  à  quel 
passage  de  l'épitre  aux  Romains  Ccrvera  fait  allusion. 


LES    PROVERBES    DE    GUYLEM    DE    CERVERA 


60 1 .   Si  portes  .j.  besto 

Tort,  no  t'  estera  gen  ; 
Sis  fa  poble  felo 
Princep,  can  tort  cossen. 


608.   Tais  cuyde  SOS  fayts  far 
Prim'  et  celadamen, 
Quils  fai  a  tos  comptar, 
Esquerns  et  gabs  disen. 


69 


602.   Can  hom  .1.  mot  tort  dits 
Als  ausens  es  esquiuiSi; 
Princeps  trop  es  maldits 
C'a  tort,  loyndedreyt,  vi^s) 


609.  A  ceyl  dey  comendar 
Sacret,  si  l'ay  a  dir, 
C'a  vergonya  d'arrar 
Et  paor  de  faylir. 


60^ .   Cobeitats  es  enveja 

Fa  mants  a  tort  aucir  ; 
Cel  qui  l'autruy  emvegia 
Al  rey  n'a  c'ap  servir. 


610.   Sit  vey  tots  jorns  felir 
Et  vergonya  non  as, 
Eu  con  pusc  avenir 
En  aquo  que  tu  fas  ? 


604 .   Le  bos  profeta  di  : 

«  Aucesist,  possessist. 
D'aytal  mort  pendras  fi 
En  breument  con  faist.  >: 


611.   Si  no  voyl  celar  mi, 
Tu  per  que  celarayi' 
Pus  tu  metex  desfi, 
Autre  ja  no  faray. 


60  s.   Tots  aytal  tayn  que  sia 
Senyer  als  sieus,  com  vol 
Que  Dieus  vas  luy  estia, 
Qu'estiers  als  sieus  fai  dol. 


612.   Très  causas  son  plasens  iv") 
D'enluminacio  : 
Bêles',  endressaments, 
Segurtats  ab  raso. 


606.   Axi  deus  voler  vivra 
Be  ab  lo  tieu  menor, 
Ab  franc  cor  et  délivra, 
Con  vols  de  ton  major. 


61?.   Lengua  no  endressada, 
A  causir  desgrasida_, 
Enans,  car  mays  l'agrada. 
Vole  chausirmort  que  vida. 


607 .   Les  causas  ton  amich 
En  ton  alberch  veyras, 
E  sil  vols  far  destrich, 
Bon  solas  los  auras. 


614.  A  cel  honor  deras 

Cuy  honors  es  deguda  ; 
Tan  d'onor  no  feras 
Que  not  sia  renduda. 


604  Sans  doute  inspire  d'un  passage  mal  compris  de  Jérémie,  Thren.  iii,_  4}  : 
Occidisti,  nec  pepercisti,  etc.  —  605  b  can  uoL  —  609  Couplet  cité  par 
En  Pach.A  cel!  deig  comenar  j  Secret,  si  1'  aja  a  dir  |  C'a  vergonya  d'errar  j  E 
pahor  de  fallir.  {Esp.  54,  fol.  42;  ^^,fol.  24  vo;  Documentos,  p.  2^0).  — 
615  EccLi.  XXVIII,  13:  Lingua  testificans  adducit  mortem. 


70 
6i5 


Sans  Peyres  dix  axi  : 
«  Amich,  lo  rey  honrats. 
El  rey  deu  aitressi 
Honor  far  als  presats. 


THOMAS 

622, 


Li  fiyl  d'Aron  maseron 
Als  ansencies  lo  foc  ; 
E  l'encens  que  doneron 
Denant  Dieu  el  sant  loc, 


616.   Lig  se  en  Levitich  : 
«  Denan  lo  cap  canut 
Te  leva,  e  l'antich 
Honra,  car  es  degut.  » 

6  [  7 .   E  Malachies  fo 

D'est  proverbi  auctors  : 
«  Donchs,  si  eu  payre  so, 
Hones  la  mia  honors?  » 

618.    Cil  qui  son  regidor 
D'esglesa  en  loc  so 
De  Dieu,  perque  honor 
Cove  be  c  'om  lur  do. 


623 .  Car  nols  era  mandat, 
Foc  de  Dieu  dexendet, 
E  car  feron  peccat 
Amdos  los  devoret. 

624.  Elyodorus  fo  (/.  27 1 
Ferits  per  un  cavayl, 

Car  raubet  la  mayso 

De  Dieu,  on  man  foyls  fayl. 

625.  En  .).  sant  loch  devenc 
De  parlar(s1  muts  e  cechs 
Us  foyls,  car  no  s'abstenc 
De  far  mal  part  sos  dechs. 


619.   L'avesque  el  prélat 
D'esgleya  regidor 
Tuyt  son  Dieu  apeylat 
Et  del  mon  guardador. 


626.   Si  us  laychs  tray  .j.  pa 
D'esgleya,  er  vedats  ; 
El  clerchs  estorciera 
La  crots,  et  er  honrats  ? 


620.  E  nuyl  temps  no  feras 
Als  Dieus  detreccio, 
Ne  no  malesiras 
Aycels  qui  princep  so. 

621 .  Miracles  ai  ausits 

Que  Dieus  vole  de  laycz  far; 
Declergues  non  m'es  dits 
Us,  per  glesas  trancar. 


627.  Pus  li  laych  prendon  mal, 
C'a  la  glesa  mal  fan, 
Per  quel  clerch,  desleyal 
Als  laychs,  no  prendon  dan  ? 

628.  Dits  G.  DE  Cerveyra 
Solven  la  questio  : 
Clerchs  no  fa  de  maneyra 
Contra  si  mencio. 


615  I  Pet.  17  :  Regem  honorificate.  —  616  Levit.  xix,  52  :  Coram  cano 
capite  consurge  et  honora  personam  senis. — 617  Malach.  I,  6:  Si  ergo  pater 
ego  sum,  ubi  est  honor  meus?  —  619  C  .  le  quatrain  574.  —  624  La  mort 
d'Eliodorc  est  rapportée  au  livre  II  des  Machabèes^  chap.  m. 


LES    PROVERBES    DE    GUYLEM 

629.   Membret  de  l'Elizeu  6^6. 

E  del  seu  foyl  misatge, 
Corn  ac,  car  près  do  grieu, 
Mal,  ab  tôt  son  linatge. 


DE    CERVERA 


Superbia  es  mayre 
De  tôt  asiramen, 
E  cel  es  d'argoyl  payre 
Qu'  en  superbia  'nten. 


630.    Als  vesis  malamen 

No  trenchs  la  carn  ne  l'ossa 
Membret  de  la  serpen, 
De  l'osqu'  e  de  la  fossa. 


637.   Soperbia  no  quer 

Mas  pau  de  cobramen  ; 
Homelitats  requer 
Trossels  seguramen. 


651.    Cals  causa  S;  pus  lieu  dura  ? 
Lamps.  Et  de  lamps,  que  r  Vens. 
De  vens  ?  femna,  can  dura. 
De  femna,  que  ?  Niens. 


6^8.    Homelitats  désira 

Lo  gra  per  que  s'esforça  ; 

Soperbia  asira 

Lo  gra  et  vol  s'escorça. 


652.   Gran  meraveylam  do 
Can  femna  ri  e  plora 
Lieu  per  pauc  de  raso 
En  .).  pauch  es  demora. 


6^9.    Homelitats  repren 
En  tôt  loc  la  baxesa  ; 
Soperbia  enten 
En  pendra  la  autesa. 


6  ^  ^ .   Non  es  jes  cosa  grans 
En  paubres  exilats, 
Vils,  bas  e  malenans. 
Esser  homiliats. 


640.   La  pus  auta  montanya 
Vol  superbi'  aver; 
Homilitats  se  lanya 
Dels  vils  a  retaner. 


634.   En  ait  honrat  et  rie, 
Biel  et  de  loc  jantils 
Es  gran  causa,  sous  die, 
Es  es  tart  cor  homils. 


641 .   Soperbia  s'en  vay 

Als  mons  on  vental  ven, 
Per  que  el  pus  bas  chay 
Et  seca  mentanen. 


6-}S  ■   Sodis  Crisostomus: 
«  Homilitats  es  bona 
Noyrissa;  v  mas  cascus 
Ab  argoyl  esperona. 


642 .   Sans  Agustis  0  dits  : 
«  Secas  son  les  altures, 
Els  bas  lochs  aemplits 
De  bes  ab  grans  verdures.  » 


629  c  Car;  allusion  un  peu  confuse  à  l'histoire  de  Giézi,  serviteur  d'Elisée,  qui 
se  retrouve  au  quatrain  762  ;  voy.  Reg.,  IV,  ^.  —  630  Allusion  à  une  fable  con- 
nue; voyez  l'édition  de  la  Chanson  de  la  Croisade  des  Albigeois  par  M.  Paul 
Meyer,  IL  281.  — 651  Quid  levius  flanima?  Fulmen;  quid  fulmine?  Ventus. 
Quid  vente?  Mulier;  quid  muliere  ?  Nihil.  {Voyez  Hauréau,  Journ.  des  Savants, 
1884.  p.  401).  —  640  c  seslaya. 


72 
645 


Be  deuries  entendre, 
Aven  de  saber  cor, 
De  cel  c'anava  pendre. 
Qu'en  la  mar  gitet  l'or. 


644.  Homils  fug  [l]a  lausor. 
Et  lausor[s]  l'omil  s)  sec  ; 
Orgoylos  a  lausor 

Cor,  laus  fug,  (e)  nolcossec. 

645.  De  Senacherip  rey 

Se  deu  tots  hom  penssar, 
Con  orgoylsab  des^fjrey 
Fes  ses  gents  pois  tornar. 

646.  Con  cil  de  la  ciutat 

Axi  con  lamps  pendre,    isic) 

E  non  fo  als  trobat 

Mas  pois  e  terra  ab  cendre. 

647 .  Terra  pus  baxia  es 
Dels  autres  elamens, 

E  Deus  de  terrans  fes, 
Sens  aur  e  sens  argens. 

648.  Per  que  terrans  enduts  (/.  28) 
A  gran  homilitat. 

Car  tant  nuyla  vertuts 
No  dona  dignitat. 

649.  Si  t'esguardes  d'un  ves, 
Gran  vergonya  auras  ; 
E  temor  auras  près, 

Si  cossires  on  vas. 


THOMAS 

6jo. 


651 


6^2 


(^Sh 


En  les  estelas  pots 
D'omilitat  apendre 
Eximpli,  et  nol  nots, 
Quil  pot  de  si  eus  pendre. 

Con  pois  e  cenra  sia, 
Parleray  al  senyor 
Mieu  ?  et  d"est'  obra  mia 
Met  Abram  per  auctor. 

Reys  fats,  en  la  cadeyra 
Cesen,estotaxi 
Con  bugia  maneyra 
Enterrât,  sousafi. 

S'entres  per  bassa  porta, 
Lo  cap  as  a  dinar, 
E  quil  cap  bas  no  porta, 
Ses  mal  no  pot  passar. 


654.  Pus  Dieus  lo  cap  baixet 
El  sant  foro  homil, 
Dieus  gran  aximpli  det 
Contrai'  orgolos  vil. 

655.  Al  ser  par  que  no  iproibast. 
C'axi  con  senyer  es  ; 
Guarda  tos  sens  nos  guast 
Per  obra  dels  rapres. 

60.   Le  sers  mager  non  es 

Quel  senyer,  nés  deu  far  ; 
Can  sers  es  d'orgoyl  pies, 
Senyor  cuya  sobrar. 


6^6  b  Corr.  Axiron  las  gens  prendre  ?  —  6p  Gen.  xviii,  27  :  Cum  sim  pulvis 
et  cinis,  ioquar  ad  dominum  meum?  —  60  Jo.  XIII,  16,  x\,  20:  Non  est 
servus  major  domino  suc. 


LES    PROVERBES 

657     Tortra  vol  soletats 

Et  Colomba  companya  ; 
Qui  val  entre  malvats, 
Doble  valor  guasanya. 

6s8.  Vols  esser  emperayre 
Es  aver  gran  honor  ? 
De  tu  eys  governayre 
Sies,  lonyan  d'error. 

6^9.   Res  no  sofer  pus  grieu 
Terra,  mas  car  hom  n'es. 
Rei  la  qui  la  sustien        {sic\ 
Cals  non  es  tant  li  pes. 


660.    Pus  aspre  caus' el  mon    iv"!      668. 
Non  a  d'orne,  e  par. 
Que  l'ayr  corromp  et  fon, 
Can  vol  desmesurar. 


DE   GUYLEM    DE   CERVERA 


7^ 


665 .  Ja,  a  Roma  anan, 

Ab  cels  no  l'acompayns 
Qui  a  sent  Jacme(s)  yran, 
Car  fayts  séria  estrayns. 

666 .  Ces  companyo  no  mena 
Nuyls  hom,  maslay  on  vay; 
Mas  mal  senyor  fa  pena 

A  ceyl  qui  mal  no  fay. 


667. 


Compenyo  délicat 
Te  feran  départir 
Del  be  c  'as  custumat, 
Si  no  t'en  vols  fugir. 

El  oyl  poras  vesser 
De  ceyl  quit  voira  be, 
Qu'  el  cor  met  oyls  plasser 
De  cel  on  l'amor  ve. 


661  .   Li  princep,  toledor 

Del  paubre  no  colpable, 

E  l'ofecial  lor 

Son  pus  mal  que  diable. 

662.   Ab  gran  discrecio 
Deu  prin.ceps  eligir 
Ceyls  qui  entorn  luy  so 
Es  al  poble  ponir. 

665.  Ja  no  cuygs  esser  sas, 
Sit  dolon  li  costat; 
Ne  ja  bos  no  seras 
Fasen  mal  a  ton  grat. 

664.   Not  sera  S)  sanitats, 

S'ab  mesel  prens  companya  ; 
Qui  s'acost'  als  malvats, 
Grieu  er  que  no  s'en  planya. 


669.  L'aureyla  de  celuy 
C'a  de  ton  be  pesar, 
Si  parles  denan  luy, 
Not  voira  escoutar. 

670.  Be  pots  ton  mal  volent 
Entre  .v.  sens  chausir  : 
En  lalengua  disen, 

Si  prims  dits  sabs  eslir. 

67 1 .  Conoxer  pots  en  l'obra 
Del  fasen  say  et  lay, 
Per  asaut  que  s'en  cobra. 
Si  a  ton  dan  la  fay. 

672.  S'es  usteus  enamichs  (/.  29) 
El  loc  on  tu  seras, 

Entre  .D.  amichs 
Lo  pots  causir  al  nas. 


74 
673. 


En  l'anar  pots  saber 
Cel  qui  no  t'ameran, 
En  l'obrar  el  ceser, 
Cascus  en  lor  semblan. 


674.  Cavelaria  es 
Trebayls,  periyls  d'afîan  ; 
Rey,  duc,  compte,  marques 
Paciencia  obs  an. 

675 .  Princeps  e  cavaliers 
E[s]quiu  gloria  vana  ; 
Ira  de  reys  sobres 

Es  d'autres  sob(r)eyrana. 

676.  Guerra  es  temedora 

A  pri[n]ceps  et  peccats; 
Ez  es  esquivadora 
Paraula  ab  vil  solats. 

677.  L'amonsi  c'  a  pats  Dieus  ac 
Deu  princeps  esquivar, 

E  ja  d'ome  nos  pac 
Meten  foc  per  cremar. 

678.  Le  pus  grans  bos  sabers 
D'aquest  mon  es  guasayns, 
El  major  desplasers, 
Perdres,  el  pus  estrayns. 

679.  Senyor  son  li  juglar 
Dels  temens  di  maldir  ; 
Aytant  deu  hom  duptar 
Falimenconmorir. 


THOMAS 

680. 


681 


682. 


Si  not  guardes  d'arror, 
Arros  te  sotsmetra, 
E  affar  auras  senyor 
D'aqueyl  quit  jutyara. 

Q^ui  vol  sa  cossiensa 
Pausar  en  lengu'  estranya, 
Ades  es  sa  valensa 
Miendre,  ez  ades  manya. 

Si  con  savis  seras, 
Si  seras  paciens; 
Ligen  0  troberas, 
Si  ben  es  entendons . 


68^.  Volenterosamen 
A  ceyls  perdoneras 
Da  cuy  nuyl  honramen 
Del  venyar  no  auras. 

684.   Si  savis  es  ne  grans, 
Ja  no  diras  quet  sia 
Anta  fachia,  enans 
Cobriras  ta  feunia. 

685  Dique  tos  enamichs 
Not  nots  ne  t'  a  nogut. 
lEJsII  ve  nuyl  destrichs, 
Not  sia  conagut. 

686  Can  lo  tieu  mal  volen 
Veyras  en  ton  poder, 
Pren  ho  per  venjamen 
Et  fay  lison  plaer. 


677  b  esquivar  est  évidemment  une  faute  du  scribe.  Con.  esgardar  ?  —  680  c 
Corr.J  —  684-686  Cf.  Martin.  Dum.  Formula  honestae  vitas,  II  :  Si  ma- 
gnanimus  fueris,  nunquam  judicabis  tibi  contumeliam  fieri.  De  inimico  dices  : 
Non  nocuit  mihi,  sed  animum  nocendi  habuit;  et  cum  illum  in  potestate  tua 
videris.  vindictam  putabis,  vindicare  potuisse. 


LES  PROVERBES   DE  GUYLEM  DE  CERVERA 

687 .    Li  home  son  semblan 

De  cas,  c'  us  l'autr'  asira 
Es  nafron,  don  an  dan  ; 
Et  serps  a  sa  par  tira. 


75 


694.   So  di  sant'  Escriptura 
Que  gran  es  la  malea 
Dois  princeps  ses  masura 
A  la  gent  d'eyls  sotsmesa. 


Bestia  es  ausiels     * 
Aten  tiemps  a  peccar , 
A  hom  estostiemps  biels 
On  pusca  peccats  far. 


695 .   Pasls  de  layo  e  d'  ors 
Es  en  ermps  boscz  solius  ; 
Si  s'es  dels  riez  senyors 
Sobrels  paubres  caytius. 


689     Membret  de  l'escudier, 
Que  fets  a  son  senyor, 
E  con  per  la  muyler 
Ac  (peri  le  marits  paor. 


696 .   Can vel  paubr'  escorjar  (/.  jol 
Son  ben  al  raubador, 
No  poria  portar 
De  si  eys  mays  dolor. 


690.   Le  pas  dels  fraturans 

Es  de!  bas  paubres  vida, 
E  quil  n'es  arrepans, 
Es  hom  desanc  aunida. 


697.  Jal  paubres  no  deria 
Al  metge  sopaucc'  a, 
Si  morir  en  sebia  : 
Donchs  qui  li  0  tolra  P 


691 .    Davis  ques  do  a  Dieu, 
Que  la  mort  de  ses  jens 
Tornes  sobr'  el  em  brieu, 
Qui  n'  era  mal  mirens. 


698.   Si  ses  colpa  prendia 
Le  senyer  son  sirven, 
En  axi  faliria 
Con  sers  senyor  prenden. 


692.    Fel,  can  es  de  bon  ayre, 
Deu  tots  hom  soffertar, 
E  lo  vil  qu'es  tritchayre 
Deu  senyer  esquivar. 


699.   Qui  fa  al  sieu  sotsmes 
Magermal  c'a  l'estrayn, 
Ab  diable  après, 
C'a  us  quels  sieus  gavayn. 


695 .    Mays  ha  ops  qui  mays  te 
Saviesa  madura 
A  foyl  non  a  ops  re, 
Car  de  re  non  a  cura. 


700 .   Dels  dits  non  ayes  cura 
Cal  pol  dits  le  mila  ris: 
Ne  prendas  part  masura, 
Mas  tin  so  c'  ab  dreit  as. 


690  EccLi.  XXXIV,  25  :  Panis  egentium  vita  pauperum  est;  qui  defraudat 
illum,  homo  sanguinis  est.  —  690  b  Et.  —  690  d  aunida  ne  donne  aucun  sens. 
—  695  EccLi.  XIII,  25  :  Venatio  leonis  onager  in  eremo  ;  sic  et  pascua  divitum 
sunt  pauperes    //  semble  qi.c  l'auteur  n'ait  pas  su  traduire  onager.  —  698  d  senyer. 


76 
701 


Femn'  e  diable  fan 
Peits  a  cel  quil[s]  serv  mays, 
C  a  cel  no  tenon  dan 
Qui  contra  lors'irays. 

Greuyan  cels  d'Irael 
Roboan  se  mermet, 
Car  en  sos  fayts  mes  fel 
De  .X.  trips  que  perdet. 


703 .  Cel  qu'es  de  paucs  bes  bos 
Et  fesels  et  verays,. 

Es  per  tots  gracios, 

Et  Dieus  comandal  mays. 

704.  Cel  qui  ha  gran  poder, 
Si  be  nossapguardar, 
Dieus  qui  no  fayl  al  ver 
L'en  vol  despoderar. 

70  ^ .  Si  con  es  gloriosa 
Causa  e  gran  donars, 
Es  vergonya  antosa 
Als  homils  demanda[r]s. 

706 .  Bos  pri[nlceps  deu  voler 
Mays  amor  que  tamor 
Dels  sieus,  car  ab  temer 
No  l'auran  fin'  amor. 

707.  El  senyoris)  se  desmen 
So  c'  a  dompna  disem  : 
«  Non  ama  finamen 

Qui  sa  dompna  no  tem.  * 

708.  Amans  tem  si  dons  perdre, 
Et  sil  senyer  fasia  (v°] 
Gens  en  los  sieus  esperdre, 
Hom  perdre  nol  tembria. 


709.  Per  mal  de  mala  gen 
Dona  Dieus  mal  senyor; 
A  Roman[s]  fets  presen 
D'un  vil  emperador. 

710.  Dels  trebayls  sofertar 
Pels  sieus,  et  de  can  dona, 
Deu  reys  grat  esperar 

De  Dieu,  ses  pus  persona. 

711.  Sans  Bernats  es  auctors 
D'ayso,  don  dis  vertat  : 
«  En  arror  de  senyors 
S'enboscon  man  malvat.  » 

712.  Aujats  paraula  estranya  : 
Eu  die  qu'ergoyls  es  bos  ; 
Qui  ha  argoyl,  guasanya 
Contrel  segl'  argolos . 

71^.   Per  femn'  es  tais  vensuts, 
Qui  per  homes  nos  vens  ; 
Tal  pert  per  vi  virtuts, 
Per  fer  non  es  perdens. 

714.  Orgoyls  va  tota  via 
A  maneyra  de  rey, 
Menan  gran  companyia, 
Mas  no  tem  fene  ley. 

7 1 5 .  Tal  re  dits  hom  que  nots, 
Qui  val,  et  que  val  tal 
Qui  ten  dan;  et  si  pots, 
Guardet  de  caus'  aital. 

716.  Eu  die  que  trop  pessars 
Crex  trebayls  e  tristors 
Ez  aduts  mays  affars 

Et  pessaments  majors. 


70^  a  ues  bos.  —  7  !  o  è  per  sieus.  —  7  1  s  que  nots  tal. 


LES  PROVERBES   DE  GUYLEM  DE  CERVERA 

724 


717.   No  voyles  ton  amich 
A  son  dan  trop  proar, 
—  PelsditsdeJobhodich  — 
Ne  l'enamic  blasmar. 


Ceyl  qui  mal  te  voira 
Not  trop  ab  cara  irada 
A  vêts  bays'  om  tal  ma 
Que  veser  vol  taylada. 


718.  Sifas  causa  ceiada, 

De  ta  moyler  te  guarda, 
Que,  si  la  fas  irada, 
Cridan  dira  c'  om  t'  arda. 

719.  Tal  ha  cara  d'anyel 
Qui  a  cor  de  serpen, 
Ê  fa  pits  c'  ab  coutiel 
Ab  honest  vestimen . 

720.  Qui  la  coa  tolia  1/.  ]\' 
A  la  serp  can  es  viva, 

Meyns  de  coa  vivria 
Pus  mala.  pus  esquiva. 


72^ .    La  sigala  acoyl 

Lo  moscaylo  sots    l'ala, 
Puys  l'auci  et  no  voyl 
Companya  ta  mala. 

726.  Peressos  vol  far  (soni  pro, 
Et  nol  vol,  c'  ades  di  : 

«  Paras  ayço?  —  Hoc,  no  ; 
Aspera  t'  al  mati.  - 

727.  Als  bos  es  laigs  fayts  durs 
Ab  mais  perseverar  ; 
Anyels  non  es  segurs 

Si  vol  si  ab  lops  estar. 


721.  Qui  serp  al  coyl  tocava, 
Ab  l'als  gran  mal  faria, 
E  quil  cap  li  trancava, 
De  mentanen  morria. 

722 .  Superbia  es  caps 
Detots  mais,  et  quil  cap 
Nol  toyl,  re  aïs  no  saps 
Qui  d'aucir  los  acap. 


728.  Pus  Dieus  te  manda  trayre 
L'oyl,  sit  fa  dan  mortal, 
Guarda  quet  manda  fayre, 
S'ab  foyl  prens  ton  ostal. 

729.  Li  aut  senyormal  fan. 
Car  cuyon  c'  hom  nol  dia; 
Per  quel  fait  no  diran 
Qu'en  se  dits  que  fayts  sia. 


723.   Si  vols  ton  cors  sanar 

De  tots  los  mais  c  'auras, 
Voiles  desemp[ar]ar 
Soperbia,  si  l'as. 


7^0.   Cuyan  fan  la  .i.  mal 

Que  nuyl  hom  no  l'aus  dir 
L'autra,  car  nols  en  cal 
Et  no  temon  faylir. 


718  Couplet  cité  par  En  Pach  :  Si  fas  cosa  selada,  |  De  ta  muller  te  guar- 
da, I  Que  si  la  fas  hirada  |  Cridant  dira  c'om  t'arda  {Esp.  <,4,Jol.  42  a;  55, 
fol.  24  c;  Documentes,  p.  2jo).  —  722  Eccli  x,  i  5  :  Initiam  omnis  peccati 
est  superbia.  —  722  d  ausir.  —  726  Prov.  xiii,  4:  Vult  et  non  vult  pi- 
ger, etc.—  728  M.\TTH.  v,  29:  Quod  si  oculus  tuus  dexter  scandaiizat  te, 
crue  eum. 


78 

7?' 


L'un  fan  cuyan  falcia  7^9. 

Que  no  sia  sebuda 
Desque  passada  sia 
Es  als  disens  venguda. 


7p.   Enans  son  .c.  mais  fayt  (v°)      740. 
C  us  be  non  es  pessats  ; 
En  be  far  ha  mal  trayt, 
En  mal  sejorns  pessats. 

75  j.   Li  regidor  de  mar  741. 

Trason  pats  quels  sotsmes  ; 
En  terra  degron  far 
Aital,  mas  revers  es. 

7^4.   Nauchies  guarda  la  nau  742. 

De  la  rocha  ferir  ; 
En  terra  ab  gran  frau 
La  fan  premier  périr. 


Membret  le  pots  de  Roma 
Et  cel  qui  per  paubresa 
Intrct  dins  et  vi  soma 
C  hom  prenmal  per  malesa. 

Pauc  as  armes  duras 
Defors,  si'n  ta  mayso 
Cosseyl(si  aut  non  [aurlas 
Ab  to  cosseler  bo . 

Tuyt  dese  periran 

Qui  cuyon  far  per  forsa, 

Qui  en  batayla  van 

Ses  cosseil  quils  estorsa. 

Le  cosseils  deu  régir 
La  forsa  el  poder, 
Qu'  estiers  no  pot  complir 
Princep  son  bo  voler. 


735 .   A  princeps  ez  a  rey 

Es  bes,  s'a  conseyl  bo, 
Car  .V.  cauzes  hi  vey 
Nobles  ez  ab  raso. 


745 .   No  fasses  nuyla  causa 
Sesbo  cosseilador  ; 
Si  refrenar  no  t'ausa. 
Non  al  cosseil  valor. 


736.  Conseil  a  demendar, 
Eslir  cosseylador, 
Del  cosseil  a  donar 
Que  tayn  a  bo  senyor, 

737.  Examinar  cosseyl, 
Segons  lo  cosseil  far  : 
Ab  aquest  apareyl 

Pot  tots  reys  be  regnar . 

7^8.   Lay  on  governador 

Non  a,  poble  laig  cay  ; 
Sobre  malvat  senyor 
Tornal  mal  tôt  ques  fay. 


744.   Pus  no  t'aus  refrenar  \f.  ?2i 
Tos  cosseils  de  malesa, 
Pauc  val,  ne  rexidar 
No  t'  ausa  ta  paresa. 

74^ .   Reprenden  si  t'orgolias 
Ne  vols  sobrepujar 
Castian  et  .i.  voilas 
Bo  denant  tots  triar. 

746 .  Can  tots  tos  cosseils  sia 
En  Dieu,  no  pot  périr  ; 
Roboam  car  cresia 
Fol  cosseil,  fets  falir. 


738  Prov.  XI,  1 4  :  Ubi  non  est  gubernator,  populus  corruit.  —  746  f  cor  cresia. 


LES    PROVERBES    DE    GUYLEM    DE    CERVERA 


79 


;47.   Joyas  fan  cechs  ab  dos 
Et  muts  jutges  et  reys, 
Giran  contriccios, 
Castichs  et  durs  esfreys. 


754.   La  via  del  foyl  es 

Als  sieus  oyis  dretchureyra, 
Per  que  t'es  mal  perpres 
Si  secz  aytal  carreyra . 


748.  Princep  no  son  fael, 
Pcr  so  car  amon  do 
Qui  ha  sebor  de  feK 
Reseb  en  gasardo. 


7S  5 .   Fondaments  de  drelura 
Es  qui  no  vol  noser 
As  alcu  ez  a  cura 
Dels  cominals  valer . 


749.  Si  con  joyes  prenden 
Pot  dona  cast'  estar, 
De  cel  on  prêts  enten 
Pot  jutgeis)  et  reys  dreit  far. 


756.    Resebimens  de  dons        (v^i 
Fa  jutges  e  senyors 
Cecz  e  muts,  et  dels  bos 
Fa  vils  et  sordeyors. 


750.   Tûtes  causes  me  so 
Lagudes,  pus  no  sia 
Sotsmes  d'autra  per  do 
Ne  per  autra  paria. 


757.   Crans  dons   corromp    gran 
E  met  en  servitut  [fama 

De  mort  cel  qui  dons  ama, 
Car  dos  l'a  lieu  vencut. 


7^1.   Si  la  resebedora 

De  pessa  en  prendia 
De  tu  per  do  nuyl'  hora, 
Rependre  not  poria 


758.   No  voyles  dos  recebre, 
Car  los  savis  orbs  fan 
El  tort  del  dreit  percebre, 
Les  paraules  viran . 


7^2.   Aicel  es  melasits 

Qu'  es  de  do  resabens, 
Per  que  cel  es  ferits 
Qui  non  es  mal  mirens. 


759.   No  resebes  pressonas 

Ne  dos,  quels  oyls  fan  cecz, 
E  si  per  dos  îedones, 
De  savis  venras  pecz. 


75?.   Cosseil  demanderas 

Als  tieus  meilors  amichs, 
Los  quais  lonyar  veyras 
De  tos  mais  enamichs. 


760,  Cil  seran  melasit 
Qui  justificaran 
Ceils  qu'  auran  mal  merit, 
Los  no  miren[s]dampnan. 


747  EccLi.  XX,  j  I  :  Xenia  et  dona  excaecant  oculos  judicum.  —  748  b 
cor  amon.  —  754  Prov.  xii,  15:  Via  slulti  recta  in  ocuiis  ejus.  —  756  d 
sordeyros.  —  70  Cf.  le  couplet  747.  —  7^8  c  El  toil. 


8o  A. 

76 1 .  Gobes  reseben  do 

Cuya  los  dos  grans  pendre 

Per  benediccio, 

Et  Dieus  vol  lo  car  vendre . 


768.    Mais  focz  dévorera     [f. 
Palays  e  tabernacles 
De  cel  qui  dos  pendra, 
Et  sera  vers  miracles. 


n' 


762.   Car  Gesai  près  do 
Mal,  no  degudamen, 
En  malediccio 
Li  tornet  mantanen . 


769.   Qui  met  dins  sa  mayso 
Tal  qui  1'  exorp,  es  fais 
Assi,  et  per  raso 
Deu  li  venir  tots  mais. 


76  ^   A  cadescu  linatge 

Dels  homens  respost  da, 
Que  no  prend'  ab  dapnatge 
Mays  qu'escrit  Dieus  non  a . 


770.   Ne  le  savis  quais  es 
C'ama  aquesta  causa, 
G'  aiso  li  toyl  tôt  bes 
Es  en  mal  crim  lo  pausa. 


764.    Nuyls  hom  non  a  désir 
De  re,  pus  n'  a  assats, 
E  femna  deu  fugir 
A  far  ses  volentats. 


771  .    Trobat  so  al  meu  poble 
Alcu  mal  guaytador 
Paran  ate  mal  no  noble 
Gon  d'  auciels  prendador. 


76^ .   Aquo  qui  es  meillor 

Gonquer  hom  pus  greumen, 
E  lo  conqueridor 
Fa  bo  enfortimen. 


772.   Gan  lo  tieu  aurai  près, 
Mantanen  viraray; 
Jusi  qui  non  drits  es 
Jutge  Dieus  say  e  lay. 


766 .   Trebayls  es  conquerers 
Et  posseirs  paors 
Ez  afïans  reteners 
Et  pendres  grans  dolors. 


77  ^ .   Giyl  qui  son  vendador 
De  justicia,  son 
Jutgat  per  lo  Senyor, 
Jutge  dreyt  d'equest  mon. 


767 .   Les  mas  se  guardaran 
De  dos  d'equels  malvats 
Emvagos,  qui  seran 
Tuyt  pie  d'iniquitats . 


774.   Ja  alcu  no  trebayls 

Per  lo  tieu  jutgiamen  : 
Axi  con  l'omil  tjiayls, 
Te  talaray  coscen . 


761  b  Guya  est  répété  dans  le  ms.  —  762  Même  allusion  qu'au  quatrain  629, 
—  769  c  assir.  —  771  Jer.  V,  26:  Quia  inventi  sunt  in  populo  impii  insi- 
diantes,  quasi  aucupes  laqueos  ponentes  et  pedicas  ad  capiendos  vires.  — 
771  c  Corr.  Par  artimal.? 


77^  •  Princeps  qui  volontiers 
Vol  monsonyes  ausir 
Esquivais  vertadiers 
Et  vol  malvats  soffrir . 


LES  PROVERBES    DE  GUYLEM  DE  CERVERA 
782 


81 


Le  richs  non  es  repres 
Par  toyira  solamen, 
Mas  car  no  part  sos  bes 
Entre  la  paubra  gen . 


776     Diable  valon  may 

Que  raubador  no  fan, 
Car  no  fan  mal  ne  glay, 
Mas  a  cels  quil  faran . 


Adonchs  dira  le  reys  : 
"  Via  al  foc  d'infern, 
Vos  qui  des  malavey  r  s 
Als  mieus  bas  ses  govern. 


777.    Le  raubayre  pendria 
De  frayre,  de  cusi  ; 
Dels  homils  pren  tôt  dia. 
No  del  forts  .j.  teri. 


784.   Can  grans  fams  me  prendia. 
Nom  dones  a  manyar; 
So  que  manyar  volia 
Me  tolgues  ab  raubar.  « 


778.    Diable  re  no  fan, 

Mas  per  dreyt  jutyamen; 
El  raubayre  desfan 
A  tort  la  bona  jen. 


785 .    Dieus  no  meynspresara 
Preyeres  de  pobils  ; 
Vidues  ausira, 
Esguardan  lorsperiyls. 


779.    Mays  val  lops  part  mesura 
Que  raubador  no  fan, 
C  us  lops  da  nuyt  s'atura. 
Ho  tuyt,  can  lors  obs  an. 


786.    Laixals  termes  pauquets 
Els  camps  dels  pobils  bas. 
Car  los  proysmes  altetz 
Forts,  don  jutgat  seras. 


780.    Le  raubayre  no  pausa       v" 
De  raubar  nuyt  ne  jorn, 
Ans  l'es  estranya  causa, 
Can  ve,  c'  ades  noy  torn. 


]~ .   Si  fas  als  paubras  forsa, 
Car  lurs  homils  seran, 
De  tu  aura  1'  ascorsa 
Le  droyt  (sic  jutges  c'auran, 


781  .   Car  Dieus  celuy  repren 
C  als  bas  no  part  son  be, 
i^nie  fera  cel  qui  pren 
Los  bes  lors  ses  merce  ? 


788.    Los  paubres.  que  auran 
Raubats  et  despuyiats, 
D'aqueyls  jutge  seran 
Quils  auran  mal  jutgats. 


783-784  Matth.  XXV,  41-42:  Discedite  a  me  maledicti  in  ignem  aeter- 
num,  etc.  —  785  Eccli.  xxxv,  17:  Non  despiciet  preces  pypilli  nec  viduam. 
—  786  Prov.  xxiii,  10  .  Ne  attingas  termines  parvulos  ;  agrum  pupillorum 
ne  introeas.  —  787  Prov.  xxii,  22  :  Non  facias  violentiam  pauperi  quia 
pauper  est. 

Romania,  XV  6 


789.  Q^ui  vol  fayt  comensar 
Noble,  primeramen 

Se  deu  ab  Dieu  pausar, 
Es  après  ab  se  gen. 

790 .  Qui  combatres  voila 
Es  guarnia  d'argen, 
A  l'autrels  vis  toylria 
Contrel  sol  resplanden. 

791.  Li  nat  fiyl  dels  malvats 
No  montiplicaran; 
Doncs  malais  veyran  nais 
Et  mal'  engenreran . 


A.    THOMAS 

796. 


La  gracia  no  val 
Dels  auts  tan  con  nots  ira 
Dels  bas,  enans  fa  mal 
Quil  comperar  s'albira. 


797.  D'oliver  porte  ram, 
Qu'el  tiemps  antic  faras, 
E  pats,  que  desiram, 
Membran  lay  on  iras. 

798.  Reys  dreturies  endressa 
La  tierra,  e  1'  avars 

La  destruy,  car  no  pensa 
Mas  mais  e  braus  affars. 


792.   Li  malvat  sobre  terra  (/.  ^4)      799. 
Seran  toit  et  perdut, 
Sil  proverbis  non  erra  ; 
Mal'  aura  mal  viscut. 


Rey  qui  jutga  sa  gen 
A  dreyt  es  ab  vertat 
Pot  ceser  fermamen 
En  seti  endressat. 


793 ,   Per  pus  maltenc  raubar 
Qu'enblar,  et  die  raso, 
C  ab  manifest  peccar 
Esmeyns  que  a  layro. 


800 .   Reys  deu  savis  eslir 
Desobre  se  companya 
E  fesel  a  régir, 
Per  so  c'  us  no  s'en  planya , 


794.   E  par  en  aolteri; 

Quim  manda  con  rt^spondre. 
Eu  respon  c'  als  no  queri 
Declinar  ne  espondre. 


.  Car  si  savis  no  es, 
Leumens  es  galiats, 
E  no-fesiels  repres 
Es  d'enjanar  cotchats. 


795 .  Volp  son  li  raubador, 
Card'Erodes  dix  Dieus  : 
«  Volp  «  que  vi  prendador 
Dels  autruys  et  dels  sieus. 


802.   Non  es  hom  dreits  jutjats, 
Sitôt  sarayso's  bona, 
Per  jutges  despayats, 
Si  ans  del  sieu  nols  dona. 


792  Prov.  II,  22:  Impii  vero  de  terra  perdentur.  —  795  d  &  meyns.  — 
795  Luc.  XIII,  32:  !te  et  dicite  vulpi  illi.  —  795  a  reubador.  —  797  c  de- 
siran.  —  798  Prov.  xxix,  4:  Rex  justus  erigit  terram  ;  vir  avarus  destruet 
eam.  —  801  b  liuemis. 


LES  PROVERBES   DE  GUYLEM  DE  CERVERA 

805 .   Tal  re  te  hom  per  pro  811.   D'emfan  foyl  nom  desfi 

Qui  es  perda  trop  grans; 
Qui  no  conoix  raso 
Non  es  jutges  bestans. 


Per  mal  comensamen, 
Car  vist  ay  bona  fi 
Comensan  malamen. 


804.   Qui  de  si  vol  parlar 

Deu  pendre  la  maylor 
Raso,  et  so  laxiar 
On  agues  desonor. 

80^ .    Mantes  vêts  ay  ben  dit 
So  don  volgra  mal  dir  ; 
Lo  lau  de  l'escarnit 
Deuis]  pendre  per  aucir. 


812.    Qui  son  voler  asira 

Mal,  no  pot  re  miyls  fayre; 

Del  philosoph  cosira 

Veyl,  quefets  del  viupayre. 

81  :; .    Be  tenc  celuy  per  orp 
Qui  laxa  son  viatge 
Per  grayla  ne  per  corp, 
Fasen  vas  Dieu  oltratge. 


806.  Rev  d'Egiptes  livret 
A  Josep  cant  avia; 
Don  sans  Bernât  parlet 
Que  vergonya  séria 

807.  C  hom  da  Crist  no  livres 
Lo  sieu  a  crestia  ; 

So  c'hom  ses  fe  feses, 
Nol  tendria  per  pla  r 


14.    Vist  ay  malvat  tornar 
Per  sobres  de  mal  dir, 
Quis  fesia  presar 
Ab  sobres  de  servir. 

I  ^ .   Qui  prosomes  no  fay 
Non  es  pros  acabats; 
Mays  aycel  quils  desfay 
Es  de  vert  ai  laus  lonyats. 


Vensut  de  camp,  exit 
D'orda,  ne  trasidor 
No  vey  gen  acoylit 
En  cort  d'onrat  senyor. 

No  livres  ton  peccat 
Al  boc  qui  lo  seu  port, 
Mas  al  clergue  segrat 
Per  penedensa  fort. 

Aguylo  de  parlar 
Son  bo  entendador  ; 
Entendr'  e  escoltar 
Aguson  parlador. 


816.  Ab  tôt  aytal  mesura    /.  ^  5 
Con  tu  mesureras, 

Lo  cabal  et  l'usura 
El  guasayn  cobreras. 

817.  Qui  no  sab  esmendar, 

Per  dreit  no  deu  rependre; 
Si  vols  fayt  comensar. 
En  la  fi  deus  entendre. 

818.  Princeps  bénignes  dona 
Al[sl  sieus  gran  fermetat; 
Homils  bassa  pressona 
Puganbenignitat. 


2  d  qui  fets  del  nin  p. 


84 
819. 


A  tot(Si  senyor  cove 
Pietats,  per  semblar 
Sels  don  poder  li  ve, 
Per  poder  de  mermar. 


826.   Misericordios 

Merce  conseguira; 

Sans  Luchs  dis  :  «  piados 

Benauyrats  sera.  « 


820.  Dieus  del  celavalei 
Pietat,  can  carn  près. 
Epels  sieus  se  vendet 
Pertal  quels  resames. 

821.  Per  c'  a  tôt  senyor  tayn 
Que  fas'  als  sieus  ajuda 
Contra  tôt  hom  estrayn. 
Sils  es  tensos  moguda. 

822 .  Senyer  deu  sacors  far 
Als  paubres  c'an  freytura, 
Es  als  frevols  aydar 
Contrels  forts,  ab  mesura. 

823 .  Jhesus  fo  oyls  de[riS  sechs, 
Dels  contrets  dressaments, 
Entendens  dejusts  pechs, 
Del  bas  sosteniments. 


827.  Li  riu  secan  corren 
Et  fonts  axecaran  ; 
Sans  Agostin  non  men, 
Qui  0  va  recomtan. 

828.  E  Ysayes  dits  :  r" 
'(  Amichs,  trenca  ton  pa, 

E  seras  benesits, 
A  ce!  qui  fam  aura,  » 

829.  Pietats,  qui  promet 
Aquesta  présent  vida 
E  l'autra  ti  sotsmet, 

Per  qu'  es  foyl  qui  l'oblida. 

8:?o.   Preyem  lo  poderos 

Qu'el  deu  per  nos  preyar. 
Si  tôt  em  freturos, 
Et  preyan  ajudar. 


824.   Per  la  gran  mesquinea 

Dels  freyturans  di.x  Dieus  : 
«  Levarm'ay;  «gransimplea 
Dix  et  fetz  per  los  sieus. 


1^1.    Per  tus  combat,  amichs, 
L'almoyna  ses  duptansa, 
Ab  los  tieus  enamichs, 
Ab  escutes  ab  lansa. 


82  $ .   Princeps  deu  mays  aver 
De  merce,  qu'e  major 
Péril  c'  autres,  per  ver, 
Es  en  loc  pus  ausor. 


1^2 


Re  tan  amar  no  fay 
A  Dieu  con  pietats; 
Cel  c'ap  pietat  vay 
Es  sobre  tots  amats. 


8iç)  a  senyer.  —  826  Ce  n'est  pas  dans  saint  Luc,  mais  dans  saint  Mathieu 
qu'on  lit:  Beat!  miséricordes  (V,  7).  —  828  Isai.e  lviii,  7:  Frange  esurienti 
panem  tuum.  —  829  d  toblida.  —  8^2  a  amat. 


8v 


LES  PROVERBES    DE  GUYLEM  DE  CERVERA 


Tu  sies  als  pubils 
Misericordios, 
Axi  con  a  sos  fiyls 
Es  payres  piados. 


Ja  no  meynspreseras 
La  tua  carn  per  re; 
Dels  tieus  proismes  auras 
Pietai  e  merce . 


14.  Als  pubils  sies  payre 
Bos.  en  fayts  es  en  dit[s] 
E  sies  a  lor  mayre 
Ses  mal.  si  con  merits. 


842.  No  vuyles  paubre  u 

Per  ton  plaser  destrenyer. 
Car  niembr'  es,  si  com  tu, 
De  Dieus,  qu'es  de  tu  senyer. 


8;  s .    Qui  a  sel  quis  déclina 
Misericordios 
Es,  vol  far  vida  fina 
Es  es  benuyros. 

8;6.   Senyer  no  deu  ser  far 
Ce!  qu'esser  franc  deuria, 
Qu'en  franc  senyorayar 
Vey  noble  senyoria. 

8^7.   Mant  son  de  sers  senyor 
Qui  son  paubr^  e  malvat, 
Mas  pels  franchs  an  honor 
Qui  son  sobr'  els  pausat. 


845 .   E  si  r  us  membres  dol 
Tuyt  s'en  an  a  doler  ; 
A  los  membres  se  vol 
■    Le  cap  sas  sostener. 

844.  Cel  ama  son  amie 

Qui  lo  mal  que  pren  sen, 
E  can  paubre  vel  rie, 
Ques  teny^  ab  cor  manen. 

845 .  So  e'hom  als  paubres  fay 
Comta  Jhesus  per  si  ; 
Honra  los  mieus,  sit  play 
C  onrats  sies  per  mi. 


8:;8.    En  oli  de  merce 

Art  foc  de  mal'  amor  ; 
Can  l'olis  fai  dese, 
Princeps  se  claror  [sic). 


Princep  deu  aver  fe 
Esperans'  e  temor 
De  Dieu,  part  tota  re, 
Et  la  carta,  amor. 


839.   Senes  merce  dretura 
Es  si  com  seehs  aurats. 
Qui  d'aucir  homes  cura, 
Can  deu  aucir  peccats. 


847 .   Ses  fe  plaser  a  Dieu 
Jes  possibles  non  es  ; 
Plasens  es,  so  say  hieu, 
A  Dieu  fes  e  merces. 


840.   TotaxicomLamechs  /.   ;6       848. 
Ab  l'areh  Caym  alcis 
Per  so  car  era  seehs  ; 
Non  ofera  si  vis. 


Senyer  Dieu,  li  teu  oyl 
Esguardon  be  la  fe, 
E  1'  amor  ses  orgoyl 
Esgardon  tey  oyl  be. 


853  EcCLi.  IV,    10:  Este  pupiilis  misericors  ut  pater.  —  8?7   b  fayre.   — 
^o  c  cor  era.  —  84:;  Cf.  le  quatrain  349. 


86  A.    THOMAS 

849.   Jhesu  Crist  no  perdona 
A  cels  qui  fe  non  an  ; 
Desespers  ocaysona 
Pus  c'  als  cels  quey  estan. 


857.   Nos  amam  per  la  fe 
Et  no  per  esperança, 
Mas  emparam  gran  be 
Aver  per  alegrança. 


50.  Ja  non  aura  durable 
Vida,  qui  no  creyra 
Al  fiyl,  ne  profitable 
En  est  mon  ne  delà. 


I58,   Lo  cors  imfernal  ponya 
Rompre  l'oyl  de  la  fe, 
El  corporal  nos  lonya 
De  1'  oyl,  tant  can  mort  ve. 


i  $  I .   Qui  fa  be  ans  de  fe 
Ha  trop  gran  leugeria, 
Con  hom  leus  qui  cor  be 
Et  vay  fora  de  via. 


859.   Peccats  no  pot  valer 
Aytant  con  la  fes  val, 
Ans  fa  fes  dechaser 
Tôt  peccat  et  tôt  mal. 


1 5  2 .    Re  no  viu  en  mar  morta  {v"l 
Per  vida  corporal, 
Ne  hom  ses  fe  no  porta 
Vida  espiritual. 


860.  Jes  les  portes  d'imfern 
No  valon  tan  —  so  say 
Del  poder  de  l'estern 
Diable,  con  fes  fay. 


I5  ^ .   Tant  es  fe  causa  grans, 
C'oltra  la  fe  nos  mostra 
A  vid'  esser  pessans 
Maylor  c'  aycesta  nostra. 


861.   Ceyl  qu'en  gran  benenansa 
Tôt  son  sejorn  (sic) 
En  sol  .  I .  punt  se  lansa 
En  imferm  ses  retorn. 


1^4.   L'arbres  per  la  rasits  862 

Fay  foyles,  (et)  flors  et  fruyt(s)  ; 
Hom  per  fe  fay  et  dits 
Totsbes;  masnolsfan  tuytfsl. 


Fes  es  forts  saviesa 
Pus  que  casteyls  en  rocha  , 
Guarda  s'es  lonc  estesa  : 
Del  cel  en  imfern  tocha. 


«55.   La  fes  es  saviesa 
Que  malesa  no  vens. 
Ans  fe  vens  la  malesa 
C  auci  lo[s]  mal  mirens. 


Si  causes  demendam 
Be  dousas  et  plasens, 
Ans  cove  les  soffram 
Amares  et  cosens. 


1  $  6 .   Fes  es  lusens  lanterna 
Qui  l'arme  lumi'  e  guida 
En  la  nuyt  fort  escura 
D'aquesta  présent  vida. 


864.   Qui'n  primer  non  aprenf/.  ^71 
De  servir,  can  servir 
Cuya,  desser  ses  sen, 
Per  ques  fay  escarnir. 


85  j  <J  es  répété  dans  le  ms 
doit  probablement  être  corrigé. 


85^  c  Ans  se.  —  856  c  escura  ne  rime  pas  et 


|i  LES  PROVERBES    DE  GUYLEM  DE  CERVERA 

865.   Nabugadenosor  871 


87 


866. 


Fo  punits,  car  cresia 
Senyorajar  part  for 
So  que  d'autre  ténia. 

Bo  ministre  feray, 
Dits  Dieus,  es  entenden, 
Qu'  esser  cuyg,  si  fayl  ay. 
Ministre  solamen. 


872, 


Per  la  fe  de  las  gens 
Le  murs  de  Jherico 
Casegron  ;  ver  disens 
L'Apostol  es  d'ayco. 

.Ananias,  pausats 
Ab  los  .ii).  a  cremar. 
Fo  per  fe  delivrats, 
Que  hom  nol  poc  mal  far. 


867 .  Ministres  deu  aver 
Gran  cura  de  complir 
Al  senyor  son  voler, 
No  pausan  de  servir. 

868.  Nécessitât  avem 

De  gran  pr  o]esa  far. 
Si  donchs  no  la  volem 
Del  tôt  dissimolar. 


873 .  Alexandris  qui  fo 
Gentils,  car  fe  avia, 
Li  fe  miracle  bo 

Dieus  els  mons  que  clausia. 

874.  Guarda  que  fara  Dieus 
Per  SOS  faels,  car  tan 

Fe  ab  precs  paucs  et  brieus 
Per  no  fasels  preyan. 


869.  Tots  ministres  deu  far 
A  guisa  del  senyor, 
Dels  sieus  bes  no  terdar 
Al  paubre  queredor. 

870.  La  part  del  menscresenis'i 
Et  del  tenen  sera 
Estayns  de  foc  arden. 

Ab  sofïre  quey  aura. 


875 .  Alexandris  per  fe 
Lo  prever  ahoret 
En  Jérusalem  be, 

Quil  nom  de  Dieu  portet. 

876.  Nos  deu  [hom]  enuyar     (v"'i 
De  preyar  leyalmen, 

Can  no  pot  acabar 
Sonfayt  delivramen, 


871  cSasegron.  Hebr.  xi,  50:  Fide  mûri  Jéricho  corruerunt.  —  875  Cela 
signifie  que  bien  qii  Alexandre  Jût  paien,  Dieu  fit  pour  lui,  parce  qu'il  avait 
la  foi,  un  miracle  dans  la  montagne  {cor.  el  mon)  qui  se  fermait.  Il  semble  qu'il 
so.t  fait  allusion  ici  au  récit  du  Val  périlleux,  qui  n'a  été  rencontré  jusqu'à  pré- 
sent que  dans  le  roman  en  alexandrins  (éd.  Michelant,  pp.  J20-9K  Alexandre  et  son 
armée  se  sont  engagés  dans  une  vallée  enchantée  d'où  ils  ne  peuvent  srtir.  Alexandre 
cependant,  ayant  invoqué  Dieu  «  le  roi  du  paradis  »  découvre  une  inscription 
disant  que  ceux  qui  sont  entrés  en  ce  val  ne  peuvent  sortir  qu'à  une  condition:  c'est 
que  l'un  d'eux  consente,  de  son  plein  gré,  à  y.  rester.  Alexandre  se  dévoue.  L'ar 
met  s'éloigne,  et  lui-même  peu  après  trouve  moyen  de  sortir  aussi,  —  Le  quatrain  i  1 06 
contient  une  allusion  au  même  épisode. 


A.    THOMAS 


877.    Pero  al  preyador 

Creix  gaugs  de  cabar  lieu, 

E  grats  al  donador 

C'o  fa  ses  semblan  grieu. 


Quecz,  per  so  que  solia 
Jutgiar,  jutgat  sera, 
E  d'ayso  mays  feunia 
Del  jutgiamen  aura. 


878.   Mas  l'evangelis  dits 
Que  la  femna  preyet 
Tant  Dieu,  tro  fo  ausits 
Sos  precs,  que  la  sanet. 


886.    Lerichs,quanpaubrestorna, 
Es  cen  tans  pus  irats 
Qu'iceyl  qui  nos  sajorna 
E  es  de  mal  usats. 


879.   Die  que  comensamens 
De  saviesa  es 
Temors  certanamens 
De  Dieu,  caps  de  tots  bes. 


Josaphat  dis  pels  jutges  : 
«  Guardet  quel  jutgiamens 
Non  n'es  d'ornes  que  jutges, 
Mas  de  Dieu  solamens.  » 


880.   Al  far  tayn  conoxiensa 
De  vera  saviesa, 
E  can  hi  es  temensa, 
Conquer  majer  noblesa. 


No  sie  excepcios        \f. 
Fatchia  d'ornes  c'axi 
Jutya,  es  es  rasos, 
Paubres  et  richs  con  mi. 


881.    Hom  no  temens  de  mais 
Es  —  le  savis  ho  dits  — 
Castiels  qui  pels  portais 
Es  primes  esvasits. 


Nos  no  voylam  jutgar 
Et  no  serem  jutgat, 
Ne  devem  desirar 
Senyoriu  ne  jutgat. 


882  .   Pels  portais  dels  castiels 
Entron  tuyt,  mal  et  bo, 
Per  que  portais  apiel 
Los  .V.  seyns  qu'en  tu  so. 


890.   Can  los  dos  lexeras 
A  pendrel  tieu  emfan, 
Molt  meyns  lo  presaras 
Que  con  ca  mal  usan. 


E  sil  porties  se  tem, 
Los  portais  gen  guardan, 
Nom  dels  justs  li  direm 
Qui  temon  tôt  quanfan. 


891.   Ceyl  qui  benifeyts  dona 
Es  resemblans  de  Dieu, 
Majormen  can  s'adona 
C'a  paubres  do  lo  sieu. 


Aycel  qui  son  pausat 
Sobrels  autres  jutyar 
Seran  pus  durjutgat(h) 
Per  Dieu  de  lor  mal  far. 


892.    Con  princeps  savis  sia. 
Net,  suaus,  libérais, 
Meynsprean  tota  via 
Les  causes  temporals. 


879  EccLi.  I,  16:  Initium  sapientiae,  timor  domini.  —  885  Matth.  vu,  1  : 
Noiitejudicareutnonjudicemini. —  892  a  an  lieudeCon,  corr.  Tayn.?  —  892 ^Nec 


LES  PROVERRES    DE  GUYLEM  DE  CERVERA 

S95.    E  deu  esser  homils  901.    Homelitats  es  bona, 

Es  ab  leyal  amor, 
No  ab  dits  femanils 
Ne  fasen  lo  pigor. 


89 


S94.    De  saviesa  es 

Fis  atelentaniens; 
Nedesa,  part  tots  bes, 
Es  al  senyor  plasens. 

895 .   Saviesa  raquer 

Ans  que  als  castedat. 
Don  nets  de  Dieu  conquer 
Amor  et  pruysmetat. 


Que  David  fo  faits  bos 
Can  ac  homil  pressona 
Segons  Dieu  piados. 

902  .    Enfants  paucs  es  homils 
Et  nol  sove  greujansa, 
E  Dieus  es  tant  gentils 
C'aver  vole  d'eyl  semblansa. 

90^ .    Franca  homilitats 
Fe  homil  Benjamin, 
Don  fo  per  Dieu  amats, 
Segons  quel  libres  di. 


S96.    Susans  es  resemblans. 
Dix  Dieus,  don  Moysens 
Fo  susans  et  presans 
Per  Dieu  entre  les  gents. 

897.   Savis  deu  esser  reys. 

Tan  que  nol  trop  malesa, 
Si  que  met'  en  esfreys 
La  gen  qui  l'es  sotsmesa. 


904.  A  princep  tayn  amors 
De  Dieu  et  de  sa  gen  ; 
Amors  de  Dieu  de  cors 
Vay  lanostra  seguen. 

905 .  Per  que  nons  amera 
Dieus  si  l'amam,  qu'enans 
Que  nos  l'amessam  ja 
Nos  amav'  ab  mais  grans? 


898.  Per  liberalitat, 

Qui  es  la  quarta  causa. 
En  Pau  deu  resemblar, 
Qui  de  dar  bes  no  pausa. 

899.  Qui  benifayts  sab  dar, 
De  Diu  es  resemblans, 
E  vol  Dieu  contrafar 
Reys,  can  n'es  arrapans. 

900.  Reys  qui  te  loc  de  Dieu 
Sembla  Dieu  ses  malesa, 
Guardan  l'autruy  el  sieu 
Dona[n|  per  sa  franquesa. 


906     Les  causes  temporals 

Deu  princep  menspresar  ; 
Aman  sos  naturals, 
E  Dieus  voirais  amar. 

907.  E  dits  ho  sans  Mathieu, 
Senequ'  e  sans  Bernats  : 
Amans  les  causes,  greu 
Seras  per  Dieu  amats. 

908 .  L'us  dels  meylors  senyals 
Es,  c'om  en  princep  ve, 
S'ama  Dieu  con  leyals, 
Can  en  Dieu  pessa  be. 


'éçf'i  cC  est  s  ans  doute  le  Aom  d'un  contemporain  (fui  devait  être  célèbre  par  sa  bien- 


90 
909. 


Vas  lay  on  l'amor  an 
Tenon  tuyt  l'oyl  del  cor, 
E  qui'n  Dieu  va  pessan 
Non  a  pus  rie  trésor. 


917.   Con  Dieus  asir  peccais 
Et  no  voyP  autra  re, 
Mays  valgra  no  fos  nats 
Qui  de  peccat  nos  te. 


910.   Can  trobet  Magdaiena 
En  Tort  nostre  Senyor, 
Demande!  l'ab  gran  pena, 
Car  l'avia  amor: 


9ii 


Les  vertuts  son  noyrides 
Per  tu  benignamen, 
Per  so  car  les  faylides 
Portes  a  veniamen. 


911.   «  Si  tul  n'as  levât,  senyer, 
Digues  on  l'as  pausat, 
Car  lay  nol  poc  atenyer, 
On  l'avia  sercat, 


919.  E  David  al  salm  di  : 
«  Agui  los  enamichs 
En  ira  per  cami, 
Tu  Dieus  fossas  amichs. 


912.    Sitôt  ab  gran  cossir    (/.  ^91 
D'el  seber  ho  volia.  » 
Aytan  volia  dir 
Qu'ela  el  cor  l'avia. 


920.   Qui  payr' e  mayr' el  sieu 
Per  Dieu  no  desempare, 
Non  es  dignes  de  Dieu, 
Don  s'amor  desempare. 


915.   Ceyl  ha  forsa  d'amor 

Qui  tots  temps  cre  conoxer 
Els  autres  ab  laudor 
D'amor  no  meynsconexer. 


921.  Le  ters  senyals  es  bos, 
Can  be  princeps  soffer 
Tots  SOS  fayts  volontos 
Per  Dieu,  don  grat  raquer. 


914.  Le  segons  senyals  es 
Can  princeps  celuy  ama. 
Sitôt  s'es  d'eyl  sotsmes, 
Que  cre  per  bona  fama 

915.  Sia  per  Dieu  amats. 
Et  can  celuy  asira 
Qu'es  per  Dieu  asirats, 
Et  vas  tort  far  nos  vira. 


922.  El  foc  arden  s'aseya 
S'es  bos  aurs  es  argens; 
Hom,  al  foc,  qui  no  pleya 
D'omelitat  soffrens. 

923 .  L'enap  de  passio 
Pie  que  mos  payrem  dona 

■No.- 


No  vols  que  be\ 
Obres  obra  falona. 


916.   Volers  0  no  volers 
Dits  aitan  a  la  fi 
Con  amors,  es  es  vers 
Vera  dona  dor  fi  [sia . 


924.    Pena  certa  demanda        fv" 
Le  suaus  qui  be  ama, 
Soffren  toi  quan  comanda 
Dieus  a  cel  quil  reclama. 


Jaisance. 
11,  56s). 


909  Cf.  le  prov 
-914  sostmes.  - 


.•  Ou  li  amors  est,  Il  cuers  est  \Le  Roux  de  Lincy^ 
921  c  uoiontes. 


LES  PROVERBES    DE  GUYLEM  DE  CERVERA            91 

925 .   Bel  senyal  ha  al  quart,  93^ .   Propria  causa  es 

Don  princeps  es  amats  Del  fiyl,  con  que  repayre, 

Per  Dieu,  so  es  que  guart  Venya  li  mal  0  bes, 

Los  lochs  sants  et  segrats.  Veny'  al  alberch  del  payre. 


926.   El  be  e  las  franquesas 
Dels  lochs  sion  servades, 
E  qui  fera  malessas. 
Que  sion  car  comprades. 


9^4.  Reys  qui  te  loch  de  Dieu 
Deu  far  de  Dieu  jornal, 
C'anar  deu  al  loch  sieu, 
Enans  qu'en  altr'  osdal. 


927.   Anna  al  templ'astava. 
Ja^Sj  fos  so  que  duptes, 
Per  so  car  no  levava 
Fruyt  c'a  Dieu  Si  no  pases, 


9:;^ .   El  princep,  can  ira 

El  loch,  sil  loch  noil'  ama. 
Ja  grasits  noy  sera 
Ney  aurabona  fama. 


928.   Mas  per  so  car  avia 
Amor  a  Dieu  ten  gran, 
Del  temple  nos  movia, 
Mas  per  obs.  Dieu  aman. 


956.   E  com  poras  preyar    /.  40 
Celuy  cuy  mal  voiras  ? 
Sil  mal  nol  pots  celar, 
Obesits  non  seras. 


929.    El  temps  c'avia  Dieus 

Dots'  ans,  al  templ'  estava, 
Can  sa  mayr'  ab  plans  grieus 
Et  Josep  lo  s)  sercava. 


937.   Le  quint  es,  quels  reys  onre 
Los  ministres  de  Dieu, 
Qu'eu  not  pusch  jen  respon- 
Si  desondres  lo  mieu.      ^dre 


9:50.   E  can  s'en  plays  se  mayre, 
Respos  qu'en  la  mayso 
L'er  estât  de  son  payre, 
Que  en  les  autres  no. 


9:18.   Qui  honrals  loch  s'  lenents 
De  Dieu,  Deu  vol  honrar, 
E  s'il  fan  falimens, 
A  Dieu  ve  del  venyar. 


931 .    E  can  en  la  ciutat 
Entret  primeyramen, 
Al  tiempl'  a  Dieu  donat 
S'en  anet  homilmen. 


9:; 9.   Le  sise  es,  can  reys 
Vol  volontiers  parlar 
De  Dieu  qui  l'honra  el  crex 
El  fay  senyorajar. 


9J2.   Per  quens  donet  raso 
Qu'en  la  casa  devem 
Anar  d'oracio, 
Ans  que  d'als  no|s]  penssem. 


940.   Car  amichs  parla  mays, 
Can  ausa,  de  s'amor 
Que  d'als  on  ha  pantays, 
Can  enten  parlador. 


926  b  Si  son.  —  929  b  tots  ans.  —  938  c  Ecil. 


92 

941 


Magdelena  parlava 
Da  Dieu  soven  ades  ; 
Perso  car  molt  l'arnava, 
L'era  de!  cor  tam  près. 


942.   El  sete  pots  causir 

Los  rieys  per  Dieu  grasits, 

Can  soven  vol  ausir 

Dieu  els  fayts  bos  els  dits. 

945.   So  es  con  el  sermo 

De  Dieu  (u)ausen  s'atura, 

Donan  aximpli  bo 

Al  sotsmes  de  dreitura. 

944.  E  so  qu'en  ausira 

Nuyl  temps  nol  dessovenya, 

E  tôt  quan  li  dira 

En  son  cor  dins  retenya. 

945 .  Qui  au  los  mandamens 
De  Dieu  els  serv'  els  te, 
Aymé  Dieu  fmamens 

Et  Dieus  iuy  aytambe. 

946.  Lo  vuyte  senyals  es, 
Can  reys  volantiers  dona 
Per  Dieu,  et  part  sos  bes, 
Toylen  a  sa  pressona. 

947.  E  can  ihomt  per  Dieu  deria 
Tôt  son  sostenimen, 
Encaral  cuydaria 

Aver  dat  caymen. 


948. 


E  nuyla  re  tan  lieu 
No  conex  hom  amor, 
Con  en  donar  lo  sieu 
Es  en  fayre  honor. 


949. 


950. 


9)1 


Le  noves,  can  rey  vol 
Obesir  so  quel  manda 
Far  Dieus,  can  al  rey  dol. 
Qui  de  re  lo  desmanda. 

Dieus  dits  c'  hom  onr'  es  am 
Sos  amichs  leyalmen, 
E  si  an  set  ne  fam, 
Quels  [sjason  bonamen. 

Le  proverbis  retray 
Que  la  major  besonya, 
Si  la  ricors  s'en  vay, 
L'amich  sldelpaubr'eslonya. 


9^2.   Sil  princep  paubre  ama, 
No  l'ama  per  lo  sieu. 
Que  menifesta  fama 
Es  que  l'ama  per  Dieu. 

955.   Ja  tu  no  ameray 

Be,  si  no  am  los  tieus  ; 
Dieu  t'amera  —  so  say  — 
Si  be  âmes  los  sieus. 

954.    Membret  del  rey  de  F'ransa 
Quel  juglar  terra  det, 
E  con  non  ach  duptansa 
Con  l'ostias  levet. 

9^  ^ .    D'eiso  quels  reys  tolia 
Vol  al  paubre  donar, 
E  so  que  be  cresia 
No  volch  ab  oyls  guardar 


(v"i      90.   Membret  de  sent  Johan 
Qiaels  dexebles  preyava 
Qu'ânes  l'us  l'autr'  aman. 
Que  res  als  nols  parlava. 


949  f  Can  dieu.  —  95 1  Au  besoing  voit  l'en  qui  amis  est.  Le  Roux  de  Lincy 


LES  PROVERBES    DE  GUYLEM  DE  CERVERA 


9? 


9^7.   No  voyles  apeylar 

Nagun  payr  en  la  tierra, 
C'un  n"as  al  cel,  et  par 
Con  soffri  per  tu  guerra. 


96s .   A  rey  lare  no  cal  murs, 
Barreyra  ne  fossats, 
Qu'en  pia  es  si  segurs 
Con  en  castiels  obrats. 


958.   Segons  Dieu  tuyt  em  frayre, 
Pero  pauc  nos  semblam  ; 
Pus  tuyt  avem  .j.  payre. 
Per  que  tuyt  nons  amam  ? 


966.    Castiel  ne  fermetats 
No  val  a  rey  avar 
Que  no  sia  sobrats  ; 
El  larch  nos  pot  sobrar. 


9^9.   Tu  qui  als  morts  t'en  vas 
F'orsat  et  mal  ton  grat, 
Aytan  can  viu  seras, 
Hi  vay  de  volontat. 


967 .    Rey  avar  al  sotsmes 
Es  assi,  no  pre[s]  re  ; 
Pus  be  no  part  sos  bes, 
Res  de  be  nol  cove. 


960.   Tu  qui  portes  la  flor,  /.  41 
Guardel  mort  qu'il  s'en  porta  ; 
Penssa  de  far  conor, 
Qu'els  pes  tens  près  la  porta. 


968.    Reys  can  es  larchs  als  sieus 
Es  assi,  es  presats, 
El  sieu  l'amon  e  Dieus, 
Per  que  régna  honrats. 


961.   Tu  portes  la  guarlanda 
El  mort  portel  sudari; 
Laxian  la  beyla  landa 
Tens  lo  cami  contrari. 


969.    Reys  qu'es  avars  assi 

Per  c'als  autres  mays  do, 
Be  valors  per  pus  fi 
Et  mays  sec  se  reso. 


962.   Es  es  dreits  fil  d'aranya 
Que  re  fort  no  atura^ 
Que  mentenen  no  franya 
Mas  frevol  creatura. 

96:; .    Dreyts  fo  faits  pels  malvats, 
No  jes  per  los  valens  ; 
Er  confon  los  presats, 
Als  croys  non  es  nosens. 


970.  Tan  can  rey  es  valens, 
Donan  et  fasen  be. 

Es  can  vol  presar  mens 
L'altruy,  el  sieu  rete. 

971 .  Ops  es  c'hom  se  délivre 
De  peccat  et  d'enyan, 
C'ab  ayso  no  pot  vivre 
Sos  jorns  ne  tan  ne  can. 


964.   Reys  als  autres  avars 
Et  larchs  assi,  pauc  val, 
E  sil  creys  grans  affars, 
Laxar  l'an  a  cabal. 


972.   Si  con  l'oyl  an  plaser       {v°) 
De  veser  biela  flor, 
Ha  l'arme  bon  saber 
De  sentir  bon'  odor. 


Livre  des  prov.  II,  272  ««485.  —  958  a  en.  —  964  c  E  cil. 


94 

A.    THOMAS 

975- 

Volontats  et  sabers 
Acaba  tota  re, 
E  poders  et  lasers 
Et  majormen  tôt  be. 

980.   Vist  ay  ab  mal  malvat 
Qui  guarir  no  volia, 
E  vist  que  mal  son  grat 
Le  metges  lo  guaria. 

974.   si  us  parla  entre  cen, 
Ades  guard'  al  meylor 
0  al  pus  entanden 
O  cel  cuy  port  amor. 


981  .   Sans  Mertis  guarilfsi  sec 
Mal  son  grat  el  contrait  ; 
E  tenc  celuy  per  pec 
Qui  desraso  son  playt. 


97^.   Molt  miyls  deu  hom  parlan 
Lospechsquelscertsguardar, 
Quel  cert  ben  entendran 
El  pechis)  no  ses  tornar. 


982 .   No  so  eguals  franquesa 
Es  obliguacios, 
Nés  fay  segons  riquesa 
Aculimens  ne  dos. 


976 .  Si  puges  en  ricor 

E  sents  orgoyl  sobrar, 
Membret  del  texidor 
Els  mirayls  que  vole  far. 

977.  Ciyl  cuy  valors  destreyn 
No  deu  hom  pusdestrenyer, 
Car  forts  destreyt  l'ateyn  ; 
Sobre  tôt  s'en  guart  senyer. 


985 .    Donar  et  franchs  coratges 
Acolirs  et  honra[riS 
Aporta  bos  usatges 
Et  lunya  fayts  avars. 

984.    Savis  es  bos  amichs   (/•  42) 
E  foyls  non  es,  pot  far; 
Ans  te  dura  destrichs, 
Si  no  t'  en  sabs  lonyar. 


978.  E  sembla  causa  stranya 
Qu'eu  digua  que  valor 
En  pla  et  en  montanya 
No  segon  li  miylor. 


98^ .    Un  sol  amich  volria 
Aytal  con  la  mas  es 
A  l'oyl,  car  non  auria; 
Mas  al  mon  non  es  ges. 


979.   Qui  te  loch  de  senyor, 
Mays  deu  temer  falir  ; 
Sil  senyor  ha  valor, 
Pus  c'altrel  deu  punir. 


986.   Si  [l'joyl  nuyl  mal  se  sen, 
La  mas  hi  cor  délivre 
E  donal  guarimen 
Ans  c'als  prenda  ne  livre. 


979  Couplet  cité  par  En  Pach:  Qui  te  lloch  de  senyor  |  Mes  deu  tembre 
fallir  I  Sil  senyor  a  valor  |  Pus  que  altre  deu  punir.  {Esp.  S^-,fol.  52  c; 
SSJol.  51). 


LES  PROVERBES   DE  GUYLEM  DE  CERVERA 
99?- 


95 


987.   Si  l'oyl  deu  .j.  colp  pendre, 
La  mas  denan  se  pare 
Per  lo  colp  a  deffendre; 
Neys  al  pendre  nos  guare. 


Femna  esquivaras. 
Si  vivra  vols  adreyls, 
Ho  tu  car  compreras 
Los  tieus  els  sieus  nalets. 


988.   Nostres  perents  amem 
Si  co  la  nostra  stranya, 
Car  veramen  sabem 
C'amars  amors  guasanya. 


994.   Femna  fets  Selamo 
De  sa  fe  delivrar, 
E  sa  muyler  Semso 
A  l'estrayn  axorbar. 


989.    Li  prevera  qui  vivon 
Be  es  ensenyan  be, 
Doblamen  tayn  que  sion 
Honrat,  es  eu  0  cre. 


99$ .   Ceyl  per  cuy  fol  portais 
De  Roma  derocats 
Fo  entrels  fmestrals 
Per  l'amfanta  penjats. 


990.   A  ceyls  qui  mal  vivran 
Ensenyan  fais  jornal 
Deu  hom  doblar  l'aflfan 
La  desonor  el  mal. 


996. 


Vergilis  l'encantayre 
Vole  con  besti'  anar 
Si  com  vi  l'emperayre 
Tant  saub  sa  fiyla  far. 


991  .   Manjar  deu  desirar 

Hom,  per  tal  c'aia  vida, 
No  vivra  per  manjar 
Voler,  qu'es  vida  aunida. 


997 .   Sa  moylers  fets  Tristayn 
Morir.  car  noy  jasia, 
Que  d'als  tôt  son  coman 
Et  son  voler  fasia. 


992.  Per  tal  que  fassa  be 
Ddu  hom  vivra  voler 
Qui  de  be  no  fay  re, 
No  deu  vida  querer. 


998.   La  reyna  al  bayn 
Fets  son  marit  aucir 
E  restauret  l'estrayn. 
Et  fo  durs  fayts  d'ausir. 


991    Couplet  cité  par  En 
/Ida. 


Pach:  Menjar  deu  i'om  desijar  |  Per  tal  que  aia 
la,  I  No  viure  par  menjar  |  Voler,  que  es  vida  hun\da.  (Esp.  54,  fol  15  ;  55, 
fol.  8;  Documentos,  p.  203).  Ce  mot,  que  Molière  a  rendu  célèbre,  vient  origi- 
nairement d'une  parole  de  Sacrale  rapportée  par  Plutarqae,  Stobéc^  Aulu-Gclle  et 
autres  ;voy.  le  Molière  de  la  collection  des  Grands  Ecrivains  delà  France^  VII,  129, 
note.  —  995  a  b  Nous  ne  voyons  pas  qui  l'auteur  veut  désigner  par  cette  péri- 
phrase ;  quant  à  la  légende  elle-même,  les  écrivains  du  moyen  âge  l'attribuent  gé- 
néralement à  Virgile.  Voy .  Comparetti,  Virgilio  nel  medio  evo,  II,  103.  —  996 
Légende  ordinairement  attribuée,  au  moyen  âge,  à  Aristote. 


96 

999- 


La  reyna  d'Espanya 
Volch  son  fiyl  matzinar, 
E  fo  be  causa  stranya, 
Pel  Sarrasi  usar. 


1000.   L'indienchs  vole  ab  femna 
Alaxandri  aucir; 
Qui'nvilfemnalsieusemna. 
Blasme  vol  recuylir. 

1001  .    Le  reys  Davi  julget 
Si  mateys  a  périr 
Per  femna,  et  pequet. 
Don  vole  tormens  soffrir. 

1002.   La  causa  pus  malvada 
Del  mon  e  la  mays  bona 
Es  femna  be  usada 
Ho  can  a  mal  se  dona. 


THOMAS 
1007 


Mays  ameria  anar 
Ab  trobador  leyal, 
C'ab  playdes  rasonar 
Meyns  de  seyn  natural 


1008.  Barayl[a]  et  pinxura  1/.  45) 
Voyles  de  loyn  guardar; 
Quax  que  non  âges  cura 
Net  vols  meraveylar. 

1009.  Ab  quais  oyls  guarderas 
Ton  amich,  sil  fas  mal 
Can  denan  li  seras  ? 
Not  tenra  per  leyal. 

1010.  Grieu  feras  son  plaser 
Del  tieu  a  ton  amich 
Si  del  sieu  ex  aver 

Li  fas  dan  et  destrich. 


1005 .   Femn'  es  pus  abstenens 
Com  er  ab  sen  mayor, 
Que  semblans  fa  c'am  mens 
So  que  te  per  meylor. 

1004.  La  femna  vils  no  fora, 
S'  om  no  fos  vils,  es  es 
Hom  vils  es  desonora 
Ses  femna  morts  et  près. 

1005 .  Mays  volria  estar 
Ab  .).  trobador  bo, 
C'un  conquister  tener 
Don  hom  no  fa  son  pro. 

1006.  Meylor  estar  faria 
Ab  .).  bo  trobador, 
C'ab  metge  qui  tôt  dia 
Fa  de  gran  mal  pigor. 


1011.  L'amistansa  del[sl  fats 
Lieu  se  pren  et  lieu  frayn 
Grieu  l'amor  del[sj  sénats 
S'apren  e  grieu  remayn. 

1012.  Larguesa  dison  qu' es 
Vicis  et  vicis  mais, 
Don  sobre  totas  res 
Es  lausats  libérais. 

\on, .   No  désirs  lay  ricor 
On  senyoreg  vilas, 
Ne  milas  pren  d'ostor, 
Ne  orps,  tu  qui  veyras. 

1014.   Le  guayls  se  fay  emblar 
El  cavayls  atressi 
E  son  senyor  sobrar 
0  venir  a  la  fi. 


1000  Cf.  couplet  1 149. 


1009  b  Cil. 


I  c  Leu. 


LES  PROVERBES    DE  GUYLEM  DE  CERVERA 
1021 


97 


101  ^ .   No  duptes  a  servir 

De  pauc  dos  grans  senyors 
C'axit  feras  grasir 
Et  duptar  als  menors. 


Moyiers  vol  mal  soven 
A  ceyl  quel  marit  ama, 
E  vol  be  axamen 
A  celuy  que  desama. 


ioi6.   No  duptes  a  querer 

Per  pauc  molt  a  senyor. 
Que  per  .j.  pauc  plaser 
Fay  senyor  gran  honor. 


1022.   Si  ton  amich  castias 
Et  not  cre  mentanen, 
Ja  per  so  no  estias 
De  castiar  soven. 


1017.   Ameras  tos  amichs 
Axi  que  non  seras 
De  tu  eix  enamichs, 
Qu'els  et  tu  serviras. 


Homils  et  paciens 
Conquer  sirven  amichs; 
Ergoylos,  negligens 
Desserven,  enamichs. 


1018.   No  t'acorts  ab  celuy 
Qui  ab  sis  desacort  ; 
Grieu  s'acord'  ab  autruy 
Qui  ab  sis  desacort. 


1024.   Si  vols,  can  veyl  seras, 
Los  autres  fayts  comptar, 
Guarda  so  que  faras 
Non  âges  a  laxiar. 


1019.    La  causa  desempar 

Quet  sia  dampnamens 
On  pus  te  sera  care, 
Et  valra'n  mas  tos  sens. 


102^.   Si  hom  te  lausa  mays 
Que  no  deu,  per  plaser, 
Ja  no  t'en  fenyeras 
Guays  et  fay  en  dir  ver. 


1020.   Ta  moyler  no  creyras    (V) 
Can  a  tort  se  rancur 
Dels  serfs  que  tu  auras 
Eraa  (?)  ab  sen  segur. 


1026.    No  cresas  de  tos  fayts 
Negu,  mas  tu  metexs, 
Car  trop  [es]  malvat  plaits 
Et  crims  et  dans  en  crexs. 


1015-16  Cf.  Caton,  I,  35;  Ne  dubites,  quum  magna  petis,  impendere 
parva  ;  |  His  etenim  rébus  conjungit  gratia  caros.  Ccrvira  n'a  pas  compris  le 
texte  latin.  —  loi  7  Caton,  i,  1  1  :  Dilige  sic  alios,  ut  sis  tibi  carus  amicus.— 
1018  Id.,  I,  4  :  Sperne  repugnando  tibi  tu  contrarius  esse:  I  Conveniet  nulli, 
qui  secum  dissidet  ipse.  —  1019  Id.,  i,  6  :  Quse  nocitura  tenes.  quamvis  sint 
cara,  reiiiique.  —  1020-102 1  Id.,  i,  8  :  Nil  temere  uxori  de  servis  crede  que- 
renti  :  |  Saepe  etenim  mulier,  quem  conjux  dil  git,  odit.  —  1022  Id  ,  i,  9  : 
Quum  moneas  aliquem,  nec  se  velit  ille  tr.oneri,  |  Si  tibi  sit  carus.  noii  désistera 
cœptis.  —  1C24  Id.,  1,  16  :  Multorum  quum  facta  sene.\  et  dicta  recenses,  |  Fac 
tibi  succurrant,  juvenis  quae  leceris  ipse.  —  1025-1026  Id.,  i,  14:  Quum  te 
aiiquis  laudat,  judex  tuus  esse  mémento  :  |  Plus  aliis  de  te,  quam  tu  tibi,  cre- 
dere  noIi. 


Romania,  XV 


98  A.    THOMAS 

1027.  Si  tu  servici  prens,  'Oî4- 
A  mans  0  deus  comptar, 

E  sil  fas,  majormens 
0  deus  a  tots  celar. 

1028.  Qui  parla  ab  feunia  'o?5- 
Be  et  adrechamens, 

Ab  alegra  diria 

Beyis  dits  dous  et  plasens. 


No  ternes  mort,  ne  re 
No  deus  tan  fort  temer, 
Si  vols  finar  en  be 
Ni  viven  gaug  aver. 

Si[tu]  vols  tos  amichs 
Al  tieu  servir  respondre, 
Non  deusesser  enichs 
Nel  teu  servir  confondre. 


1029.  Ja  no  curs  ne  demans,  1036.  Si  as  deconaxens 

S'  us  ab  autra  cosseyla  Servit,  guarda  enan 

De  nuyls  fayts  pauchs  ne  grans  Que  serves  conexens, 

Denan  tu;  clau  l'oreila.  Car  grat  t'  en  refferran. 


1030.  Ce!  quis  sent  mal  mirens 
Ades  cuya  c'  hom  dia 
Sos  mais  captenimens, 
El  cuyars  es  foylia. 

1031.  Entre  mil  non  es  us 
Da  morir  asinats, 

E  te  es  ha  cascus 

La  mort  entre  sos  bras. 


1037.  De  re  tan  no  m'  es  grieu 
Corn  dels  jorns  c'ay  perduts 
En  obra  contra  Dieu 

Ab  fais  crois  dits  menuts. 

1038.  Celuy  que  tu  pories 
Lieu  venser  combatten, 
Per  que  mays  preats  sies, 
Vuyles  venser  soffren. 


1032,   Lefoylsmets'esperansa(/.  44)  1039. 
Soven  en  mort  d'autruy, 
E  lieu  aytal  fiansa 
Tornadel'autra'n  luy. 


1033.  Ab  cosselier  avar 

No  t'acorts  de  larguesa. 
Ne  de  leyaltat  far 
Ab  cel  c'  an  ab  falcesa. 


1040. 


Be  guarda  tôt  quant  as 
Et  majormen  la  causa 
C*  ab  treybal  conquerras 
Et  Dieu  conquiren  lausa. 

Can  hom  la  causa  pert 
Que  conquer  ab  treybal, 
Cent  tans  mays  s'  en  espert, 
Per  qu'  el  no  guarda!  fayl. 


1027  Caton,  I,  1 5  :  Officium  alterius  multis  narrare  mémento,  |  Atque, 
aliis  quum  tu  beneieceris  ipse,  sileto.  —  1029-1030  Id.,  i,  17  :  Ne  cures,  si 
quis  tacito  sermone  loquatur:  |  Conscius  ipse  sibi  de  se  putat  omnia  dici.  — 
1030  a  cent.  —  1031-1032  Id.,  i,  19  :  Quum  dubia  et  fragilis  sit  nobis  vita 
tributa,  |  In  mortem  alterius  spem  tu  tibi  ponere  noli.  —  1034  Id.,  ii,  3  : 
Linque  metum  ieti,  nam  sultum  est  tempore  in  omni,  |  Dum  morlem  metuis, 
amiltere  gaudia  vitae.  —  1038  Id.,  i,  38  :  Quem  superare  potes,  interdum  viiice 
ferendo;  |  Maxima  enim  morum  semper  patientia  virtus.  —  1039-1040  Id.,  i, 


LES  PROVERBES    DE  CUYLEM  DE  CERVERA 
1047 


99 


1041 .  Si  lo  libre  aprens 
De  Vergili,  sebras 
Tots  los  cultivamens 
De  terra  et  veyras. 

1 042 .  S'apendre  vols  la  forsa 
De  les  erbes  presen, 
Le  libres  no  t'estorsa 
De  Marcer  lo  valen. 


1048. 


Mays  entra  de  la  nau 
Per  Tayga  dousa  sana 
Que  per  la  mar;  tal  m'  au, 
Que  resos  no  l'es  plana. 

Mays  entra  d'amor  bona 
En  noble  criatura 
Qu'en  malvada  presona 
On  nuyls  bes  no  s'atura. 


104? .   De  la[s]  batayles  soma 
Et  comtet  mostrera 
D'Affrica  et  de  Roma 
Le  libres  de  Luca. 


1049.    Axi  apren,  cosi 

Tots  temps  dévias  vivra, 
E  viu  si  con  la  fi 
Dévies  far  délivra. 


1044.   No  voyles  conquérir     (v°)       1050. 
Sacrets  celestials  ; 
Pensât  c'as  a  morir 
Et  penssa  dels  mortals. 


1045 .  Alegret  de  so  qu'es 
Pauc  es  amasurat, 
Si  quet  sobre  merces 
Es  âges  pietat. 

1 046 .  La  naus  es  en  major 
Periyl  en  alta  mar      [cor; 
Qu'en  pauc  flum  qui  pauc 
Mas  nauchier  non  0  par. 


Mays  voiles  sol  soffrir 
Ira,  que  si  disies 
So  don  fessas  aunir 
Mas  per  so  que  diries. 


1051.  Notcuyts  c'hom  segur  sia 
De  mal,  lo  mal  fasen, 
Sitôt  lo  primer  dia 

Non  pren  Dieus  venjamen. 

1052.  No  vuyles  meynsprear 
Home  poc  ne  sa  forsa, 
Car  mantes  vêts  sab  dar 
Cosseil,  don  mans  estorsa. 


39:  Conserva  potius,  que  sunt  jam  parla  labore  :  j  Quum  labor  in  damne  est, 
crescit  mortalis  egestas. —  1040  d  guardat.  —  1041-1043  Caton',  ii,  préface: 
Tellurissi  forte  velis  cognoscere  cultus  |  Virgilium  legito.  Quod  si  maie  nosce 
laboras  j  Herbarum  vires,  Macer  tibi  carminé  dicet.  |  Si  Romana  cupis  vel 
Punica  noscere  bella,  |  Lucanum  quaeras,  qui  Martis  prœlia  dicet.  —  1044  Id., 
Il,  2  :  Mitte  arcana  De!  cœlunique  inquirere  quid  sit  :  |  Quum  sis  mortalis, 
quae  sunt  mortalia  cura.  —  1045-6  Id.,  ii,  6:  Quod  nimium  est  fugito,  parvo 
gaudere  mémento;  |  Tuta  mage  est  puppis,  modico  quum  flumine  fertur.  — 
1047  ^  ^^l  nau.  —  1051  Id.,  ir,  8:  Nolo  putes,  pravos  homines  peccata  lu- 
crari  :  ]  Temporibus  peccata  latent,  sed  tempore  parent.  —  10^2  Id.,  ii,  9: 
Corporis  exigui  vires  contemnere  noli  :  |  Consilio  pollet,  oui  vim  natura  ne- 
gavit. 


105?.   Lochuria,  emvega 

Es  orgoyl  fan  mais  mais 
Que  nuyla  res  qu'  eu  vega 
A  senyors  terrenals. 


THOMAS 

1059. 


No  lays  la  covinen 
Causa  que  ops  auras. 
Que  corn  n'auras  talen 
Aver  no  la  poras. 


1054.   Luchurios  fai  mal 
Als  autres  es  a  si 
Major  et  pus  mortal, 
Segons  quel  savis  di. 


1060.   Jener  vuyles  semblar 
Qui  guarda  l'an  pessat 
El  vinen  vol  guardar 
Per  vivr'  ab  si  honrat. 


1055.   Orgoyl  fay  de  senyor 
Soismes  et  mens  de  ser, 
E  senyer  de  valor 
Nol  cossen  nel  sofer. 


[061.    No  sia  meynspresada 
La  causa  sol  per  tu 
Qu'es  pels  autres  presada 
Per  plaser  de  sol  .j. 


1056.   Novoylesperperaula(/.45 
Ab  ton  amie  contendre, 
Car  grans  temors  s'entaula 
Per  vil  rayso  défendre. 


1062.   Si  puges  en  riquesa, 

Quan  mays  poder  tenras, 
Te  membre  la  pobresa 
Que  sofferta  auras. 


1057.   De  long  te  guayteras 
Lo  mal  quit  deu  venir, 
C'a  miyl  s]  t'en  cubriras 
Ab  cor  de  mal  soffrir. 


1 06  3 .   Qui  soffer  malenansa 

Et  blasmel  tiemps,  pejura, 
Si  non  a  be  membransa 
C'aia  de  selut  cura. 


1058.  Can  hom  ve  lo  cayrel, 
Miyls  s'en  pot  escudar, 
Qu'el  mon  escut  pus  beyi 
Non  a  de  be  guardar. 


1064. 


Qui  soffer  gran  dolor 
Deu  aver  membramen 
Que  la  cura  meylor 
Aia  primeramen. 


1055  Messer.  —  1056  Caton,'  ii,  m  :  Adversus  notutn  noii  contendere 
verbis:  |  Lis  minimis  verbis  interdum  maxima  crescit.  —  1057  1d.,  ii,  24; 
Prospice,  qui  veniant,  lios  casus  esse  ferendos  ;  |  Nam  levius  iaedit,  quidquid 
prasvidimus  ante.  —  1059  1d.,  11,  26:  Rem  tibi  quam  nosces  aptam,  dimit- 
tere  noIi  :  |  Fronte  capillata,  post  est  occasio  caiva.  —  1060  1d.,  ii,  27: 
Illum  imilare  Heum,  partem  qui  spectat  utramque.  —  1061  1d.,  11,  29  :  Ju- 
dicium  populi  nunquam  contempseris  unus,  |  Ne  nulli  placeas,  duni  vis  con- 
temnere  multos. —  1062  Couplet  cité  par  En  Pach:  Si  pujes  en  riqueses  |  Quant 
may  poder  tendras,  |  Te  membra  la  pobresa  |  Que  soferta  aras  {Esp.  ^, 
fol.  55  (j  ;  J5,  fol.  32  d).  —  1063-4  Id.,  II  ,30:  Sit  tibi  prascipue,  quod  pri- 
muni  est,  cura  salutis:  |  Tempora  ne  culpes,  quum  sis  tibi  causa  doloris. 


LES  PROVERBES    DE  GUYLEM  DE  CERVERA 
1071 


106^ .   So  on  mets  [tos]  alurs 

Veilan,  pensses  dormen; 
Per  qu'en  sompnis  no  curs 
Mas  en  Dieu  solamen. 


Guardat  de  far  anuy 
Tostiemps  et  de  mal  dir  ; 
Quil  fa  nel  dits  d'autruy 
Pendrel  volet  aucir. 


1066.   Vida  ses  be  saber 

Es  de  mort  ressemblans  ; 
Donchs  met  tôt  ton  poder 
En  apendre  tos  ans. 


1072 .   Per  cobesa  d'argen 

Ja  muyler  non  pendras; 
Laxe  la,  mantinen 
C'a  altra  la  sebras. 


1067.   Can  tu  vivras  leyals 
Et  poderosamens, 
Si  hom  dits  de  tu  mais 
Sies  en  non  chalens. 


1075 .   Qui  no  sab  cosseilar 
Que  deu  segr'  0  fugir, 
Los  fayts  dels  altres  guar 
Can  blasmar  0  ben  dir. 


1 068 .   Nuyls  hom  non  a  poder  1  v») 
Que  pusca  chastiar 
Los  dits  de  desplaser 
Ne  las  bocas  tencar. 


1 074 .   Faits  d'autres  bos  0  mais 
Es  dreyts  chastiamens 
Dels  emendens  leyals 
Et  dels  bos  noyrimens. 


1069.   Sil  blasme  vols  celar 
Nel  mal  de  tos  amichs, 
A  testimoni  far 
Ta  fe  guardan  noy  trichs. 


1 07  ^ .   Can  hom  vol  fayt  celar 

Pausat  contra  dretchura, 
Aycel  vol  recemblar 
Qui  fa  la  desmesura. 


1070.   Qui  vol  los  dits  rependre 
Dels  necis  et  dels  fats, 
A  tal  re  se  vol  pendre 
Que  sia  meynspresats. 


1 076 .   Paciens  sofferras 

So  quit  vendra  per  dreyt, 
E  tu  eus  puniras 
Si  sabs  c'ages  neleyt. 


106s  C.A.TON,  II,  31  :  Somnia  ne  cures:  nam  mens  humana  quod  op- 
tans,  I  Dum  vigilat,  sperat,  persomnum  cernit  id  ipsum.  —  1066  In.,  m,  i  : 
Instrue  praeceptis  animum,  nec  discere  cesses;  |  Nam  sine  doctrina  vita  est 
quasi  mortis  imago.  —  1067-68  Id.,  111,5  •  Qyuni  recte  vivas,  ne  cures  verba 
malorum  :  |  Arbitrii  non  est  nostri,  quid  quisque  loquatur.  —  1069  Id.,  m, 
4:  Productus  testis,  salvo  tamen  ante  pudore,  |  Quantumcumque  potes,  celato 
crimen  amici.  —  1071  d  ausir.  —  1072  Id.,  m,  13  :  Uxorem  fuge  ne  ducas 
sub  nomine  dotis,  |  Nec  retinere  velis,  si  cœperit  esse  molesta.  —  1072  dCorr. 
c'aoltra?  Coupla  cité  par  En  Pach:  Per  cobdicia  d'argent  |  Ja  muiler  no  pen- 
dras, I  Lexala  mantinent  ]  Que  aduiteri  li  sebras  {Esp.  ^,  j^o/.4^  c;  SW  /o'- 
27  d\  Documentes,  p.  2^7).  —  1075  Id.,  m,  16  :  Quod  nosti  haud  recte  fac- 
tum,  noiito  tacere,  |  Ne  videare  malos  imitari  velle  tacendo.  —  1076  Ip.,  m, 
18  :  Quod  merito  pateris,  patienter  ferre  mémento  :  |  Quumque  reus  tibi  sis, 
ipsum  te  judice  damna.  —  1076  a  soffirens. 


1077. 


Si  vols  esser  cortes, 
Non  âges  parlaria, 
Car  trop  parliesnon  es 
Ensemps  et  cortesia. 


1083 .   Fiyls  bos  ha  bon  saber 

Can  ve  sa  mayre  honrar; 
Qui  Dieu  vol  retener, 
Sa  mayre  deu  lausar. 


1078.  Ta  moyler  despegada 
No  cresas  tota  hora  : 
Dits  de  muyier  irada 
Descep  marit,  quan  plora. 


Tots  bos  fiyis  ama  mays 
Can  ve  servir  se  mare 
Que  si,  e  pus  s'irays 
Sii  ve  desonor  fayre. 


1079.   De  soffrir  no  volers 
Trop  maie  causa  es  ; 
De  caylar  no  poders 
Es  grans  mal  et  repres. 


I5 .  Aytan  amaras  Dieu 
Con  sa  mayr'  amaras, 
Es  aytan  l'amich  sieu 
Con  los  sieus  honreras. 


1080.   Pus  segurs  es  qui  mena 

Nau  arriban  al  port  (/.  46) 
Que  quan  puja  l'antena 
En  l'auta  mar  et  fort. 


1 086 .   No  voyles  esquern  far 

Delsveyls,si  prop  te  stan, 
Qu'entot  vieyl,  sensduptar, 
Haalcu  sen  d'enfan. 


1081 .   Tal  causa  asagia  a  far 

Que  pugues  traur'  a  cap, 
C  hom  no  deu  comensar 
Nuyl  fayt,  pus  no  l'acap. 


1087.   Tôt  quan  hom  ha,  pert  lieu, 
Massolamen  saber, 
Per  que  not  sia  greu 
Siy  mets  tôt  ton  poder. 


1082 .  Tos  perents  ameras 
Bonamen  et  te  mare 
De  re  no  greujeras, 
Si  vols  plaser  (al  ton  pare. 


1088.  Altressi  con  la  cura 
Ajuda  a  l'angeyn, 
Us  ab  obra  s'atura, 
Per  c'  us  tôt  art  ateyn. 


1077  Caton,  m,  20  :  Inter  convivas  fac  sis  sermone  modestus,  |  Ne  dicare 
loquax,  dum  vis  urbanus  haberi.  —  1078  Couplet  cité  par  En  Pach:  Ta 
muller  despagada  |  No  creges  tota  hora;  |  Dits  de  muller  yrada,  |  Decep 
marit  quant  plora.  {Esp.  54,  fol.  45  c;  ')'>:>  f°l-  26  d;  Documentos, /?.  257). 
Cf.  Caton,  III,  21  :  Conjugis  iratae  noii  tu  verba  timere.  |  Nam  lacrymis 
struit  insidias  cum  femina  plorat.  —  1081  Id.,  11,  i^:  Quod  potes,  id  tentes, 
operis  ne  pondère  pressus  |  Succumbat  iabor,  et  frustra  tentata  relinquas.  — 
1082  Id.,  II,  25  :  Aequa  diligito  caros  pietate  parentes;  |  Nec  matrem  offen- 
das,  dum  vis  bonus  esse  parenti.  —  1083  c  Que.  —  1086  Id.,  iv,  18: 
Quum  sapiasanimo,  noIi  ridere  senectam;  |  Namquicumque  senet,  pueriiis  sen- 
sus  in  illo  est.  —  1087  Id.,  iv,  19  :  Disce  aliquid;  nam,  quum  subito  fortuna 
recessit,  |  Ars  remanet,  vitamque  hominis  non  deserit  unquam.  —  1088  Id.. 
IV,  21  :  Exerce  studium,  quamvis  perceperis  artem:  j  Ut  cura  ingenium,  sic  et 
manus  adjuvat  usum. 


LES  PROVERBES    DE  GUYLEM  DE  CERVERA 
1096 


105 


Si  as  alcuns  lausats, 
Guarda  non  digues  mal, 
Car  seras  ne  blesmats 
De  lieu  sen  venertzal. 


Nuyis  homs  non  esnafrats 
De  nafra  tan  mortal 
Con  le  nafra  peccats 
Al  quai  dûlors  molt  val. 


1090.  Los  homilspus  quels  braus 
Asaia  quais  seran, 
Carenflom  si  qu'es  su islaus 
Moron  mans  no  guardan. 

1091.  Quan  trebayl  soflFerras 
De  perdre  0  de  mal, 
Los  autres  guarderas 
Qui  soffron  atretal. 

1092.  Can  tu  tôt  sol  seras       [v°) 
En  affayn  a  soffrir, 
Trebaylar  te  poras, 

Mas  no  del  tôt  alcir. 

1095.   Can  les  riquesas van, 

Foyl  es  qui  s'  en  espert  ; 
Hom  no  pren  ten  gran  dan 
Con  quan  [son]  amie  pert. 


1097.  Si  tu  not  vols  presar, 
Ja  no  seras  presats, 

Si  quet  voyles  guardar 
De  far  vils  fayts  malvats. 

1098.  Can  inquisicio 

Fa  senyer  sobrel  sieu, 

Non  i  a  .).  tam  bo 

Que  nol  deg'  esser  grieu . 

1 099 .  Que  si  Dieus  la  fasia 
Contrels  angiels  del  ciel, 
Cascus  paor  auria. 
Sitôt  son  sey  fesel . 

1 1 00.  L'aut  puig  se baxon  jos 
E  s'aclinon  las  sierres, 
Can  inquisicions 

Fay  senyer  per  les  terres. 


1094.  Tôt  axi  con  la  ombra 

Sec  son  cors,  sec  la  morts 
Homa,  qui  lieu  encombre, 
Can  non  es  lieu  ne  forts. 

1095 .  Can  hom  la  naffr'  a  sana, 
La  gran  dolors  que  sen 
Es  medicina  plana 

Del  naffrat  veramen. 


1101.  L'arbre  lexon  les  flors 
E  li  prat  la  verdor 
Per  pavor  dels  senyors, 
Can  enquer  lor  arror. 

1 1 02 .  Les  bestias  els  peys 
Se  laxon  de  manjar, 
Can  vesen  que  fal  reys 
Obra  per  lor  dempnar. 


1089  Caton,  IV,  25:  Laudaris  quodcumque  palam,  quodcumque  pro- 
baris,  |  Hoc  vide,  ne  rursus  levitatis  crimine  damnes. —  1090  Id.,  iv  3 1  :  Dé- 
misses anime  ac  tacitos  vitare  mémento:  |  Qua  flumen  pincidumest,  forsanlatet 
altius  unda.  —  1091  Id.,  iv,  32  :  Quum  tibi  displiceat  rerum  fortuna  tua- 
rum,  I  Alterius  specla,  quo  sit  discrimine  pcjor.  —  1093  Id.,  iv,  55  :  Ereptis 
op  bus  noii  mœrere  doiendo.  —  1094  Id.,  iv,  37:  Tempora  longa  tibi  noli 
promittere  vitas.  |  Quocumque  ingrederis.  sequitur  mors,  corporis  umbra.  — 
1095  Id.,  IV,  40:  Vulnera   dum  sanas,  dolor  est  medicina  doloris.  —  1102  e 


104 

I  10^ 


La  tierra  n'es  pus  dura, 
En  axecon  li  riu, 
E  l'aygua  s'en  atura 
Per  senyor  trop  esquiu. 


1104.  Guardet  de  far  tal  obra 
Que  d'enquisicio        (/.  47) 
Not  ternes,  quels  fais  sobra, 
Per  drei  menan  reso. 

1 105 .  Membret  de!  jutgiamen 
De  Dieu,  nol  fases  tort; 
Per  un  pom  solamen 
Jutget  tôt  segl'  a  mort. 


A.    THOMAS 

1 1 1 1 


M 06.   Los  fiyls  d'Aron  cramet, 
Car  feron  part  son  man, 
Els  Indienchstanquet 
Part  la  montanya  gran. 

1107.   Nabugadenosor 

Fets  bestia  tornar  ; 

A  ceyls  fet[s]  barba  d'or 

Quil  volgron  contrafar. 

1  r  08 .   Nostre  Senyor  sofer  1 1 1 6 . 

Maysquenuylshomsvivens, 
Mays  puyspren,  qui  mal  mer, 
Pus  mais  d'autres  lurmens. 

I  1 09 .    Mans  mais  pessamens  ve  1 1 1 7 . 

Per  la  tierra  guardar; 
El  ciel  guardan  per  re 
Non  pusch  nuyl  mal  pessar. 

1 1 1 G.   De  nuyl  fayt  no  m'asaut  1 1 1 8 . 

Pus  ca  Dieus  s'en  [corn]  planya; 
Tais  cuyda  far  gran  saut 
Qui  roman  en  la  fangua. 


Fayts  don  la  us  se  lausa 
Et  l'altres  vay  cleman 
Es  bona  mala  causa 
Et  nos  part  per  guaran. 


1 1 1 2 .   Fayt  tench  per  covinen 
Can  de  cascuna  part 
S'en  van  payadamen 
Et  dreyt  jutges  lo  part. 

1 1 1^.  Cavaliers  deu  estar 
Cavaliers  et  servens 
E  senyer,  si  vol  far 
So  qu'es  dels  mendamens. 

11 14.  Cavaliers  d'ardimens 
Far  e  de  cortesia, 
E  ques  renda  sirvens 
De  Dieu,  tan  can  viu  sia. 

1115.  Senyer  deu  esser  tais 
Que  tenya  als  sotsmes 
Drechur'  ab  fayts  leyals, 
Ho  frayn  so  c'a  promes. 


E  deu  esser  compayns  (v°) 
Als  sieus  del  sieu  aver, 
Quels  privats  els  estrayns 
Pot  axi  conquerer. 

Senyers  deu  tais  estar 
Que  de  ceyls  quil  deurion 
Deffendra,  a  guardar 
No  s'aia,  que  l'aucion. 

Mays  valria  senyor 
Moris,  qu'en  ses  ciutats 
De  ceyls  aver  tamor 
Hon  deg'  esser  guardats. 


uesdeu.  —  wod  c  d  Cf.  k  quatrain  875  et  la  note.  —  1 118  i  quan. 


LES  PROVERBES    DE  GUYLEM  DE  CERVERA 

1 119.  Alexandris  moric  1 126 

Per  .j.  pauc  de  veri, 
Car  fets  del  sieu  amie 
[En]emic,  don  près  fi. 


io< 


Ab  aguyla  punyen 
T'as  a  trayre  l'espina, 
S'anar  vols  drechiamen  : 
A  fort  mal,  fort  metzina. 


1120.  Puselatge  ne  tiemps 

Ne  mort  nos  pot  cobrar; 
Tots  très  losguarda  'nsemps 
C'hom  not  pus^cja  blesmar. 

1121.  Per  tal  que  lengua  es 

Pus  fort  que  re  c'hom  port, 

Nostre  Senyor  la  mes 

En  loch  c'hom  ha  pus  fort. 


II  27 


No  pot[s]  aver  lausor 
Ses  coinpanya  'ndressada, 
C'om  dits  :  A  bon  senyor 
Tots  temps,  bona  maynada. 

Les  companyes  del  bo  (/.  48) 
Acompanyon  l'estrayn, 
El  sirven  del  feylo 
Fan  so  donqierts  se  playn. 


1122.   Que  als  oyls  no  fets  Dieus 
Mas  sol  .'f.  coberta 
E  la  lengua  qu'es  lieus 
N'a  mais — raysoescerta — . 

112^.   Car  esta  dins  dos  murs 
Con  castiels  ben  guardats 
De  mal  pendre  segurs 
Ab  d'aiga  pies  fossats. 

1124.   Membreusdelscersquefan: 
Deus  tos  pruysmes  sofrir, 
C'us  cers  va  l'autr  'aydan 
Al  cap  a  sostenir. 


!  I  29.   Sil  senyer  es  avars 

Sis  sera  se  companya; 
S'a  senyor  plats  donars 
Noy  ha  .).  qui  s'en  planya. 

1130.   Del  fiyl  te  guarderas 
Non  anpar  re  del  tieu  ; 
Del  ostor  apendras 
Go  noyrix  lo  fiyl  sieu. 

1 1  j  1 .   Axi  con  conexensa 

Es  caps  d'ensenyamens, 
Axi  desconoxensa 
De  tots  fais  falimens. 


112^.   Can  lo  cers  mal  se  sen 

Ho  vieyls,  per  s'en  tornar, 
Manya  .j*.  serpen 
Quil  fay  renoveylar. 


I  U.   Paraules  et  badayl 
Se  mudon  d'u  en  u  ; 
S'eu  per  valor  no  vayl, 
Ja  no  velray  per  tu . 


1 121  <î  ta!  can.—  1123/»  guandats.  —  1 124  a  c  et  1 125  a  sers.  —  1 125  d 
sacen.  C'est  la  croyance  à  laquelle  Serveri  de  Gironc  fait  allusion  au  commence- 
ment d'une  de  ses  pièces:  Tolz  hom  deu  far  aco  quel  vielhs  cers  fa.  (Mila. 
Trov.  en  Esp.  p-ijs)-—  "25  è  santomar. 


io6 

un 


Ab  aygua  ne  ab  foc 
Ne  ab  senyor  contendre 
No  deu  hom,  qu'en  nuyl  loc 
Not  pot  mas  mal  atendre . 

1 1  ?4.   Las  ymages  de  Roma 
Fasen  gran  mesastria 
Per  cel  quel  fais  consoma 
Mostravon  senyoria  : 

11^5.   Can  negus  s'elevava 

Contra  ceyl  senyoratge, 
L'imatges  se  girava 
Estan  en  son  estatge. 

1 1  ?6.   D'aysos  deu  hom  pensar 
Qu'era  obra  de  mal, 
C'hom  non  deu  contrafar 
Son  senyor  natural . 

iny.   Senyori' es  tan  forts 
Que  senyer  laxals  sens 
De  lôyn  lay  on  naix  torts 
El  cor  per  pessamens. 

1 1 38 .   Enveg'  es  causa  justa 
De  las  justes  del  mon. 
Car  ceyl  c'ab  si  l'ajusta 
Primeramen  comfon. 

!  I J9.   S'us  hom  tôt  segla  avia 
Enquer  volria  mays; 
Entro  lay  tornat  sia 
On  fo,  non  er  trop  guays. 


A.    THOMAS 
I  140. 


De  sant  Esperit  fo         {v°\ 
Hom  et  non  er  payats; 
Del  tôt  ne  aura  pro 
Tro  lay  sia  tornats. 


I  141  .   La  terra  tôt  be  dona 
Et  tôt  lo  vol  cobrar  ; 
Als  us  gaug  abandona 
Els  autres  fay  plorar. 

1 1 42 .   De  terr'  es  hom  et  par, 
Que  sit  laves  la  cara 
En  vols  .j.  drap  passar, 
Aygu'  en  trayras  no  clara. 

114^.    So  que  nos  pusca  far 
Atorga,  can  obs  sia, 
S'entrels  braus  vols  usar 
Fasen  be  tota  via. 

I  144.   Us  abats  en  Castela 
Emparet  de  mostrar 
A  un  poli  ses  ciela 
De  letra,  de  chantar. 

1145.  Caries  Maynes  fo  layre 
Et  Basi  SOS  compayn 

A  cels  quil  volgron  trayre 
A  mort  de  plaits  estrayn. 

1146.  Femne  es  d'ome  lats 
Si  com  filats  d'ausiel  ; 
Ab  femn'  es  enjanat 
Ans  c'ab  autra  sembiel. 


1 134  Voy.  sur  cette  légende  de  la  Salvatio  Romas,  à  laquelle  le  nom  de  Virgile 
a  été  souvent  attaché,  l'ouvrage  de  M.  Comparetti,  Virgilio  nel  medio  evo,  H,  64 
etsuiv.  —  1 139  i  uabria.  —  m 45  Sur  cette  légende,  voy.  G.  PariSyHhl.  poét. 
de  Charlemagne,  ;?.  315.  —  1 146  Cf.  Eccl.  vu,  27:  laqùeus  venatorum  est, 
et  sagena  cor  ejus. 


LES    PROVERBES    DE   GUYLEM 


1 147.   Qui  vol  son  enamich 

Pendre,  ab  femnel  gatcha; 
Per  sol  proverbi  dit 
Quetguartsd  aquela patcha. 


155 


DE    CERVERA  lO' 

Hanc  Dieu  no  vole  far  re 
Que  desfar  nos  pogues 
E  quel  poder  a  se 
Del  tôt  no  retengues. 


1 148.    De  dos  te  guarderas 
Perpendre  no  deguts  ; 
Acels  remembreras 
C'an  mal  do  confonduts. 


1156. 


Es  ab  sacrificar 
Es  ab  oracios 
Es  ab  preyeras  far 
Es  ab  devocios, 


I  149.  Alexandri  près  do 

D'Indis  et  la  puciela 
Quel  cuydet  passio 
Dar,  car  era  tam  biela. 

1 1 50.  Aristotils  no  fos 
Apres  d'astronomia, 
Alaxandri  per  dos 
Perdera  quant  avia. 

1 1 5 1 .  Dieus  no  vole  per  nien 
'  Qu'en  estelas  agues 

Tan  gran  entendimen 
Mas  per  c'hom  se  guardes. 


1 1 57.  Ab  dejunis  fasen, 

Be  esquivan  tots  mais, 
Alieuga  Dieus  tormen, 
Si  con  reys  terrenals. 

11^8.  Sans  Bernât  carn  manjet 
Pel  frayre  chastiar, 
Don  miyls  lo  castiet 
Que  sil  fases  liyar. 

II 59.   Non  voyles  far  esquem 
Si  Deus  te  fay  honor  ; 
Membret  del  guat  d'imfern 
Que  fets  al  fort  senyor . 


1 1 52.   De  80  qu'es  a  venir  (/.  49) 
Trop  miyels  te  guarderas 
Si  ho  saps,  que  cubrir 
Estiers  no  t'en  poras. 


1 1 60 .   Al  metge  di  vertat 
Es  a  ton  comfassor 
Es  a  ton  avocat: 
Si  no,  perdras  t'onor. 


11^}.  Car  l'ivern  e  Pestats 
Sab  hom  c'a  venir  sia, 
Mieyls  n'es  apereylats 
Que  si  re  non  sabia. 

1154.   So  die  per  mans  disens 

Que  nos  deu  hom  guardar 
De  les  causes  vivens 
Que  nos  podon  mudar. 


1161.  Femnal  pus  prim  enjana 
Tant  hasaber  sobrer; 
Membret  la  Soriana 
Que  fes  al  cavalier. 

1162.  La  moylers  al  marit 
Fets  la  torta  tener  ; 
Cel  tenc  per  exernit 
C'a  femna  pot  saber. 


1 149  Cf.  coupl.  1000.  —  1 1 50  />  dostronomia.  —  1 1 51  d  saguardes 


I08  A.    THOMAS 

1 165 .  Can  ton  amie  felo  1 167.  Guarda  quit  servira 
Veyras,  no  deus  gabar  Ot  voira  far  plaser, 
De  re,  car  nol  sab  bo,  Si  per  amor  0  fa 

Si  nol  te  vols  lonyar.  O  vol  del  teu  aver. 

1 164.   Can  le  fiyls  soffer  mal    iv)      1168.   Car  tal  ser  vex  altruy 
Le  payr'  en  sen  dolor  ;  C'o  fay  per  so  que  agia 

Del  payrel  fiyl  no  cal  Dos  tans  0  may  de  !uy, 

Sil  payr'  a  mal  major.  No  per  amor  que  l'agia. 

116^.   Pus  femna  vol  entendre  1169.   La  donzeyla  cuydet 

En  far  sen  0  folor.  Un  burgues  veyl  desebre 

Geyn  et  maneyra  pendre  Ab  servir,  mas  guardel 

Sab  de  manta  color.  S'en  lo  veyl  ab  recebre. 

1 166.  D'un  preyicadorfe, 

Ab  semblan  de  bonesa, 
Alcavot,  so  say  be, 
.']'.  richa  burgiesa. 


i 


LES    PROVERBES   DE    GUYLEM    DE    CERVERA 


109 


INDEX  DES  NOMS  PROPRES 

ET    DES   MOTS    ET    FORMES   REMARQ.UABLES. 


Abr.\ai,  65 1. 

Adam,  50., 370,  372,  373,  426. 

Affrica,  1043. 

Agostix  (S'),  642,  827. 

Agust  César,  183. 

Alas,  496. 

Alexandris,  873,  875,  1000,   1119' 

1 149,  1 1 50. 
Ananias,  872. 
Anna,  927. 
jrelar,  93  (=:  heretar). 
Aristotils,  I  1 50. 
Aron,  622,  1 106. 
atorgar,  1143  (rr  autorgar). 
axir,  passim  (zr:  eissir). 
dxorbar,  524  (rr  eissorbar). 
Basi,  1 145. 
Benjamin,  903. 
Bernart  (S»),  257,  711,  806,907, 

1158. 
Carles-Maynes,  1145. 
Castela,  1 144. 
cayment  (?),  947. 
Caym,  840. 
César,  183,  521. 
Chato,  486. 
CiCILIA  (S'3),  366. 
Corinthis  (pistola  als),  574. 
David,  45  i,  919,  looi. 
délivre^  employé  adverbialement,  avec 

le  sens  de  «  sur-le-champ  »,  231, 

277.  986. 
Diana  {Na),  J12,  ^13. 


Egiptes(/o  rey  d'),  806. 

Elizeu  (/'),  629. 

Elyodorus,  624. 

enayguar,  v.  act.,  couper  d'eau    (en 

parlant  du  vin),  42. 
Erodes,  795. 

Espanya  (la  reyna  </'),  999. 
(spiyl,  héritier,  320. 
estellyns  (?),  173. 
EvA,  371,  372,  373. 
Ezahu,  502. 
ferles,  papillons,  182. 
FoRiA,  531. 
Fransa  {to  rey  de),  954. 
Gesai,  762. 
gibrar^  tourner,   1  1 . 
Guylem  de  Cerveira,  1 ,  628. 
Indiench  (/'),   1000.   —   Indienchs 

(los),  1 106. 
Indis,  1 149. 
Ipocras,  439. 

ISACH,   320,   321. 

istorias  '  ;  del  pescador  e  del  guat,  7 1  ; 
del  mark  e  dels  diables,  102;  du  dépo- 
sitaire infidèle,  136-137;  d'ayceyl 
quin  la  preso  se  mes,  207;  del  lop  e 
de  l'anyel,  494  ;  de  l'ase  e  del  leyo, 
495  ;  de  la  talpa,  S2^;de  la  serpen, 
de  l'osqu  e  de  la  fossa,  630;  de  cel 
c'anava  pendre,  643  ;  de  l'escudier  e 
de  son  senyor,  689;  del  pol  e  del 
mita,  700;  del  philosoph  veyl,  812; 
del  texidor,  976  ;  de  ceyl  per  cui  fol 


I.   Nous  réunissons  ici  les  renvois  aux  nouvelles  dans  lesquelles  ne  figurent 
pas  de  noms  propres. 


portais  de  Roma  derocats,  995  ;  de 
la  reyna  que  Jets  aucir  son  marit  al 
bayn,  998  ;  del  guat  d'infern,  1 1 59; 
de  la  moyier,  del  marit  e  de  la  torta^ 
1162;  del  preyicador  e  de  la  bur- 
giesa,  1166;  de  la  donzela  e  del 
burgues,  1 169.  Voyez  en  outre  Cas- 
tela^  Espanya^  Fransa,  Roma^  So- 
riana,  Tristayn,  Vergili,  etc. 

ivasosamens,  adv.,  rapidement,  435. 

Jacme  (S'),  pèlerinage,  665. 

jags  (?),  166. 

Jéricho,  871. 

Jeronim  (S*),  299,  J46,  ^29,  ^31. 

Jérusalem,  875. 

Job,  717. 

Johan-Baptiste  (S'),  956. 

JOHAN  l'EvANGÉLISTE  (S'),   26 1. 

Josaphat,  897. 

JosEP,  fils  de  Jacob,  806. 

JosEP,  époux  de  Marie,  929. 

Lamechs,  840. 

lenguar,  bavard,  418. 

Levitich,  616. 

l0mbardie,  166. 

Lots,  530. 

LucA  (Lucain),  1043. 

LucH  (S»),  826. 

Magdalena,  910,  941. 

Malachies,  617. 

manifest  (ab),  ouvertement,  793. 

Marcer  (zr  Macer),  1043. 

marfar,  v.  n.,  se  flétrir,  511. 

Mathieus  (S<),  907. 

/ne/,  s.  fém.,  miel,  393. 


Mercuri  (la  mon  de),  1  10. 

Mertis  (S»),  saint  Martin,  981. 

MoYSEN,  383,  896. 

Nabugadonasor,  3^9,  865,  1107. 

Nohe,  355. 

Octopigoras  (Pithagore?),  439. 

Peyre  (S'),  615. 

pic,  s.  m.,  piqûre,  393. 

Psalm  {Lo)^  voy.  David. 

Raynart,  625. 

Reys  [Livre  dels),  66. 

RoBOAM,  702. 

Roma,  665,  739,  995,  1043,  11 34. 

Roman  (/;),  709. 

Salamo,  23,  387,  994. 

sejornial,  adj.,  de  loisir,  168. 

Semso  iSamson),  994. 

Senacherip,  645. 
Seneq.ua,  907. 
SoRiANA  (la),  1 161. 
Tam.\r,  558. 

teri,  -j-jj,   espèce  de  monnaie;  voy. 
Raynouard,  Lex.  rom.^  V  tari,  et 
Du  Gange,  Gloss.,  \°  tarenus. 
tesura,  filet,  186. 
Tristayn,  997. 
tutchar  (?),  452. 
ugar  (.?),  102. 

Utero  (Deuteronome),  423. 
venarsal,  venertzal^  adj.,  léger,  frivole, 

22,  1089. 
Vergilis,  996,  ÎO41. 
Xixen  (En),  51}. 
Ysayes,  828. 


L'ESCRIVETO 

CHANSON  POPULAIRE  DU  MIDI  DE  LA  FRANCE 


J'avais  réuni  quelques  versions  de  la  chanson  de  l'Escriveîo  avec 
l'intention  de  les  publier  dans  Mélusine  et  de  provoquer  une  enquête  sur 
ce  sujet,  lorsque  je  vis  qu'il  venait  d'être  traité  d'une  manière  très  appro- 
fondie par  M.  le  comte  Nigra  dans  la  Romania  (XIV,  2^1-273),  so^s 
le  titre  de  :  //  Moro  Saracino,  canzone  popolare  piemontese.  La  question  se 
trouvant  être  ouverte  dans  la  Romania,  il  était  à  désirer  que  les  supplé- 
ments d'information  relatifs  à  cette  chanson  parussent  également  dans 
cette  Revue.  C'est  ce  qui  m'a  engagé  à  publier  ici  les  quelques  versions 
que  j'ai  rassemblées  '. 

Eugène  Rolland. 
I 

VERSION    DE  BRASSAC  (tARN*) 

Lou  viscont'  se  marido      lou  visconte  joli, 
2  N'a  preso  l'Escrivoto       la  flou  d'aquest  pais. 

La  n'a  presa  tan  jouve      noun  s'en  sap  pas  vesti. 
4  Quand  la  ne  mand'  a  l'aygo      noun  s'en  sap  pas  veni. 

S'en  va  set  ans  en  guerro      per  la  laissa  nouiri. 
6  Al  cap  d'set  ans  arrive      lou  visconte  joli. 

S'en  va  tust'  a  la  porto  :       «  Scrivoto,  dourbis  me?  » 
8  Soun  pero  i  responde  :       «  L'Escrivot'  n'es  p'  aici, 


1.  Depuis  la  publication  de  l'article  de  M.  Nigra,  M.  G.  Guichard  a  publié 
dans  la  Revue  des  langues  romanes  (août  1885,  p.  89-95)  une  version  dauphi- 
noise de  VEscrivcto  qu'il  a  fait  précéder  de  considérations  d'une  valeur  fort  con- 
testable. 

2.  Cette  version  a  été  recueillie  par  M.  Jolibois  et  publiée  dans  le  Revue  du 
département  du  Tarn,  1877,  p.  6.  —  Cette  Revue  n'étant  probablement  pas 
entre  les  mains  de  la  plupart  de  nos  lecteurs,  nous  avons  jugé  opportun  de  la 
reproduire. 


E.    ROLLAND 


«  Lous  Mouros  l'a  t'an  preso       lous  Mouros  Sarazis. 
10  —  Que  l'anarei  be  querre      quand  saurio  d'i  mouri! 

«  Farei  fair'  uno  barco      tout'  or  e  argen  fi.  » 
12  La  barco  lou  transporto      dejouts  un  albrespi. 

Rencontre  très  lavairos      que  lavoun  lour  drap  fi  : 
14  «  Dias  mi,  vautros  lavairos,       quun  caste!  es  aici? 

—  Aco's  castel  das  Mouros      das  Mouros  Sarazis. 

16  —  Dias  mi,  vautros  lavairos,      quuno  dam'  y  a  dedins? 

—  Y  a  madam'  Escrivoto      la  flou  d'aquest  pais. 
18  —  Dias  mi,  vautros  lavairos,       coum  fa  per  i  parlai 

—  Vou  cal  avilh'en  paure,       en  paure  pèlerin, 
20  «  Ana  de  port'  en  porto,      l'almoyno  demanda. 

—  Scrivoto,  fai  l'almoyno      als  gens  dal  teu  pais. 
22    -  Aco  seri'  impoussible      que  sias  del  meu  pais 

«  Que  les  auzels  que  voloun      s'en  savoun  pas  veni, 
24  «  Soun  00  las  iroundelos      que  voloun  tan  poulit. 

—  0  si!  soun  ieu,  Scrivoto,       ieu  sui  lou  teu  amie! 
26  L'Escrivot'  met  la  taulo       de  boun  pa,  de  boun  vi. 

0  Dio  mi,  tu  l'Escrivoto       t'en  vouidrios  pas  veni.? 
28  —  Si  fait,  cert',  lou  visconte.       vouldri'  estr'  a  miex  cami. 

L'Escrivot'  s'en  v'as  cofTres       prene  cinq  cens  lois, 
30  L'Escrivot'  v'a  l'estable      cauzi  pus  bels  roussis. 

i(  Vous  mountares  lou  rouje,       ieu  mountarei  lou  gris.  » 
32  Sieroun  pas  dins  la  barco       lou  Mouros  sier'  aqui. 

a  Set  ans  la  t'ei  nourido       de  boun  pa,  de  boun  vi, 
54  «  Set  ans  la  t'ei  vestido      de  vairtz  e  de  sati. 

«  So  que  lario  pas  aro      dal  maiti  jusqu'al  ser, 
36  «  Aro,  ieu  la  gardavi      per  un  petit  moun  fil.  » 


VERSION    DU   CANTON    DE    BRIVE    (CORREZE' 


&-i'~--ir-  z=f-;-?=z 

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Ma  -  ri   -   doun  lo    lA    -  je    -    to,       Lo  Li-je  ■   to    jo- 


_  ^^ — tzt:__t:pz=::ï! — >_t 


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II',     Ma    -    ri  -  doun  lo    Li  -  je    - 


lo  Li  '  je  -  to     jo- 


I .  Cette  version  m'a  été  communiquée  par  M.  G.  Godin  de  Lépinay. 


l'escriveto  llj 

li\       Lo     ma      ri  doun  tun  dzeou,  -  no      que  chen  po     pas  vech- 

ti,      La        ma  -  ri-doun  tan  dzeou-no   que  chen  po  pas  vech- ti. 

Maridoun  lo  Li)eto      lo  Lijeto  joli'; 
2  Lo  maridoun  tan  dzeouno      que  ch'en  po  pas  vechti. 

Choun  paire  lo  courdedzo  ',       choun  eiman  lo  vechti. 
4  L'o  leichado  a  cho  mero       chet  ans  per  lo  nouiri. 

«  Apren'  a  couje,  ma  mero,       couje  iou  lindze  fi.  » 
6  Quand  lo  Lijeto  ei  grando      damando  choun  mari. 

«  Ount'  l'anirai  atteridre?       —  Churlou  pount  dî  Paris.  . 
8  Tout  choun  tsami  rancountro      rancountro  Barbari. 

<i  Ount'  ana  vous,  Li|eto.?      —  Voou  tsartsa  moun  mari. 
10  —  Lei  anyas  pas,  Lijeto,       que  ieou  l'ai  vi  mouri; 

«  Ai  vi  ferra  lo  caicho      et  Iou  mettre  dedin  ; 
12  «  Ai  tegu  lo  tsandelo       mai  l'ai  vi  deifeni  2; 

«  Me  voudrias  vous,  Lijeto,       per  Iou  vochtre  mari? 
14  —  Lou  meou  quo  n'er'  un  dzecune      vous  ches  un  barban.  J  1 

Lo  prend  et  lo  n'en  niounte       déchu  choun  tsaval  gris, 
16  Lo  prend  et  lo  n'emmeno      al  tsachtel  charaji4. 

Al  bout  de  chet  anados      choun  eiman  revingait; 
18  Ch'en  vai,  frapp'  a  lo  porto       que  li  venioun  drubi. 
Cho  mero  n'ei  tan  lechto,       che  prend  li  vai  drubi. 
20  «  Ount  aves  lo  Lijeto,       que  venio  pns  drubi.?  » 

—  Lo  vous  ooun  emmenado       al  tsachtel  charaji. 

22  —  Didza  me  doun,  ma  mère,       qu'ei  bien  lort  lound'eichi? 

—  Huet  cheiit  chinquanto  legos       et  tretan  de  tsami.  • 
24  Trobo  las  budzadairos,       budzavavou  en  d'un  rioou. 

«  Didza  me,  bud/.adairos       coumo  l'yappclou'  eichi.'  • 
26  —  Mouchur,  eichi  i  appeioun       al  tsachtel  charaji. 

—  Didza  me,  budzadairos,       ma  qu  l'i  recht'  eichi? 
28  —  0  qu'ei  uno  ritso  damo       qu'ei  d'un  estran  poïs. 

—  Didza  me,  budzadairos,       pourio  pas  ieou  l'oouvi  s  ? 


1 .  Lui  passe  les  cordons. 

2 .  Je  l'ai  vu  mourir. 

j.  Un  vieux,  un  barbon. 

4.  Au  château  sarraziii. 

5.  L'entendre. 

Romania,  XIV 


114  ^-    ROLLAND 

50  ■!  Poouja  me  l'abit  roudze,       prene  lou  peleri  •  ; 

'Na  damanda  l'ooumorno       al  noun  de  Dzieju-Cri.  > 
32  Del  temps  que  lo  demande       n'i  0  dzita  qu'un  yardi  î. 

Del  temps  que  l'amachavo      lou  paoure  cherijioJ. 
34  «  De  que  vous  rijais,  paoure?       n'amachas  qu'un  yardi 

—  Voudria  tourna,  Lijeto,       voudria  tourn'  al  pois? 
36  —  Attendais  qu'un  quart  d'ouro       vous  me  veirei  veni. 

Ch'en  vai  a  l'echcurio,       brido  choun  tsaval  gris; 
38  Del  temps  que  lou  bridavo       lou  vieillard  n'en  vengait. 

«  Lou  diable  lo  te  pialo4,       bougre  de  peleri; 
40  «  Chet  ans  te  l'ai  nouirido      de  boun  po,  de  boun  vi, 

«  Chet  ans  te  l'ai  couidzado       dedin  del  lindze  fi, 
42   (t  Chet  ans  te  l'ai  bicado  (       lou  cher  et  lou  matin.  » 


m. 


VERSION    DU    CANTON    DE    LASALLE    (GARD''). 

Maridou  l'Escriveto       flou  de  nostre  pais, 
2  La  maridou  tan  jouve      que  si  sab  pas  vesti. 

Soun  paire  la  courdelo,      sa  maire  la  vestis. 
4  Soun  ome  ni  vo'n  guerro      per  la  laissa  nourri. 

Al  bout  de  set  anados      soun  ome  vo  veni  ; 
6  Del  pe  piqu'a  la  porto  :       «  Escriveto,  dourbis  ». 

La  maire  ni  davalo      per  li  veni  dourbi. 
8  «  Ount  es  moun  Escriveto       que  mi  ven  pas  dourbi?  1 

—  L'aven  mandado  a  l'aigo,       la  vezen  pas  veni; 

10  Cl  Lous  Morous  l'aurôu  preso       lous  Morous  Sarrazis.  » 

—  Ounte  l'ôu  emmenado?  »       —  «  Cent  legos  ièn  d'aici. 
12  —  0  !  ieu  l'anarai  querre      quand  saupriei  de  mouri  ; 

(I  Farai  fa  'no  barqueto      tout  d'or  et  d'argen  fi, 
14  "Se  lou  ven  be  la  buto  7       mi  veirez  Ieu  aici.  » 

S'en  vo  de  ribo  en  nbo       per  elo  descouvri. 
16  Après  de  semanados      el  touquet  al  païs 

Ounte  restou  lous  Morous      lous  Morous  Sarazis. 
18  Troubet  très  bugadieiros,       lou  long  de  soun  cami  : 

t  Adieussias,  bugadieiros,       lavairos  del  drap  fi, 


1.  Laissez-Ià  l'habit  rouge,  prenez  celui  de  pèlerin. 

2.  Elle  ne  lui  a  jeté  qu'un  liard. 

3.  Se  mit  à  rire. 

4.  Que  le  diable  te  la  pèle. 

5.  Baisée;  voy.  le  dict.  de  Mistral,  bica. 

6.  Cette  version  m'a  été  communiquée  par  M.  P.  Fesquet. 

7.  Si  le  vent  bien  me  la  pousse,  c.-à-d.  si  le  vent  m'est  favorable. 


l'escriveto  1 1  s 

20  «   De  eau  es,  vous  en  pregue,       lou  c^stel  qu'es  aqui? 

—  Es  lou  castel  des  Morous,       des  Morous  Sarazis. 
22  —  Digaz.  coumo  s'apelo      la  qu'en  el  si  gauzis  '  ? 

—  S'apelo  l'Escriveto       l'Escriveto  joli. 

24  —  Et  coussi  pourriei  faire       per  elo  entreteni  ? 

—  Vou  C3U  ablhia  'n  paure,      en  paure  pelegri, 

26  0  Piei  demanda  raumorno      al  noum  de  Jésus  Christ. 

—  Chambrieiro,  fai  l'aumorno       al  paure  peregri. 
28  —  Fasez  lo  vous,  madamo,       qu'es  de  vostre  pais. 

—  Ah!  coussi  vos  que  vengou  =       de  gens  de  moun  pais  i* 
50  <(  Lous  ausselous  qui  voulou       podou  pas  sai  veni, 

—  Assetat  las  liroundos      que  vôu  per  tout  pais.  » 

52  —  Chambrieiro.  sus  la  taulo       met  bon  pan  e  bon  vi 

f  Et  bailo  li  a  beure      en  tasso  d'argen  fi.  ^> 
54  Après  vôu  a  soun  coffre       per  de  Iidors5  cauzi, 

Davalou  din  Testable       per  prene  dous  roussis  ; 
]6  Un  monîo  sus  lou  rouge       et  l'autro  sus  lou  gris. 

Erou  p'ancaro  a  l'aigo.       lou  Morou  si  f'auzi  4  : 
]8  —  Emb  l'or  que  tu  mi  prenes       la  mar  vo  treluzi  ; 

«  Lous  roussis  que  m'emmenos       la  terro  lou  treni; 
40  I  Set  ans  la  t'ai  nourrido       de  bon  pan,  de  bon  vi, 

«  Set  ans  la  t'ai  veslido      de  velou,  de  sati, 
42  •  Set  ans  la  t'ai  caussado       embe  de  marouqui; 

i  Se  la  ti  poudiei  téne      la  ti  fariei  mouri. 
44  —  L'as  be  que  trop  tengudo;       d'elo  aro  passe  ti.  » 

Ansin  l'o  preso  as  Morous       as  Morous  Sarazis. 

IV. 

VERSION    DE    LA    LOZÈRE  5. 


:t.-â:7=i=^:riT:;:i^:^^r:j-^j:z:^Tzi;Ti::^=z^-:^i_I„.N_r^3 


Bla  -  ri  -  dou  F  Es-cri  -be-  to,  ma  -  ri  ■  dou  V  Es-cri  -  be-  io,  IjEs- 


cri  -be  -  to  jo  -  U\  V  Es-cri  -  be      -      to    jo   -   Zi'. 


1.  Comment  s'appelle  celle  qui  en  lui  se  réjouit,  c.-à-d.  celle  qui  y  habite. 

2.  Ah  !  comment  veux-tu  que  viennent, 

3.  Des  louis  d'or 

4.  S'est  fait  entendre. 

5.  Cette  version  a  été  recueillie,  en  1857,  par  M.  Liebich.  alors  pasteur  dans 


!6  E.    ROLLAND 

Maridou  l'Escribeto,      l'Escribeto  joli'. 
2  La  maridou  tan  sjuno      qe  si  sa  pas  besti. 

Sou  mari  bai  en  guerre      per  la  laissa  nourri. 
4  Al  bout  de  sel  anados      sou  mari  bai  béni. 

D'un  pefrapo  la  pouerto;       «  Scribeto,  bien  m'ouvri. 
b  —  Lous  Maouros  l'oou  emmenado,       lous  Maouros  Sarazis. 

—  Icou  l'anarai  be  querre      qon  saoubrio  de  lai  mouri; 
8  «  Farai  faire  uno  barqueto       d'or  ou  d'arljen  fi 

«  Et  la  métrai  sus  aigo      sus  aigo  ou  sus  cami.  » 
10  Qon  seguet  al  bout      d'une  rivieiro', 

Troubet  dos  bugadieiros      qe  labou  lous  dra  fi  : 
12   «  Diga  mi,  baoutres  bugadieiros,       coumoapelou  iou  casteld'aqui? 

—  L'apelou  Iou  castel  des  Maouros,       del  Maouro  Sarazis.  » 
14  —  Coumo  apelou  ladamo,       la  damo  q'es  dedin  .? 

—  L'apelou  l'Escribeto      l'Escribeto  joli. 

16  —  Coumo  poudrai  ieou  faire      per  li  poudre  parla  ? 

—  Bous  caou  abiye  en  paoure,       en  paoure  peieri, 
18  «  Li  demanda  l'acumorno      al  noun  de  Tjesus-Christ. 

—  Douna  qoucon,  Madame;       un  paouro  q'ey  ici. 
20  —  Tsanibrieiro,  fai  l'aumorno      al  paoure  peltrin. 

—  Façet  la  bous,  Madame,       qu'es  de  boste  pais. 
22  —  Coumo  poudrie  estre      estre  de  moun  pais.'' 

«  Qe  lous  aousselous  qe  bolou       s'i  peuedeu  pas  gandi  2, 
24  «  Ammi  l'iroundelete      qe  sai  0  pas  soun  nis  5. 

—  Si  soui  Le!  leou.  Madame,       qe  soui  beste  mari. 
26  —  Tsambrieiro,  m.e  la  taeulo,       al  pan  et  al  boue  bi, 

c  Barlet,  bai  a  l'estapie,       selle  Iou  tsabal  gris.  » 
28  Lous  Maouros  .sortou  de  la  fenestre,       per  les  beire  parti  : 
«  Adieou  nost'  Escribete,       l'Escribeto  joli'.  » 


le  départen'ent  de    la  Lozère.   Elle   se  trouve  dans  Poésies  fop.  de  la  France, 
Ms.  delà  Bihl.  Nat.,  t.  11  (Nouv.  acq.  Ir.  J339),  feuillet  290. 

1 .  Pass.^ge  corrompu. 

2.  Ne  peuvent  pas  s'y  rendre. 

3.  EAcepté  1  hirondelle  qui,  ici,  n'a  pas  son  nid. 


L'ESCRIVETO 
V. 


117 


VERSION    LANGUEDOCIENNE    (SANS    INDICATION    DE    LOCALITÉ  "). 

Ma   ■   ri'âou  lEs-cri  -    6c  -  ta.  Ma  -  ri-douVE&-cri' 


be  -  ta,  VEs  -  cri  -  be  •  ta    jo  -  W,  La  fleur  de 


Mandou  TEscribeta,       maridou  l'Escribeta, 
2  L"Escribeta  joli',       la  fleur  de  ce  pays. 

La  maridou  tan  chouina,       que  se  sap  pas  besti. 
4  Soun  marit  bai  en  guerra       per  la  laissa  grandi. 

Aou  bout  de  sept  annadas       soun  mari  rebeni. 
6  «  Ount'  es  moun  Escribeta,       ount'  es  moun  Escribeta, 

L'Escribeta  joli',       la  fleur  de  ce  pays  ? 
8  —  L'abian  mandada  a  l'aygua      a  pas  sachut  béni; 

«  Lous  Morous  nou  l'an  presa       tous  Morous  Sarasins. 
10  —  leou  bole  l'ana  quere      quan  saouprie  de  mouri, 
1  Farai  faire  une  barca      tout  d'or  et  d'archen  fin, 
12   (I  Que  lou  ben  la  transporta      cinq  cent  legas  d'aici.  - 

Arribait  co  das  Morous      das  Morous  Sarazins; 
14  Aqui  troubait  de  fennas      que  derabalou  de  lin  2  ; 

—  Digua  me,  baoutres  fennas      que  derabas  de  lin, 
16  «  Deques  aqueta  tourrc      et  lou  castel  qu'es  aqui?  » 

—  Es  lou  castel  das  Morous      das  Morous  Sarasins. 
18  —  Coussi  ieou  pouriey  faire       per  ye  intra  dedin  ? 

—  Bos  caou  abiya  en  paoure      en  paoure  pèlerin, 

20  «  Demandares  raoumorna      aou  nom  de  Jésus  Christ. 

—  Dounas  quicon,  madame,       as  chens  de  bostre  peys. 
22  —  Coussi  bous  pourias  estre       des  chens  de  mon  peys? 

«  Lous  aousselous,  que  boulou       lai  podou  pas  beni; 
24  '<  Y  a  que  las  chiroundelas       que  fan  soun  nis  aici. 

—  Si  fe  be.  yeou,  madame.       ne  sabe  lou  cami.  >• 
26  Sus  aquela  paraoula      elle  chita  un  grand  cri, 

Elle  chita  un  grand  cri,       recounoui  soun  marit, 
28  Et  la  pren  et  l'emporta      dessus  soun  chibal  gris. 


-  ys. 


1.  Cette  version  a  été  recueillie  en  18^4  par  M.  Al.  Germain,  probablement 
dans  les  environs  de  Montpellier.  Elle  se  trouve  dans  le  recueil  ms.  des  Poésies 
pop.  de  la  France,  t.  II,  feuillet  279. 

2.  (^ui  arrachaient  du  lin. 


ti8 


E.    ROLLAND 


VI. 

VERSION    DE    GANGES   (ARRONDISSEMENT    DE    MONTPELLIER) 
K        .  .         .  K 


ffizîz:^ 


i-'zzf-=ïii^_-!^-5i|:z*=;^.^^ 


• 0 


Ma  •  ri-dounVEs-cri  -  vè  -  to,      Ba -  ra  boumboumboumboum 


boum  ba  -  ra      boum     Ma    -   ri-dou  V  Es -cri    •    vè  -  to,      L'Es- 


jo    -    li\         aïe      aïe  aïe       aïe,         VEs- 


cri  -  ve  -  to 


en  -  vè 


-    U\ 


^ii 


-  to      jo    -     /*',    VEs  -  cri  -  ve  -  to      jo    -    IP. 

Maridoun  l'Escriveto^  —  baraboitm,  boum,  boum,  boum,  boum 
2  baraboum 

Maridoun  l'Escriveto      aie,  aïe,  aïe,  aïei, 
4  L'Escriveto  joli'       TEscriveto  joli'. 

La  maridoun  tan  jhouino      que  si  sa  pas  vesti. 
6  Soun  mari  vai  en  guerro       per  la  laissa  nourri. 

Al  bout  de  set  anneios      soun  mari  vai  veni. 
8  «  Ent'  es  moun  Escriveto,       l'Escriveto  joli'?  » 

—  Es  anado  querre  d'aigo,       la  vesen  pas  veni. 

G  «  Lous  Maurous  la  to  'ou  preso,       lous  Maurous  Sarasins. 

—  Yeou  l'anarai  be  querre      quan  saouprie  de  mouri.  » 
12  Ni  faguèt  uno  barco      tout  d'or  et  d'arjhen  fi; 

Marcliét  set  ans  su  l'aigo      sans  veire  res  veni. 


1 .  Cette  version  se  trouve  dans  les  Poésies  pop.  de  la  France,  Ms.  précité  de 
laBibl.  nat.,  t.  11,  feuillet  286. 

2.  Vieux  mot  signifiant  femme  de  petite  taille  et  chétive.  Il  est  encore  d'usage 
dans  le  pays  [note  de  la  personne  qui  a  recueilli  la  chanson]. 

^  Les  mots  en  italique  forment  le  refrain. 


l'escriveto  119 

14  Trovo  très  bugadieiros      que  lavoun  de  dra  fi: 

a  Adisias,  bugadieiros.       —  Amai  a  vous,  daouphi. 
16  —  Diga  mi  coumo  s'apelo       lou  castel  qu'es  aqui? 

—  Aco  's  lou  castel  des  Maurous,       des  Maurous  Sarasins. 
18  —  Coumo  yeou  pourrie  faire       per  lai  intra  dedins. 

—  Vous  cal  abiya  en  paoure,       en  paoure  pèlerin, 

20  «  Et  demanda  raoumorno       al  nouni  de  Jésus  Christ.  » 

S'en  vai  pica  a  la  porto  :       «  Servante,  douvri  mi.  • 
22  Si  met  a  la  fenestro,       recounoui  soun  mari, 

Et  se  ly  mest  la  taoulo,      al  bon  pain,  al  bon  vi. 
24  Se  lou  menou  al  coffre       al  coffre  de  l'arjhen  : 

(I  Et  prenos  ni  que  gnague       per  fa  nostre  cami.  » 
26  Lou  meno  a  l'estable      per  veïre  lous  poulis: 

•  Mountarés  su  lou  roujhe       et  ieou  dessu  lou  gris.  » 


VII. 

VERSION    DE    LODÈVE    (HÉRAULT'). 

^^ ^.^ , 

:F  „. * *— F-* — jts » *— ^ 

Ma  •  ri  -  doun  V Es-cri  -  ho  •  ta,     VEs  -  cri  -  bo  -  ta      jo- 


Ma  -  ri  -   doun        VEs  -  cri   -   bo      -      -     ta,  La 


fleur     de        ce       pa      -      ys. 

Maridoun  l'Escribota       l'Escribota  joli", 
2  Maridoun  l'Escribota      la  fleur  de  ce  pays. 

Se  Louis  se  marida      Louis,  Comte  Louis, 
4  Ne  pren  una  Escribota       la  fleur  de  ce  pays. 

Se  l'o  presa  jouina,       que  se  sap  pas  vesti. 
6  Louis  s'en  bo  en  guerra      per  la  daissa  grandi 


I.   Cette  version  a  été  recueillie  en  18^5  par  M.  Jules  Calvet.  Elle  se  trouve 
dans  le  recueil  ms.  des  Poés.  popul.  de  la  France,  t.  II,  feuillet  282. 


E.    ROLLAND 

Al  bout  de  set  anadas,      soun  mari  bo  bini  ; 
8  S'en  bo  pica  a  la  porta:       *  Escribota,  veni  me  droubi.  » 

Sa  mera  dilig^nta       dit:  «  Bo  vite  droubi. 
10  —  Ount'  ai  mon  Escribota,       mon  Escribota  joli'?  s 

—  L'aben  mandara  a  l'aiga,       n'es  pas  sachu  rabeni  ; 
12  «  Lous  Morous  l'oourou  presa      lous  Morous  Sarasis. 

—  leou  l'anarai  la  querre      quan  saouprio  de  lai  mouri  ; 
14  «  Farai  una  barca       tout  d'or  ou  d'argen  fi.  » 

Lou  ben  me  lai  transporta       dins  un  tan  bel  jardi. 
16  •  Digas  me,  labairetta,       qu'es  aquel  castel  d'aqui  ? 

—  Lou  castel  des  Morous      des  Morous  Sarasis. 
18  —  Comei  s'apelo  la  dama      la  dama  qu'es  dedins  i* 

—  S'apelo  l'Escribota,       TEscribota  joli'. 

20  —  Comei  yeou  pourio  faire      per  di  dintra  dedin  ? 

—  Vous  cal  abilla  en  paoure,       en  paoure  pèlerin, 
22  «  Et  demanda  l'aoumorna      al  noum  de  Jésus  Christ. 

—  Dounas  quicon,  madama,      al  paoure  pèlerin, 

24  «  Que  demandj  l'aoumorna      al  noum  de  Jésus  Christ. 

—  Chambriera,  me  t'  en  fenestra       per  beire  cal  i  0  aqui. 
26  —  Madama,  acos  un  paoure,       un  paoure  de  vostre  peïs. 

—  Couci  aco  pourio  estre       un  paoure  de  moun  peïs  ? 
28  <-  Lous  aousselous  que  bolou      lai  sabou  pas  veni  ; 

«  Soun  que  les  giroundettas  que  boou  per  tout  peïs.  » 

}o  Al  prumi  boussi  que  copa  '  d'y  jetta  un  grand  soupir. 

—  Aquel  soupir  que  jetta  sembla  un  soupir  de  moun  marit. 
}2  —  Oui,  jouina  Escribota,  ieou  soui  bostre  marit; 

«  Soui  aici  per  bous  queri      se  bous  boules  veni.  » 
34  Bai  faire  un  tour  des  coffres      et  pren  tout  l'argen  fi, 

Bai  faire  un  tour  d'esîable,  ,    caousis  lous  gros  roussis. 
36  —  Ieou  mountarai  lou  rouge,      et  moun  mari  lou  gris.  » 

Siogurou  pas  al  pont  d'Arma,       lous  Morous  boou  béni  : 
î8  —  Set  ans  te  l'ai  nourida      de  boun  pan  et  de  boun  bi  ; 

«  L'argent  que  tu  m'emportas      la  mar  lairio  lusi; 
40  «  Lou  chabais  que  m'emmenas       la  mar  fairio  lusi.  » 


Vin. 


VERSION    DE    l'arrondissement    DE    BÉZIERS    (hÉRAULTI 

Maridou  l'Escriboto      la  flou  de  soun  païs; 
2  L'aou  maridado  jouino      que  se  sa  pas  vesti.  * 


1.  Au  premier  morceau  que  (la  servante  lui)  coupe. 

2.  Cette  version  recueillie  par  M.  de  Portalou,  vers  1854,  se  trouve  dans  le 
recueil  ms.  des  Pois.  pop.  de  la  Fr.,  t.  II,  feuillet  288. 


l'escriveto 

Soun  marit  ba  a  la  guerro  per  la  laissa-  grandi. 
4  Ay  bout  de  set  années      soun  mari  ba  béni; 

Daou  pe  pico  la  porto:  «  Escribolo,  doubris  ! 
6  —  Soi  pas  toun  Escriboto,       mais  ta  mero,  moun  fils. 

—  Ount'  ai  moun  Escriboto,       la  flou  de  soun  pais? 
8  —  Es  annd'  querre  d'aigo,       la  besen  pa  béni; 

<i  Lous  Morous  l'aouran  preso,       lous^Morous  Sarazins. 
lo  —  Mais  ieou  l'ar.arai  querre,       quan  saouprio  de  mouri. 

Faguèt  fayre  uno  barco  tout  d'or  et  d'argen  fi. 
12  Lou  ben  li  la  trasporto       dejous  un  tamari. 

Troubet  très  bugadieiros  laban  soun  linge  fi. 
14  a  Diga  me,  bugadieiros,       qu'  es  lou  castel  d'aqui  ? 

—  Es  lou  castel  des  Morous,       des  Morous  Sarazins. 
16  —  Coussi  ieou  pourrio  tayre      per  yedmtra  dedin  ? 

—  Abilla  bous  en  paoure,  en  paoure  pèlerin, 
18  «  Demanda  ye  l'aoumorno       al  noun  de  Jesu  Cri. 

—  Fases  l'aoumorno,  madamo,       aou  paoure  pèlerin. 
20  —  Diou  bous  assiste  !  paoure,       n'ai  pas  ni  pan  ni  bi. 

—  Fases  l'acumorno,  madamo,       as  gens  de  bostre  pais. 
22   —  Y  a  que  las  hiroundelos      que  sai  fagou  lou  nis. 

—  Fafes  l'aoumorno,  madamo,       a  bostre  cher  marit.  » 
24  Faguet  serbi  uno  îaouio      de  pan  et  de  boun  bi, 

S'en  anet  a  soun  coffre  prene  soun  argen  fi  : 
26  li  Préparas  me  mas  malos       ambe  moun  chabal  gris.  » 

Qu.m  sou  a  niiecho  ruo,  trobou  lou  Sarazi  : 
28  «  Ounte  bas,  Escriboto,       ambe  aquel  pèlerin? 

—  Tu  n'as  mentit,  gran  Morou,       aco's  moun  cher  marit. 
}o  —  Ieou  que  l'ay  pla  nourido      de  lebres,  de  lapins, 

«  Ieou  que  l'ay  abillado      de  drap  et  de  satin, 

52  •  Que  l'ay  tengut  caoussado      de  pel  de  marouquin, 

«  Aro  tu  m'abandounes       per  aquel  pèlerin!  • 


IX. 


VERSION    DES    ENVIRONS   DE    MONTAUBAN 

Guilalmes  se  marido,      Guilalmes,  tant  joli, 
2  Ne  pren  uno  fenneto       que  se  sap  pas  besti. 

Lou  ser  la  desabillo,       la  bestis  lou  mati, 
4  Et  la  baillo  a  sa  mayro       per  la  i  fa  nouiri. 

Guilalmes  ba  a  la  guerro,       a  la  guerro  set  ans. 


Cette  version  recueillie  vers  1857  se  trouve  dans  le  recueil  ms.  des  Pois. 
de  la  Fr.,  t.  II,  feuillet  281. 


E.    ROLLAND 

6  Al  cap  de  sel  anados,       Guilalmes  es  tournant; 

S'en  ba  tusta  a  sa  porto:       «  Escriboto,  djrbis.  » 
8  Mais  sa  mayro  en  fenestro       respoun  :  a  N'es  pas  aici; 
«  Lous  Meures  la  t'aou  preso,       lous  Mouros  Sarazis. 
10  —  Troubarai  l'Escriboto       quan  saxo  di  mouri.  h 

Rencountro  de  labairos      que  laboun  linge  ti. 
12   «  Digas,  baoutros  labairos,       qu'es  lou  castel  d'aqui? 

—  Es  lou  castel  des  Mouros.       dal  Mouro  Sarazi. 
14  —  Digas,  baoutros  labairos,       péri  dintra,  coussi? 

—  Abilla  bous  de  suito       en  paoure  peleri, 

16  «  Demandares  l'armoino,       l'armoino  al  noun  de  Di. 

—  M'en  (arias  pas  l'armoino,       al  noun  de  Jesu  Cri? 
18  Escriboto  en  fenestro       i  en  tito  un  ardit  '. 

—  Digas,  belle  Escriboto,       coussi  bous  ses  aici? 

20  —  Lous  Mouros  m'en  au  preso      et  m'au  menado  aici. 

—  Digas,  bello  Escriboto,       coussi  pourries  sourti  ? 
22  —  Anas  a  l'escurio      scia  lou  bel  roussi; 

«  lou  baou  mounta  a  ma  crambo       per  serca  mous  abits, 

24  «  Passa  de  crambo  en  crambo      per  serca  l'or  pu  fi. 

«  Bous  me  mettrie  en  sello      de  bostre  gran  roussi. 

26  «  Si  qualqu'un  bous  demande:       Que  ne  pourtas  aqui  ;' 

«  Dires  :  qu'es  de  l'aboueno       d'aboueno  pel  roussi  2.  » 
28  —  Lou  Diables  lou  t'engulo,       lou  traite  peleri! 

«  Set  ans  iou  l'ai  nouirido      de  pa  et  de  boun  bi; 

30  «  Set  raoubos  ye  croumpades      de!  bel  dra  de  Paris.  » 


X. 

VERSION    DE    VENCE    I ALPES-MARITIMES)  ' 
-I ..N- 


$i^=5=^^3=É3i^Jli_^î^=^ 


Oou    cas  •  teou    de     Li     -     an    -    dro  U  -  no     fil- 


1.  Lui  jette  un  liard. 

2.  Il  doit  manquer  ici  un  vers  ou  deux,  car  l'intervention  du  Maure  n'est 
pas  annoncée. 

3.  Cette  version  est  tirée  des  Poésies  pop.  de  la  France,  recueil  manuscrit  de 
la  B.  N-,  t.  III,  feuillet  244.  Quoique  obscure,  elle  semble  se  rapporter  à  notre 
thème. 


L'ESCRIVETO  12? 


lo     Vij  a  Se      lou     rei       îoii  soou       pessé 


:^izizj>: 


L'a  -na  -  rie      de  -  roou    '    ha. 

Oou  casteou  de  Liandro       uno  fillo  ly  a; 
2  Se  lou  rei  lou  soupesse,       l'anariè  deroouba. 

Lou  rei  s'abillo  en  padre      en  pèlerin  rouman  ; 
4  Oou  casleou  de  Liandro       rooumouino  demandât!  : 

«  Filletto  de  Liandro,      filleto  de  quinze  ans, 
6  0  Fagues  en  paou  rooumouino      oou  pèlerin  rouman. 

La  fillo  es  caritouso,       l'ooumouino  n'y  a  fa; 
8  En  li  faguen  rooumouino,       li  a  coustré  la  man  '. 

f  0  fillo,  la  miou  fillo,       laisse  lou  pura  fa, 
10  0  Aco  es  caouque  jouin"  orne      que  si  voou  marida.  > 

a  0  fillo,  bello  fillo,       filleto  de  quinz'  ans, 
12   «  Moustres  en  paou  la  routo       oou  pèlerin  rouman.   i 

La  fillo  es  caritouso.       la  routo  li  a  moustra. 
14  En  li  moustran  la  routo,       la  fillo  a  deroouba. 

Leis  sourdas  sur  leis  armos,       encaro  leis  garçouns 
16  Et  vivo  noustro  reyno,       espouso  nouastre  patroun. 


XL 


VERSION    DU    PÉRIG0RD2     FRAGMENT!. 

Margarito  se  bagno      e  lavo  din  la  mer. 

An  tal  coumo  se  bagno       passo  treys  galouneys. 

«  Dieu  l'adjut,  Margarito,       de  toun  pays  venen. 

—  De  mon  pays,  ah!  paouro  ! 

«  Y  3  qu'a  d'aouzel  que  bolo       que  n'en  saougue  béni 
«  Nouma  Tirondelle      que  bay  pertous  pays, 
t  Fay  lou  tour  de  la  France      may  torno  rebeni. 


1.  II  lui  a  serré  la  main. 

2.  Ce  fragment  a  été  recueilli  par  M.  de  Gourgues  avant  1857.  Il  se  trouve 
dans  le  recueil  m?,  des  Poésies  pop.  de  la  France,  t.  VI,  feuillet  J58. 


124  E      ROLLAND 


XII. 


VERSION    DU    TARN-ET-GARONNE  '    (FRAGMENT! . 

Quand  Margarido  se  bagno      a  l'alo  de  !a  mer 
2  Se  praqui  ne  passaboun      très  cabaliersou  dous. 

Lou  dous  l'an  saludado,  l'aoutre  non  y  a  re  dit 
4  Sounquo:  «  Adiou,  niaynado,       benen  de  toun  pays. 

—  De  moun  pays,  lou  paoure,       que  n'es  ta  loun  d'aici  ? 
6  «  Y  a  pas  aousel  que  bole      que  n'i  posque  béni, 

•  Soi'nque  l'iroudeleto,  que  posque  tourna  aici. 
8  —  N'as  unftay  que  se  marido,       ta  sorre  prcn  mari. 

«  Tal  tu  farios,  maynado,  s'erez  al  teou  pays; 
lo  «  Ta  mayre  pla  malaoudo,       toun  payre  ensebelit  , 

«  N'eroun  quatre  pourtayres  —  et  lou  cure  fan  cinq. 

XIII. 
VERSION    DU    TARN-ET-GARONNE    (FRAGMENT). 

—  Fasez  mi  Parmouineto,      Guinoto,  la  jolie, 

2  *  Fasez  mi  l'armouineto,      damo  de  moun  pays. 


Fragment  communiqué  par  M.  J.  Daymard  ainsi  que  le  suivant. 


MÉLANGES 


LE   DÉCASYLLABE  ROMAN. 

Le  vers  principal  de  tout  le  moyen  âge  grec  est  le  trimètre  iambique 
paroxyton,  prosodique  dans  toute  son  étendue  et,  de  plus,  tonique  en  sa 
pénultième.  Cela  est  bizarre,  mais  cela  est.  Voici  deux  échaniillons,  avec 
la  coupe  tantôt  hephthémimère,  tantôt  penthémimère  '  : 

'loo'j  [jpyai;  dj/O'joa  Ppaa|iôy  -/apoia;. 

"E/£'.;  t6  -/.auLta  tôiv  aicvayfjLXTajv  ^iov. 

Supposons  qu'au  commencement  du  moyen  âge  ce  type  se  soit  cons- 
titué chez  les  Latins  comme  chez  les  Grecs  (pour  avoir  l'accent  sur  la 
pénult'ème,  il  n'y  a  qu'à  finir  par  un  mot  comme  hâbet] .  Le  premier  hé- 
mistiche a  la  pénultième  longue  ;  en  latin,  elle  sera  toujours  accentuée. 
Ainsi  notre  trimètre  latin  aura  deux  accents  fixes,  soit  sur  la  sixième  syl- 
labe du  premier  hémistiche  et  la  quatrième  du  second,  soit  inversement. 
Il  n'aura  pas  d'autre  accent  fixe. 

Cela  supposé,  raisonnons.  Dans  un  tel  trimètre,  un  sujet  de  Dagobert 
ou  de  Charlemagne  eût  senti  l'accent,  non  la  quantité.  S'il  eût  essayé  de 
le  reproduire,  il  eût  fort  bien  mis  Jlivit  au  lieu  de  hàbet  à  la  fin,  ou  hàbet 
pour  flâv'it  à  la  coupe  ;  il  eût  de  plus  oublié  la  règle  de  clore  par  un  di- 
syllabe,  et  il  eût  terminé  le  vers  indifféremment  par  multos  habet  ou  par 
quos  ajflavit.  Avec  le  temps,  d'après  ce  que  nous  savons  en  phonétique, 
latone  finale  de  chaque  hémistiche  se  serait  ou  conservée  ou  perdue, 
selon  sa  nature,  car,  dans  notre  trimètre  hypothétique  tout  comme  eu 
prose,  bona  eût  fait  bune  et  bonum  eût  fait  bon.  Ainsi,  en  latin  parlé  du 


Assoc.  pour  l'tncourag.  des  et.  grecques,  J88j,  p.  20. 


126  MÉLANGES 

XI*  siècle,  notre  trimètre  à  la  byzantine  eût  pris  naturellement  quatre 
formes  penthémimères  : 

Fors  Saragûce        kist  en  une  muntâigne 
N'i  ad  castél        ki  devant  lui  remâigne, 
Li  reis  Marsllies         out  sun  conseil!  finét 
Si  'n  apelât        Clarin  de  Balaguér. 

ainsi  que  les  quatre  formes  hephthémimères  correspondantes. 

Je  conclus  que  le  principal  vers  roman  et  le  principal  vers  byzantin 
ont  des  chances  d'être  identiques.  Cette  idée  m'est  venue  en  lisant  un 
excellent  travail  de  M.  V.  Henry,  Contribution  à  l'étude  des  origines  du 
décasyllabe  roman  iParis,  Maisonneuve,  i886i;  M.  Henry  y  réfute  avec 
force  les  systèmes  antérieurs,  et  présente  une  hypothèse  nouvelle,  qui 
fait  du  décasyllabe  un  cousin  de  Tiambique  scazon  de  Martial.  Cette  hy- 
pothèse est  irréprochable  au  point  de  vue  métrique  ;  historiquement  elle 
manque  de  vraisemblance  en  ce  que  le  scazon  est  un  vers  savant.  C'est 
à  peine  si  je  m'écarte  de  M.  Henry  en  proposant  de  remplacer  le  scazon 
par  le  paroxyton  byzantin,  qui  représente  par  excellence  la  phase  ro- 
mane, si  l'on  peut  ainsi  parler,  de  la  versification  grecque'. 

Louis  Havet. 


ALCUNl  APPUNTI    SUl   «   PROVERBl    VOLGARl   DEL    1  200  » 
ED.  GLORIA  2. 

9.  De  ogni  carne  magna  el  lovo  aster  de   la  soa.  Cosî   la  stampa  ;   il 
Marciano  :   dastira.  Il  Gloria  annota:  «  reputo  l'uno  e  l'altro  vocabolo 


(i.  On  trouvera  plus  loin  mon  appréciation  du  travail  de  M.  Henry.  L'hypo- 
thèse de  M.  Havet,  outre  qu'elle  a  l'inconvénient  de  postuler  un  vers  lat  n  dont 
l'existence  n'est  attestée  nulle  part  avant  l'apparition,  au  x  siècle,  des  plus  an- 
ciens décasyllabes  romans  connus,  a  le  défaut  de  toutes  celles  qui  cherchent 
l'origine,  non  de  la  versification  romane,  mais  d'un  vers  roman.  Je  crois  que 
c'est  là  une  méthode  détectueuse,  qui  ne  saurait  mener  à  un  résultat  assuré. 
Mais  en  elle-même,  celte  hypothèse  est  fort  bien  conçue  et  mér/tail  en  tout  cas 
d'être  communiqufr.  —  G.  P.]. 

1.  Atti  de!  r.  istituto  vcnelo  di  scienze,  httere  ed  arti,  série  sesta,tomo  terzo, 
pag.  95  segg.—  Sono  estratti  dall'  opéra  di  Geremia  Uor\U^T\ox\ç  Compendium 
moralium  nolabiliurn  0  Epiionia  sapienttae.  Il  Gloria  si  valse  dell'  unica  stampa 
di  Venezia  1^05  e  del  codice  Marciano  Lat.  VI,  100.  Il  Rajna  mi  communica 
chéri  sono  aitri  quattrocodici  :  Riccardiana  (816,  Laurenziana  (Gadd.  Reliqu.46) 
Nazionale  di  N.^poli  (VII.  E  2),  Darmstadt.  I  soli  proverbii  volgari  nel 
Magliab.  Palch.  IV,  cod.  128.  —  Sul  lavoro  del  Gloria  si  legga  la  bella  disser- 
tazibne  del  Salvioni  nel  Giornale  stor.  délia  tctler.  ital.,  VI,  2jj. 


1  PROVERBI  VOLGARI  DEL  1200  1 27 

scorrezione  di  s'asten  si  astienei  ».  Ma  l'Ascoli  [Arch.  glottol.  III,  278) 
aveva  già  ricordato  l'cîi/fr  délie  Rime  genovesi  «  eccetto  che  »,  cor- 
rispondenie  a\V  estiers  àe\  provenz.  ed  ant.  fr.  Nella  cronica  veneziana 
dastier;  «  riviene  a  de-exterius...  È  la  prima  volta,  se  non  erro,  che 
s'incontri  codesta  combinazione  preposizionale  ».  Ora  ne  troviamo  aitro 
esempio  nella  vicina  Padova.  La  /  è  riduzionedi  ie  ;  quantoall' -a,  desi- 
nenza  che  ricorre  di  fréquente  negli  indeclinabili,  vedi  Arch.  III,  254, 
n°  13.  — Si  confronti  ora  altresî  il  Flechia  nelle  annotazioni  ai  testi 
genovesi  [Arch.  VIII,  517)  s.  v.  aster. 

12.  Chi  vol  morireel  te  po  alcire ;  il  Gloria  :  ^  Chi  vuol  morire  ti  puô 
uccidere  »  senza  altra  spiegazione.  E  si  puô  intendere  :  Chi  non  si  cura 
délia  viia  è  pronto  a  commettere  qualunque  enormità,  persino  un  omi- 
cidio;  giacchè  in  vero,  che  cosa  di  peggio  puo  accadergli,  che  d'esserne 
punito  con  la  morte,  la  quale  egli  appunto  desidera.?'.  Molto  più  efficace 
è  il  proverbio,  se  corne  ha  la  stampa  e  secondoil  Rajna  anche  il  codice), 
leggiamo  el  re  po  alcire ,  «  il  disperato  attenta  persino  alla  vita  del  re  » . 

16.  La  stampa  non  ha  l'ara,  come  dice  il  Gloria  aggiungendovi  un  sic. 
ma  lara  =  ital.  latra,  che  corrisponde  al  baja  del  codice. 

44.  H  rd/e  délia  stampa  non  sla  per  rétine,  che  non  è  ne  del  toscane 
ne  del  dialetto,  ma  va  letto  retié. 

47.  La  guera  alargà  entra  e  streta  ensuà.  L'ultima  voce  viene  spiegata 
«  sen  va  ».  Ma  come  s'ha  ad  intendere  ciô  ^  H  Gloria,  per  felice  intui- 
zione,  dichiara  :  '<  La  guerra  cittadina  entra  pur  per  le  larghe  ed  esce 
per  le  strette  ».  E  questo  in  vero  dice  il  proverbio,  che  va  letto  :  La  guera 
à  larga  entra  e  streta  ensûa  i«  uscita  »t. 

58.  Mal  compra  clesura  chi  toi  dinari  a  osura.  Clesura  è  spiegato 
u  chiusura  »,  ma  in  toscano  questa  voce  come  notô  il  Tobler  nel  glos- 
sario  aggiunîo  alla  sua  edizione  di  Uguccione  da  Laodho  s.  v.  closura) 
non  ha  precisamente  il  significato  délia  dialettale;  questa  significa  : 
«  TERRENO,  PODERE  chiuso  da  sicpc,  muro  »  e  cosî  via. 

64.  Lo  stampâio  :  quel  che  povolo  endevina  de  rado  ch'el  no  sea  ;  che 
su  per  giù  è  il  vox  populi  vox  Dei.  Il  Gloria  accetta  la  lezione  del  mano- 
scritto,  il  quale  seconde  lui  ha  cundenna.  Anche  cosî  si  potrebbe 
capire;  ma,  come  ognuno  vede,  la  santenza  non  sarebbe  altrettanto 
chiara.  Ora  il  Rajna  lesse  nel  codice  endeuna,  che  è  la  lezione  dello 
stampato  ;  il  copista  ommise  una  délie  cinque  astedi  uin. 


1.  Il  copista  del  Riccard.  scrive  anstcrc  de  fuora  che  de  la  sua,  accetlando  la 
voce  dialettale  e  la  glossa  che  avrà  trovato  nel  suo  originale.  Il  Laurenziano,  che 
volta  le  forme  dialeltali  in  toscano  ed  il  Magliab.,  ad  esso  affine,  non  capirono 
nulla;  esii  leggono  :  ogni  carne  mangia  el  (il)  lupo.  Astore  de  la  sua.. 


128  MÉLANGES 

70.  El  no  è  seno  repenare  a  rasejo.  Il  Gloria  :  «  repennare  è  voce  antica, 
che  vale  impennarsi,  inquietarsi  per  cosa  che  non  piaccia.  Asejo  è  scor- 
rezione,  reputo,  di  asio...;  inierpreto  cosi  :  Egli  non  è  senno  di  far  atto 
di  riirosia  0  d'inquieiudine  in  posto  commodo  ».  Ma  fra  le  sentenze  latine 
che  precedono  il  proverbio  volgare  è  quella  del  vangelo  :  Durum  est  contra 
stimu'.um  recalcitrare;  ed  in  vero  il  venez,  asejo  (oggidi  asegio]  vale  non 
solo  «  pungiglione  délie  api  »,  ma  altresî  «  pungolo  dei  buoi  »;  cfr. 
Flechia,  Arch.  III,  167. 

77.  Aseno  cargà  ben  amblà.  Vuolsi  senza  dubbio  accentare  dmbla.  Ma 
anche  cosî  non  intendo  che  cosa  significhi  il  proverbio.  Suppongo  che  in 
luogo  di  due  ben  ne  sia  stato  scritto  uno  solo,  e  leggo  as.  cargà  ben 
(«  asino  caricato  in  modo  coveniente,  cosi  che  d'ambedue  i  lati  la  soma 
sia  eguale  »)  ben  ambla,  e  sarebbe  variante  del  n"  17:  enguar  (cosi  il 
Marciano,  a  detta  del  Rajna,  non  eugual)  soma  uon  rumpe  el  doso. 

ijj.  Massara  dura  fa  jameja  jura.  «  Significa,  mi  sembra,  rendere 
ladra  la  famiglia  quella  donna  che  non  è  buona  massaja  ».  «  Buona 
massaja  »  vuol  dire  «  padrona  di  casa,  che  amministra  bene  le  cose  sue  » 
e  dicesi  specialmente  di  colei  che  usa  saggia  economia  e  non  sciupa  il 
proprio;  ond'  è  che,  secondo  il  Gloria,  il  proverbio  verrebbe  adiré  che 
la  dissipatrice  dà  alla  serviiù  occasione  di  rubare,  le  lascia  libertà  di 
rubare.  E  sarebbe  sentenza  giusia.  Ma  il  proverbio  non  vuol  dire  questo  ; 
dice  anzi  che  la  padrona  di  casa  soverchiamente  dura  e  taccagna  obliga 
quasi  al  furto  i  suoi  servi,  giacc'nè  costoro,  non  ricevendo  quello  ch'  è 
loro  necessario  per  vivere,  se  lo  pigliano  da  se  di  soppiatto.  Si  confronti 
il  latino  che  précède  :  jurari  famulos  dominas  compellel  avarus. 

1 58.  Non  eser  largo  ai  sol.ii  e  scarso  a  le  medaie  (lo  stampato  ha  mane, 
che  va  letto  maiie  z=zmïje  =  fr.  mailles].  «  Re'ativo  l'odierno  :  Chi  tien 
le  man  strcte,  no  ghe  ne  cava,  ma  gnanca  ghe  ne  mete  ».  Non  ravviso  la 
corrispondenza  fra  i  due  proverbii.  Quello  registrato  dal  Montagnone  si- 
gnifica :  non  fare  spese  grandi  e  piccole  économie. 

164.  Chi  ha  el  mal  si  ha  le  scherme.  S'intende  da  se  che  va  corretto 
schernie.  La  forma  antiquata  schernia  è  registrata  nella  Crusca. 

168.  Amore  no  guarda  palazo  ne  richeze.  Cosi,  secondo  il  Gloria,  il 
Marciano  ;  la  stampa  p.iraco  [c  =  ç  =z  z).  Ma  il  Rajna  lesse  anche  ne! 
Marciano  paraço,  che  è  l'italiano  anî.  paraggio,  fr.  parage;  amore  non 
guarda  ne  a  nobiltà  di  naîali  ne  a  richezze. 

A.   MUSSAFIA. 

P.-S.  —  Il  Rajna  mi  fa  ora  sapere  che.  secondo  una  communicazione  del  No- 
vati,  v'ha  un  altro  codice  delT  opéra  di  Geremia,  contenuto  in  una  collezione  di 
provenien/.a  Belgiojobo  che  il  niirchese  Triai  ha  venduto  0  sta  per  vendere  al 
librajo  Hoepfli. 


UN    NOUVEAU    MANUSCRIT    DU     «OMAN    DE    JULES    CÉSAR  I  29 


UN   NOUVEAU   MANUSCRIT   DU   ROMAN    DE  JULES  CESAR 
PAR  JACOT   DE  FOREST. 

On  n'a  signalé  jusqu'à  présent,  du  moins  à  ma  connaissance,  qu'un 
seul  manuscrit  da  poème  de  Jacot  de  Forest  sur  Jules  César  :  le  n^  1457 
du  fonds  français  de  la  Bibliothèque  nationale,  dont  ont  fait  usage 
Amaury  Duval,  dans  le  t.  XiX  de  VHistoire  littéraire,  et  M.  Settegast, 
dans  le  t.  Il  du  Giorn.ile  de  Filologia  romartza  '.  Bien  que  ce  roman  ait 
une  valeur  assez  petite,  si,  comme  M.  Settegast  a  cherché  à  l'établir,  il 
est  non  la  source,  mais  la  mise  en  vers  du  roman  en  prose  de  Jean  de 
Thuin,  il  peut  n'être  pas  sans  utilité  d'en  signaler  un  second  ms.  que 
j'ai  trouvé  à  la  bibliothèque  de  Rouen  il  y  a  peu  d'années.  C'est  un  livre 
en  parchemin,  de  26  centimètres  sur  17,  orné  de  quelques  miniatuns  à 
fond  d'or  bruni,  et  ayant,  sauf  dans  les  pages  qui  contiennent  ces 
miniatures,  ]o  lignes  à  la  page.  L'écriture  est  de  la  fin  du  xiiT  siècle, 
et  m'a  paru  être  du  nord  de  la  France,  C'est  un  des  mss.  qui  proviennent 
du  chapitre  de  Rouen.  Il  est  coté  actuellement  U.  12.  Je  l'ai  comparé 
attentivement  avec  les  deux  morceaux,  formant  en  tout  80  vers,  que 
M.  Settegast  a  publiés  d  après  le  ms.  de  Paris,  et  jai  constaté  que  lés 
différences  entre  ces  deux  copies  étaient  peu  nombreuses.  Voici,  en 
laissant  de  côté  les  variantes  purement  graphiques,  les  seules  divergences 
que  j'aie  notées  pour  ces  80  vers  : 

PREMIER   MORCEAU. 
MS.     DE    PARIS.  MS.     DE    ROUEN. 

v.  2  2  Qui  tant  fist  en  sa  vie.  Que  tant  fist  et  conquist  ^ 

^2  qe  qu'enviouz  en  die.  coi  que  nus  voz  en  die. 

56  doutent.  doutoit. 

44  reprenderont.  atorneront. 

47  mes  tant  lor  en  respont.  mes  itant  lor. 

5 1  qu'il  de  lor  bonté  ont.  que  il  de  lor  biens  ont. 

55   porra.  porroit. 

^8  menteor.  envious. 


I.   Voy.  Romania,  IX.  622. 

2  C'est  la  répétition  d'un  hémistiche  placé  un  peu  plus  haut.  La  bonne  leçon 
est  donc  celle  du  ms.  de  Paris. 

Romama,  XV.  9 


I?0 


MÉLANGES 
DEUXIÈME    MORCEAU. 


6  Quar  o.  Qu'aveuc. 

7  cornues.  agues. 

8  cis  tempes.  icis  tans. 

9  Quar  les  pierres  les  erent.  Que  les  pierres  les  vont. 
1 1  s'iert.  s'est 

I  ^  parmi  les  dras  ne  fust,  p.  le  dos  n'  i  soit. 

Après  le  V.  14  [Si  ronpoient  tes  pierres. ..)  il  y  a  dans  le  ms.    de  Rouen 
un  vers  de  plus  :  Et  si  vont  les  Roumains  moût  durement  blesans. 

P.  M. 


IV. 


QUELQUES  PARTICULARITÉS  GRAMMATICALES  DU 
DIALECTE  WALLON  AU   XIII«  SIÈCLE. 

LES    PRONOM    PERSONNEL,    RÉGIME    INDIRECT. 

Le  pronom  les  est  employé  fréquemment  comme  datif  dans  le  sens  de 
leur  : 

...  En  tesmoingnage  de  nos  homes  de  fiez  et  par  lor  jugement  celé  dime 
grosse  et  menue  de  Pères  rendiemes  nos  à  la  maison  deuant  dite  por  tenir  et 
reciuoir  perpetuement  si  corn  luur  dime  ligement  et  les  afFaitames  loianient  tôt 
ensi  ke  nostre  home  de  fiez  jugarent  ke  nos  en  deuiens  faire.  Et  a  guerpissemenl 
de  nostre  frère  deuant  dit  par  le  jugement  de  nos  homes  pais  les  fu  jugie  per- 
petuement. 

(Mai  1265.  —  Chartes  de  l'abbaye  du  Val  Saint  Lambert,  n°  284). 

Dans  un  double  de  cette  charte  qui  se  trouve  aux  mêmes  archives,  les 
deux  les  sont  remplacés  par  lor. 

Et  de  ceste  pais  li  abbes  et  couens  deuant  dit  misent  auant  lettres  ki  de  ce 
furent  faites  et  saeleies  des  saeaz  maistre  Ribert  Doien  del  glize  de  Saint  Martin 
de  Liège  et  sangnor  Thirri  doien  del  concilhe  d'Uffeyet  sangnor  Nichole  doien 
del  concilhe  de  Hozemont  et  une  autre  lettre  ki  est  saeleie  del  saeal  mon  sangnor 
Gerart  de  Heran  marescaus  mon  sangnor  Henri  pir  la  grasce  de  Deu  esueke 
de  Liège,  en  la  quele  ilh  tesmong  ke  li  maires  et  li  eskeuien  de  Ramelhu  en  sa 
présence  auoient  reconu  qu'ilh  et  li  masuir  de  Rameilhu  auoicnl  l\iit  al  abbeit  et 
a  couent  del  vaus  saint  Lambert  bone  pais  et  ki  bien  les  sulfioit  del  bois  de 
Rameilhu. 

...  Apres  nos  disons  ke  Hanons  n'ot  droit  en  bois  de  Rameilhuel  qu'ilh 
clamoit,  fors  k'en  cinquante  boniers  ki  furent  asseneil  et  liureit  a  masuirs  quant 


LE    DIALECTE    WALLON    AU    Xlll*    SIÈCLE  1  5  1 

la  pais  fut  fait  del  bois  entre  eaz  et  l'abbeit  et  le  couent  et  ki  puis  les  furent 
aboneit. 

(20  mars  1272.  —  Chartes  de  l'abbaye  du  Val  Saint-Lambert,  n"  324). 

Je  pourrais  multiplier  les  exemples,  car  cet  emploi  de  les  est  assez 
commun  dans  les  chartes  liégeoises  du  wif  siècle.  On  le  rencontre  fré- 
quemment plus  tard  dans  les  chroniqueurs  liégeois,  surtout  dans  Jean 
d'Outremeuse. 

Le  patois  moderne  l'a  conservé  : 

Le[s]  promettont  tote  assuronce. 

Et  qu'on  Us  freut  mâïe  pus  nuisonce  ' . 

Dans  les  textes  wallons  du  xii''  siècle  nous  trouvons  également  cet 
emploi  de  les. 

pans  le  Poème  moral  du  manuscrit  Canonici  74  d'Oxford  : 

Sovent  les  disoit:  Faites  ce  ke  vos  ai  mostreit... 
Or  et  argent  et  terre  et  posteit  les  dona  2. 

Dans  la  vie  sainte  Juliane,  même  manuscrit  : 

V.  ^97     Illoc  baniomes  les  chaitis, 
Ankor  les  faisomes  nos  pis  3. 
Dans  le  Job  : 
Quant  il  dotent  de  ce  ke  il  encor  ne  seuenl  ke  a  uenir  tes  est4. 

Le  seul  exemple  que  j'aie  rencontré  dans  un  texte  non-wallon  de  cet 
emploi  de  les  se  trouve  dans  le  Psautier  de  Metz,  civ,  14: 

Il  ne  volt  point  soffrir  que  nul  Us  nuisit  ne  ne  feisit  grevance. 

Il  faut,  je  crois,  voir  simplement  dans  ce  régime  indirect  les  la  [forme 
de  l'accusatif  employée  pour  le  datif,  cas  analogue  à  lor,  génitif  dont 
l'emploi  s'est  de  si  bonne  heure  étendu  au  datif.  La  langue,  dans  son 
travail  inconscient  de  simplification,  aboutit  ici  à  créer  une  forme  super- 
flue; on  comprend  que  lor  ait  prévalu  et  que  l'usage  de  les  régime 
indirect  soit  resté  cantonné  dans  un  coin  du  domaine  d'oïl.  Ce  qui  doit 
nous  étonner,  c'est  la  persistance  de  cette  forme  du  xii*  siècle  jusqu'à 
nos  jours  5 . 


1.  Choix  de  chansons  et  poésies  wallonnes^  recueillies  par  M.   El.   B.  et  D. 
p.  56. 

2.  Archiv's  des  missions,  série  IL  2«  série,  V,  pp.  200  et  202  (Rapport  de 
M.  P.  Meyer:  pp.  196  et  198  du  tiré  à  part). 

3.  Li  vtT  del  jais  ,  af  Hu^o  von  Feiht/en.  Upsala,  1883. 

4.  Li  Dialogc  Giegore  herausg    von  W    Focrstér,  p.  325,  I.   ^. 

5.  [Cela  n'a  rien  de  parliculièrement  étonnant.  Il  n'y  a  pas  création  d'une 
forme  nouvelle  et  superflue,  mais  emploi    de   Us  au  lieu  et  place  de  lor,  leur. 


ij2  mélanges 

2.  —  Conjugaison  du  parfait  en  ont 

La  5*  pers.  plur.  en  ont  du  parfait  des  verbes  en  a  est  assez  fréquente 
dans  les  chartes  liégeoises.  Cette  forme  de  la  ^^  pers.,  qui  se  trouve 
souvent  dans  les  textes  lorrains,  est  maintenant  bien  connue,  mais  je  ne 
crois  pas  qu'on  ait  jusqu'ici  rencontré  la  i^''  pers.  de  ce  parfait.  On  com- 
prendra d'ailleurs  que  cette  r*  pers.  soit  rare,  attendu  qu'elle  était  iden- 
tique à  la  r*"  pers.  plur.  du  présent  de  l'indicatif.  Dans  ces  conditions, 
elle  ne  pouvait  pas  persister  longtemps  à  côté  de  la  désinence  habituelle 
en  âmes  du  parfait. 

...  Et  nos  Thiris  del  Preit  cheualirs  deuant  dis,  après  che  ke  nos  eûmes  eut 
le  bone  veriteit  et  veùes  les  Chartres  et  les  esplois  ki  de  che  parloient  et  les  iu- 
gemens  ki  lais  en  astoient  par  ceas  ki.iugier  en  deuoient  et  lugiet  en  auoient, 
desimes  par  sentence  arbitral  et  par  droit  ke  mes  sires  Wilheames  d'Astenois 
cheualirs  deuant  dis  n'auoit  droit  en  cel  daim  ne  en  cel  hiretage  qu'ilh  clamoit. 
Apres  che,  nos  demandons  a  mon  Saingnor  Wilheame  deuant  dit  s'ilh  tenoit 
nostre  dit,  ilh  respondil  k'oilh  et  tenir  le  voloit,  puis  ke  drois  et  iugemens  l'en 
osteuet,  quitte  le  clamoit  ne  iamais  nient  n'i  clameroit. . . 

(2j  juin  1270.  —  Charles  de  l'abbaye  de  Robermont,  ancien  n"  2). 

...  Et  nos,  après  chon,  a  la  proiere  de  proudomes  et  des  parties  desor  no- 
meies  et  a  lor  requesle,  presimes  le  dit  en  nos  si  corn  arbitre  en  tel  manire  que 
desor  est  deviseit,  et  apcllons  par  devant  nos  les  parties  et  oïens  lor  raisons  ; 
et,  après  chon,  nos  apcllons  cheaz  ki  auoient  esteil  a  couens  de  mariage  et  a 


Même  fait  s'observe  dans  certaines  parties  du  midi  de  la  France,  principalement 
dans  le  S.-O.,  où  !os  tend  à  se  substituer  à /or,  dans  l'emploi  pronominal.  Ainsi 
dans  la  chanson  de  la  croisade  albigeoise: 

4-60  Et  ago  la  vianda,  cla  quels  (pour  que  lor)  fo  mestier. 
5624  E  so  quels  remandra. 

7216 Franc  caval.er,  deni  los  (en  rime). 

8472  Quels  con:iec  las  novelas. 

Des  exemples  analogues  pourraient  être  recueillis  en  grand  nombre  dans  le 
poème  de  la  guerre  de  Navarre  [quels  pour  que  lor,  v.  22;  disso  los,  en  rime, 
v.  2654). 

Voici  une  phrase  où  lor  et  los  sont  employés  dans  le  même  sens:  «  E  qui 
plus  lor  deman:ava,  l'orssa  tes  fara  »  (Coutumes  de  Prayssas,  L.-et-Gar., 
§40^. 

Les  exemples  de  los  pour  lor  foisonnent  dans  les  textes  de  la  Gascogne  et  du 
Béarn,  où  lor  se  conserve,  surtout  lorsqu'il  est  construit  avec  une  pré|.osJlion. 
Ainsi,  dans  les  r  gistres  de  la  jurade  de  Bordeaux  but  lor,  per  lor,  maïc  «  los 
ac  drven  deiiunciar  »  (Arch.  munie,  de  Bjrdeuux,  III,  18)  M.  Bauquier  s'est 
trompé  lorsqu'il  a  supposé  (Rtv.  des  langues  rom.,  2,  VI,  249-'jo)  que /ou5 
employé  comme  rég.  indirect  était  pour /ou/5.  C'est  l'ancien  los,  l'équivalert  du 
français  Us.  On  irouve  aUiSi,  mais  plus  rarement,  lo  pour  /;  au  sing.  :  «  E  deu 
|lo  portierj  lare  adobar  las  portas  am  lo  bosc  quels  senhors  lo  devon  donar  » 
(Coût,  de  Prayssas,  §  21;.  —  P.  M.] 


LE    DIALECTK    WALLON     AU    XIII^    SIÈCLE  I?5 

doiement  délie  dame  et  les  fcsimes  |urer  sor  sains  de  voir  a  dire  en  quel  manière 
Il  dame  auoit  esteit  doiei  et  cornent  cm  lediet  doier  des  .xviii.  mars  desor  dis 
et  sor  quees  biens  ;  cl  lor  aeriteit  csimes  mètre  en  escrit  et  nos  conseilhons  sor 
chon  a  proudomes,  a  sauoir  est  a  bon  clers,  a  prechoirs,  a  menoirs,  a  cheua- 
liers,  a  maioirs  et  a  tôt  le  sains  del  pais,  et  mesimes  jor  par  deuant  nos,  après 
chon  que  nos  fumes  conseilhiet,  les  parties  desor  dites  d'oir  nostre  senlenche 
arbitral  sor  les  querelles  ki  astoient  entre  caz. 

(14  mars  1274.  —  Chartes  de  la  Collégiale  Saint-Denis  de  Liège,  ancien 
n«7)- 

Je  pourrais  donner  d'autres  exemples,  mais  je  crois  que  ceux-ci  suffi- 
ront :  encadrés,  comme  ils  le  sont,  entre  d'autres  formes  du  parfait,  ils 
ne  laissent  aucun  doute  sur  la  valeur  du  temps. 

Ces  exemples  confirment  la  théorie  de  la  formation  par  analogie  du 
parfait  en  ont:  le  singulier  du  parfait  habituel  ayant  les  mêmes  désinences 
que  le  singulier  du  fuiur,  le  pluriel  s'est  trouvé  entraîné,  pour  ainsi  dire, 
à  adopter  également  les  désinences  du  futur  pluriel.  Je  ne  crois  pas  que 
ce  pluriel  analogique  du  parfait  remonte  au  delà  du  xir  siècle.  Parmi  les 
textes  littéraires  wallons  je  ne  le  trouve  (à  la  ]"  pers.)  que  dans  le  Job 
dont  la  langue  est  évidemment  postérieure  à  celle  des  Dialoge  Gregore  et 
du  manuscrit  Canonici  74  d'Oxford. 

J.    —    PARFAIT    EN    INS. 

La  i"=  pers.  plur.  du  parfait  pour  les  verbes  en  ë,  ë,  i,  peut  se  former 
par  ns  au  lieu  de  mes,  autrement  dit  être  nasalisée.  D'autre  part  la 
1''^  pers.  plur.  des  autres  temps  peut,  comme  en  picard,  ne  pas  être  na- 
salisée, de  sorte  que  si  avoines  existe  à  côté  à'avons,  en  revanche  fesins 
se  rencontre  auprès  àefesimes. 

...  Et  nos  Thiris  deuant  dis,  a  le  requeste  et  par  le  volenteit  des  parties 
deuant  dittes,  presimes  l'arbitre  et  le  dit  en  nos  et  cnquesiens  le  bone  veriteit  et 
veimesles  oeures  et  les  Chartres  ki  faites  en  astoient  et  escritesetsaieleesdel  saial 
le  noble  damme  me  damme  Ysabeal  ki  iadis  fut  femme  mon  saingnor  de  Was- 
senberg. 

(25  juin  1870.  —  Chartes  de  l'abbaye  de  Robertmont,  ancien  n"  2). 

...  Et  nos  li  home  de  la  Cise  Deu  ',  après  chou,  donames  et  fesins  dun  et 
vesture  a  dant  Henon  trecensoir  de  la  maison  de  la  val  Saint  Lambert  desoir 
escrite  des  vint  bonier  d'aluen  desoirdis  a  ces  de  la  maison  de  la  val  Saint 
Lambert  deuant  nomeie. 

(31  mai  1274.  —  Chartes  de  l'abbaye  du  val  Saint-Lambert  n"  529). 

...  lequel  don  et  lequel  lansage  je  Giles  maires  deuant  dis  mis  en  warde  des 


I .    Casa  Dei,  Cour  allodiale  de  Liège. 


I  ^4  MÉLANGES 

eskeuiens  dcsordis,  a  la  requeste  des  parties  et  des  tenans  deuant  r.omeis  Et* 
je  li  maires  et  li  eskeuin  et  li  tenan  desordit  en  owins  nos  droitures, 
(lo  avril  1275.  —  Chartes  de  l'abbaye  du  val  Saint-Lambert,  n»  341^. 

Dans  l'extrait  de  la  charte  de  la  collégiale  Saint-Denis  que  nous  avons 
donné  plus  haut,  on  trouve  encore  un  exemple  de  cette  forme  du  parfait  ; 
«  Nos...  apellons  par  deuant  nos  les  parties  et  oïens  lor  raisons  ». , 

On  rencontre  le  parfait  en  )ns  plusieurs  fois  dans  les  Dialoge  Gregore  ; 
je  mets  entre  parenthèse  le  mot  correspondant  du  texte  latin:  atcndins 
(exspectauimus)  p.  88,  1.  8,  poins  (potuimus),  p.  212,  1.  10; 
quant  nos  deparlins  de  la  p.  265,  1.  20,  desins  (diximus),  p.  266,  1.  7, 
oins  (audiuimus)  p.  277,  1.  5. 

Si  la  désinence  en  ins  de  la  r^  pers.  plur.  du  parfait  ne  s'est  pas 
maintenue,  c'est  sans  doute  parce  que  cette  forme  nasalisée,  avec  l'or- 
thographe picarde  et  wallonne  où  ie  =:  /,  et  /  =-  ie,  était  fort  souvent 
identique  à  la  i"  pers.  plur.  de  l'imparfait  de  l'indicatif.  Si,  dans  les 
exemples  cités  plus  haut,  enquesiens  et  owins  ne  peuvent  pas  se  confondre 
avec  les  imparfaits  {aviens,  enqueriens),  fesins  pourrait  être  simplement 
une  forme  graphique  de /^/5/>n5.  Voici  un  exemple  où  le  parfait,  écrit 
iens,  ne  diffère  en  rien  de  l'imparfait  : 

...  Et  nos,  entre  les  dois  parolhes,  a  le  requeste  dant  abbeit  et  mon  sangnor 
Lowi  deuant  dit,  turnames  a  un  de  nos  homes  de  fiez,  a  sauoir  mon  Sangnor 
Johan  de  Parfontriw  cheuaiier,  et  li  somungniens  sor  le  feaute  ke  ilh  noj  deuoit 
qu'illi  nos  raportast  par  droit  de  cui  mes  sieres  Lowis  deuant  dis  deuoit  tenir 
le  dit  fies. 

(j  octobre  1298.  —  Chartes  de  l'abbaye  du  val  Saint-Lambert,  n°  408). 

Je  crois  que  cette  forme  du  parfait  en  ins  n'existe  guère  que  dans  le 
dialecte  wallon  ;  si  on  la  rencontre  parfois  dans  des  textes  picards  en 
vers,  c'est  seulement  à  la  rime  comme  licence  poétique. 

Emmanuel  Pasquet. 


V. 


L'ADJECTIF  POSSESSIF  FÉMININ   EN  LYONNAIS. 

J'ai  vainement  cherché  dans  la  dissertation  de  Hermann  Flechtner: 
Die  Sprache  des  Alexander-Fragmentes  des  Al  erich  von  Besançon  (Breslau 
1882)  et  dans  la  Phonétique  lyonnaise  au  xiV  siècle  que  M.  Philipon  a 
publiée  dans  le  tome  XIII  de  la  Romania,  la  mention  et  l'explication  des 
deux  adjectifs  possessifs  la  min  et  la  sin  que  nous  rencontrons  dans  les 
Œuvres  de  Marguerite  d'Oingt  et  dans  les  Conventiones  dominorum  et  B.  de 
Varey  visitatoris operis  [Romania,  XIII,  ^76-581).   La  singularité  de  ces 


L  ADJECTIF    POSSESSIF    FEMIMIN    EN    LYONNAIS  |^^ 

formes,  que  nous  lisons  dans  les  passages  suivants,  aurait  dû,  ce  semble, 
éveiller  leur  attention  : 

Je  desirro  vostra  salut  assi  corne  jo  foy  la  min  (Marg.  d'Oingt,  p.  36). 
Le  servis  de  nostron  Seigneur  Jhesu  Crit  et  de  la  5;V(gloriousa  virginamare, 
(p.  49); 

D'atra  main  seignia  et  aprova  de  la  sin  (Conventiones,  p.  580). 

Malgré  leur  aspect  étrange,  l'explication  en  est  fort  simple  et  c'est 
peut-être  pour  cela  que  ni  Flechtner  ni  M.  Philipon  n'en  disent  mot.  Si 
l'on  considère  que  Va  tombe  dans  bateri,  cortesi,  maladï,  il  est  clair  que 
la  mia  a  dû  donner  la  mi  devenu  la  min  par  l'influence  de  la  nasale  initiale. 
La  min  a  donné  naissance  à  la  sin. 

Le  phénomène  que  présente  la  min  n'est  pas  isolé  en  lyonnais.  Les 
œuvres  de  Marguerite  d'Oingt  nous  donnent  menais,  p.  36,  =  médis, 
midi;  et  manques,  p.  36,  =  masque,  maques,  maqae,  meque,  proprement 
((  mais  que,  sinon  ».  Dans  les  dialectes  de  la  suisse  romande  mei  «  rien  « 
n'est  pas  minus  comme  le  pensait  le  bon  doyen  Bridel.  Meï  répond 
au  fr.  mie  et  remonte  aux  formes  hypothétiques  mi  mï;  cf.  la  mi  de 
pan. 

Des  exemples  nombreux  du  même  phénomène  ont  été  recueillis  par 
nous  au  Val-de-Bagnes;  voir  Phonologie  du  Bagnard,  §  252,  où  j'ai  cité 
nin  «nid  »  et  «  nuit  »,  tenin,  vinin,  etarnin  «  éternuer  »,  furnin,  femin 
«  fumier  »,  min  «  plus  »  et  «  mais»,  min  «  pétrissoire  »,  mingro 
«  maigre  »  driimin  «  dormir  »,  en  attribuant  à  tort  à  1'/  le  développe- 
ment de  la  résonnance  nasale.  Le  portugais,  comme  on  sait,  a  des 
exemples  tout  pareils.  Voir  Romania  1882,  p.  90. 

Dans  le  Jorat  Vaud)  les  adjectifs  possessifs  toniques  ont  aujourd'hui 
les  formes  suivantes  :  la  meîna,  la  seina,  la  feina,  à  côté  de  la  myôna,  la 
tyôna,  la  xôna.  Les  premières  remontent  à  la  min,  latin,  la  sin,  formes 
auxquelles  on  a  ajouté  un  a  pour  mieux  marquer  le  genre.  Malgré  la 
ressemblance  qu'elles  ont  avec  la  mienne,  la  tienne,  la  sienne,  ce  serait 
se  tromper  étrangement  de  les  expliquer  comme  les  formes  françaises. 

J.  Cornu, 


VL 


LA  POÉTIQUE  DE  BAUDET  HERENC. 

Dans  leur  rapport  sur  leur  mission  littéraire  en  Italie  [Archives  des 
Missions,  \.  I,  p.  267-2781,  MM.  Renan  et  Daremberg  ont  donné,  d'après 
le  ms.  du  Vatican  Reg.  1468,  d'assez  longs  extraits  d'une  Poétique, 
ou,  pour  prendre  le  mot  employé  au  xV'  siècle,  d'une  Seconde  rhétorique 


I ;6  MÉLANGES 

composée  en  i4p  par  un  auteur  que  le  ms.  appellerait  Baoldet  Hercut. 
Ce  nom  étrange  a  de  bonne  heure  provoqué  des  doutes,  et  on  a  pensé  le 
corriger  avec  vraisemblance  en  lisant  «  Raol  de  Thercut  ».  Mais,  outre  que 
la  forme  Raol  pour  Raoul  est  un  peu  étonnante  au  milieu  du  xV  siècle, 
le  nom  de  Thercut  est  fort  invraisemblable.  J'ai  conjecturé  que  Baoldet 
Hercut  était  une  mauvaise  lecture,  qui  s'e.xplique  facilement,  pour  B<3uWgf 
Herenc,  et  je  me  suis  adressé,  pour  vérifier  cette  conjecture,  à  M.  Ernest 
Langlois,  membre  de  l'Ecole  française  de  Rome,  qui  a  bien  voulu  me  ] 

faire  savoir  que  le  manuscrit  du  Vatican  portait  en  effet  Bauhiet 
Herenc.  C'est  donc  le  nom  qu'il  faut  désormais  donner  à  l'auteur  de 
cette  Poétique.  Baudet  Herenc  n'est  pas  absolument  un  inconnu.  Il  faut 
évidemment  l'identifier  avec  le  «  Baudet  Harenc  de  Chalon  »  qui,  en 
1449  ou  1450,  «  faisait  des  ballades  devant  mon  seigneur  «  Charles 
d'Orléans  (voy.  A.  Champollion-Figeac,  Louis  et  Charles  d'Orléans, 
p.   361). 

M.  Langlois  a  copié  en  entier  la  poétique  de  Baudet  Harenc',  il  est  à 
désirer  qu'il  l'imprime.  Elle  est  la  troisième  que  nous  connaissions;  la 
première  est  celle  d'Eustache  Deschamps,  la  seconde  celle  qui  appartint 
à  Monmerqué,  puis  à  A.  Firmin  Didot,  àonlWoli [Ueber die  Lais, p.  141) 
a  imprimé  des  fragments,  et  dont  on  trouve  une  description  assez  étendue 
dans  le  Catalogue  Firmin- Didot,  1 88 1,  p.  5?  et  suivantes.  Il  y  a  entre 
ce  traité,  qui  doit  remonter  environ  à  141  $,  et  celui  de  Baudet  Herenc 
des  rapports  qui  indiquent  que  ce  dernier  a  utilisé  l'œuvre  de  son  pré- 
décesseur (cf.  Zschalig,  Die  Verslehren  von  Fahri,  Du  Pont  und  Sibilet, 
Leipzig,  1884,  p.  74I,  et  qui  font  souhaiter  que  les  deux  œuvres  soient 
publiées  ensemble;  mais  je  ne  sais  où  est  aujourd'hui  le  ms.  Monmerqué- 
Didot. 

G.  P. 


I .  Je  suis  informé,  du  reste,  que  M.  G.  Servois  l'a  copié  de  son  côté  il  y  a 
bien  des  années. 


COMPTES-RENDUS 


Contribution  à  l'étude  d^s  origines  du  décasyllabe  roman,  par 

Victor  Henry,  chargé  de  cojrs  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Douai.  Paris,  Maisonneuve, 
1886,  in-8',  47  p. 

Le  jeune  auteur  de  ce  mémoire,  déjà  connu  fort  avantageusement  par  d'ex- 
cellents travaux  linguistiques,  présente  avec  beaucoup  de  modestie  une  hypo- 
thèse nouvelle  sur  l'origine  du  décasyllabe  roman  :  il  serait  p!us  juste  de  dire  du 
décasyllabe  gallo-roman  car  on  est  aujourd'hui  assez  généralement  d'accord 
pour  croire  que  les  Espagnols  et  les  Italiens  nous  l'ont  emprunte  (voy.  Rom, 
XIII,  622).  Ce  vers  répondrait  au  trimètre  iambique  scazon: 

Baiana  nostri,  Basse,  villa  Faustini. 

Entendons  bien  ce  que  veut  dire  l'auteur.  Il  n'a  pas  l'idée  qu'un  vers  rythmique 
provienne  d'un  vers  métrique  par  la  substitution  de  l'accent  à  la  quantité;  il 
pense  que,  d'une  versification  grécc-latine  préexistante,  et  fondée  d'ailleurs  sur 
la  quantité,  il  est  sorti  parallèlement  un  vers  métrique  (grec,  puis  latin)  et  un 
vers  rythmique  (latin  vulgaire). 

Je  n'entrerai  pas  dans  la  discussion  de  l'ingénieuse  hypothèse  de  M.  Henry. 
Elle  est  à  coup  sûr  plus  admissible  que  toutes  celles  qui  ont  été  proposées  jus- 
qu'à présent,  et  de  la  façon  dont  la  présente  l'auteur,  elle  peut  ne  pas  trop 
souffrir  du  fait  que  le  trimètre  scazon  métrique  est  assez  rarement  employé  en 
latin  ou  que  le  trimètre  scazon  rythmique  ne  se  rencontre  jamais.  Mais  Tensemble 
de  la  méthode  suivie  par  l'auteur  me  paraît  déîectueux,  et  j'ai  eu  plus  d'une 
fois  occasion  de  le  dire.  Ce  n'est  pas  tel  ou  tel  vers  français  qu'il  faut  rattacher 
à  tel  ou  tel  vers  latin;  c'est  là  un  travail  mécanique  plus  ou  moins  facile,  mais 
toujours  inutile.  Les  vers  f-'ançais  ne  nous  apparaissent  qu'après  l'élaboration  qui 
s'est  opérée  dans  la  langue  aux  temps  mérovingiens,  et  qui,  bouleversant  dans 
la  langue  les  conditions  de  la  tonalité,  a  profondément  modifié  celles  du  rythme. 
Avant  d'essayer  de  montrer  comment  s'est  constitué  le  système  de  la  versifi- 
cation française,  il  faut  étudier  comment  s'est  établi,  à  l'époque  antérieure,  le 
principe  de  la  versification  rythmique  en  regard  de  la  versification  métrique. 
Une  fois  ce  principe  constitué,  les  différents  vers  en  sont  naturellement  issus, 
sans  que  chacun  d'eux  ait  un  rapport  direct  avec  une  des  formes  de  la  versi- 
fication métrique,  d'origine  grecque,  devenues  toutes,  pour  le  peuple,  incompré- 


M 8  COMPTES-RENDUS 

hensibles  avec  le  principe  même  de  cette  versification.  C'est  donc  la  question 
préalable  que  j'oppose  aux  recherches  du  genre  de  celles  de  M.  Henry,  tout  en 
rendant  justice  à  la  science  et  à  la  pénétration  dont  il  fait  preuve. 

Je  n'ajouterai  qu'un  mot,  sur  un  sujet  qui  me  tient  au  cœur.  M.  Henry, 
d'accord  avec  M.  Meyer,  de  Spire,  trouve  exagérée  l'importance  que  j'accorde 
au  septénaire  rythmique,  dont  les  chansons  populaires  de  l'époque  impériale 
nous  ont  conservé  quelques  fragments.  Il  est  cependant  impossible  de  nier 
que  les  vers  des  soldats  d'Aurélien,  où  le  rôle  de  l'accent  est  incontestable,  se 
rattachent  à  ceux  des  soldats  de  César,  oii  l'accent  est  encore  joint  à  la  quantité. 
Non  seulement  dans  ces  vers,  et  dans  tous  ceux  du  même  genre  que  nous  con- 
naissons, le  second  membre  se  termine  par  un  proparoxyton  ou  par  un  mono- 
syl'abe;  mais  encore  dans  tous  le  nombre  des  syllabes  est  rigoureusement  le 
même  ;  le  vers  se  divise  en  deux  membres,  l'un  de  huit,  l'autre  de  sept  syllabes; 
dans  le  second  membre  l'alternance  régulière  des  toniques  et  des  atones  est  sans 
exception;  dans  le  premier  il  n'y  a  d'exceptions  (et  encore  bien  rares)  que  pour 
les  trois  premières  syllabes.  Voilà  des  caractères  qui,  dès  la  première  apparition 
de  ce  vers,  le  différencient  nettement  du  tétramétre  trochaïque  catalectique  tel 
que  nous  le  rencontrons  ailleurs.  Je  n'insiste  pas,  ayant  l'intention  de  revenir, 
dans  un  travail  spécial,  à  cette  question  de  première  importance. 

Je  tiens,  en  terminant,  à  faire  remarquer  que  j'ai  depuis  longtemps  abandonné 
l'idée  que  la  versification  latine  ait  pu  être  rythmique  dès  l'origine,  et  que  le 
saturnien  fût  fondé  sur  l'accent.  Il  était  peut-être  permis  d'avoir  des  opinions 
semblables  il  y  a  vingt  ans;  ce  serait  moins  excusable  aujourd'hui,  et  je  demande 
à  mes  contradicteurs  de  vouloir  bien  ne  plus  me  les  attribuer.  Je  ne  puis 
d'ailleurs  souhaiter  d'en  rencontrer  de  plus  courtois  que  M.  Henry. 

G.  P. 

La  Chanson  de  Roland.  Nouvelle  édition  classique,  précédée  d'une  introduction 
et  suivie  d'un  glossaire,  par  L.  Clédat,  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Lyon. 
Paris,  Garnier,  1886,  in-12,  xxxv-223  p. 

Ce  qui  distingue  la  «  nouvelle  édition  classique  »  de  M.  Clédat  des  éditions 
antérieures,  et  notamment  des  «  éditions  classiques  »  de  M,  Gautier,  c'est  sur- 
tout, à  ce  qu'il  nous  dit  lui-même,  qu'il  a  francisé  le  texte  d'Ox''ord.  «  C'est-à- 
dire,  ajoute-t-il,  que  nous  avons  adopté  l'opinion  de  la  majorité  des  romanistes, 
qui  considèrent  la  chanson  de  Roland  comme  d'origine  française.  La  langue  de 
la  Chanson  de  Roland,  telle  que  nous  la  rétablissons,  est  donc  le  français  du 
xi«  siècle,  d'où  dérive  le  français  actuel.  Ce  n'est  plus  (?)  le  dialecte  d'où  est 
sorti  le  patois  normand.  » 

Il  y  a  plus  d'une  observation  à  faire,  et  sur  le  point  de  départ  du  système 
du  nouvel  éditeur,  et  sur  la  façon  dont  il  l'a  appliqué.  Est-il  sûr  d'abord  que 
«  la  majorité  des  romanistes  »  regarde  le  Rollant  comme  français  ou  plutôt 
francien.?  L'absence  de  formes  en  -ui  pour  0  tonique  plus  /  et  surtout  déformes 
en  i(S3uf  j/rc,  qui  est  sans  doute  une  forme  empruntée,  et  engignent.  qui  peut 
s'expliquer  autrement),  pour  è  tonique  plus  /,  indique  au  contraire,  comme 
je  l'ai  remarqué  {Rom.,  IX,  407),  la  marche  de  Bretagne,  pays  dont  Roland 
était   comte,   comme  le  berceau  de  la  chanson    où    il    est   célébré,    et    cela 


CLÉDAT,  La  Chanson  de  Roland  i  ^9 

s'accorde  fort  bien  avec  la  f^rande  place  faite,  non  à  saint  Michel  en  générai, 
mais  à  saint  Michel  du  Péril  de  la  Mer.  Je  ne  m'arrête  pas  à  demander  à 
M.  Clédat  ce  qu'il  entend  par  «  le  patois  normand  »,  ni  à  rechercher  si  le  lan- 
gage du  copiste  du  ms.  d'Oxford  (car  il  ne  s'agit  que  de  lui)  peut  être  l'ancêtre 
d'un  parler  normand  quelconque;  ce  qui  est  certain,  c'est  que  le  vernis  dont  ce 
scribea  revêtu  le  texte  est  un  vernis  anglo-normand,  et  que  M.  Clédat  a  bienfait 
de  l'effacer.  Entre  la  langue  du  RolLmt  et  celle  qu'on  parlait  à  Paris  au  xie  siècle, 
il  n'y  avait  sans  doute  pas  grande  différence,  et,  surtout  dans  une  édition  clas- 
sique, il  valait  mieux  en  tout  cas  raporocher  le  Rollant  du  français  de  France 
que  de  l'anglo-normand.  Mais  la  tâche  n'était  pas  aussi  facile  que  semble  l'avoir 
cru  l'éditeur  :  «  L'opération,  dit-il,  consistait  surtout  à  remplacer  par  des  0 
les  u  provenant  d'o  longs  ou  d'u  brefs  latins  ».  C'est  là  une  question  de  graphie 
qui  n'a  d'importance  que  pour  l'œil  :  qu'on  l'écrive  0,  qu'on  l'écrive  u,  le  son 
en  question  n'est  pas  celui  du  français.  Le  français  moderne  (voy.  Rom.,  X,  40) 
rend,  comme  on  sait,  ô  tonique  du  latin  vulgaire  (ô,  «classiques)  par  ou  quand 
il  est  entravé  \tour),  par  eu  quand  il  est  libre  (fleur)  ;  il  ne  peut  descendre  d'un 
idiome  qui  ne  tait  aucune  différence  entre  les  deux  (tor  et  flor,  ou  tur  t\  flur  ri- 
ment ensemble).  La  langue  du  Rollant  n'est  donc  pas  «  le  français d'où  dérive 

le  français  actuel  ».  J'ai  indiqué  plus  haut  une  autre  différence.  On  peut  encore 
en  signaler  d'autres  pour  des  mots  isolés,  comme  D.u  pour  Dieu,  chadir  pour 
chadeir\  peut-être  m.disme  pour  medesme.  Je  me  borne  à  celles  qui  sont  attes- 
tées par  l'assonance,  et  que  l'éditeur  ne  pouvait  faire  disparaître  ;  si  on  exa- 
minait chaque  mot  du  texte,  on  pourrait  se  demander  si  le  nouvel  éditeur  a 
toujours  bien  mis  la  forme  française  au  lieu  de  formes  dialectales:  cons,  par 
exemple,  n'est-il  pas,  à  ce  point  de  vue,  préférable  à  cuens,  ah  à  as,  charnels  à 
chameilz,  etc  ?  Mais  en  général  il  faut  reconnaître  que  M.  C.  .a  rempli  avec 
soin  et  attention  la  tâche  qu'il  s'était  assignée. 

Il  ne  s'est  pas  borné  à  franciser  le  texte  du  Rollant;  il  l'a  encore  archaïsé, 
notamment  par  une  importante  innovation,  dont  il  ne  parle  p^s  dans  sa  préface, 
et  qui  est  pourtant  ce  qui.  au  premier  coup  d'oeil,  distingue  le  plus  nettement  son 
édition  de  touies  celles  qui  l'ont  précédée,  je  veux  parler  de  la  restitution  cons- 
tante du  d  intervocal.  Il  est  certain  que  le  copiste  d'O  avait  sous  les  yeux  un 
modèle  qui  conservait  ce  d,  sinon  toujours,  au  moins  souvent,  et  qu'il  l'a  sup- 
primé à  peu  près  partout,  bien  qu'en  le  conservant  çà  et  là  par  négligence 
(chiedent,  vsdeir,  etc.)  2.  M.  C.  a  fait  pour  le  Ko//ii/7^  ce  que  j'ai  fait  pour 
V Alexis,  ce  que  j'ai  conseillé  (Rom.,  XIII,  129I  pour  le  Pèlerinage,  et  ce  que  j'ai 
appliqué  au  Rollant  même  dans  un  choix  d'extraits  actuellement  sous  presse  5  : 


1 .  Il  n'est  pas  sûr  que  chadir  et  chadeir  n'aient  pas  existé  à  côté  l'un  de  l'autre, 
comme  tenir  et  teneir.  Mais  cette  forme  soulève  une  question  fort  délicate  au  poiut  de  vue 
chronologique,  que  je  traiterai  dans  une  note  spéciale. 

2.  La  version  norvégienne  a  dû  être  faite  sur  un  ms.  qui  avait  aussi  conservé  çà  et  là 
ce  d.  Le  neveu  de  Marsile,  appelé  Aelroth  dans  0,  y  est  nommé  Adeiroth,  et  peut-être  le 
curieux  contre-sens  commis  sur  le  mot  arrement  (rendu  par  adra  ir.and,  d'autres  hommes) 
prouve-t  il  que  l'original  français  avait  gardé  ici  la  forme  adrement,  restituée  par  M.  Clédat. 

3.  M.  Stengel  a  procédé  de  même  dans  un  spécimen  du  Rollant  qu'il  a  inséré  dans  le 
livre  encore  inédit  dédié  à  la  mémoire  de  Caix  et  Canello. 


140  COMPTES-RENDUS 

il  a  rétabli  le  </,  tombé  à  la  fin  du  xi«  siècle,  dans  tous  les  mots  où  il  a  droit  de 
figurer.  Cette  opération  n'est  pas  sans  présenter  à  l'occasion  des  dilficultés. 
M.  Cl.  me  paraît  s'en  être  fort  bien  tiré  ;  je  ne  vois  qu'une  remarque  à  lui  sou- 
mettre. Si  on  rétablit  le  d  devant  r  {pedre,  adrement,  etc.),  il  semble  qu'il  faille 
également  le  rétablir  devant  /,  et  imprimer  non  seukmenl  crodlede,  modiez  (0  a 
crollcc,  molle:;  pourquoi  M.  C.  a-t-il  niohz  à  côté  de  crollede?),  mais  Radiant. 
On  sait  que  l'existence  de  cette  forme  dans  des  textes  poétiques  français  est  at- 
testée par  des  témoignages  provençaux  et  sans  doute  aussi  par  le  Turpin  (cf. 
Rom.,  XI,  485). 

Voici  encore  quelques  formes  qui  me  paraissent  critiquables  dans  la  nouvelle 
édition.  Le  /  final  est  mis  ou  omis  sans  régularité.  Il  aurait  mieux  valu  réserver 
l'/z  initiale  aux  mots  d'origine  germanique  et  à  hait  ;  on  aurait  ainsi  évité  défaire 
croire  et  de  croire  soi-même  que  Vh  d'origine  latine  pouvait  se  prononcer  et 
empêcher  l'élision  nécessaire  (v.  13,  20;  en  revanche,  au  v.  3,  il  faut  altaigne 
et  non  hal'aigne).  Les  signes  diacritiques  sont  employés  très  sobrenient;  on  au- 
rait pu  en  être  encore  plus  avare:  à  quoi  bon  un  tréma  dans  avions,  puisque 
io,  ion  forment  toujours  deux  syllabes  ' .?  Quel  risque  y  a-t-il  qu'on  Use.  fredrè, 
puisqu'aucun  mot  ne  se  termine  pare?  N'est-il  pas  fâcheux  d'employer  l'ac- 
cent à  distinguer  les  homonymes  {set,  set  ;  n'es,  nés),  ce  qui  lui  assigne  deux 
fonctions  si  différentes.''  et  si  on  le  fait,  pourquoi  ne  pas  distinguer  aussi  les 
deux  /o,  les  deux  si,  les  trois  la,  etc.?  Quand  on  entre  d.ins  cette  voie  dan- 
gereuse, on  ne  sait  plus  où  s'arrêter.  L'éditeur  écrit  saive  et  sage;  il  fallait  par- 
tout la  dernière  forme.  Filiastre  est  mauvais,  et  d'autant  plus  singulier  que 
l'éditeur  écrit,  bien  à  tort  selon  moi,  paille,  artimailk  (qu'il  m'attribue,  mais 
j'ai  proposé  artimdlie,  etc.).  La  graphie  jiet.t  est  contraire  à  tout  l'usage  du 
moyen  âge  (Rom.  II,  104)  ;  mais  que  dire  de  jiou,  Hou?  Ce  sont  là  des  formes 
qui  n'ont  jamais  existé.  Je  préfère  nedreguarde  à  redreguarde,  le  composé  étant 
assez  récent.  Faicon,  lion,  et  autres  cas-sujets  me  paraissent  douteux;  au  moins 
dès  l'époque  du  Rollant  on  devait  dire  falcons,  lions.  De  bonc  aire.,  de  pute  air. 
sont  des  erreurs  (voy.  Rom.,  [IX,  159).  Enchadcignez  129  est  impossible  dans 
une  assonance  en  ê;  il  faut  enchadenez. 

Pour  la  constitution  du  texte,  M.  C.  s'est  borné  à  corriger  çà  et  là  le  ms. 
d'Oxford  soit  à  l'aide  des  autres  manuscrits,  soit  par  conjecture  ;  il  ne  paraît  pas. 
avoir  essayé  de  se  rendre  compte  du  rapport  des  différentes  recensions.  Prenant 
donc  son  texte  comme  une  simple  revision  du  dernier  texte  de  M.  Gautier, 
j'en  ai  lu  les  mille  premiers  vers,  et,  sous  la  réserve  faite  ci-dessus,  j'ai  trouvé 
cette  revision  en  général  intelligente  et  satisfaisante.  Cependant  dans  plus  d'un 
passage  l'éditeur  a  laissé  subsister  des  leçons  que  le  sens,  la  mesure  ou  l'asso- 
nance devaient  lui  faire  corriger;  beaucoup  des  corrections  nécessaires  avaient 
été  faites  ou  suggérées  soit  dans  les  éditions  de  Miiller,  Bohmer,  Hofmann.,  soit 
dans   divers  recueils  (notamment    dans    la   Ronunia) ,   et  il    faut    reprochera 


I.  Sauf  dans  marions  227,  départions  1900;  mais  muriuns  du  ms.  doit  être  interprété 
morjons,  et  le  ms.  porte  departum  =  départons. 


L.  CLÉDAT,  La  Chanson  de  Roland  141 

M.  Clédat  de  ne  pas  les  avoir  connues.  Voici  quelques  cas  relevés  dans  ma  lec- 
ture, faite  très  en  courant;  j'y  joins  quelques  endroits  où  le  nouvel  éditeur  a  cru 
devoir  moJifier  le  texte  sans  nécessité  ou  sans  réussir  à  l'améliorer  réellement. 
Je  signalerai  d'abord  les  infractions  à  l'assonance,  pour  lesquelles  je  dépasse  la 
partie  du  poème  que  j'ai  lue  attentivement.  Un  a  oral  ne  peut  assoneravec  un  a 
nasal  :  il  taut  donc  changer  redreguarde  858.  hanslt  1273,  sale  3707,  marches 
3716,  amiralz  2%i\\  en  et  an  féminin  ri'assonent  pas:  prendre  est  donc  fautif 
3710;  cinelïm  n'assonent  pas:  mainent  de  manent  est  donc  impossible  983  (cf. 
Rom.  X,  29S);  -aille  n'assone  pas  avec  £,  «,  il  faut  donc  changer  venlaille  1293. 
Une  leçon  évidemment  erronée  est  celle  des  v.  527-8,  où  dans  une  laisse  en  è 
on  lit  : 

Tanz  riches  reis  conduit  a  mendistiet: 

Quant  iert  il  mais  recredanz  d'osteiier  ? 

Il  est  clair  que  ces  deux  vers  ont  été  par  erreur  repris  à  la  laisse  suivante,  où 
ils  figurent  à  bon  droit.  11  faut  les  remplacer,  comme  l'ont  fait  d'autres  éditeurs. 
La  faute  la  plus  choquante  est  celle  du  v.  1986,  où  chadeite  ('  cadecta)  figure 
dans  une  laisse  en  a  léminin.  La  bonne  correction  n'a  pas  encore  été  trouvée, 
que  je  sache,  mais  il  en  faut  une. 

Passons  aux  leçons  proprement  dites.  V.  27  pourquoi  changer  esmaiiez  en 
esmaiur?  —  40  (et  encore  ailleurs)  è  pour  et  est  une  erreur  qui  m'étonne  chez 
un  savant  aussi  versé  dans  la  syntaxe  que  l'est  M.  Clédat;  cet  emploi  de  et  est 
bien  connu.  —  124  devez  (G.  vaut  mieux  que  devons.  —  147  Vo  t  par  osîages 
est  changé  en  Ço'st;  j'aimerais  mieux  Ça  erl,  mais  je  préférerais  encore  Vos. — 
216  est-il  bien  nécessaire  de  changer  (avec  G.)  l'ordre  des  mots  pour  mettre 
respont  à  la  fin  du  vers  en  place  de  nevot?  —  234  entendut,  neutre,  me  paraît 
préférable  à  entenduz.  —  307  que  veut  dire  Tôt  !ols  ?  je  lis  Trut  !  lots.  —  3  SS  •' 
faut  estrait  et  non  estraiz,  et  le  vers  signifie:  «  Vous  êtes  parents  de  fort  près.  » 

—  391  il  vaut  bien  mieux  lire  avromes  (et.  922)  que  changer  lote  en  tait  pour 
obtenir  la  forme  suspecte  amomei.  —  397  la  ponctuation  traditionnelle  était 
bonne.  —  400  je  serais  porté  à  corriger  plutôt  Le  rei  mcdisme  (et  non  Li  reis). 

—  455  je  lirais  Sil  deûssez.  —  4i6  la  leçon  d'O,  mei  l'avient  a  sojrir,  me  paraît 
fort  bonne  ;  G.  corrige  me /'cuv/^/jf,  M.  Cl.  fort  bizarrement  mei  l'enu'ut. — 
505  \'e  d'oncles  ne  peut  s'élider  ;  il  faut  supprimer  et.  bien  que  cela  semble  un 
peu  dur.  —  p  5  Giiaz,  que  M.  Cl.  remplace  par  Faz  (avtc  G.)  est  fort  bon; 
voyez  la  discussion  de  tout  ce  passage  Rom.  Xil,  401,  où  est  aussi  indiquée 
au  V.  519  la  leçon  v  rtisset.  —  523  pourquoi  un  point  d'interrogation?  —  605 
le  complément  du  vers  dé  ectueux  5'//  i  est,  bien  qu'admis  par  tous  les  éditeurs 
depuis  Mùller,  est  peu  satisfaisant.  La  trahison  de  Guenelon  consiste  précisé- 
ment à  faire  que  Rolar.d  soit  à  l'arrière-garde  :  «  s'i!  y  est  0,  en  quoi  peut  il  le 
tralir  encore.?  On  pourrait  lire  dcmaneis.  —  634  la  leçon  d'O  est  bonne,  en 
supprimant  la;  reine.,  commt  reis,  sire,  dame,  peut  se  passer  d'article.  —  727  je 
ne  vois  pas  bien  la  nécessité,  ici  et  732,  de  chinger  vers,  ver  en  ors,  ni  de 
changer  set  en  scveut  au  v.  735,  non  plus  que  la  en  l\n  au  v.  779.  —  Le  v.  830 
est  depuis  longtemps  une  crux  interprclum;  la  leçon  d'O  Suz  sun  manlel  en  fait 
la  cuntenance  est  lort  obscure:  la  correction  de  Mùller,  adoptée  par  M.  G.  en- 
fuit (il  faudrait  enfuet),  est  ingénieuse,  mais  on  ne  trouve  pas  d'emploi  analogue 


1^2  COMPTES-RENDUS 

d'enfoir  en  ancien  français  '  ;  M.  Cl.  lit  en  ''uit,  et  traduit  (au  glossaire)  :  «  Char- 
lemagne,  en  se  cachant  sous  son  manteau,  se  soustrait  à  la  nécessité  de  faire 
bonne  contenance  »  ;  c'est  bien  cherché  et  peu  vraisemblable.  —  836  jolis 
plutôt  m  une  avison  d'angele.  —  856  pourquoi  changer  Terre  Cerlaigne  en  De  la 
C?  les  noms  de  pays  ne  prennent  pas  l'an'cle^.  —  907  je  lirais  plutôt  Si 
nos  mandrat  à  cause  de  la  construction. 

M.  Cl.  a  accompagné  son  texte  d'une  brève  introduction  littéraire  5,  d'une 
esquisse  grammaticale  4,  et  d'une  analy:.e  bien  faite,  insérée  par  morceaux  entre 
les  divers  épisodes  du  poème,  et  qui  en  facilitera  certainement  l'intelligence.  Il 
n'a  pas  cru,  et  à  bon  droit,  devoir  y  joindre  une  induction  ;  je  regrette  qu'il 
n'y  ait  pas  eu  presque  pas  mis  de  notes  :  ce  ne  sont  pas  seulement  des  expli- 
cations grammaticales  dont  ce  texte  a  besoin  (et  il  s'en  laut  qu'on  puisse  toutes 
les  mettre  au  glossaire)  :  un  commentaire  littéraire,  historique,  archéolo- 
gique lui  donnerait,  pour  les  lecteurs  auxquels  il  est  destiné,  beaucoup  plus 
de  clarté  et  surtout  d'intérêt.  La  poésie  du  RoUant  n'est  pas  d'un  accès  aisé,  et 
il  me  semble  qu'il  eût  été  bon  d'en  faciliter  l'abord  ;  c'est  ce  qu'a  fait  M.  Gau- 
tier dans  son  édition  classique,  et  son  exemple  était  bon  à  suivre. 

Le  glossaire,  étant  purement  explicatif,  ne  contvent  que  les  mots  qui  ont 
beaucoup  changé  ou  manquent  dans  le  français  moderne,  et  ne  renvoie  pas  aux 
passages  où  ils  figurent.  L'éditeur  justifie  cette  double  restriction  par  le  besoin 
de  ménager  la  place;  mais  en  elle-même  elle  a  de  réels  inconvénients.  Les  ar- 
ticles dece  glossaire,  généralement  très  satisfaisant,  sont  parlois assez  étendus  et 
comprennent  des  faits  de  syntaxe,  des  rapprochements,  etc.  ;  en  outre,  on  y 
trouve,  simplement  indiquées,  les  étymologies  latines.  En  le  lisant,  j'ai  fait,  au 
point  de  vue  de  la  forme  des  mots,  de  leur  étymologie  ou  de  leur  explication, 
quelques  remarques  que  je  consigne  ici,  dans  l'idée  qu'elles  pourront  servir  à 
l'auteur  pour  une  nouvelle  édition,  que  son  utile  publication  ne  saurait  manquer 
d'avoir  bientôt. 

Abatre,  absolument  «  être  vainqueur  ».  Où  donc  trouve-t-on  ce  sens.? 

Ate,  d'où  adate,  aate,  ne  peut  venir  d'adapîum,  qui  aurait  donné  adal  ;  il 
doit  provenir  d'habitum;  cf.  malate  à  côté  de  malade  (corriger  ainsi  ce  que 
j'en  ai  écrit,  Rom.  III,  378). 

Amore.  M.  Suchier  a  montré  il  y  a  longtemps  que  ce  mot  n'existe  pas  ;  il 
faut  lire  la  mon. 


1 .  On  peut  comparer  l'emploi  d'enclore  dans  ce  vers  :  En  sun  mantel  son  chef  enclôt 
(Folie  Trisiran.  éd.  Michel,  t    II,  p.  112). 

2.  M.  Cl.  fait  précéder  on  deux  endroits  (2489,  2758)  le  mot  Sebre,  singulière  et 
constante  altération,  encore  inexpliquée,  da  nom  de  fleuve  Ebre,  de  l'article,  qu'il  n'a  ja- 
mais dans  le  ins  ;  c'est  peut-être  pour  se  conformer  à  une  opinion  de  Mûllerqui  me  pa- 
raît assez  peu  fondée 

5.  M.  Cl.  dit  que  dans  notre  chanson  la  «  capitale  de  la  France  est  placée  tantôt  à 
à  Paris,  tantôt  à  Laon.  tantôt  à  Aix  ».  Paris  n'tst  pas  mentionné  dans  le  Rollant,  et 
c'est  là  une  assez  giave  distraction. 

4.  Je  relève  (p.  i  >0;  un  passage  tout  à  fait  incompréhensible.  «  En  p  ésence  de  la 
forme  t  drecez  »,  1-j  première  pensée  de  l'élève  sera  sans  doute  de  cherciier  drecER,  qu'il 
ne  trouvera  pas  :  l'infinitif  de  ce  verbe  est  drec.ER  »-.  mais  alors  pourquoi  pas  dreciez  ?  Le 
plus  singulier,  c'est  que  dans  le  texte  (v.  2829),  o.i  lit  correctement  dreciez. 


L.  CLÉDAT,  La  Chanson  de  Roland  14^ 

Angrest  pour  engrcs  est  une  fantaisie  sans  aucune  base,  qu'il  faut  simplement 
rayer. 

Bjcheler.  L'étymologie  de  ce  mot  reste  inconnue  ;  mais  pourquoi  voufoir  qu'il 
vienne  de  iachelaie?  C'est  évidemment  l'inverse  qui  est  vrai. 

Barbamosche ;  «  la  forme  française  actuelle  serait  Barbcinouchc  ».  Alors  pour- 
quoi ne  pas  écrire  par  a  tous  les  e  féminins? 

Bricon  «  misérable,  fou  »  :  rayer  le  premier  mot  {Rom.  IX,  626). 

Bue.  «  Paraît  de  même  famille  que  buste,  dont  il  a  le  sens  ».  Erreur  bien  su- 
rannée ;  tout  le  monde  sait  que  bue  veut  dire  «  tronc  »  et  non  «  buste  ji,  et  est 
l'ail,  bue  (au).  Baueh). 

Conteneer.  Pourquoi  cette  graphie.?  il  faut  eonteneicr. 

Enhaiticr,  «  bénir  ».  Je  lis  au  vers  1693  gue  vos  en  haitet  f  et  je  comprends 
tout  autrement. 

Envadir  viendrait  d'un  vçrhtvadir,  mais  vadere  n'a  rien  donné  en  roman  , 
itivadir  vient  d'i  nvadire  pour  in  vadere. 

Esjredcr  «  effrayer  et  courroueer  >■.  :  ni  l'un  ni  l'autre,  mais  «  troubler  »  (Rom. 
X,  443). 

Eslegier  «  lat.  *exlitigare,  disputer  ».  Tout  est  faux,  et  on  a  assez 
éclairci  ce  mot  pour  qu'une  pareille  explication  ait  lieu  de  surprendre  (voy. 
Rom.  Xll.  382). 

Esloltie  «  lat.  *stultiam  ».  Il  se  rattache  peut-être  plutôt  à  estait  de  l'ail, 
stolt. 

Estorn.,  I.  Estorm. 

Eve:  d'après  la  graphie  adoptée  par  l'éditeur,  il  fautive. 

Geste.  Geste  Fr'ancor  3262  devait  être  laissé  tel  quel  ;  c'est  ici  le  pluriel  latin 
Gesta  Fra  corum. 

Guige,  «  origine  incertaine;  étoffe  qui  servait  d'ornement  ou  d'attache  au 
bouclier.  •  Lisez:  «  origine  germanique:  bande  qui  suspendait  l'écu  au  cou  ». 

Jamcil.  Le  ms.  a  jjmeiz  au  plur.,  qui  renverrait  en  effet  à  jjmeil.,  mais  un  é 
lermé  ne  pourrait  assoner  avec  è,  ai;  il  faut  lire  jamtls,  au  sg.  jamel.  Le  lat. 
*gamelum  (aussi  dans  G.)  m'est  inconnu. 

Judise  :  «  le  vrai  judise,  c'est  la  vraie  religion  ».  Où  est  ce  sens.? 

Laidement.  A  propos  du  vers  où  il  est  dit  que  Marsile,  blessé,  plein  de  dou- 
leur et  de  honte,. Sor  la  vert  (tl  non  verte)  erbe  moll  laidement  se  colchet,  M.  Cl. 
fait  cette  singulière  remarque:  «  Laidement  est  un  adverbe  de  nature  qui  est  ap- 
pliqué à  l'action  de  Marsile  parce  que  celui-ci  est  un  mécréant.  C'est  comme  si 
l'auteur  disait  :  le  mécréant  Marsile  se  couche  sur  l'herbe  ». 

Lorent.  Cette  forme  est  inconnue  au  moyen  âge,  qui  de  Laurenlium  fait 
régulièrement  Lorenz. 

Luder :  I.  loder,  de  lûtare  (Rom.  X,  43). 

Matir  me  paraît  n'avoir  rien  à  faire  avec  le  mat  des  échecs,  mais  tenir  à  mate. 

Nois:  <(  origine  incertaine  ».  Mais  l'étymologie  nausea  est  très  bien  établie. 

Nosehe  ne  signifie  pas  «  collier  »,  mais  «  bracelet  ». 

Puleelle  •  vient  d'un  diminutif  de  pulla,  qui  a  lui-même  donné  poule  », 
preuve  qu'il  n'est  pas  l'auteur  indirect  de  pulcele.  qui  seraa  polcele  ;  pullicella 
est  un  diminutif  de  puella,  où  l'u  s'est  allongé  par  suite  de  sa  fusion  avec  i'c. 


144  COMPTES-RENDUS 

Quat  «  subst.  verbal  du  vieux  verbe  quatir=  secouer  »  ;  on  voudrait  connaître 
l'étymologie  de  qiiatir. 

Quile  «  lat.  *quittum,  qui  se  rattache  à  quietum  ».  Q_uittum  ne  pourrait 
donner  que  quil;  qmti  est  l'adj.  verbal  de  qah'uf  (cf.  Rom.  Vlll,  448). 

Sain:.  Il  y  a  longtemps  que  nous  avons  ind  que  ici  (X,  304)  la  jolie  décou- 
verte de  M.  Suchier,  qui  a  reconnu  dans  «  les  Saints  »  la  ville  de  Xanten, 

Sa^cou^  lat.  sarcogum  pour  sarcophagum  »;  cette  forme  barbare  est 
bien  inutile;  sarcophagum  donn;  régjlicrement  sarcuef,  plur.  sarcdes.,  à'oh 
plus  tard  le  sing.  sarcue,  changé  ensuite  en  sjrcueil,  ccrcutU. 

SoJuisant  ei,l  une  forme  erronée;  on  ne  trouve,  au  moins  dans  ce  sens,  que 
soduuint. 

Terremoete  «  lat.  terra  mota  »  ;  c'est  impossible,  on  aurait  tcrremodc  ;\\sez 
*  movita  (cf.  Rom.  X,  58). 

TincI  est  présenté  (d'après  G.)  comme  un  diminutif  de  tlgnum  ;  mais  l'étymo- 
logie  de  ce  mot  a  été  donnée  depuis  longtemps  par  Diez  :  il  vient  de  tTna  avec 
le  suflF.  -a  le  m  et  non  -ellum  .  C'">mme  le  montre  l'assonance 

.A  côté  de  ces  observations,  dont  quelques  unes  n-.ontrent  que  l'auteur  ne  se  tient 
pas  suffisamment  au  courant  des  acquisitions  journalières  de  la  science,  il  serait 
injuste  de  ne  pas  ajouter  que  !e  glossaire  de  M.  CI.  contient  des  remarques  fort 
intéressantes,  notamment  en  ce  qui  concerne  la  syntaxe,  et  qu'il  paraît  bien  ap- 
proprié au  but  que  l'auteur  s'est  proposé  après  M.  Gautier,  et  que  nous  leur 
souhaitons  à  tous  deux  d'atteindre:  faire  une  édition  du  RolLint  qui  rende  le 
texte  compréhensible  sans  trop  de  peine,  et  en  faciliter  ainsi  l'introduction  et 
l'usage  permanent  dans  le  haut  enseignement  secondaire.  En  ce  sens  l'édition  de 
M.  Clédat  marque  certainement  un  progrès  sensible  ;  il  saura  sans  doute,  en  la 
revoyant  et  en  la  complétant,  la  rapprocher  de  plus  en  plus  de  la  perfection. 

G.  P. 


Sur  la  versiBcat'on  anglo-normande,  par  G.  Vising.  upsula,  Almqvit  et 
Wiksel!,  1S84.  ln-8",  91  pages. 

Le  titre  de  cet  opuscule  peut  induire  en  erreur  sur  l'objet  traité.  On  s'attend 
à  des  recherches  sur  quelques-uns  des  faits  qui  caractérisent  la  versification 
du  français  transplanté  en  Angleterre,  notamment  sur  les  formes  de  vers  ou  de 
strophes  en  usage  dans  la  poésie  anglo-normande,  et  on  s'aperçoit  avec  quelque 
surprise  que  l'auteur  traite  d'un  seul  point,  à  savoir  si  la  versification  des  poètes 
anglo-normands  est  ou  n'est  pas  syllabique,  comme  celle  des  poètes  français  du 
continent.  C'est  assurément  une  question  qui  intéresse  la  versification,  mais  en 
réalité  elle  se  rattache  bien  plus  encore  à  la  phonétique,  puisqu'il  s'agit  en 
somme  desavoir  comment  les  Anglais  prononçaient,  à  des  époques  déterminées, 
certains  sons  français.  Je  m'empresse  d'ajouter  que  mon  observation  s'adresse 
surtout  à  ceux  qui  se  sont  occupés  du  sujet  avant  M.  Vising,  et  qui  ont  traité 
la  question  sous  un  titre  qui  ne  lui  convenait  pas.  L'opuscule  de  M.  V. 
est  en  effet  un  travail  de  critique  dans  lequel  l'auteur  passe  en  revue,  un  peu 
longuement  peut-être,  et  discute  les  théories  exposées  par  ses  devanciers  sur  la 
constitution  du  vers  anglo-normand.  Ces  théories  sont  i''  celle  de  M.  Suchier, 


visiNG,  La  versification  anglo-normande  145 

adoptée  par  divers  savants  allemands,  et  en  dernier  lieu  par  M.  Fœrster  1,  selon 
laquelle  la  versification  anglo-normande,  tout  en  restant  en  partie  romane,  aurait 
subi  fortement  l'influence  germanique  (ici  anglaise),  en  ce  sens  que  les  vers 
anglo-normands  ne  seraient  plus  strictement  syllabiques  comme  les  vers  français, 
mais  auraient  comme  élément  constitutif,  outre  la  rime,  un  nombre  fixe  d'accents 
dans  chaque  vers;  2"  celle  des  savants  français  (qui  sont  les  deux  directeurs  de 
la  Romania)  selon  laquelle  la  versification  anglo-normande  n'aurait  admis  aucun 
principe  étranger  à  la  versification  française  du  continent,  mais  présenterait  des* 
irrégularités,  des  incorrections,  si  l'on  veut,  causées  par  ia  rapide  altération  que 
les  sons  français  ou  normands  éprouvèrent  sur  le  sol  anglais.  M.  V.  se  rallie  à 
«  la  théorie  des  savants  français  »,  ce  que,  naturellement,  nous  ne  pouvons 
qu'approuver,  et  il  fait  valoir  contre  la  théorie  de  M.  Suchier  (ou  dont  il  croit 
M.  Suchier  l'auteur)  d'assez  bons  arguments.  S'élevant  à  des  considérations  de 
haute  psychologie,  M.  V.  veut  bien  dire  que  l'opinion  à  laquelle  il  se  range 
n'est  pas  seulement  «  une  théorie  de  savants  français  »,  mais  que  «  c'est  une 
théorie  toute  française  en  comparaison  des  autres  plus  comoliquées  qu'ont  pro- 
posées les  Allemands  B.  C'est  là  une  appréciation  qui  nous  flatte,  mais  sur 
laquelle  il  n'appartient  pas  à  un  Français  de  se  prononcer.  Qu'il  me  soit  permis 
toutefois  défaire  remarquer  à  M.  V.  que  les  «  théories  allemandes  »  ne  sont 
pas  aussi  proprement  allemandes  qu'il  se  le  figure.  M.  Suchier  n'a  guère  fait 
autre  chose,  dans  son  mémoire  sur  la  Vie  de  seint  Auban  2,  que  développer  des 
idées  déjà  émises  par  M.  Atkinson,  l'éditeur  de  la  vie  de  saint  Alban.  Et  c'est 
parce  que  j'avais  dès  l'origine  contesté  absolument  >  les  vues  de  M.  Atkinson 
sur  la  façon  de  scander  les  vers  anglo-normands,  que  je  n'ai  pas  cru  utile  de 
discuter  celles  de  M.  Suchier. 

Tout  en  donnant  raison  à  M.  V.  (et  comment  ne  le  ferais-je  pas,  puisque 
l'opinion  qu'il  a  adoptée  est  celle  que  G.  ParJs  et  moi  avons  toujours  soutenue.?), 
je  ne  puis  m'empêcher  detrouver  que  sa  discussion  est  un  peu  molle,  qu'elle 
place  sur  le  même  plan  des  arguments  de  valeur  inégale,  qu'enfin  il  ne  pose  pas 
avec  assez  de  décision  la  question  sur  son  véritable  terrain.  Les  faits  sont  ceux- 
ci  :  les  irrégularités  métriques  (si  l'on  veut  les  vers  faux)  sont  incomparable- 
ment plus  nombreuses  dans  les  mss.  anglo-normands  que  dans  les  mss.  français 
du  continent.  Cela  admis,  on  se  demande  ordinairement  si  ces  irrégularités  sont 
de  véritables  fautes  commises  soit  par  les  auteurs  soit  par  les  copistes,  ou  si 
elles  peuvent  être  légitimées  par  une  manière  de  scander  propre  à  l'Angleterre. 
Je  n'hésiterai  certainement  pas,  d'accord  avec  M.  V.,  à  accepter  la  première 
explication  et  à  rejeter  la  seconde.  Mais  je  crois  que  la  question,  posée  en  termes 
aussi  généraux,  n'est  pas  susceptible  d'une  réponse  tout  à  fait  satisfaisante.  Il  y 
a  un  tri  à  faire  entre  les  documents  sur  lesquels  on  raisonne.  Avant  tout  il 
importe  de  ne  pas  confondre  les  irrégularités  introduites  par  les  copistes  avec 


1.  Dans  un  article  du  Cenîralblatt  du  24  janvier  1885,  qu'il  a  réimprimé  en  grande 
partie  dans  la  préface  du  t.  IX  de  son  Altjranzœsische  Bibliothek.,  et  qui  vise  à  réfuter 
le  travail  dont  nous  rendons  compte. 

2.  Voy.  Romania,  XI.  144. 

3.  Dans  VAthentsum  du  24  juin  1876. 

Romania,  XV.  10 


146  COMPTES-RENDUS 

celles  dont  les  poètes  eux-mêmes  ont  la  responsabilité.  Ceux  qui  ont  manié  des 
mss.  anglo-normands  (et  j'en  ai  manié  plus  que  personne)  savent  qu'un  grand 
nombre  de  ces  mss.  sont  l'œuvre  de  scribes  anglais  qui  ne  savaient  qu'un 
français  fort  corrompu,  et  ne  pouvaient  avoir  aucune  idée  de  la  mesure  des  vers. 
Ces  copies  doivent  être  résolument  écartées  :  il  n'y  a  rien  à  en  tirer  pour  la 
question  qui  nous  occupe.  Les  seuls  textes  à  invoquer  sont  ceux  que  nous 
sommes  assurés  d'avoir  tels  qu'ils  sont  sortis  de  la  plume  des  auteurs,  soit  que 
nous  possédions  l'autographe  même  du  poète  ou  une  copie  faite  sous  ses  yeux 
et  revisée  par  lui,  soit  que  les  copies  se  présentent  dans  des  conditions  telles  que 
la  restitution  de  l'original  puisse  être  faite  à  coup  sur.  Or,  jusqu'ici,  nous 
n'avons  pour  aucun  ouvrage  de  la  littérature  anglo-normande  une  édition  critique 
fondée  sur  un  classement  certain  des  copies,  et  d'autre  part  la  vie  de  saint  Alban, 
qui  a  été  le  point  de  départ  des  recherches  de  M.  Atkinson  et  de  M.  Suchier, 
est  un  document  sans  autorité  pour  le  point  qui  nous  occupe,  puisqu'on  ignore 

.quand  le  poème  a  été  composé  et  dans  quelle  mesure  l'unique  copie  qu'on  en 
possède  est  fidèle  à  l'original,  l'opinion  de  M.  Alkinson,  qui  attribue  la  vie  de 
saint  Alban  à  Mathieu  de  Paris,  étant  évidemment  inacceptable.  De  sorte  qu'en 
somme  on  a  opéré  jusq^j'à  présent  sur  des  données  tout  à  fait  insuffisantes.  Mais 
actuellement  nous  avons  au  moins  deux  poèmes,  du  même  auteur,  il  est  vrai,  et 
contenus  dans  le  même  ms.,  pour  lesquels  une  copie  autographe  nous  est  par- 
venue :  c'est  la  traduction  du  Dialogue  de  saint  Grégoire  et  de  la  vie  de  saint 
Grégoire  par  frère  Anger.  de  Sainte-Frideswyde.  Voilà  un  texte  absolument  sûr 
et  précieux  en  ce  qu'il  est  daté  de  temps  et  de  lieu  :  la  version  du  Dialogue  a 
été  achevée  en  12  12,  celle  de  la  vie  de  saint  Grégoire  en  1214,  et  ces  deux 
ouvrages  ont  été  composés  et  copiés  à  Oxford.  Je  n'hésite  pas  à  dire  que  la 
publication  de  la  vie  de  saint  Grégoire  dans  le  t.  XII  delà  Romcinia  a  porté  le 
coup  de  grâce  au  système  de  MM.  Atkinson,  Suchier  et  consorts,  et  on  peut 
regretter  que  M.  V.  n'en  ait  pas  tiré  parti  dans  sa  discussion  1.  En  effet,  le  texte 
parfaitement  sûr  d'Anger  nous  offre  un  vers  construit  d'après  les  principes 
adoptés  dans  la  versification  française  du  continent.  «  C'est,  avec  une  correction 
«  un  peu  moindre,  la  versification  de  tous  les  poètes  de  la  France  continentale 

.  t  qui  vivaient  au  même  temps  »  [Romania^  XII,  201).  Ce  que  j'appelle  une 
correction  un  peu  moindre  consiste  en  ceci  que,  de  temps  à  autre,  les  postto- 
niques ne  comptent  pas  dans  la  mesure,  principalement  lorsqu'elles  sont  en  hiatus 
avec  la  tonique  qui  précède.  C'est  ainsi  que  la  finale  -ent  ne  compte  pas  dans 
ce  vers:  Grâces  rendaient  dévotement  (v.  2588).  Mais  il  n'y  a  là  rien  de  con- 
traire  au  principe  fondamental  de  la  versification  française,  qui  est  la  fixité  du 

■nombre  des  syllabes.  Sur  le  continent,  au  xiip  siècle,  on  faisait  sonner  la  finale 
atone  de  rendaient,  et  par  conséquent  on  la  comptait  pour  une  syllabe  ;  en 
Angleterre,  au  contraire  on  ne  la  prononçait  pas  et  par  conséquent  on  pouvait 
ne  pas  la  compter.  Mais  on  pouvait  aussi  la  compter,  parce  qu'en  Angleterre 
le  français  devenait  de  plus  en  plus  une  langue  littéraire,  soustraite  dans  une 


1.  Il  est  à  croire  que  lorsque  la  vie  de  saint  Grégoire  a  paru,  le  travail  de  M.  Vising 
était  déjà  rédigé. 


visiNG,  La  versification  anglo-normande  147 

mesure  variable  à  l'influence  du  langage  parlé  et  par  contre  soumise  jusqu'à  un 
certain  point  à  l'influence  du  français  continental.  Il  est  parfaitement  admis- 
sible que  pour  le  cas  susindiqué  un  poète  ait  suivi  tantôt  sa  propre  pronon- 
ciation, tantôt  l'usage  continental  qui  reposait  sur  une  prononciation  difTérente. 
En  tout  cas,  il  est  absolument  sûr  qu'aucun  principe  nouveau,  inconnu  au  fran- 
çais de  France,  n'est  intervenu  dans  la  versification  d'Anger.  Faut-il  admettre 
que  le  principe  nouveau,  emprunté  à  la  versification  germanique,  que  suppose 
M.  Suchier,  et  qu'Anger  n'a  certainement  pas  connu,  a  pris  place  dans  la 
versification  d'autres  poètes  anglo-normands?  Mais  alors  qu'on  me  présente  des 
textes  siirs,  et  non  pas  des  textes  oia  on  ne  sait  distinguer  ce  qui  appartient  au 
copiste  de  ce  qui  est  l'œuvre  de  l'auteur,  et  nous  discuterons.  Présentement  on 
n'a  produit' qu'un  seul  texte  réellement  digne  de  confiance:  les  poèmes  d'Anger, 
et  ce  texte  est  absolument  contraire  aux  théories  que  combat  M.  V.  et  que  je 
combats  avec  lui. 

Ce  n'est  pas  que  tous  les  poèmes  anglo-normands  aient  eu,  à  mon  sens,  le 
degré  de  correction  qu'offre  frère  Anger.  Je  ne  prétends  rien  de  pareil.  Il  a  pu 
exister  au  même  temps  des  poètes  beaucoup  moins  corrects.  En  certains  milieux 
le  français  s'est  conservé  mieux  qu'en  d'autres.  Les  poètes  nés  en  Angle- 
terre qui  avaient  eu  occasion  de  séjourner  en  France  devaient  écrire  en  meilleur 
français  que  ceux  de  leurs  confrères  qui  n'avaient  pas  eu  le  même  avantage.  En 
somme,  s'il  est  vrai  que  le  français,  et  par  suite  la  versification,  a  été  s'altérant 
de  plus  en  plus  à  partir  de  la  conquête,  et  surtout  à  partir  du  temps  où  Jean- 
sans-Terre  eut  perdu  ses  possessions  continentales,  on  ne  saurait  pourtant, 
sans  témérité,  fixer  des  règles  linguistiques  générales  s'appHquant  à  l'ensemble 
des  poètes  d'une  époque.  Dans  les  cas  même  oij  on  peut  prouver  que  l'irrégu- 
larité dans  le  nombre  des  syllabes  est  le  tait  du  poète,  il  y  a  lieu  de  repousser 
absolument  le  système  de  MM.  Atkinson  et  Suchier,  qui  comptent  les  accents 
au  lieu  de  compter  les  syllabes.  M.  V.  dit  (p.  50)  que  pour  de  telles  irrégula- 
rités la  seule  explication  possible  est  que  les  poètes  «  ont  mal  appliqué  les 
règles  de  la  versification  française  »  ;  et,  au  fond,  il  a  raison,  bien  que  l'expres- 
sion ne  réponde  pas  tout  à  fait  à  la  réalité.  Vainement  M.  Fœrster  '  prétend 
qu'il  vaudrait  autant  dire  que  les  poètes  n'ont  pas  su  compter  4,  6,  ou  8  sylla- 
bes !  En  vérité,  la  chose  n'est  pas  si  simple,  et,  s'il  y  a  ici  autre  chose  qu'une 
boutade,  M.  P'œrster,  qui  aime  à  reprocher  à  ses  adversaires  de  ne  pas  comprendre 
la  question,  s'expose  au  même  reproche.  Car  on  peut  savoir  compter  jusqu'à  huit 
et  ne  pas  savoir  quels  sont  les  éléments  qu'il  faut  compter.  Les  éléments  ce  sont 
ici  les  syllabes.  Ne  perdons  pas  de  vue  que  beaucoup  de  poètes  anglo-normands, 
et  des  meilleurs,  devaient  être  indécis  entre  leur  propre  prononciation  et  l'usage 
qu'ils  voyaient  suivi  dans  les  poèmes  écrits  sur  le  continent.  Mais  il  y  a  plus. 
On  peut  être  très  fort  en  calcul  et  ne  pas  savoir  qu'un  vers  doit  avoir  8,  10, 
12  syllabes.  Or  tel  était  certainement  le  cas  d'un  grand  nombre  de  poètes  anglo- 
normands,  surtout  au  xin«  siècle,   lorsque  la  fréquence  des    rapports    avec  la 


Dans  l'article  indiqué  ci-dessus. 


148  COMPTES-RENDUS 

France  eut  diminué.  Beaucoup  rimaient  en  français,  parce  que  c'était  la  mode, 
qui,  en  dehors  de  la  rime,  n'avaient  qu'une  idée  fort  confuse  des  règles  de  la 
versification  romane  et  qui,  assurément,  se  préoccupaient  moins  encore  d'ap- 
pliquer les  règles  de  la  versification  anglaise. 

D'ailleurs  est-il  donc  en  soi  si  étrange  que  des  Anglais,  prononçant  le  français 
autrement  que  les  Français  du  continent,  n'aient  pas  su  mesurer  leurs  vers,  ou 
même  n'aient  pas  su  —  je  l'admets  pour  quelques-uns  —  qu'il  fallait  les  me- 
surer.? Le  contraire  eût  été  véritablement  surprenant.  Et  ce  qui  s'est  passé  en 
Angleterre  s'est  produit,  bien  que  sur  une  moindre  échelle,  dans  le  nord  de 
l'Italie.  Les  jongleurs  de  la  Lombardie  et  de  la  Vénétie,  quand  ils  se  sont  misa 
versifier  en  français,  ont  eux  aussi  péché  contre  la  mesure,  faisant  des  vers  trop 
longs  et  des  vers  trop  courts.  Dira-t-on  que  leur  manière  de  versifier  a  été 
déterminée  par  une  influence  germanique.?  Je  tiens  donc  pour  vraie  la  thèse 
soutenue  par  M.  V.,  bien  qu'il  ne  l'ait  pas  appuyée  de  tous  les  arguments 
qu'une  connaissance  plus  approfondie  de  la  poésie  anglo-normande  aurait  pu 
lui  fournir. 

M.  Vising  connaît  de  la  poésie  anglo-normande  ce  qu'on  en  peut  connaître  par 
les  livres,  et  c'est  peu  de  chose.  La  «  Revue  des  poèmes  anglo-normands 
publiés  »  qui  occupe  les  dernières  pages  de  son  opuscule,  montre  combien  il  est 
difficile  de  se  faire  de  ce  rejeton  de  la  littérature  française  une  idée  correcte, 
quand  on  a'a  pas  fouillé  les  bibliothèques  anglaises.  M.  V.  est  obligé  de  confesser 
qu'il  n'a  pas  fait  figurer  dans  ses  listes  «  Helys  de  Vinchester,  Samson  de 
«  Nanteuil,  Hugh  de  Rutland,  Simon  du  Fresne,  Adam  de  Ros,  John  de 
«  Hoveden,  David,  Bozun,  Thomas  de  Kent,  et  l'auteur  du  Beuve  d'Hanstone, 
((  tous  cités  par  Warton  ou  M.  'Wright  et  ses  devanciers  »,  parce  qu'il  n'avait 
pas  sur  ces  personnages  des  renseignements  suffisants.  Il.y  avait  là  deux  ou 
trois  noms  à  exclure,  mais  les  autres  devaient  être  mentionnés,  et  ce  n'est  pas 
s'excuser  que  dire  qu'on  manque  d'informations.  Il  fallait  se  procurer  ces  infor- 
mations ou  renoncer  à  dresser  des  listes  qui  ne  peuvent  être  qu'incomplètes.  Outre 
que  cette  «  Revue  »,  limitée  aux  ouvrages  publiés,  est  peu  utile,  elle  est  disposée 
selon  un  ordre  fort  arbitraire  et  appelle  diverses  rectifications.  En  voici  quelques- 
unes:  P.  69  «  Un  poète  qu'on  a  nommé  Herman  n'a  peut-être  jamais  existé  ». 
C'est  un  des  poètes  les  plus  remarquables  du  xw  siècle,  mais  il  est  continental. 
Pourquoi  M.  V.  (p.  77)  dit-il  que  la  traduction  de  saint  Grégoire  par  Anger 
est  «  probablemml  de  l'an  1212  »  .?  La  date  est  aussi  précise  que  possible.  Le 
Renaut  de  Montauban  cité  p.  78  est  français  d'origine,  quoique  copié  et  çà"  et 
là  remanié  en  Angleterre.  Les  Dits  mentionnés  en  haut  de  la  p.  80  {Du  roy  ki 
avait  me  amie,  de  la  femme  et  de  la  pye)^  sont  non  pas  du  xii"  siècle,  mais  de  la 
fin  du  xiiF  ou  même  du  xiv^,  puisqu'ils  sont  de  Nicolas  Bozon  {Romania,XUl, 
506-7  et  518).  Les  poèmes  du  ms.  Lambeth  522  (p.  80)  sont  du  xiii"  siècle  et 
non  du  xir.  P.  84  M.  V.  dit  que  «  stlon  M.  Meyer  Raùf  de  Linham  écrivait  en 
1256  ».  Je  n'ai  pas  sur  ce  point  d'autre  opinion  que  celle  de  Raiit  lui-même,  qui 
a  daté  son  ouvrage.  J'ai  cité  le  passage  dans  mon  rapport  sur  les  mss.  de  Glas- 
gow. Pour  le  xive  siècle  la  bibliographie  de  M.  V.  est  singulièrement  incomplète. 
Le  poème  de  Chandos  le  héraut  sur  le  Prince  Noir  n'y  est  pas  mentionné. 

En  somme  M.  Vising  a  fait  un  travail  judicieux  et  soigné,  qui  toutefois 
n'ajoute  pas  notablement  à  nos  connaissances.  P.  M. 


PÉRIODIQUES 


i.  —  Revue  des  langues  romanes,  ^^  série,  XIV;  juillet  188^.  —  P.  1- 
23,  Chabaneau,  Sainte  Manc-MadcUine  dans  la  littérature  provençale  (suite).  A 
défaut  d'un  mystère  provençal  de  sainte  Marie-Madeleine  qui  a  pu  exister,  bien 
que  nous  n'en  possédions  pas  la  preuve  certaine,  M.  Chabaneau  publie  quelques 
extraits,  où  figure  la  Madeleine,  du  mystère  provençal  de  la  Passion  que  ren- 
ferme le  ms.  Didot,  et  dont  )'ai  préparé  une  éditron  destinée  à  la  Société  des 
anciens  textes.  —  P.  44,  J.-P.  Durand  (de  GrosI,  Notes  de  philologie  rouergate. 

—  P.  47-51,  Lambert,  Contes  populaires  du  Languedoc,   «  La  femme  qui   est 
plus  rusée  que  le  diable  ». 

Août  1885.  —  P.  53,  Chabaneau,  Sainte  Marie-Madeleine  dans  la  littérature 
provençale  (suite).  Notes  sur  les  textes  précédemment  publiés.  —  P.  72,  Cha- 
baneau, Sur  quelques  manuscrits  provençaux  perdus  ou  égarés.  Appendice.  Sur  les 
travaux  de  Pierre  de  Chasteuil-Gallaup ,  du  président  de  Mazaugues  et  de  Jean  de 
Chasteuil-Gallaup.,  concernant  la  littérature  provençale.  M.  Ch.  donne,  d'après  un 
recueil  de  notes  variées  conservé  dans  une  bibliothèque  privée  et  ayant  appar- 
tenu à  Fauris  de  Saint-Vincent,  cinq  notices  biographiques  relatives  à  autant  de 
troubadours.  C'est  un  débris  de  l'histoire  des  troubadours  qu'avait  composée 
Pierre  de  Gallaup,  et  dont  on  avait  perdu  la  trace.  J  avais  cru  pouvoir  autrefois 
supposer  à  cet  ouvrage  une  certaine  valeur,  croyant  que  l'auteur  avait  eu  à  sa 
disposition  un  chansonnier  provençal  aujourd'hui  perdu  {Romania,  I,  55).  Mais 
j'ai  reconnu  depuis  longtemps  qu'il  n'y  avait  là  qu'une  illusion  ivoy.  Romania, 
XII,  402),  et  en  effet  les  notices  de  Pierre  de  Gallaup  sont  tout  à  fait  insigni- 
fiantes. Suit  un  fragment  dans  lequel  le  président  de  Mazaugues  conteste  avec 
raison  diverses  assertions  de  J.  de  Nostre-Dame.  Vient  ensuite  un  extrait  d'un 
ouvrage  imprimé  et  fort  connu  de  Jean  de  Gallaup  (père  de  Pierre)  relatif  à 
l'histoire  fabuleuse  de   Tersin.   Rien  de   tout  cela  n'offre  un  bien    vif  intérêt. 

—  P.    89-93,  Guichard.    Une   version  dauphinoise  de  /'  «  Escriveto  ».  Voy.  ci- 
dessus  p.  :  I  I . 

P.  M. 

II.  -  Ro.M.AXiscHE  STUDIEN,  VI,  1,  Juan  di  Valdès,  Dialogo  de  Mercurio  y 
Caron.,  publié  par  Boehmer,  —  VI,  2.  Boehmer.  Catalogue  de  la  littérature  rétoro- 
mane. — VI,  3.  P.  2  i9,Bcehmer,  Catalogue  de  la  littérature  rétoromane,  suite,  3wec 


1^0  PÉRIODIQUES 

additions  et  corrections.  —  P.  239.  Gartner,  Die  zchn  Aller ,  eine  rdtoromanische 
Bearbeitung  aus  dem  16.  Jahrhundert.  M.  Gartner  nous  donne  l'édition  d'un  texte 
très  important  en  haut  engadinois  du  xvi«  siècle,  imité,  ou  plutôt  traduit  de 
l'allemand,  composé  par  Gebhard  Stuppan  avant  1564,  car  dans  cette  année  la 
pièce  fut  représentée  à  Ardetz.  L'éditeur  a  joint  à  son  texte  quelques  observa- 
tions grammaticales  et  un  glossaire  complet  et  très  utile.  Il  est  dans  la  nature 
des  choses  que  toutes  les  difficultés  n'aient  pas  été  levées  du  premier  coup.  Ainsi 
M.  Gartner  traduit  intschin  par  «  Schmeichelei  »,  en  pensant  à  intschais,  encens; 
c'est  plutôt  ruse  r=  ingenium.  Lùdi,  que  M.  Gartner  n'explique  pas,  vient  pro- 
bablement de  la  Suisse  allemande  qui  a  le  mot  ludi  dans  une  signification  défa- 
vorable; liidi  chiauns  est  tout  à  fait  ludihans.  Huntra  est  encore,  à  ce  qu'il  me 
semble,  un  mot  emprunté  à  l'allemand  :  Huntra^  Satanas^  serait  en  ail.  de  la 
Suisse  undereSalan^c'tsVï-àxTt  :  «  A  bas  Satan  ».  Partschett,  que  M.  Gartner  a 
pourvu  d'un  signe  d'interrogation,  se  trouve  aussi  Josef  2S1  :  A  cura  tu  vainst 
partschett  da  que,  et  quand  tu  seras  en  possession  de  cela.  C'est  le  latin  perceptus. 
M.  Gartner  m'a  mal  compris  en'disant  que  j'ai  traduit  Arch.lY^,  43  mock  par 
klumpen  ;  j'ai  dit  «  mock  =:  mocke,  stûck^klumpcn  ■»,  et  les  deux  mots  allemands 
devaient  donner  la  signification  du  mot  dialectal.  Pour  mil  viers  l'éditeur  aurait 
pu  comparer  Susanna  i\od.  —  P.  303,  Gartner,  W.  v.  Humboldt  iïbcr  Ràtoro- 
manisches.  Nebst  Ungedrucktem  von  M.  Conrad'u  Humboldt  avait  demandé  à  Con- 
radi,  l'auteur  d'une  grammaire  rétoromane  et  d'un  dictionnaire,  une  série  de 
mots  dont  l'origine  lui  semblerait  incertaine  et  il  avait  pourvu  ces  mots  de 
notes  étymologiques.  M.  Gartner  publie  ces  notes  avec  des  matériaux  recueillis 
par  Conradi.  —P.  355.  Bœhmer,  Zum  Praedicativiis  casus.  Sur  quelques  obser- 
vations de  M.  Schuchardt,  —  P.  335.  Bœhmer,  Supplément  au  catalogue  cf.  p. 
219.  —  P.  336.  Bciblajt.  Contient  des  polémiques.  Cette  fois  c'est  le  tour  de 
M.  Ascoli. 

J.  Ulrich. 

III.  —  RoMANiscHE  FoRSCHUNGEN,I,  3  (1883  ')•— P.  3  27,  Andresen,  Sur 
les  sources  employées  par  Benoît  dans  sa  chronique  (nous  parlerons  de  ce  travail 
quand  il  sera  terminé).  —  P.  413,  Rœnsch,  Remarques  sur  le  texte  lombard  de 
Dioscoride.  —  P.  415,  Vogel,  Sur  le  texte  d'Hégésippe. —  P.  4i8,Weiland,  Vers 
(non  inédits)  de  Guillaume  de  Saint-Hilaire  de  Poitiers  à  l'antipape  Clément  III. 
—  P.  419,  Rœnsch,  Contributions  à  la  latimiè  biblique  d'après  le  ms.  de  Saint-Gall 
des  Evangiles.  —  P.  426,  Hotmann,  Sur  la  question  des  dialectes  :  Paris  devrait 
être  compté  dans  la  Bourgogne  (?)  ;  c\t3iûon  in  extenso  de  curieux  passages  de 
Roger  Bacon  relatifs  aux  dialectes  français.  —  P.  428,  Hofmann,  Notes  complé- 
mentaires sur  Am\s  et  Amiles  ff  Jourdain.  —  P.  429,  Hofmann,  N  proclitique  en 
ancien  français  :  Naimer i  esl  dsius  des  chartes  lorraines,  n'est  donc  pas  provençal. 
Mais  qui  prouve  que  ce  nom  ne  vient  pas  de  l'épopée.''  Il  n'est  nullement  sûr 
que  Naimes  s'explique  par  Dominus  Hcimoih  forme  primitive  du  sujet  est  Namalo. 


I.  Par  suite  de  circonstances  fortuites,   ce  compte  rendu  paraît   fort  en  retard.  Nous 
nous  remettrons  prochainement  au  courant. 


PÉRIODIQUES  151 

d'où  NamU,  Nalc  et  d'autre  part  Naimc.  —  P,  429,   Hofmann,  Tcn  de  Bire  : 
serait  le  pays  de  la  Berre  (Birra)^  où  Charles  Martel   battit  !es  Sarrazins ,  et 
Imphe  serait  pour  Nuncs;    mais  Birt   n'est   pas  Bcrrc.  Il  est  très    probable  que 
Birc  zz:  Btric  ^:   BUic ;  on  trouve  ailleurs  la  forme  Bile,   qui   est   équivalente, 
sans  que  d'ailleurs  cela  éclaircisse  la  question  d'identité.  —  P.  430,  Hofmann, 
Sur  la  chronologie  de  la  chanson  de  Roland  ;  voy.  Rom.,  XIV,  415.  —  P.  432, 
Hofmann,  Taillefcr  cl  la  bataille  de  Hastings.  Henri  de    Huntingdon,  GeofFroi 
Gaimar,  le  Carmen  de  bello  Haslingensi  parlent  de  Taillefer  comme  d'un  jongleur 
qui  exécute  des  tours  d'adresse  en  vue  des  Anglais,  mais  ne  mentionnent  pas  la 
chanson  de  Roland,  que   Wace  lui  fait  chanter.  «  La  relation    de  la  chanson 
de  Roland  à  la  bataille  de  Hastings  provient  uniquement  de  Wace  ».  Cela  n'est 
vrai  que  pour  le  nom  de  Taillefer,  qui  n'est  qu'un  détail.  William  de  Malmesbury 
il.  III,  ji  242)  dit:  0  Tune  cantilena  Rollandi  inchoata,  ut  martium  viri  exemplum 
pugnaturos  accenderet...    praeiium   consertum   est».    Taillefer    était   jongleur 
[mimas  dans  le  Carmen)  i  rien  n'empêche  qu'il  ait  fait  la  prouesse  qui  lui  valut 
la  mort  après  avoir  chanté    quelques  strophes  du  Roland.  Le  témoignage  de 
Wace,  confirmé  par  celui  de  W.  de  Malmesbury,   repose  sur  la  tradition,  et 
n'est  nullement  dénué  de  valeur.  —  P.  434,  Hofmann,   Les  deux  Roland  dans 
Turpm.  —  Ib.    Hofmann,  La  plus  ancienne  source  de  la  légende  de  Barbe- Bleue  ; 
dans  le  Saint  Graal  en  prose.  Mais  pourquoi  citer  la   version  galloise  au  lieu  du 
texte   français    (Perceval  en  prose,   éd.  Potvin,   251,    299)?   Le    cruel    époux 
s'y  appelle  Aristot  et    non  Aristor,  et  qu'a-t-il   à    faire  avec   Mac  Alister?  — 
P.  43^,  Hofmann,  Sur  Chardry.  Il  a  imité  deux  vers  de  Chrétien:  à  la  bonne 
heure;    mais  aussi  ce  vers  du  Brut  de  Munich  :  Tant  as,  tant  vaus  et  je   tant 
t'ain;    malheureusement    il    est    aussi    dans    Wace    (v.     1790).    —    P.  436, 
Hofmann,  Corrections  au  texte  ^ê  Joufroi.  —  P.  437,  Hofman,  Le  futur  en  -ri  et 
la  traduction  d'Ezéchiel.  Ce  futur  placerait    ce  texte  dans  la   Suisse  romande, 
peut-être  à  Romainmotier  dans  le  pays  deVaud.  —  P.  438,  Hofmann,  Pf/rj;?^;/- 
dans  le  PiTziwal  de  Wolfram;   serait  dans  le  Graisivaudan  et  plus  précisément 
la   Grande    Chartreuse.   —    P.    459,  Baist,  Sur   Wace,   Rou,   III,   3079-99: 
l'histoire  des  manteaux   pris  pour  sièges  et  laissés  {Rom.,  IX,  515)   peut  être 
réellement  arrivée  à  Robert  de  Normandie.  —  P.   441,   Balst.,  Corrections   à 
Octavicn.  —  P.  441,  Baist,  Etymologies.  Springare  (additions  à  Diez)  ;  serin  zz: 
citrinus  (cette  étymologie,  qui  n'est  d'ailleurs  pas' bonne,  est  celle  deBrachet); 
esp.  pelma,  pelmazo  (pegma?)  ;  nata,  mattone,  suero  (mots  peut-être  indigènes; 
remarques  intéressantes  sur   l'histoire  de   l'industrie  laitière);    hoto   (faut us; 
cf.   Rom.  IX,  35  3»;  v.  f.  rè  (non  pas  ratis.,  mais  ail.  rat,  qui  signifie»  bûcher  » 
et  «  rayon  de  miel  »  ;  le  fém.  rata  a  donné  en  v.  fr.  rèe  (de   miel)  changé  plus 
tard  en  raie).  —  P.  44^,  Rœnsch,  Mélanges  étymologiques  :   Galopparc  (qua- 
drupedare!   Il  est  siîr  que  l'étymologie  de  Diez  est  mauvaise)  ;  verve  (revient 
inutilement  à   verva,   cf.  Rom.    X,   302);    VàftYf  (de  1  ici  a  ri  a,  mais  on  aurait 
licierc);  ovata.,  ouate  (dérivé  non  de  ovum,  mais  de  ovem;   mais  cf.  Littré  et 
Scheler)  ;  vi7(jp/'o  (rattaché  d'une  manière  inadmissible  àvolvere);  quamdius 
déjà  dans  une  inscription  (Orelli,  6206).  —P.  450,  Andresen,  Sur  la  Chresto- 
mathie  provençale   de  Bartsch  (corrections;    l'explication    de   ransana  par   «  de 
Reims  »,  a.  fr.  rancienne,  est  certainement  la  bonne).   —  P.  452-3,  Andresen 


152  PÉRIODIQUES 

et  Baist,  Noples  et  Commibhs  dans  le  Roland^  198  (l'un  serait  Noblejas  près  de 
Tolède,  invraisemblable;  l'autre  est  pour  Conimblesm  Coimbre,  cf.  Rom  ,  XI, 
489).  —  P.  455,  Braunfels,  annonce  de  la  Revisla  Euskara.  —  P.  4^5,  Sette- 
gast;  en  réponse  à  mes  observations  sur  andarc  (Rom.,  XII,  32),  M.  S.  conteste 
(\n'andarc,  aller  aient  essentiellement  le  sens  de  «  s'éloigner  »,  et  il  me  demande 
d'en  fournir  des  preuves.  Mais  le  fait  est  tellement  évident  qu'il  n'a  pas  besoin 
de  preuves:  il  suffit  d'ouvrir  un  texte  quelconque.  M.  S.  dit  que  l'idée  d'éloi- 
gnement  n'est  exprimée  que  par  s'en  aller,  mais  qu'il  compare  s'en  aller  à  s'en 
venir,  et  en  général  l'opposition  constante  de  aller  et  de  venir.  M.  S.  remarque 
ensuite  que  je  n'ai  pas  répondu  aux  objections  de  M.  Fœrster  contre  addere 
gradum  comme  étymologie  à'andare.  C'est  vrai,  mais  c'est  que  j'ai  l'intention 
de  faire  un  jour  une  étude  approfondiesur  cette  question. 

G.  P. 


IV.  —  MÉLANGES  d'Archéologie  et  d'Histoire  (publiés  par  l'Ecole  fran- 
çaise de  Rome.)  .Paris,  Thorin,  Rome,  Spithœver.  In-80,  1881  et  années  suiv. 
—  Nous  ne  pouvons  pas  dire  que  nous  approuvions  la  création  de  ce  nouveau 
recueil  qui  vient,  se  joindre  au  nombre,  déjà  trop  grand  chez  nous,.des  périodiques 
sans  spécialité.  Les  travaux  qui  y  prennent  place  se  rapportent,  en  eflfet,  aux 
sujets  les'plus  variés:  l'antiquité  grecque  ou  romaine,  Thistoire,  la  littérature 
et  les  arts  du  moyen  âge  et  des  temps  modernes,  y  sont  représentés.  Il  y  a  même 
des  comptes-.rehdus  d'ouvrages  nouveaux.  Le  seul  point  commun  est  que  la 
plupart  des  rédacteurs  (non  pas  tous  cependant)  appartiennent  à  l'Ecole  fran- 
çaise de  Rome.  Mais  l'unité  doit  consister  dans  la  nature  des  travaux  et  non 
dans  la  condition  de  leurs  auteurs.  Les  mémoires  d'érudition  s'adressent  à  un 
public  très  restreint,  et  ne  sont  assurés  de  parvenir  à  ce  public  qu'à  la  condition 
d'être  groupés  dans  des  recueils  spéciaux  où  on  sait  d'avance  qu'on  les  trouvera. 
Une  publication 'périodique  où  toutes  les  branches  de  l'érudition  sont  confondues 
ne  prend  place  que  dans  les  bibliothèques  publiques  ou  dans  les  bibliothèques 
privées  de  personnes  qui  n'ont  pas  payé  pour  l'avoir,  et  qui,  d'ordinaire,  ne  la 
lisent  pas.  C'est  ce  qui  arrive  pour  les  Annales  de  Facultés  qui  se  sont,  depuis 
quelque  temps,  multipliées  sans  profit  pour  personne,  surtout  pour  le  budget  de 
l'Enseignement  supérieur.  Nous  observons  d'ailleurs  qu'en  France  comme  en  Al- 
lemagne, l'accroissement  immodéré  des  recueils  érudits  à  périodicité  plus  ou 
moins  régulière  n'est  pas  un  signe  certain  des  progrès  et  des  besoins  réels  de  la 
science.  Les  innombrables  périodfques  dont  nous  sommes  inondés  surexcitent  la 
production  et  provoquent  la  mise  au  jour  de  travaux  hâtifs,  que  des  rédacteurs 
en  chef  à  court  de  copie  acceptent  trop  facilement,  et  qu'on  regrette  d'avoir  lus. 
Nous  ne  dirons  pas  que  tel  soit  le  cas  des  Mélanges  de  l'École  de  Rome,  qui  sont 
presque  entièrement  rédigés  par  des  jeunes  gens  sortis  de  l'École  normale,  de 
l'École  des  Chartes,  ou  de  l'École  des  hautes  études,  tous  exercés  aux  bonnes 
méthodes  et  animés  du  désir  de  faire  des  découvertes.  Mais  nous  aurions  autant 
de  plaisir  et  plus  de  commodité  à  lire  leurs  écrits  dans  les  périodiques  auxquels 
les  destinait  la  spécialité  de  chacun  d'eux.  Voici  l'indication  des  mémoires  qui 
peuvent  intéresser  les  lecteurs  de  la  Romania. 


PERIODIQUES  in 

I  (1881),  2^9-65,  A.  Thomas.  Un  manuscrit  de  Charles  V  au  Vatican^  notice 
suivie  d'une  étude  sur  les  traductions  françaises  de  Bernard  Gui.  Le  ms.  697  du 
fond  de  la  Reine  au  Vatican  contient  l'exemplaire  unique,  jusqu'à  présent, 
d'une  verston  française  de  divers  opuscules  de  Bernart  Gui  exécutés  pour 
Charles  V  par  le  carme  Jean  Golein,  de  qui  on  connaît  depuis  longtemps  d'autres 
travaux.  Le  ms.  même  sur  lequel  M.  Th.  appelle  pour  la  première  fois  l'atten- 
tion a  été  fait  pour  la  librairie  de  Charles  V.  M.  Th.  signale  en  passant  divers 
mss.  latins  de  Bernart  Gui,  jusqu'ici  non  étudiés.  C'est  un  travail  intéressant 
et  bien  fait  qui  sur  certains  points  complète  le  grand  mémoire  de  M.  L.  Delisle 
sur  Bernart  Gui.  Un  fac-similé  en  héliotypie  du  premier  feuillet  du  ms.  de  Jean 
de  Golein  est  joint  à  la  publication.  —  II  (1882),  pp.  113-35  ^^  43  ^^o, 
A.  Thomas,  Extraits  des  archives  du  Vatican  pour  servir  à  l'histoire  du  moyen-dge. 
Certaines  parties  de  ce  travail,  riche  en  faits  nouveaux,  ont  été  publiés  d'abord 
dans  h  Romania^  X,  321,  "XI,  177.  Nous  avons  annoncé  l'ensemble  de  la  publi- 
cation, d'après  le  tirage  à  part,  ci-dessus,  XIII,  493.  — V.  (1885),  p.  25-80,  E. 
Langlois,  Notice  du  manuscrit  Ottobonien  2523.  Ce  ms.,  exécuté  dans  le  nord  de 
la  France  entre  1450  et  1460,  contient  un  recueil  très  varié  de  pièces  françaises 
en  prose  et  en  vers,  ayant  en  général  un  caractère  religieux.  M.  L.  a  fait  de 
louables  efforts  pour  joindre  à  sa  description  les  renseignements  bibliographiques 
qu'elle  comportait,  mais  il  est  visible  qu'écrivant  à  Rome,  les  conseils  et  les 
livres  lui  ont  manqué.  On  remarquera  entre  les  morceaux  contenus  dans  le  ms. 
Ottoboni  un  texte  assez  développé  de  l'épître  de  la  Saint-Étienne  (n»  IX);  une 
«  Desputoison  de  Dieu  et  de  sa  mère  »  (n°  X)  en  198  vers,  dont  le  texte  est 
donné  en  entier  par  M.  Langlois.  Si  la  date  indiquée  au  v.  116  est  correcte,  ce 
petit  poème  aurait  été  composé  vers  1 417.  Citons  encore  une  nouvelle  patenôtre 
de  saint  Julien  fn"XI),  cf.  Romania,  XI,  577;  une  nouvelle  copie  (n"  XIII)  ducom- 
put  dont  j'ai  publié  (ce  qu'a  ignoré  M.  L.)  trois  textes  distincts  dans  le  Bulletin 
delà  Société  des  anciens  textes,  1883,  pp.  80  et  102;  un  nouveau  textedes«  dix 
souhaits»  connus  déjà  parla  publication  de  M.  Ritterdans  le  Bulletin  précité, 
année  1877.  —  P.  i  10-4,  E.  Langlois,  La  somme  Acê.  Notice  du  ms.  1063  du 
fonds  de  la  reine  Christine  au  Vatican,  déjà  décrit,  mais  d'une  façon  bien  impar- 
faite par  le  professeur  Brunner  dans  la  Nouvelle  Revue  historique  du  droit  français 
et  étranger. 

P.  M. 

V.  —  Anxuaire  de  la  Faculté  des  lettres  de  Lyon,  troisième  année, 
fasc.  I,  1885.  —  P.  163-192.  L.Clédat,  L(7  Chronique  de  Salimbcne.  Collationde 
l'édition  de  Parme.  1°  Les  cinquarte  premières  pages.  Cette  collation  justifie  l'opi- 
nion déjà  exprimée  par  M.  Clédat  que  les  morceaux  omis  dans  l'édition  de 
Parme  n'ont  pas.  en  général,  une  grande  ûnportance.  Ce  sont  ordinairement  des 
citations  bibliques  accumulées  à  tout  propos  et  hors  de  propos.  Néanmoins,  il 
est  essentiel,  pour  que  la  chronique  recouvre  sa  vraie  physionomie,  que  les  par- 
ties omises  soient  rétablies.  C'est  ce  qui  aura  lieu  dans  une  future  édition  dont 
la  publication  prochaine  est  annoncée.  Mais  nous  ne  voyons  pas  bien  l'intérêt 
qu'il  peut  y  avoir  à  imprimer  dans  une  revue  une  suite  de  passages  sans  valeur 
pour  quiconque  n'a  pas  sous  les  yeux  l'édition  de  Parme.  Nous  le  voyons  d'au- 


I  54  PÉRIODIQUES 

tant  moins  que  la  collation  ne  s'étend  qu'à  une  faible  partie  de  l'ouvrage.  Jusqu'à 
la  page  177  M.  Clédat  indique  les  sources  des  citations  bibliques.  Delà  page  178 
à  la  p.  192  il  s'abstient.  Les  renvois  sont  disposés  d'une  façon  singulière.  Pourquoi 
citer  pour  la  Bible  «  l'édition  Didot  »?  A  quoi  bon  avertir  le  lecteur  de»  ne  pas 
confondre  V Ecclésiastique^  autrement  dit  la  Sapientia  Sirach,  avec  VEccIe- 
siaste  »  (p.  167)? 

P.  M. 

VI.  —  Revue  critique,  avril-décembre  1885.  —  Art.  59.  Gay,  Glossaire 
archéologique  du  moyen  âge  et  de  la  Renaissance  (H.  de  Curzon).  —  60.  Scheler, 
Etude  lexicographique  sur  les  poésies  de  Gillion  le  Muisit  (A.  Delboulle).  —  87. 
Thomas,  Francesco  da  Barberino  et  la  littérature  provençale  en  Italie  (Ch.  J.).  — 
92.  G.Meyer,  Essays  undStudien  zur Sprachgeschichte und  Volkskunde  (V.  Henry). 

—  too  Catalogue  de  la  bibliothèque  de  feu  M.  J.  de  Rothschild  (T.  de  L.  ;  ou- 
vrage capital,  sans  parler  des  temps  plus  modernes,  pour  la  littérature  du 
xve  siècle).  —  119.  Thomas,  De  Joannis  de  Monsterolio  vita  et  operibus  (Ch. 
J.).  —  136.  Documents  bas-tatins,  provençaux  et  français  concernant  la  Marche  et 
le  Limousin  p.  p.  Leroux,  Molinier  et  Thomas,  H  (A;.  —  148.  Gaster,  Litera- 
tura  populara  romana  (E.  Picot  :  article  important).  —  157.  Armitage,  Sermons 
du  xiP  sikle  en  vieux  provençal  (A.  Thomas).  —  160.  Godefroy,  Dictionnaire  de 
l'ancienne  langue  française,  \t\.ivt  F  (A.  Jacques).  —  161.  Schuchardt,  Slawo- 
deutschesund  Slawo-italienisches{L.  L.). —  i66.Toubin,  Dictionnaire  étymologique 
et  explicatif  de  la  langue  française  (A.  Delboulle  :  absurde;  cf.  Rom.  XIV,  633). 

—  204.  Eraclius,  deutsches  Gedicht  des  Xll.Jahrhunderts.,  hgg.  vonGraef  (A.  Chu- 
quet  :  remarques  sur  le  rapport  du  poème  allemand  à  son  original  irançais).  — 
218.  Godefroy,  Dictionnaire  de  l'ancienne  langue  française.,  lettres  G  et  H  (A. 
Jacques). —  240.  Kluge,  Etymologisches  Wœrterbuch  der  deutschen  Sprache  {]tzn 
Kirste  .•  article  intéressant  sur  un  livre  qui  a  de  l'importance  aussi  pour  les 
études  romanes). 


CHRONIQUE. 


Le  19  octobre  1885  la  Hollande  a  perdu  un  de  ses  savants  les  plus  illustres 
et  les  plus  estimés,  M.  le  D""  Jonckbioet,  décédé  à  Wiesbaden,oiJ  il  avait  espéré 
pouvoir  consacrer  un  séjour  d'hiver  à  terminer  la  y  édition  de  son  Histoire  de  la 
littérature  néerlandaise.  M.  Jonckbioet  a  laissé  à  tous  ceux  qui  l'ontconnu  le  sou- 
venir d'une  des  natures  les  plus  richement  douéesqu'on  pût  voir,  d'un  esprit  qui  sa- 
vait varier  ses  occupations  à  l'infini  sans  jamais  se  départir  de  la  rigueur  de  sa 
méthode  detravail.  Néen  1817,  à  la  Haye,  il  s'était  fait  inscrire  en  1835  à  l'uni- 
versité de  Leyde  comme  étudiant  en  médecine  ;  après  avoir  passé  à  la  Faculté 
de  droit,  il  s'arrêta  définitivement  à  l'étude  de  la  langue  et  de  la  littérature  na- 
tionales et  soutint  en  1840  une  thèse  latine  sur  \e S piegkcl  historiacl  de  Lodewyk 
van  Velthen.  Il  représenta  successivement  ces  études,  comme  titulaire  d'une 
chaire  de  lettres  néerlandaises,  à  l'ancien  «  Athénée  illustre»  de  Deventer  (1847), 
à  l'université  de  Groningue  (1854-64)  et  à  celle  de  Leyde  (1877-84).  Pendant 
ces  différentes  périodes  d'activité  scientifique  il  publia  de  nombreux  textes 
moyen-néerlandais,  tels  que  \t  D'ut  su  doctrinale  (1842),  le  Lancelot  (1846-48), 
le  iValcmin  11846-48),  le  Dietsce  Caloen  (1845),  le  Renart  ('<  Van  den  vos  Rei- 
naerde  »,  1856),  Beatrys  et  Carel  ende  EUgast  (1859).  Son  histoire  de  la 
poésie  moyen-néerlandaise  [Gesch'udenis  der  Midden-Ncderlandscht  dichtkanst, 
4  vol.,  1849  a  1855),  fut  écrite  à  une  époque  oi!i  les  études  des  littératures  du 
moyen  âge  n'avaient  encore  acquis  ni  l'étendue  ni  la  précision  qui  leur  ont  été 
données  plus  tard.  Aussi  ce  livre,  si  intéressant  et  si  remarquable  pour  l'époque  où 
il  fut  écrit,  a-t-il  perdu  aujourd'hui  beaucoup  de  son  importance  et  de  sa  valeur. 
On  doit  regretter  que  M.  Jonckbioet  n'ait  plus  trouvé  le  temps,  dans  sa  vie 
si  occupée,  de  le  refondre  et  de  le  renouveler.  A  l'époque  où  il  aurait  fallu  faire 
ce  travail,  son  attention  s'était  plutôt  concentrée  sur  la  littérature  néerlandaise 
du  XVII''  siècle,  qu'il  connaissait  à  fond.  Cependant  l'auteur  a  voulu  dédommager 
son  public  en  donnant,  dans  les  trois  éditions  successives  de  son  histoire  de  la 
littérature  néerlandaise  \Geschiedtnis  der  Nederlandsche  Lctterkunde  ;  la  1"  édition 
est  de  1866-70,  la  2«  est  de  1872,  la  ?«  se  publie  depuis  1881),  une  place  tou- 
jours plus  grande  à  la  littérature  du  moyen  âge,  reprenant  les  questions  du 
Graal,  de  Renart  et  d'autres,  et  les  discutant  à  nouveau  en  utilisant  les  dernières 
recherches  des  savants  allemands  et  français. 


1^6  CHRONIQUF 

Dès  qu'il  eut  entrepris  l'étude  des  lettres  néerlandaises  du  moyen  âge, 
M.  Jonckbloet  comprit  que  ces  études  touchaient  de  trop  près  à  celles  delà  litté- 
rature française  de  la  même  période  pour  qu'il  lui  fût  possible,  non  seulement  de 
ne  pas  en  prendre  connaissance,  mais  encore  de  ne  pas  s'en  occuper  directement. 
Au  sortir  des  bancs  de  la  Faculté,  en  1841,  il  entreprit  une  série  de  voyages 
scientifiques,  visita  plusieurs  bibliothèques  étrangères,  et  en  rapporta  assez  de 
copies  d'anciens  manuscrits  français  pour  pouvoir  donner  successivement  une 
édition  fort  estimable  du  Roman  de  la  CharcU  (inséré  au  tome  II  du  Lancdot 
néerlandais)  ;  l'édition  princeps  de  trois  chansons  de  geste  appartenant  au  cycle 
de  Guillaume  d'Orange  (2  vol.  La  Haye,  chez  Martinus  Nyhoff,  1854)  ^^  ^o" 
Etude  sur  le  roman  de  Renart  (Groningue,  Leipsig,  Paris,  1863).  C'est  surtout 
dans  son  Guillaume  d'Orange  que  M.  Jonckbloet,  à  une  époque  où  les  éditions 
des  vieux  textes  français  se  faisaient  plutôt  au  point  de  vue  des  questions  d'histoire 
littéraire  qu'au  point  de  vue  de  la  linguistique,  a  produit  un  travail  remarquable 
par  les  vues  ingénieuses  de  l'auteur,  et  dont  il  devra  être  tenu  compte  dans  toute 
étude  ultérieure  de  ce  cycle  intéressant.  [Député  à  la  seconde  chambre  des  Etats 
généraux  de  1864  à  1877,  M.  Jonckbloet  prit  une  part  active  à  l'élaboration  de 
la  nouvelle  loi  sur  l'enseignement  supérieur  dans  les  Pays-.Bas  en  1876,  et 
essaya  même  à  cette  époque,  sans  succès,  de  faire  créer  à  Leyde  une  chaire  de 
langues  romanes.  Ses  nombreux  travaux,  ses  fréquents  voyages  avaient  valu  à 
M.  Jonckbloet  de  précieuses  relations  à  l'étranger.  Il  était  membre  correspondant 
de  l'Académie  des  sciences  de  Berlin  et  prenait  une  part  active  aux  travaux  de 
la  Société  des  Flamands  de  France.  Le  gouvernement  français  avait  reconnu  ses 
mérites  en  lui  conférant  la  croix  de  chevalier  de  la  Légion  d'honneur.  Nous  sommes 
heureux  de  consacrer  ici  un  souvenir  sympathique  et  reconnaissant  à  l'aimable 
savant  hollandais  que  plusieurs  romanistes  français  orit  eu  le  privilège  de 
connaître  personnellement  et  qui  a  été  l'initiateur  des  études  romanes  en  Hol- 
lande. —  A.  V.  H. 

—  M.  Henry  Bradshaw,  bibliothécaire  de  l'Université  de  Cambridge,  est 
décédé  subitement  le  12  février  1886  à  l'âge  de  55  ans.  C'était  un  savant 
d'une  érudition  très  variée,  mais  qui  se  résignait  difficilement  à  publier  le  fruit 
de  ses  études.  L'amour  de  la  recherche  le  dominait  et  lui  rendait  pénible  le  labeur 
de  la  mise  en  œuvre  C'est  ainsi  qu'il  avait  fait  sur  Chaucer  des  travaux  consi- 
dérables qu'il  n'a  jamais  rédigés,  et  ce  n'est  que  par  le  témoignage  de  ses  amis 
que  certains  des  résultats  auxquels  il  était  arrivé  ont  été  connus.  Il  était 
l'homme  d'Angleterre  qui  savait  le  mieux  l'histoire  des  anciennes  bibliothèques 
delà  Grande-Bretagne,  et  en  général  la  bibliographie  anglaise.  Les  origines  de 
l'imprimerie  avaient  été  aussi  l'objet  de  ses  recherches.  Ses  publications,  en 
général  peu  étendues,  ne  donnent  qu'une  idée  très  imparfaite  de  la  variété  de 
ses  connaissances.  Il  est  du  reste  à  peu  près  impossible  d'en  former  une  col- 
lection complète,  car  elles  consistent  généralement  en  documents  inédits  ou  en 
très  courts  mémoires  qui  ont  paru  dans  des  recueils  peu  répandus,  ou  même  ont 
été  imprimés  à  part  sans  être  mis  dans  le  commerce.  Bradshaw,  qui  dès  l'ori- 
gine fit  partie,  comme  membre  perpétuel,  de  la  Société  des  anciens  textes  fran- 
çais, a  fait  quelques  publications  qui  touchent  à  nos  études.  La  plus  importante 


CHRONIQUE  •  I  57 

est  est  son  mémoire  sur  les  mss.  Vaudois  de  la  Bibliothèque  de  l'Université  de 
Cambridge,  qui  a  été  réimprimé  par  Todd  dans  son  livre  intitulé  The  books  of 
thc  Vaudûis  (London,  1865^  Bradshaw  était  un  homme  d'un  esprit  élevé  et 
droit.   Sa  mort  prématurée  laissera  à  ceux   qui  l'ont  connu  de  profonds  regrets. 

—  M.  Wilmotte,  ancien  élève  de  l'Ecole  des  Hautes  Etudes  de  Paris,  vient 
d'être  chargé  d'un  cours  de  philologie  romane  à  l'Ecole  normale  des  Humanités 
de  Liège.  M.  Wilmotte  achève  en  ce  moment  un  travail  sur  la  dialectologie 
ancienne  de  la  province  de  Namur. 

—  La  Société  des  anciens  texfes  français  vient  de  mettre  en  distribution  le 
tome  II  de  l'édition  des  œuvres  poétiques  de  Philippe  de  Rémi,  sire  de  Beau- 
manoir,  publiées  par  M.  H.  Suchier.  Ce  volume' appartient  à  l'exercice  de  1885, 
qui  sera  prochainement  complété  par  deux  autres  publications. 

—  Livres  adressés  à  la  Romania  : 

Discours  prononcé  à  l'assemblée  générale  de  la  Société  de  l'histoire  de  France,  le 
26  mai  1885,  par  M.  L.  Delisle,  président  de  la  Société.  (Extrait  de 
y  Annuaire-Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  de  France,  année  1885).  Paris, 
Renouard.  In-8,  60  pages  et  une  planche.  —  Ce  discours  mérite  ici  une 
mention  spéciale  pour  plus  d'un  motif.  D'abord  l'éminent  directeur  de  la 
Bibliothèque  nationale  y  met  en  lumière  l'intérêt  qu'offre  pour  l'histoire  du 
XV"  siècle  la  collection  A.  de  Bastard,  récemment  donnée  à  la  Bibliothèque 
11  s'y  trouve  nombre  de  pièces  (provenant  en  général  des  archives  de  la 
Chambre  des  Comptes}  qui  sont  à  consulter  pour  l'histoire  de  la  littérature 
des  derniers  temps  du  moyen  âge  et  de  quelques-unes  des  plus  célèbres 
bibliothèques  de  ce  temps'.  En  outre  M.  D.  signale  et  décrit,  dans  un 
appendice  à  son  rapport,  un  bien  curieux  recueil  de  poésies  latines  rythmiques 
écrit  en  P>ance  au  xiii"  siècle,  et  qui,  conservé  actuellement  à  la  Lau- 
rentienne  ,  n'avait  été  indiqué  que  fort  sommairement  dans  le  catalogue 
de  Bandini  2.  Les  pièces  qu'il  renferme,  et  qui  sont  au  nombre  de  plus  de 
quatre  cents,  appartiennent  à  des  genres  très  divers.  Elles  sont  anonymes, 
mais  il  a  été  facile  à  M.  D.  de  constater  que  plusieurs  se  retrouvent  ailleurs 
sous  le  nom  du  chancelier  Philippe  de  Grève.  Ce  ms.,  dont  le  contenu  est 
maintenant  parfaitement  connu,  grâce  à  la  description  de  M.  Delisle,  apporte 
à  l'histoire,  toujours  à  faire,  de  notre  poésie  latine  rythmique  un  contingent 
considérable  de  faits  nouveaux  ?. 


1.  M.  Delisle  vient  de  publier  un  inventaire  détaillé  de  cette  précieuse  collection  sous 
ce  titre  ;  Les  collections  de  Bastard  d'Estang  à  la  Bibliothèque  nationale,  catalogue  ana- 
lytique. Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  Daupelcy-Gouverneur,  iSSj,  in-8,  xxij- 5 38  pages. 

2.  Au  tirage  à  part  est  joint  un  fac-similé  en  photogravure  de  deux  pages  du  ms. 

i-  La  publication  de  M.  Delisle  a  appelé  l'attîntion  sur  un  ms.  d'Oxford,  un  peu 
plus  ancien  que  celui  de  Florence,  et  contenant  un  grand  nombre  de  pièces  rythmiques, 
dont  quelques-unes  se  retrouvent  dans  le  recueil  de  la  Laurentienne.  M.  F.  Madan,  sous- 
bibliothécaire  de  la  Bodléienne,  a  adressé  à  M.  Delisle  une  t^ble  de  ce  ms.  qui  a  été 
publiée  dans  la  Bibliothèque  de  l'Ecole  des  Chartes,  XLVI  (1885),  382- j. 


158  CHRONIQUE 

I  Trovatori  nella  marca  Trivigiana.  Studio  di  Tommaso  Casini.  Bologna,  i88j. 
In-8,  41  pages  (Extrait  du  Propagnatore^  t.  XVIII).  —  Mémoire  fait  avec 
soin  et  intelligence,  et  oij  il  n'y  aurait  qu'à  louer  si  l'auteur  était  plus  fa- 
milier avec  la  langue  des  troubadours.  Selon  un  usage  qu'on  ne  saurait  trop 
approuver,  M.  Casini  joint  une  traduction  à  chaque  pièce  provençale  qu'il 
cite,  mais  ces  traductions  laissent  singulièrement  à  désirer,  et  parfois  les 
conclusions  historiques  queprésente  l'auteur  se  fondent  sur  des  interprétations 
erronées.  On  peut  compter  en  moyenne  un  ou  deux  contre-sens  par  strophe 
traduite.  Quelques-uns  de  ces  contre-sens  sont  terribles,  par  ex.  dans  la 
pièce  de  Hugue  de  Saint-Cirq  Lonjamen,  le  vers  Lo  cnms  a  tan  coiregut 
traduit  par  a  il  delitto  a  tanti  cuori  tcnuti  »!  M.  C.  lit  en  effet  cor  regut  en 
deux  mots,  et  croit  bonnement  que  regut  est  provençal.  Le  plus  grave  est 
que  les  éditions  antérieures  donnaient  la  bonne  leçon  correguL  Ceci  doit 
mettre  en  garde  contre  les  corrections  que  M.  C.  fait  à  ses  textes,  souvent 
sans  même  avertir  le  lecteur.  Ainsi,  p.  24,  il  ne  dit  pas  qu'au  vers  19  de  la 
pièce  Canson  ^ue[s]  leu  per  entendre  il  a  corrigé  ci  du  ms.  en  5/;  mais  dans  le 
ms.  corrigé  (fr.  1 521 1)  ci  veut  dire  ijni^  de  sorte  que  le  vers  doit  être  lu  : 
£,  Q.UI  lam  blasma^  défendre.  Il  y  a  bien  d'autres  fautes  dans  la  même  pièce; 
mais  la  plus  maltraitée  de  toutes  les  poésies  publiées  dans  ce  mémoire  est 
certainement  celle  de  la  p.  14,  Una  danseta  vodl  far.^  dont  M.  C.  n'a  pas 
compris  une  seule  phrase.  11  n'a  pas  vu  (non  plus  du  reste  que  M.  Bartsch, 
Ztitschr.  f.  rom.  Phil.  II,  198)  que  le  refrain  devait  être  détaché  des 
vers  qui  précèdent,  et  il  a  eu  le  tort  de  rendre  inintelligible  par  d'intem- 
pestives corrections  des  passages  qui  sont  fort  clairs  dès  qu'on  sait  que  Ve$lai 
et  Anonai  (au  dernier  couplet)  sont  des  noms  de  lieux  fort  connus. 

Lt  rime  provenzali  di  Rambertino  Buvalelli  trovatore  bolognese  del  sec.  XIII. 
Firenze,  1885,  in-8,  32  pages.  —  Cette  publication,  qui  est  fort  élégam- 
ment imprimée,  a  pour  auteur  M.  T.  Casini,  auteur  d'un  mémoire  sur  Bu- 
valelli et  ses  poésies,  qui  a  paru  en  1880  dans  le  Propugnatore.  Ce  mémoire 
contenait  en  appendice  le  texte  des  pièces  de  ce  troubadour.  Nous  fîmes 
alors  remarquer  (Romûn;<7,  IX,  632)  que  le  texte  et  le  commentaire  laissaient 
parfois  à  désirer.  Actuellement  M.  C.  nous  offre  des  mêmes  poésies  une 
nouvelle  édition  incontestablement  améliorée,  mais  encore  assez  fautive,  et 
de  plus  une  traduction  italienne  certainement  littérale,  mais  cependant  peu 
fidèle.  Comme  dans  la  dissertation  ci-dessus  annoncée,  les  contre-sens  y  sont 
nombreux,  et  nous  croyons  que  M.  C.  a  encore  des  progrès  à  réaliser  avant 
d'être  en  état  de  faire  le  recueil  des  poésies  provençales  dues  à  des  trou- 
badours italiens  qu'il  annonce  dans  son  avertissement. 
A, -M.  Elliot,  Contributions  to  a  History  of  the  french  lenguage  oj  Canada 
(Reprinted  from  American  Journal  of  Philology,  vol.  VI,  n"  2).  —  M.  Elliot, 
professeur  de  langues  romanes  à  Baltinfore,  donne  un  aperçu  des  recherches 
qu'il  a  commencées  sur  l'état  du  français  au  Canada,  et  qui  paraissent  devoir 
être  fécondes  en  résultats.  L'essay  qu'il  publie  actuellement  contient  beaucoup 
de  remarques  inféressantes  sur  les  éléments  dont  se  compose  la  partie  de  la 
population  qui  parle  actuellement  français,  et  sur  les  progrès  étonnants  de 
la  langue  française  dans  le  bas  Canada. 


CHRONIQUE  1  59 

Frants  Villon',  Dct  stort  Testament.  Forfattet  i  aanl  1461.  Oversat  paa  rimede 
versaf  S.  Broberg.  Copenhague,  1885,  126  p.  petit  in-8.  — Traduction, 
la  première  qu'on  ait  tentée  en  aucune  langue,  sauf  en  anglais,  d'un  choix 
des  poésies  de  Villon.  M.  Broberg,  qui  s'est  fort  bien  acquitté  de  son  travail 
comme  traducteur,  a  en  outre  accompagné  son  petit  volume  d'une  intro- 
duction générale  sur  Villon,  où  il  y  a  trop  de  généralités  contestables,  et 
de  quelques  remarques  explicatives  qui  auraient  dû  être  plus  nombreuses. 

-  Kr.  N. 

Die  àltestt  Schilderung  vom  Fegefeur  des  hdligen  Patricius  (von)  Johann 

EcKLEBEN.  Halle,  Heudel,  1885,   in-8  de  828  p.  (dissertation  de  docteur). 

—  L'auteur   annonce  que  son  travail   complet  paraîtra    prochainement  à 
Halle  chez  Niemeyer. 

Libro  de  los  Fechos  e  Conquistas  de!  principado  de  la  Morea,  compilado  por 
comandamiento  de  Don  Fray  Johan  Ferrandez  de  Heredia,  maestro  de| 
Hospital  de  S.  Johan  de  Jérusalem.  Chronique  de  Morée  aux  xm«  et  xiv« 
siècles,  publiée  et  traduite  pour  la  première  fois  par  Alfred  Morel-Fatio. 
Genève,  imprimerie  de  Guillaume  Fick,  1885,  in-8,  lxiii,  177,  160  p. 
(publication  de  la  Socicic  de  l'Orient  latin).  —  Outre  son  intérêt  historique, 
qui  n'est  pas  de  premier  ordre,  le  Libro  de  los  fechos  étant  essentiellement 
une  nouvelle  version  du  Livre  de  la  conquête  de  Morée,  cette  publication  a 
une  véritable  importance  philologique,  comme  nous,  fournissant  un  texte 
ancien  et  étendu  du  dialecte  aragonais  au  xiv»  siècle. 

Notice  sur  le  livre  de  Barlaam  et  Joasaph,  accompagnée  d'extraits  du  texte  grec 
et  des  versions  arabe  et  éthiopienne,  par  H.  Zotenberg.  Paris,  Maison- 
neuve,  1886,  in-4,  166  pages  (tiré  des  Notices  et  Extraits  des  manuscrits  de 
la  Bibliothèque  nationale.^  t.  XXVIIl,  i"  partie).  —  Dans  cet  important 
mémoire,  dédié  à  Paul  Meyer,  l'auteur  prouve  que  le  roman  de  Barlaam  et 
Joasaph  n'est  pas  de  saint  Jean  Damascène  et  qu'il  a  été  rédigé,  probable- 
ment entre  620  et  634,  par  un  moine  de  Saint-Saba  près  de  Jérusalem.  Il 
e.xamine  le  rapport  de  l'histoire  de  Joasaph  avec  les  diverses  versions  de  la 
légende  de  Bouddha  qui  en  est  la  source,  et  présente  des  observations  sur 
les  traductions  orientales  du  roman  grec.  Dans  l'Appendice,  outre  des 
extraits  des  versions  arabe  et  éthiopienne,  on  trouvera  une  édition  critique 
du  texte  grec  des  paraboles  insérées  dans  le  roman. 

Der  Roman  de  Mahomet  von  Alexandre  du  Pont.,  eine  sprachische  Untersuchung... 
von  Richard  Peters.  Gottingen,  Dietrich,  in-8,  iv-86  pages  (diss.  de 
docteur  d'Erlangen).  —  Monographie  très  faible,  d'un  auteur  auquel  on  a 
indiqué  les  modèles  à  suivre,  et  qui  n'a  pas  su  en  tirer  parti.  Les  erreurs 
abondent  et  le  dépouillement  n'est  ni  complet  ni  bien  ordonné.  On  doit  louer 
l'auteur  d'avoir  fait  rentrer  dans  son  travail  l'étude  de  la  syntaxe,  d'autant 
plus  que  cette  partie  du  mémoire  est  la  moins  défectueuse.  Pour  la  phoné- 
tique, bornons-nous  à  dire  que  d'après  M.  Peters  (p.  9)  chortem  devrait 
donner  cort,  qu'il  voit  dans  mariée  (p.  18)  une  exception  à  la  contraction 
de  iee  en  />,  qu'il  regarde  le  ng  de  tesmoing  (p.  21)  comme  une  notation  de 
{1,  et  qu'il  admet  ip.  41)  que  iw(7=z  videt  peut  compter  pour  deux  syllabes. 


l6o  CHRONIQUE 

Il  déclare  d'ailleurs  à  tort  la  langue  du  copiste  identique  à  celle  de  l'auteur 
du  poème,  ce  qui  donne  à  tout  son  travail  une  fausse  direction. 

Recueil  de  morceaux  choisis  en  vieux  français  par  Eugène  Ritter,  professeur  à 
l'université  de  Genève,  seconde  édition.  Genève,  Georg,  1885,  in- 12,  viii- 
128  p.  —  Réunion  de  quinze  morceaux  en  vers  et  en  prose,  sans  notes 
ni  glossaire;  simple  recueil  pour  explications. 

Adgars  Marien-Legenden,  nach  der  Londoner  Handschrift  Egerton  612  zum 
ersten  Mal  vollstaendig  herausgegeben  von  Cari  Neuhaus.  Heilbronn,  Hen- 
ninger,  i886,  in- 12,  xvi,  xlviii,  259  p.  —  Cette  édition,  faite  d'après  un 
manuscrit  unique  collalionné  avec  soin,  est  surtout  intéressante  par  l'étude 
des  sources;  la  langue  d'Adgar,  écrivain  anglo-normand  du  xii"  siècle,  a  été 
étudiée  ailleurs  par  M.  Rolfs  (voy.  Rom.  Xll,  132).  M.  Fôrster  a  joint  à 
l'édition,  outre  le  vocabulaire  et  des  remarques  critiques,  une  introduction 
qui  consiste  surtout  dans  la  reproduction  d'un  article- ancien  sur  la  métrique 
anglo-normande.  C'est  un  sujet  fort  discuté  depuis  quelques  années  (voy. 
ci-dessus,  p.  144);  disons  seulement,  quelque  opinion  qu'on  puisse  avoir 
sur  l'ensemble  de  la  question,  que  les  vers  d'Adgar  ont  certainement  été 
faits  pour  être  des  vers  de  huit  syllabes,  et  ne  manquent  leur  but  que  par 
la  faute  du  copiste,  ou,  rarement,  celle  de  l'auteur. 

Sir  Gonther.  Eine  englische  Romanze  aus  dem  XV  Jahrhundert,  kritisch  heraus- 
gegeben nebst  einer  litterarhistorischen  Untersuchung  ùber  ihre  Quelle 
sowie  den  gesamten  ihr  verwandten  Sagen-und  Legendenkreis,  mit  Zugrun- 
delegung  der  Sage  in  Robert  dem  Teufel,  von  Karl  Breul.  Oppein,  Franck, 
1886,  in-8,  xvi-241  p.  —  La  partie  de  cet  excellent  ouvrage  qui  nous  in- 
téresse le  plus  est  le  chapitre  V  (p.  45-134),  consacré  à  la  légende  qui  fait 
le  sujet  de  Sir  Gowlher,  légende  très  voisine  de  celle  de  Robert  le  Diable. 
M.  Breul  étudie  cette  légende  dans  toutes  ses  formes  avec  beaucoup  de  science 
et  de  pénétration.  Il  montre  qu'elle  n'a  rien  d'originairement  normand 
(cf.  Rom.  IX,  523),  et  il  y  voit  la  transformation  chrétienne  d'un  vieux  conte 
mythologique;  sur  cette  dernière  partie,  il  y  aurait  peut-être  à  faire  quelques 
réserves  de  détail,  mais  l'absence  de  tout  fond  historique  est  parfaitement 
mise  en  lumière.  Nous  pensons  que  le  nom  de  Robert  donné  au  héros  de  la 
légende  est  antérieur  à  la  localisation  de  cette  légende  en  Normandie,  et 
qu'il  a  donné  lieu  à  cette  localisation  de  se  produire.  Une  très  riche  biblio- 
graphie et  un  appendice  contenant  dix  textes  relatifs  à  Robert  le  Diable  ter- 
minent cet  intéressant  volume. 


Le  Propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 


ImprimeHe  Durand,  à  Chartres. 


NOTICE   D'UN    MS.    MESSIN 

^Montpellier  164  et  Libri  961 


Entre  les  manuscrits  de  la  collection  Libri  signalés  en  1883  par 
M.  Delisle  comme  ayant  été  dérobés  à  plusieurs  de  nos  bibliothèques 
publiques,  et  qui  par  suite,  n'ayant  été  acquis  ni  par  le  gouvernement 
anglais  ni  par  le  gouvernement  italien,  sont  restés  en  la  possession  de 
M.  le  comte  d'Ashburnham,  se  trouve  un  portefeuille  décrit  ainsi  qu'il 
suit  sous  le  n"  96  du  catalogue  des  mss.  vendus  par  Libri,  en  1847,  au 
feu  comte  d'Ashburnham  : 

Varia,  x"  Oraiiones  ad  missam.  2°  Vita  Sanctorum.  3»  Capitulationcs  de 
Marscilla  de  l'an  1257  et  de  l'an  1262.  4°  Ci  après  exent  '    li  terre  Prestre  Jehan. 

Manuscrit  sur  vélin,  in-folio,  de  diverses  époques  et  de  différentes  mains.  Le 
le""  2  est  à  deux  colonnes,  du  ix"'  siècle,  avec  unegrande  lettre  initiale  en  couleurs 
au  commencement.  Le  2'^,  également  à  deux  colonnes,  est  du  xiv>=  siècle.  Le  3% 
à  longues  lignes,  est  en  provençal,  d'une  écriture  du  xv«  siècle.  Le  4'',  écrit  à 
deux  colonnes,  est  du  xiv'^  siècle. 

Ce  recueil  se  compose  donc  de  quatre  fragments  qui  n'ont  aucun 
rapport  les  uns  avec  les  autres.  Ce  sont  des  débris. 

Le  savant  directeur  de  la  Bibliothèque  nationale  a  établi  que  le 
premier  et  le  plus  ancien  de  ces  quatre  morceaux  a  été  arraché  au  ms. 
122  de  la  Bibliothèque  d'Orléans  h  L'origine  des  trois    autres  morceaux 


1.  Libri  a  mal  lu.  Il  faut  lire  enxeut  {^=z  ensuit). 

2.  Sous-entendu  «  article  ». 

3.  Nûlice  sur  plusieurs  mss.  de  la  Bibliothèque  d'Orléans.,  dans  les  Notices  et 
Extraits  des  mss.,  XXXI,  première  partie,  p.  370  (p.  14  du  tiré  à  part).  Cf. 
Les  mss.  du  comte  d'Ashburnham,  Rapport  au  Ministre  de  l'Instruction  publique, 
p.  21. 

Romania,  XV  1 1 


102  P-    MEYER 

n'a  pas  encore  été  déterminée.  On  a  pu  légitimement  supposer  qu'ils 
avaient  été  détachés  de  manuscrits  appartenant  à  nos  bibliothèques.  Leur 
apparence  et  le  voisinage  compromettant  des  feuillets  arrachés  au  ms, 
d'Orléans  favorisent  cette  supposition.  Il  y  a  lieu  notamment  de  croire 
que  le  troisième  article  [capitulations  de  Marseille),  où  se  lisent  quelques 
mots  de  la  main  de  Peiresc,  a  été  pris  à  Carpentras,  où  Libri  a  tant 
volé  '. 

Quoi  qu'il  en  soit  des  fragments  2  et  3,  j'apporte  présentement  la 
preuve  que  le  quatrième  morceau  a  été  pris  dans  un  manuscrit  de  la 
Bibliothèque  de  l'Ecole  de  Médecine  de  Montpellier.  Mais  d'abord  il 
convient  de  décrire  ce  fragment.  Il  se  compose  de  douze  feuillets  écrits 
d'une  grosse  écriture  gothique  penchée  de  la  fm  du  xiv  siècle,  à  deux 
colonnes  par  page,  et  numérotés  anciennement  jiii''^  et  ij  à  iiij''^  et  xiij. 
Les  dimensions  du  parchemin  sont  0,323  pour  la  hauteur  et  0,246 
pour  la  largeur.  Ces  douze  feuillets  forment  deux  cahiers,  l'un  de  quatre 
feuillets  doubles,  l'autre  de  deux.  Ils  contiennent  trois  opuscules  écrits  en 
français,  ou  plutôt  en  dialecte  messin  :  1"  la  lettre  du  prêtre  Jean  ;  2"  un 
morceau  sur  les  litanies  ;  3"  une  consultation  médicale  sur  le  traitement 
de  la  goutte.  Les  deux  premiers  de  ces  opuscules  sont  écrits  à  39  lignes 
par  colonne,  le  troisième  à  35 . 

Muni  de  ce  signalement,  et  m'étant  gravé  dans  la  mémoire  la  form.e 
de  l'écriture,  j'étais  en  mesure  de  reconnaître  le  ms.  d'où  ces  feuillets 
avaient  été  arrachés  si  la  fortune  me  le  faisait  passer  sous  les  yeux.  Une 
circonstance  notable  me  permit  d'aider  la  fortune.  En  tête  du  troisième 
des  opuscules  ci-dessus  énumérés,  la  consultation  médicale,  était  écrite 
cette  rubrique:  Por  lez-  goutte  S''  lehan  à'Aix.  Or  dans  le  catalogue  des 
manuscrits  de  l'Ecole  de  médecine  de  Montpellier  5  se  lit  un  article 
ainsi  conçu  : 


1.  J'ai  copié  en  1867  à  .Ashburnhamplace  le  début  de  ce  morceau.  Le 
voici: 

Capitulations  de  Marseille,  mcclvii  c  mcclxii.  {Ces  mots  en  capitales  sont  de  la 
main  de  Peireso 

En  nom  de  nostre  senhor  Jhesu  Christi,  sia  a  ment,  l'an  de  la  incarnacion  .Mcclij.,  la  indicion  XV«, 
a  .iuj.  nonas  Junii,  sia  manifest  a!  touts  pressens  et  esdevenidors,  que,  com  entre  lo  noble  e  tresque 
illustre  senhor  Karlle,  filh  del  rey  de  França,  comte  d'Angieu  e  de  Provenssa  e  de  Forcalquier  e  mar- 
ques de  Provenssa,  en  nom  d'el  e  de  sa  molher  madama  Beatris,  tresque  illustre  conte.sa  e  marquessa 
dels  dis  contas 

En  marge  de  la  date,  Peiresc  a  écrit  Legendum  Mcclvii.  — On  reconnaît  à  pre- 
mière vue  que  ce  document  est  la  traduction,  faite  au  xv<=  siècle,  d'un  acte 
latin.  —  Au  fol.  vij  commence  la  traduction  des  statuts  de  Marseille  (l'original 
dans  Méry  et  Guindon,  II,  109  et  suiv.). 

2.  Lez  pour  la:  c'est  du  lor.'-ain. 

5.  Catalogue  général  des  niss.    des  bibliothèques  publiques  des  départements^ 


\ 


NOTICE    d'un    MS.    messin  ib] 

N-  164.  In-folio  sur  vclin.  —  i-^  «  Ari.stote,  don  gouvcrnemant  des  rois.  — 
2°  Ci  Comacet  1  il  passion  Jhesu  Crit.  —  xiv*-'  siècle. 

De  l'oratoire  deTroyes,  donné  par  de  Corberon  en  i~64.  Il  y  a  en  U'ie  les  armoiries  de  Sire 
Jehan  d'Aix... 

La  mention  des  armoiries  de  sire  Jehan  d'Aix  me  donna  à  penser 
que  ce  livre  pouvait  bien  être  celui  dont  avaient  fait  partie  les  feuillets 
contenant  la  consultation  relative  à  la  goutte  de  sire  Jehan  d'Aix  men- 
tionnée plus  haut.  Sur  ma  demande  le  manuscrit  me  fut  envoyé  à  Paris, 
et  je  reconnus  au  premier  aspect  l'écriture  et  la  langue  du  fragment  con- 
tenu dans  le  n"  96  de  la  collection  Libri.  Les  dimensions  sont  les  mêmes 
de  part  et  d'autre;  le  ms.  de  Montpellier  est  à  deux  colonnes  et  à  39 
lignes  par  colonne.  Enfin  le  dernier  feuillet  de  ce  ms.  est  numéroté  iiij 
et  j,  tandis  que  le  premier  des  douze  feuillets  volés  par  Libri  est  numé- 
roté iiij^''  etij.  D'ailleurs  l'examen  de  la  reliure  du  ms.  de  Montpellier 
montre  avec  évidence  que  plusieurs  feuillets  ont  été  arrachés  à  la  fin.  Il 
ne  peut  donc  rester  aucun  doute  sur  la  provenance  du  fragment  actuel- 
lement conservé  à  Ashburnhamplace. 

Je  vais  maintenant  indiquer  le  contenu  du  ms.  dans  son  entier, 

Le  ms.  de  Montpellier  a  conservé  sa  reliure  originale,  formée  de  deux 
ais  recouverts  de  cuir  gaufré.  Elle  est  endommagée  par  de  nombreuses 
piqûres  de  vers.  Pour  la  protéger,  le  livre  a  été  placé,  à  une  époque 
récente,  dans  un  étui. 

Il  contient,  en  son  état  actuel,  58  feuillets  paginés  d'une  main  moderne, 
précédés  d'un  feuillet  de  garde  entièrement  blanc  qui  n'est  pas  compris 
dans  la  pagination.  Les  dispositions  matérielles  sont  celles-ci: 

Trois  feuillets,  le  premier,  resté  blanc,  n'est  pas  paginé,  les  deux  sui- 
vants sont  numérotés  i  et  2  . 

Cahier  I,  fï.  3  a  10. 

Cahier  II,  ff.  11  à  18. 

Cahier  III,  ff.  19  a  26. 

Cahier  IV,  flf.  27  à  34. 

Cahier  V,  ff.  35  à  42. 

Cahier  VI,  ff.  43  à  50. 

Cahier  VII,  fï.  $  i  à  58. 

A  l'intérieur  du  plat  supérieur  de  la  reliure  est  collé  un  feuillet  de 
parchemin  au  haut  duquel  on  lit,  d'une  écriture  qui  parait  appartenir  aux 
dernières  années  duxv*  siècle: 


.  Lisez  comancd. 


164  P-    MEYER 

Plus"  biais  enssignement  d'Aristotes  fait  a  Alixandre,  et  plus"  morallitez. 
It.,  la  passion  notre  S^ 
Il  y  ayt  une  table  an  cest  livre,  qui  est  devant  l'istoire  delà  passion  JhesuCrist'. 

Les  feuillets  actuellement  numérotés  i  et  2,  qui  sont  d'anciens  feuillets 
de  garde,  sont  en  partie  écrits.  Le  recto  du  premier  est  occupé  entiè- 
rement par  une  énumération,  écrite  au  xv^  siècle,  des  vertus  du  gui  de 
chêne.  En  voici  les  premières  et  les  dernières  lignes  : 

C'est  la  vertus  du  wy  de  chelne. 

Je  Ypocras,  le  plux  soverain  maistre  en  médecine  qui  onquez  fuit  sur  terre, 
aix  vehu  en  mon  livre  la  vertu  que  le  wy  de  chelne  ait.  Et  est  la  millour  made- 
cine  et  maistrie  qui  onquez  iuit.  La  premier  vertu  est  qui  que  onque  panrait^ 
de  la  corse  du  ,wy  de  chêne  et  la  met  en  poure  et  en  uset  avec  yauwe  de 
vie,  il  deschasset  les  fievrez  cottidianez,  lez  autrez  fievrez,  les  fievrez  tiercennez 
et  les  fievrez  quartainnez 

Item,  celle  parsone  qui  par    l'espasse    de    .vij.  ans  maingerait  du    wy 

de  chelne  a  june,  jamaix  ne  serait  entachiet  de  la  fort  malladie.  Et  ont  approvey 
lez  maistrez  qui  ci  dessus  sont  escripz  ^  la  puissance  que  le  dit  wy  de  chelne 
ait. 

Le  wy  de  chelne,  nous  l'appelions  par  de  sa  le  wix,  que  croist  sus  ung  chelne, 
maix  d'autre  arbe  il  n'est  point  vertuous,  fors  que  cil  que  croist  sus  le 
chelmez  (sic).  Et  pour  tant  l'apellet  on  wy  de  chelne  ou  guy  de  chêne.  Et 
duquel  boix  ons  en  met  dedens  lez  anelz  d'argent  ou  d'or  pour  touchier  au  vis, 
et  en  font  on 4  dez  patenostrez,  et  lez  portent  on  pars  médecine  et  par  la  grant 
vertut  qu'il  portet,  comme  dessus  est  dit. 

Le  verso  est  blanc,  comme  aussi  le  recto  du  feuillet  2.  Au  verso 
du  feuillet  2  se  lit  une  table  sommaire  écrite  de  la  même  main  que 
les  notes  du  feuillet  collé  sur  le  plat.  Elle  est  ainsi  conçue  : 

Il  y  ait  une  table  en  cest  Ibr.,  .iiij.  fueillet  devant  l'istoire  la  passion  nostre 
S""  Jesucrist,  et  qui  est  nombrée  et  signée,  laquelle  deust  estre  sy  devant  ou  a  la 
fin  darier  de  ce  livre. 

It.,  a  premier  plus"  bialz  dis  et  enssignemens  d'Aristotes  fait  a  Allixandre, 
et  plus"  belles  moralitez  pour  le  cor  et  pour  l'armes. 


1.  Au-dessous  de  ces  lignes,  au  milieu  du  parchemin,  est  collée  une  gravure 
des  armes  du  sieur  de  Corberon  à  qui  le  ms.  a  appartenu  et  qui  l'a  donné  à 
l'Oratoire  de  Troyes. 

2.  Forme  lorraine,  «  prendra  ». 
5.  Hippocrate  et  Constantin. 

4.  On  trouvera  plus  loin  (p.  171)  un  autre  ex.  du  verbe  au  plur,  avec  on 
pour  sujet  :  lez  pouront  on. 

5.  Ou  ;7£r  :  il  y  a  un  /?  barré. 


NOTICE    d'un    MS.    messin  165 

It.,  la  passion  Nostre  S""  Jesucrist. 
It.,  plus"  altres  choses  après. 

It. ,  plus"  belles  et  bonnes  dotrines  de  régimes  et  medecinnes,  tant  pour  le  cors 
comme  pour  l'armes  que  sont  nécessaire  a  savoir. 

It.,  la  vertus  du  guis  de  chelnes  est  sy  devant  escriptes. 

Au  bas  du  feuillet,  et  toujours  de  la  même  écriture,  on  lit  les  deux 
couplets  dont  je  donne  le  fac-similé  et  la  transcription  : 

Quant  les  vivans  s'amanderont, 
Toutes  mes  trompes  tromperont. 

Ma  trompe  sonnera  haulx  ton 
Quant  le  monde  devendra  bon. 

On  voit  que  le  mot  souligné,  dans  chacun  des  deux  couplets,  n'est  pas 
écrit  :  il  est  figuré  par  un  dessin  rudimentaire  qui  apparaît  déjà  sur  le 
feuillet  adhérent  au  plat,  et  dans  lequel  on  doit  reconnaître  sans  hésita- 
tion une  guimbarde  ou  trompe  d'Allemagne.  Il  n'y  a  aucun  doute  sur  la 
signification  de  ce  dessin  qui  est  un  indice  certain  de  la  provenance  du  ms. 
C'est  l'emblème  bien  connu  d'une  famille  qui  tint  un  rang  considérable 
à  Metz  du  xiv«  siècle  au  xvi%  la  famille  d'Escli  dont  le  nom  est  écrit 
dans  notre  ms.  d'Aix  '. 

M.  Bonnardot  a  signalé  le  même  dessin  en  plusieurs  endroits  du  ms. 
189  de  la  Bibliothèque  d'Epinal  dont  il  a  donné  une  description  détaillée 
dans  le  Bulletin  de  la  Société  des  anciens  textes  français,  année  1876,  pp. 
64  et  suiv.  Il  y  a  plus  :  M.  Bonnardot  a  cité  d'après  ce  même  ms.  deux 


1 .  Metzeresche,  commune  du  canton  de  Metzerwisse,  ancien  arrondissement 
de  Thionville  ;  voy.  S.  Berger,  La  Bible  française  au  moyen  âge,  p.  41  . 


l66  p.    MEYER 

distiques  (p.  65)  qui  sont,  sauf  une  variante  insignifiante  ',  identiques  à 
ceux  qu'on  vient  de  lire.  Le  ms.  d'Epinal  est  de  diverses  mains.  La 
partie  la  plus  récente  contient,  entre  autres,  une  pièce  qui  a  dû  être  écrite 
en  1462.  M.  Bonnardot  (p.  66)  attribue  cette  partie  du  ms.  d'Epinal  à 
Philippe  II  d'Esch,  maître  échevin  de  Metz  en  1 46 1 ,  qui  mourut  en  1 477  ^. 
Cette  attribution  paraît  conjecturale.  Du  moins  M.  Bonnardot  l'énonce 
sans  la  démontrer.  N'ayant  pas  vu  le  ms.  d'Epinal,  j'ignore  si  les  deux 
distiques  sont  de  la  main  qui  a  tracé  ces  mêmes  distiques  sur  le  ms.  de 
Montpellier.  Ce  qui  est  sûr,  c'est  que  l'écriture  dont  on  a  vu  ci-dessus  un 
spécimen  n'est  pas  celle  de  Philippe  d'Esch.  C'est  celle  d'un  autre  membre 
de  la  même  famille. 

Le  ms.  de  Montpellier,  en  effet,  et  celui  d'Epinal,  ne  sont  pas  les 
seuls  livres  connus  pour  avoir  appartenu  aux  d'Esch.  M.  Bonnardot 
(p.  6$,  note)  a  signalé,  comme  ayant  la  même  provenance,  les  ms. 
^,  161,  195,  302,  403  de  la  bibliothèque  de  Metz,  et  on  peut  ajouter 
à  cette  liste  le  ms.  2083  de  l'Arsenal  contenant  une  version  française 
des  épitres  et  évangiles,  décrit  par  M.  S.  Berger  dans  son  livre  intitulé 
La  Bible  française  au  moyen  âge,  p.  36  5.  Or,  le  ms.  de  l'Arsenal  a  certaine- 
ment appartenu  au  même  possesseur  que  le  ms.  de  Montpellier.  A  la 
vérité,  les  vers  ci-dessus  rapportés  ne  s'y  trouvent  pas,  mais  on  y  lit, 
au  premier  et  au  dernier  feuillet,  ces  mots,  dont  l'écriture  est  certaine- 
ment celle  que  fait  connaître  le  fac-similé  donné  plus  haut  ;  Espoir  en 
Dieu,  Esch  ;  a  Jaiques.  Au  devant  de  cette  note  est  dessinée  à  la  plume 
la  guimbarde.  Au  verso  du  premier  feuillet  est  peint  Técu  armorié  dont 
la  présence  a  été  signalée  dans  le  ms.  de  Montpellier.  Il  est  donc  incon- 
testable que  les  deux  mss.  ont  appartenu  au  même  personnage,  Jacques 
d'Esch,  et  ce  Jacques  devait  être,  comme  l'a  déjà  dit  M.  Berger  décrivant 
le  ms.  de  l'Arsenal,  Jacques  d'Esch,  seigneur  de  Bazoncourt  et  des 
Etangs,  mari  de  Françoise  de  Gournai,  mort  en  14895. 
Reprenons  maintenant  l'examen  du  ms.  de  Montpellier  : 
Avec  le  feuillet  3  qui  est  le  premier  du  premier  cahier,  commence  le 
ms.  proprement  dit.  Dans  la  marge  supérieure  sont  peintes  les  armoiries 
bien  connues  de  la  famille  d'Esch  :  l'écu  fascé  de  dix  pièces  d'hermine 
et  de  gueules-^.  Au-dessus  on  a  écrit,  au  siècle  dernier  :  «  Armoiries  du 
Sire  Jehan  d'Aix.  »  Nous  verrons  plus  loin  qui  était  ce  Jean  d'Aix. 
Dans  la  marge  inférieure  apparaît  de  nouveau  la  guimbarde,  cette  fois 
peinte  en  rouge. 


1 .  M.  Bonnardotalu5'«?(;?fro.'!/,làoùlems.deMontpellierporte5'am^rt(/(.TOrt/. 

2.  Voir  Hannoncelles,  Metz  ancien,  II,  64. 
].  Hannoncelles,  Metz  ancien,  II,  64-8. 

4  II  est  reproduit  dans  le  Metz  ancien  du  président  d'Hannoncelles,  II,  64. 


NOTICE    d'un    MS.    messin  167 

L'ancienne  pagination,  qui  se  poursuit,  comme  on  l'a  vu  plus  haut, 
dans  le  fragment  dérobé  par  Libri,  commence  au  fol.  17  de  la  pagina- 
tion actuelle,  et  elle  débute  par  le  n"  xl,  se  poursuivant  régulièrement 
depuis  lors.  On  ne  s'explique  pas  d'abord  pourquoi  on  a  fait  commencer 
ainsi  cette  pagination,  étant  d'ailleurs  certain  qu'il  n'y  a  aucune  lacune, 
ni  à  cet  endroit  ni  entre  les  feuillets  qui  précèdent.  Voici  l'explication. 
Au  fol.  17  commence  le  chapitre  xl  du  premier  des  articles  contenus 
dans  le  ms.  ;  au  fol.  18  se  trouve  le  chapitre  xlj.  On  s'est  avisé  d'écrire 
au  haut  de  ces  deux  feuillets  les  chiffres  xl  et  xlj,  et  ces  deux  numéros 
sont  devenus  le  point  de  départ  d'une  pagination  qui  a  été  continuée  jus- 
qu'à la  fm  du  volume.  Cette  pagination  paraît  être  de  la  main  qui  a  écrit 
les  diverses  notes  du  feuillet  collé  sur  le  plat  delà  reliure  et  du  feuilleta, 

Passons  maintenant  à  l'analyse  du  manuscrit. 

1. 
Traduction  du  secretum  secretorum. 

On  sait  que  le  Secretum  Secretorum  a  été  depuis  son  apparition  en 
Occident,  auxii«  siècle,  l'un  des  ouvrages  les  plus  lus  de  la  littérature 
morale  du  moyen  âge.  Le  texte  latin  se  rencontre  en  iine  infinité  de  mss., 
et  a  été  plusieurs  fois  imprimé  au  xv'=  siècle  et  au  xvi"  ;  il  en  existe  des 
traductions  en  diverses  langues  romanes  ;  en  français  notamment  on  en 
connaît  plusieurs,  soit  en  vers  soit  en  prose,  qui  n'ont  été  jusqu'à  ce  jour 
ni  étudiées  ni  même  simplement  distinguées  les  unes  des  autres  '.  Il  n'y 
a  pas  lieu  de  traiter  incidemment  ici  un  sujet  qui  fournirait  facilement  la 
matière  d'un  mémoire  d'une  certaine  étendue;  je  donnerai  toutefois  un 
court  extrait  de  la  traduction  que  renferme  le  ms.  de  Montpellier,  puis 
dans  un  appendice  à  la  présente  notice,  je  citerai  à  titre  de  rapproche- 
ment quelques  lignes  d'autres  traductions  françaises  en  prose. 

Voici  d'abord  le  début  des  premiers  paragraphes  du  texte  latin,  d'après 
l'édition  publiée  à  Bologne  en  1501  : 

(Fol.  2  a).  Philosophorum  maximi  Aristoteiis  Secretum  secretorum,  aiio 
nomine  liber  moralium  de  regimine  principum  ad  Alexandrum. 

Domino  suc  excellentissimo  et  in  cuitu  christiane  religionis  strenuissimo  Gui- 
don] vere  de  Valentia,  Tripoli  glorioso  pontifici  2,  Philippus  suorum  minimus 
clericorum,  se  ipsum  et  fidèle  devotionis  obsequium. 

1.  Dans  un  article  du  Jahrbach  f.  rom.  u.  engl.  Literatur,  X  (1869),  162-4, 
M.  H.  Knust  a  rassemblé  un  certain  nombre  de  notes  bibliographiques  sur  les 
versions  françaises  du  Secretum.  C'est  un  travail  dont  il  n'y  a  absolument  rien  à 
tirer,  étant  exécuté  presque  entièrement  de  seconde  main,  d'après  des  catalogues 
fort  imparfaits,  dont  les  indications  n'ont  pas  été  toujours  comprises,  et  sans 
aucun  souci  de  distinguer  les  diverses  traductions  les  unes  des  autres. 

2.  A.  Jourdain  {Rech.  sur  les  anc.  trad.  ht.  d'Aristote.  i"^  édit.,  1843,  p.  147- 


I68  p.    MEYER 

Quantum  luna  ceteris  stellis  lucidior  et  solis  radius luciditate  lune  fulgentior, 
tantum  ingenii  vestri  claritudo  vestreque  scientie  profunditas  cunctos  citra  mare 
modernos  in  iitteratura  exuberat,  tam  barbaros  quam  latinos,  nec  est  aliquis 
^ane  mentis  qui  huic  sentenlie  valeat  refragari,  quia  cum  largitor  gratiarum,  a 
quo  cuncta  bona  procedunt,  singula  suis  dona  distribuit,  ubi  soli  videtur  gra- 
tiarum et  scientiarum  dona  contulisse 

(c)  Deus  omnipotens  custodiat  regem  nostrum  ad  gloriam  credentium,  et  con- 
firmet  regnum  suum  ad  tuendam  legem  divinam  suam,  et  perdurare  faciat  ipsum 

ad   exaltandum  honorem  et  laudem  bonorum (d)  Quando  enim  Alexander 

subjugavit  sibi  Perses  et  captivavit  magnâtes,  direxit  epistolam  suam  ad  Aris- 
totelem  sub  hac  forma  :  Doctor  eggregie,  rector  justicie,  significo  tue  prudentie 
me  invenisse  in  terras  Perses  quosdam  habentes  habundantem  rationem,  intel- 
lectum  penetrabilem 

(Fol.  3  a).  Prologus  Joannis  qui  transtulit  librum. 

Joannes  qui  transtulit  istum  librum,  filius  Patricii,  linguarum  interpretator 
piissimus  et  fidelissimus,  inquit:  Non  reliqui  locum  neque  templum  in  quibus 
philosophi  consueverint  componere  et  deponere  sua  opéra  et  sécréta  que  non 
visitaverim 

Fiii  gloriosissime,  justissime  imperator,  confirmât  te  Deus  in  via  cognoscendi 
semitam  veri  et  virtulis 

Voici  maintenant  le  début  et  la  fin  de  la  version  que  nous  offre  le 
manuscrit  de  Montpellier,  et  qui  m'a  paru  abrégée  en  certaines  parties  : 

{Fol.  3).  Ou  non  dou  Peire,  dou  Fil  et  dou  Saint  Esperit,  amen. 

Si  coumancet  li  livres  dou  gouvernement  de  rois,  des  princes  et  des  autres 
signours.  Ou  livre  c'on  dit  le  livre  des  secreis  Aristote  le  philosophe  a  Alixandre 
le  roi,  ouquel  une  chacune  personne  puet  panre  bonne  doctrine  et  profitable,  ou 
sont  les  mandemans  c'Aristotes  li  souverains  de  philosophes  anvoiait  a  grant  roy 
Alixandre  son  disciple,  li  quels  livre  fui  trais  d'arabique  en  latin  en  la  meniere 
qui  s'anxeut. 

Cl  comancct  li  prologues  de  celi  qui  translaitait  cest  livre  de  lai  langue  arabike 
an  lai  langue  latine  ./. 

A  son  très  excellant  signour  et  très  noble,  uzant  de  la  foy  cristienne  Guys 
de  Vallance,  glorious  esveques  de  la  citeit  de  Tripolle,  Philippes  li  plus  petis 
de  ces  clers  se  recomandet  a  ly  dou  tout  et  son  fiable  servise  en  devocion.  Une 
choze  fut  qu'a  vostre  debonnair[et]eit  parvint  cis  livres  ouquel  bien  sont  con- 
tenues toutes  chozes  profitaubles  de  toutes  sciences.  Sachiés  que  quant  j'estoie 
avec  vous  par  dever  Anthioche,  ou  ceste  marguerite  de  philosophie  fut  trovée, 
il  vous  pleut  qu'elle  fut  transcrite  et  translatée  de  la  langue  arabique  an  la 
langue  latine;  pour  la  quel  choze  je  obeyxans  humblement  a  vostre  volanteit  ai 


8),  s'est  demandé  si  ce  Guido  ne  serait  pas  le  prélat  désigné  par  G.  dans  une 
charte  de  vente  faite  par  Ham,  connétable  deTripoli,  aux  Hospitaliers,  en  1  204 
iPaoli.  Codice  diplomatico,  1,  95).  Vérification  faite,  cette  identification  n'est  pas 
admissible.  Nous  ne  savons  rien  de  cet  évêque  de  Tripoli. 


NOTICE    d'un    MS.    messin  169 

trait  fuer  cest  livre  avoc  grant  labor  par  pairolles  reluxans  dou  langaige  c'om 
dit  arabike  en  latin.  Lequel  livre  Aristoles  li  très  saiges princes  dez  philosophes 
composait  a  la  peticion  d'Alixandre  (b)  son  disciple,  li  quels  Alixandre  prioit 
Aristote  par  ces  lettres  qu'i  vouxit  venir  a  li.  Maix  Aristotes,  anpechiés  et 
aigreveis  pour  viellesse  et  la  pezantize  de  son  cors  ne  pooit  venir  a  Alixandre, 
li  quels  Aristotes  s'ecuzait  en  ceste  meniere  : 

C'est  li  responce  ^u  Aristotes  fit  a  la  requeste  d'Alixandre  .ij. 

0  très  débonnaires  amperour,  je  ait  {sic)  antandut  plennement  cornant  tu 
desires  que  je  fuxe  avec  toi,  et  se  te  mervelle  cornant  je  mepuxatenir  deta  véné- 
rable compaignie,  et  si  me  reprans  que  j'ai  petite  cusançon  de  tes  ewres  et  de 
tes  besongnes.  Pour  queil  choze  je  t'ai  fait  cestuit  (51c)  livre 

Autres  Ictres  d'Alixandre  a  Aristotes  Jij . 

0  reverans  maistre,  je  faix  asavoir  a  vostre  prudance  que  j'ai  mis  en  ma 
subjection  et  an  mon  anpire  novellemant  les  Persans  qui  (c)  sont  gens  abondans 
de  raison  et  d'antandemant 

Le  prologue  attribué,  dans  le  texte  latin,  à  «  Joannes  filius  Patricii  » 
fait  ici  défaut.  Les  chapitres  de  médecine  et  d'hygiène  (éd.  de  Bologne, 
fol.  ioa-i')d)  sont  également  omis. 

Fin  (fol.  18^) 

Li  fin  de  cest  livre. 

Ci  fenit  li  livres  dou  gowernemant  des  rois,  le  queil  Aristotes,  lisowerains  phi- 
losophes, composait  et  fit  a  l'instruction  dou  grant  roy  Alexandre  qui  fut  so- 
werains  rois  de  tou  le  monde,  qui  an  son  anfance  et  en  sai  jonesse  avoit  esteit 
disciples  d'Aristotes  desus  nomeis. 

Ci  s'anxeut  une  tauble  de  la  matière  qu'est  contenue  ou  liwre  por  trower  plus 
aipertemant  ce  c'en  vourait  lire  et  quérir. 

Suit  la  table  des  41  chapitres  de  l'ouvrage. 
II 

Enseignement  d'Aristote  a  Alexandre. 
Cet  enseignement  est  tiré  du  premier  livre  de  l'Alexandreis  de  Gautier 
de  Châtillon,  vers  72  et  suiv.  La  traduction,  sans  être  littérale,  est  pas- 
sablement exacte,  et  ne  paraîtra  pas  dépourvue  de  mérite,  si  l'on  tient 
compte  de  la  nature  du  texte  qui  n'était  réellement  pas  facile  à  rendre 
en  ancien  français.  Faut-il  supposer  qu'il  a  existé  une  traduction  com- 
plète de  VAlexandreis  dont  nous  aurions  ici  un  fragment  copié  à  part  ?  Je 
ne  le  pense  pas.  Les  conseils  d'Aristote  à  Alexandre  devaient  être  un 
morceau  célèbre,  car  Rutebeuf  les  a  mis  en  vers  français  ' ,  et  il  en  existe 

I.  Le  dit  d'Aristote,  deuxième  édition  de  Jubinal,  II,  93. 


lyO  p.    MEYER 

une  autre  traduction  en  prose  dont  je  donnerai  un  extrait  dans  un  appen- 
dice au  présent  mémoire.  Le  rapprochement  de  cet  extrait  àeVAlexandreis 
et  du  Secretum,  dans  notre  ms.,  ne  doit  pas  être  fortuit.  C'est  l'analogie 
du  sujet  qui  a  conduit  le  copiste,  ou  celui  qui  a  dirigé  l'exécution  du  ms. 
à  réunir  ces  deux  écrits.  Il  n'est  guère  douteux  en  effet  que  Gautier  de 
Châtillon  se  soit  inspiré  du  Secre/umpour  composer  le  discours  qu'il  prête 
à  Aristote.  Remarquons  que  le  même  morceau  se  retrouve  dans  le  ms. 
d'Epinal  mentionné  plus  haut'.  Il  est  probable  qu'il  y  aura  été  copié 
d'après  notre  manuscrit. 

(Fol.  19  fl)  Apres  vcci  un  notable  ansignemans  c'Aristoles  donnait  az  roy 
Alexandre  son  disciples. 

Aristotes  trowait  une  foix  lez  roy  Alexandre  plorant;  ce  li  demandait  qu'il 
avoit.  Et  Alex,  li  respondit  que  ces  peires  estoit  ci  wiés  qu'i  ne  se  pooit  plus 
deffandre  contre  (b)  i'ampereur  de  Perce.  Dont  li  dit  Aristotes  :  «  Biaus  filz, 
«  laixe  l'anfance  et  pran  cuer  d'omme.  Tu  ais  mastrie  an  toi  de  vertus  :  ce  la 
«  met  a  ewre,  et  combien  que  tu  le  puixes  faire,  apran  conmant  tu  dois  owreir. 
«  Toute  chozes  doient  estre  conmancies  par  conseil,  et  il  sont  moult  de  malvaix 
I.  consillours.  Pour  ceu  t'apran  le  queilgenstu  dois  eslire  a  ton  conseil.  Gairde 
«  toi  de  celui  qui  ait  .ij.  langues  et  dou  fellon  et  dou  cowoitou.  Note  bien  2  : 
((  N'essaciet  point  celui  qui  par  son  vice  et  par  son  malice  doit  estre  au  bas, 
«  car,  tout  auci  corn  l'yaue  qui  ce  desrivet  est  plus  crueuse  que  celle  qui  court 
«  son  droit  cours,  ency  est  plus  orguillous  et  plus  cowoitous  li  cers  essauciez 
a  quant  il  est  osteit  dou  lieu  ou  il  dovreit  5  demoreir  anvers  le  franc  qui  tout 
«  jour  ait  esteit  honoreis  4    ». 

Fin  (fol.  iç)  d]: 

Après  li  princes  doit  estre  deboinnaires  et  honteus  de  mal  faire,  honoraubles 
d'anxeure  les  millours  et  ameir  lez  loys,  repanre  lez  gens  cortoizemant,  delaixier 
lai  vangence  tant  que  l'yre  soit  passaie  ;  ne  li  doit  point  remambrer  de  lai  haine 
après  lai  paix  S. 


1.  Voy.  Bulletin  de  la  Soc.  des  anciens  textes  français,  1876,  p.  69. 

2.  Ces  deux  mots  en  rouge. 

3.  Ms.  dôneroit. 

4.  Voici  le  passage  correspondant  de  VAlexandreis: 

82  Indue  mente  virum,  Macedo  puer,  arma  capesse  ; 
Materidm  virtutis  habes,  rem  profer  in  actum, 
Quoque  modo  id  possis,  aares  adverte,  docebo. 

85  Consulior  procerum  servos  contemne  bilingues 
Et  nequam,  nec  quos  humiles  natura  jacere 
Precipit  exalta  :  nam  qui  pluvialibus  undis 
Intumuit  torrens  fluit  acrior  amne  perenni. 
Sic  partis  opibus  et  honoris  culmine  servus 

90  In  dominum  surgens,  truculentior  aspide  surda, 
Obturât  precibus  aures,  mansuescere  nescit. 
<).  Akxandrcis  : 

Nec  desit  pietas,  pudor  et  reverentia  recti, 
Divinos  rimare  apices,  mansuesce  rogatus, 


NOTICE    d'un    MS.    messin  I7I 


m 


Des  Quatre  Ages. 
Cet  opuscule  a,  pour  le   sujet,  quelque  rapport  avec  le  traité  bien 
autrement  intéressant  de  Philippe  de  Navarre  des  quatre  temps  d'âge 
d'homme;  il  en  est  toutefois  entièrement  indépendant.  11   suffira    d'en 
donner  un  extrait. 

(Fol.  19  d)  Ci  devisons  tous  lez  aiges  de  la  pcrsone  :  premier  conmant  on  doit 
maintenir  les  anf'ans  en  jonesse  jcsques  a  l'aigc  de  .xx.  ans. 

La  sonme  de  bonne  anfance  ci  est  que  li  anfans  soient  duremant  doutis  et 
obeyxans  az  conmandemans  de  cyaulz  qui  lez  ont  ai  gairdeir,  et  par  ceu  lez  puet 
on  gairdeir  de  mort  et  de  perilz  et  de  mal  faire,  d'yre  et  de  moût  d'autre  menieres 
de  perilz,  tant  corn  il  sont  petis.  Et  quant  il  sont  .j.  poc  grans,  ce  il  sont  bien 
au  '  conmandement  obeyxans,  par  ceu  lez  pouront  on  apanret  (sic)  et  ansignier 
bien  et  saigemant  et  maintenir  a  l'estude  et  a  antandre  a  bien  savoir  acum  mestier. 
Car  il  n'avie[n]t  mie  sowant  que  anfes  facet  bien,  ce  ce  n'est  par  douteir  ou  par 
ansignemans  de  lor  maistres,  li  queilz  maistres  dolent  estre  teilz  que  il  saiche[n]t 
venir  a  chief  et  qu'i  congnoixe[n]t  la  meniere  dez  anfans,  car  lez  acuns  cowient  plus 
mestrieir  et  les  autres  moinx. 

Conmant  on  ce  doit  maintenir  an  jovant  (fol.  20)  antre  .xx.  et  .xl.  ans. 

La  somme  de  jovant  ci  est  que  li  jones  doient  bien  savoir  que  pour  jovant  ne 
doient  il  pas  vivre  conme  bestes  qui  font  naturelmant  lor  voulanteit  tou  sans 
pechiet... 

Conmant  on  ce  doit  maintenir  ou  moyen  aige  entre  .xl.  et  .Ix.  ans. 

(Fol.  20  b)  Conmant  on  ce  doit  maintenir  en  vielles  se  des  Ax.  ans  jestjues  a  la 
mort. 

La  somme  de  viellesse  est  la  darienne  et  que  moût  bien  affiert  a  vies  qu'i 
dongnet  bon  example  a  gens  de  bien  faire,  et  il  meymes  ce  doit  gairdeir  de  faire 
ewres  de  jonesse,  car  ce  sont  choze  que  trop  desplaizet  a  Dieu.  Maldis  cis 
que  [est]  anfes  d'ewres  et  vies  d'aige!  Et  tout  jours  doient  avoir  an  remam- 
brance  qu'i  sont  sus  l'oure^  de  lor  fosse,  et  que  nuns  ne  puet  eschapeir  de  la 
mort.  Et  il  meymes  ont  sowant  veut  morir  anfans  jones  et  moyeins,  ce  ce  doient 
recongnoistre  que  nostre  Sires  les  ait  tant  respiteit  an  aitandant  que  il  viengnet 
a  amandement,  ce  seront  sauf.  Et  por  ceu  doient  il  tout  jour  avoir  les  eulz 
owers  et  regairdeir  la  fosse  antantivemant  an  teille  meniere  qu'il  aient  tout  jours 


180  Legibiis  insuda,  civiliter  argue  sontes, 
Vindictam  differ  donec  pertranseat  ira, 
Nec  meminisse  velis  odii  post  verbera...  . . 

1.  Le  ms.  porte  plutôt  an;  mais  en  maint  endroit  l'u  est  fait  comme  une  n. 

2.  Corr.  6r,  bord. 


172  p.    MEYER 

la  chiere  (c)  vers  paraidiz  et  lez  dos  a  anfer.  Car  iiz  doient  savoir  que  par  tans  1 
seront  bouteis  dedans.  Et  ce  il  ce  trowe[n]t  en  bonne  plaice,  ce  l'averont  per- 
durablement;  et  ci  ce  trowe^njt  an  mavaixe,  il  seront  tormanteis  san  fin.  Deu  an 
deffandet  tous  crestiens  par  sa  miséricorde  et  dont  graice  a  tous  vielz  de  bien 
useir  lor  vieilesse  et  venir  a  bonne  fin  et  a  repos  perdurable  !  Amen. 


IV 


DÉBAT    DE   JeSUS-CHRIST    ET    DE    l'aME 

Dialogue  traduit  d'un  original  latin  que  je  ne  suis  pas  en  état  d'indiquer. 
Le  même  morceau  se  trouve  en  divers  mss.  d'origine  lorraine  :  Bibl.  de 
la  Faculté  de  médecine  de  Montpellier,  n"  43,  fol.  41  ;  Metz,  n°^  554  et 
67$  ;  Epinal,  n"  169  {Bulletin  des  anc.  textes,  1876,  p.  68). 

(Fol.  20  c)  Ci  après  s'anxeut  conmant  l'arme  argile  Jhesucrit  de  sai  miséricorde, 
et  conmant  Jhesucrit  li  respont. 

Nostres  Sires  parolletal'armeet  liarme  li  demande!  :  «Sires  Deus,»  fait  l'arme, 
n  je  dis  que  par  droit  deveis  avoir  mercyde  moy,  car  cej'ay  pechiet,  vous  estes 
«  misericors,  quepardoner  le  me  deveis.»  Respont  nostre  Sires:  «Bêle  amie,  ce 
«  je  suix  misericors,  auci  suix  je  droituriés,  pourquoi  jedoie  pugnirles  malz.  » 
L'arme  respont  :  «  Sires,  je  suix  si  powre  et  ci  despite  créature  que  poc  acroi- 
«  xeroit  vostre  justice,  ce  vous  preniés  vangance  de  ci  powre  créature...  » 

Fin  (fol.  2\  a): 

Nostre  Sires  respont  :  «  Damoizelle,  vous  m'argiieis  moût  fort  et  me  teneis 

«  moût  près.  Or  faxon  paix,  et  je  vous  congnoix  que  san  my  vous  ne  poeis  bien 

«  faire,  maix  faites  vostre  partie  bonne,  et,  cequ'affierta  moy,  vousmetrowereis 

«  aidés  aiparilliez.  »  Or  le  regraicie  !i  arme  et  li  demandet  paix  parfaite.  «  Sire, 

«  moût  grant  mercy.  Dont  je  vous  pry  et  requier  que  vous  me  pardonneis  mes 

«  pechiés  et  me  donneis  force  de  raipaizier  mai  sensualité!  et  ma  conplexion, 

«  et  tout  mon  mouvemant  2  desordenei  charnel  et  esperituel,  par  quoi  je  vous 

«  puixe  (Jol.  21  b)  servir  puremant,  ameir  et  amandeir  de  tout  mon  cuer  antie 

•  remant,  et  sowant  panceir  a  vous  devotemantî.  »  Amen. 


I .  Ms.  pariant. 

.2  11  y  a,  non  pas  mouremant,  mais  moucmant  avec  un  signe  d'abréviation  sur 
\'o.  Il  me  paraît  cependant  incorrect,  ici  et  en  quelques  cas  analogues  (voy.  page 
suivante),  de  transcrire  ce  signe  par  h. 

.3  La  fin  du  morceau  est  un  peu  différente  dans  le  ms.  45  de  Montpellier  (fol. 
41  c)  (f . . .  servir  purement  et  amandeir  de  tout  mon  cuer  entièrement,  et  so- 
«  vant  a  vos  panseir  dévotement,  et  que  je  soie  dou  tout  a  vos  traite  et  tout 
«  autres  choses  sans  vos  me  soient  a  tais,  et  vos  me  soiez  toute  mai  joie,  touz 
i  mes  confors  et  tous  mes  solais.  Amen.  » 


NOTICE    D  UN    MS,    MESSIN  17^ 


Il  s'agit,  dans  le  chapitre  transcrit  ci-dessous,  de  Jourdain  de  Borrentrick 
près  Mayence,  qui  fut  le  second  général  de  l'ordre  de  Saint  Dominique, 
et  mourut  en  1257.  On  peut  voir  sur  ce  personnage  Quétif  et  Echard,  1, 
9J-I00,  etOudin  III,  85-6.  Sa  \\e  esl'impnmée  àansksActa sanctorum, 
au  I  î  février.  Les  Bollandistes  ont  joint  en  appendice  à  cette  vie  une 
suite  d'exempla  tirés  du  Bonum  universale  de  apibus  de  Thomas  de  Can- 
timpré,  dont  frère  Jourdain  est  le  héros.  Je  n'y  vois  pas  figurer  l'histo- 
riette dont  la  teneur  suit.  Même  texte  dans  le  ms,  d'Epinal  189,  fol.  4 
{Bulletin  prêché,  p.  68). 

Ce  sont  lez  parollcs  que  li  ancmins  dit  de  la  tris  grant  biautè  nostre  Signour 
(f.  21  b). 

Il  avint  a  freireJordain,des  freires  proichours,qu'i  pairloit  a  une  personne  qui 
avoit  i'anemin  ou  cors,  et  demandait  a  l'anemin  an  queil  leu  qu'i  seroit  plus 
voulantier  ;  il  respondit  :  •  Ou  cielz.  >'  Et  il  li  demandait  la  cause  pour  quoi 
il  deziroit  estre  ou  cielz.  Il  li  respondit:  «  Pour  ceu  qu'i  veyt  lai  faisse  dou 
«  Creatour  ».  Et  li  freire  li  demandet  pour  quoi  il  lai  veireit  si  volantier.  Il 
respondit  :  «  Pour  ceu  que  je  lou  vis  on  poc  de  tans,  autretant  de  tans  com  on 
«  meteroit  a  clore  .j.  eulz;  mai.K  pour  autretant  a  veoir  sa  faice  a  dairien  jour 
«  je  vo'jrcie  que  je  soutTri.xe  jesques  a  celui  jour  lai  poinne  de  toutes  1  les  armes 
«  dampnées.  »  Quant  li  freires  oït  ceu,  il  fuit  si  formant  espowanteis  qu'i  sambloit 
qu'i  n'eût  an  ly  point  d'esperith.  Quant  il  fut  a  lui  revenus,  ce  dit  a  mavaix 
esperith  :  »  Tu  ais  moût  très  bien  dit,  maix  je  te  prie  que  tu  me  dies  lai 
«  conpairixon  d'aucunne  biautei  a  lai  biautei  dou  Creatour.  »  Li  mavaix  es- 
peris  respondit  :  «  Tu  [fjais  follie  de  dcmandeir.  Se  lu  estoies  aniens  moy  {sic) 
«  ajoins  et  2  creatour  par  ci  grant  vicinitei  com  je  ly  fus  ajoins  quant  j'estoiet 
«  encores  séraphin  et  croeis  a  ceu  que  veïxet  la  faisse  dou  Creatour,  et  je 
«  amsamble  tous  lez  bons  angres  et  lez  mavaix  et  tous  lez  (c)  sains  anconman- 
n  xaixet  a  dire,  nos  tuit  ne  poriens  nulle  choze  dire  que  tu  antandixes,  jai  soit 
«  ceu  que  tu  veïxes  la  faisse  dou  Creatour.  Grief  choze  m'est  acunne  choze  de 
«  ceste  comparixon  de  celle  biautei  non  comparauble,  maix  une  choze  te  dis 
a  qu'est  dou  tout  niant  a  regairt  de  la  veritei  :  Regairde  de  3  toutes  les  biauteis  sus 
<  toutes  lez  biauteis,  soit  de  coullours,  soit  de  gemmes,  c'on  dit  pieres  preciouses, 
«  ou  d'escharboucie  4  ou  de  toutes  autres  pieres,  ou  d'yvoire  ou  d'or  ou  d'argent, 
«  de  tous  metaul,  de  flours  et  de  toutes  lez  chozes  que  delitet  les  eulz  par  lor 
«  biautei  estoient  ansamble  an  un,  et  toutes  lez  estoiles  luxoient  a  lai  samblance 


1.  Ici  et  plus  bas  (I.  24  de  ce  morceau)  il  y  a  tôtcs^  et  de  même  (I.  4,1  j)  dô\ 
)e  ne  crois  pas  pouvoir  transcrire  tontes,  don,  bien  que  M.  Bonnardot  admette 
Ion,  don  pour  /ou,  dou,  en  messin  ;  voy.  La  guerre  de  Metz  en  1J24,  p.  442,  note. 

2.  Pour  a. 

3.  Ici  et  quatre  lignes  plus  bas  de  semble  mis  pour  se. 

4.  Ms.  escharb'te.  Le  signe  abréviatif  est  celui  qui  ordmairement  signifie  ur. 


174  P-    l^EYER 

0  dou  soulailz,  et  li  soloilz  avoit  lumière  devant  toutes  ces  estoiles,  anci  corn 
«  il  ait  or  devant  celles  qui  ores  sont,  et  toutes  ces  belles  estoiles  et  cilz  soloil 
(I  getoient  lor  clairteit,  saiches  certainnemant  que  celle  biautez  resplendiroit  dou 
«  tout  an  tout  par  desus  toute  humainne  estimation.  Et  toute  voie,  ce  '  seroit 
(I  celle  biautei  niant  comparaubie  a  la  biautei  dou  Creatour,enci  com  li  neus  est 
«  plus  obscure  et  niant  comparaubie  a  jour,  quant  il  est  plus  cleirs.  »  Adons 
dit  freires  Jordains  qu'  i  ce  faixoit  bon  travillier  a  ceste  morteil  vie  que  duret 
poc  pour  veoir  celle  grant  biautei  a  tout  jour  maixsan  defallir. 

VI. 

Ce  morceau  et  le  suivant  se  lisent  aussi  au  fol.  5  du  ms.  d'Epinal. 

Vcci  .;'.  notable  trait  de  dis  Salmon. 

Qui  fut  onques  que  .j.  soûl  jour  antier  fut  an  son  délit  joeusemant,  que 
d'acunne  choze  ne  fut  troubleis  {d)  an  aucunne  heure  dou  jour  ou  par  poour 
de  cowoitize  ou  par  aguillon  d'anvie,  ou  par  ardour  d'avairice  ou  par  orguelz 
demeneir,  ou  par  bobant  ou  par  damaige  ou  par  aucun  courous  ou  par  veoir 
ou  par  oïr  ou  par  autre  fait.''  Oie  la  santance  dou  Saige  qui  dit  :  «  De  le  matin 
(1  jesques  a  vespres  ce  chainget  li  tamps  2,  et  cogitations  diverses  sorvienent 
a  et  la  paiicée  de  l'omme  est  rai  vie  an  diverses  choses,  n 

VII. 

Autre  notable  d'AiisloUs. 

Vertus  est  une  très  bonne  chozes,  maix  elle  est  messaixie  a  lai  persone  a 
aquerir.  Vertus  weult  estreaquise  an  angouxe  et  an  pressure  de  cuer,  c'est  an 
mortefiant  trestous  malvais  usaiges  et  mavaixe  couslumes.  trestoute  propre  3 
voulanteir  [sic)  de  cuer  et  toute  propre  et  desordenée  amour. 

VIII. 

La  Passion,  traduction  d'un  traité  latin  de  Michel   de   Massa. 

Michel  de  Massa  est  un  religieux  augustin  qui  mourut  à  Paris  en  1 3  56. 
On  trouvera  l'énumération  de  ses  écrits,  qui  paraissent  être  tous  restés 
inédits,  dans  les  ouvrages  de  Gandolfi  et  d'Ossinger  sur  les  écrivains  de 
l'ordre  de  saint  Augustin  4.  Les  mss.  de  son  traité  sur  la  Passion  ne 
sont  pas  communs.  Gandolfi  en  signale  un  dans  la  bibliothèque  de 
Bodiey  s.  Ossinger  ajoute  qu'il  s'en  trouve  un  à  Munich  et  un  autre  à 


1.  Corr.  ne. 

2.  ECCLI.  XVIII,  26. 

5.  Ms.  ppc  (le  premier  p  bouclé)  ici  et  à  la  ligne  suivante. 

4.  Disseitalio  liistorica  de  ducentis  celebenimis  Augustiniams  scriptoribus. . . 
...  auctore  Fr.  Dominico  Antonio  Gandolfo,  genuensi.  Romaï,  1704,  in-4, 
p.  267-8  ;  Ossinger,  Bibliothcca  augustiniana^  IngohUdt.,  1768,  in-!ol.,  p.  567-8. 

5.  C'est  le  n»  2670  (BodI.  sup.  D  i ,  art.  71)  des  Catalogi  de  Bernard. 


NOTICE    D  UN    MS,    MESSIN  1  7 1, 

Louvain.  J'en  pourrais  indiquer  plusieurs  en  des  bibliothèques  étran- 
gères ',  mais  je  n'en  ai  pas  trouvé  à  Paris.  Je  ne  connais  pas  non  plus 
un  second  exemplaire  de  la  traduction  française  que  nous  a  conservée 
le  ms.  de  Montpellier.  Cette  traduction  est  en  prose,  mais  elle  est  pré- 
cédée d'un  prologue  en  vers  dans  lequel  le  traducteur  nous  apprend  qu'il 
a  suivi  ce  frère  Michel  de  Masse  ».  Il  y  a  d'autres  exemples  d'ouvrages 
en  prose  précédés  d'un  prologue  en  vers  -,  mais  il  a  pu  arriver  que  ce 
prologue  ait  été  supprimé,  et  qu'avec  lui  ait  disparu  le  nom  de  l'auteur 
du  traité  original.  Par  suite  il  n'est  pas  impossible  qu'on  trouve  d'autres 
exemplaires  de  notre  traduction  entre  les  traités  anonymes,  rédigés  en 
français,  de  la  Passion. 

Le  ms.  de  Montpellier  n'a  point  d'ornements.  Toutefois  il  paraît  que 
l'intention  du  traducteur  était  que  son  œuvre  fût  accompagnée  de  minia- 
tures, car,  dès  le  début,  après  le  prologue  en  vers,  il  note  que  si  on 
voulait  enluminer  son  récit  de  la  passion,  il  y  faudrait  faire  une  initiale 
ornée  contenant  la  représentation  du  sacrifice  d'Abraham. 

(Foi.  22).  Ci  conmanctt  li  passion  Jhcsucrit. 

[A]n  l'ounour  de  la  Trinitei,  An  ajustant  dez  dis  plusours 

Trois  persone  en  vraie  unité,  De  sains  et  d'autres  docteurs. 

Ci  conmancet  li  passion  Cy  panrait  preinieremant 

Que  pour  nostre  rédemption  Une  pairolle  cieiremant 

Jhesus  fil  de  Marie  souffrit  A  nostre  pourpous  désert 

Quant  a  Dieu  le  paire  s'offrit  Corn  Abraham  en  .j.  désert 

An  l'arbre  de  la  croix  angouxeuse  Vot  Ysaac  panreet  lier 

Ou  il  soustint  la  mort  honteuse.  Et  sus  l'auteil  sacrifier, 

Et  en  ceste  exposicion  Laquelle  sacrification 

Je  weul  xevre  l'antancion  Fut  figure  de  la  passion, 

De  l'ewangelistre  saint  Matheu  Com  il  aipairait  ci  après 

Et  des  autres,  chescun  an  son  leu,  Que  l'istoire  voirrait  de  près. 

Selont  freire  Michiel  de  Masse,  Ce  weul  l'ystoire  conmancier 

(Jhesu  an  gloire  leu  li  fasse  !  Et  Marie  saluer  premier: 

Bacheleirs  fut  an  théologie,  Ave  Maria  gratia  pltna.,  etc. 
Li  millours  qui  fut  an  sa  vie) 

Qui  vouroit  ceste  passion  escrireet  anlumineir,  il  est  a  savoir  qu'an    la  pre- 


1.  Par  ex.  Musée  britannique,  Add.  28785,  fol.  26-84,  ^^^  siècle;  Vienne 
(Autriche),  4186,  fol.  151-72,  xv^  siècle. 

2.  Je  citerai  l'histoire  en  prose  de  Philippe-Auguste  dont  il  ne  nous  reste 
plus  que  le  prologue  en  vers  que  )'ai  publie  d'après  un  ms.  du  Musée  britan- 
nique, dans  la  Romania,  Vl,  494-8,  et  la  vaste  compilation  intitulée  dans  les  plus 
anciens  mss.  :  «  Le  livre  des  histoires  du  commencement  du  monde  «  (histoire 
ancienne  jusqu'à  César),  Romania^  XIV,  59. 


176  p.    MEYER 

miere  lettre  doit  awoir  l'ymaige  d'Abraham  tenant  une  espaie  en  l'unne  des 
mains,  et  an  l'autre  son  fil  Ysaac  liés  et  couchiet  sus  l'auteil,  sus  un  monceil  de 
langnez,  et  a  dessius  (sic)  de  (b)  l'auteil  doit  avoir  l'ymaige  dou  crucefy  seulemant. 

Conmancemant 

ExtcnJit  manum  suam  et  arripuit  gladium  ut  inmohrct  filium.  Genesis  xxiij. 
La  santance  de  ceste  pairolle  qui  est  ditte  d'Abraham  qui  figuret  Dieu  le  peire 
et  de  son  fil  Ysaac  qui  figuret  Dieu  le  fil,  est  teille.  Il  estandit  sai  main  et  prit 
l'espée  pour  son  fil  sacrifier.  Et  sont  escripte  ou  premier  livre  de  lai  Bible 
qu'estaipelleis  Genesis,  ou  .xxiij.  chapitre.  Pour  avoir  de  ces  pairolles  l'antancion, 
et  pour  antieremant  companre  l'ystoire  de  la  passion,  i!  est  a  savoir  que  .j. 
maistre  qu'est  aipelleis  Jaiciues,  an  un  livre  c'on  dit  de  la  vie  de  Jhesucrit,  res- 
contet  conmant  li  vierge  Marie  fut  crucifié[e]  de  la  passion  de  son  très  amez  filz 
Jhesucrit. 

Note  la  dolour  de  Marie  devant  la  passion. 

Et  dit  que  lou  mecredy  devant  la  passion,  que  nous  dixons  le  grans  mecredy, 
li  vierge  Marie  lut  an  teil  doulour  et  an  teille  angouxe  que  pluseurs  fois  an  celle 
journée  elle  cheït  az  pies  de  son  chier  fil  pâmée  et  auci  corn  demy  morte... 

Ce  traité  contient  nombre  d'éléments  pris  ailleurs  que  dans  les  évan- 
giles. Saint  Augustin,  saint  Jérôme,  saint  Bernard  et  d'autres  pères  y 
sont  cités,  les  bestiaires  y  sont  mis  à  contribution.  L'auteur  introduit 
dans  son  récit  de  nombreux  discours  de  Jésus,  de  la  Vierge,  de  sainte 
Marie  Madeleine.  L'ouvrage  devait,  dans  la  pensée  de  son  auteur,  être 
orné  de  peintures.  Cela  résulte,  non  seulement  du  passage  du  début 
rapporté  ci-dessus,  mais  encore  d'un  morceau  qui  interrompt  la  narra- 
tion au  fol.  51  c.  «  Icipuetonnoteir  le  figures  de  lai  mort  et  de  la  passion 
«  Jhesucrit,  especialmant  celles  dou  Viel  Testamant.  —  1 .  Veci  Abel  que  ces 
«  frères  Caym  occit  pour  l'anvie  qu'il  avoit  de  ceu  que  Deus  ces  dons 
«  an  bon  greit  recevoit.  II.  Veci  Noél  lou  '  juste  a  cui  Deus  fist  le  con- 
te mandement  de  monteir  en  l'airche  pour  saveir  tout  humains  lignage 
«  entieremant.  —  III.  Veci  Ysaac  que  ces  pères  Abraham  vot  offrir  en 
a  aicomplixant  de  Dieu  lou  commandemant  et  qui  sus  ces  espaules  portoit 
«  lez  laingnes  pour  faire  le  feu  dou  sacrifice...  «  Le  nombre  des  figures 
ainsi  décrites  est  de  douze. 

Fin  (fol.  58)  : 

Car,  selont  ceu  que  dit  li  apostres,  ce  nous  sonmes  par  compassion  partici- 
pans  des  doulours  Jhesucrit  et  de  sai  passion,  nous  serons  parsonniers  de  sai  gloire 
et  de  sai  résurrection.  Laiqueille  gloire  il  nous  wellet  otroierJhesus  fil  de  Marie 
parlai  prière  des  .ij.  vierges  Marie  et  Jehan,  qui  est  uns  Dieus  avec  le  père  et 
saint  Esperilh  benois  et  glorieus  a  tous  jours  maix  san  fin.  Amen. 

I.  Ici  et  plus  bas  lou  est  écrit  lo  avec  une  barre  supérieure. 


NOTICE    D  UN    MS.    MESSIN  1 77 

Explicit  l'ystoire  de  la  passion  Nostre  Signour  Jhcsucrit,  amen,  a  cui  en 
soient  graice  et  gloire.  Amen.  Amen. 

IX. 
La  Lettre  de  Prêtre  Jean. 

A  ce  morceau  commence  la  partie  qui  a  été  arrachée  par  Libri  au  ms. 
de  Montpellier.  L'ouvrage  analysé  dans  le  paragraphe  précédent  se  ter- 
mine au  fol.  Ixxxj  recto  de  l'ancienne  pagination  ;  le  verso  avait  été 
laissé  blanc.  Cette  circonstance  était  favorable  à  la  fraude,  puisque  la 
partie  laissée  à  Montpellier  paraissait  complète,  et  les  feuillets  enlevés 
eussent  présenté  la  même  apparence  si  Libri  n'avait,  contrairement  à  sa 
coutume,  négligé  de  faire  disparaître  l'ancienne  pagination. 

Le  texte  de  la  lettre  de  Prêtre  Jean  qui  occupe  les  fol.  Ixxxij  à 
Ixxxvij  de  l'ancienne  pagination,  n'offre  pas  d'intérêt.  C'est  une  copie 
très  médiocre  d'une  traduction  dont  nous  avons  déjà  maint  exemplaire, 
et  qui  a  été  publiée  par  Jubinal,  à  la  suite  de  son  édition  de  Rutebeuf, 
2«éd.,  m,  556. 

Ci  après  enxeut  U  terre  '  preste  Jehan. 

Preste  Jehan  par  lai  grâce  de  Jhesu  Crit  rois  entre  lez  cristiens,  mande  salus 
et  amour  a  Ferri  i'empereour  de  Rome.  Nous  fasons  savoir  a  lai  vostre  amour 
que  il  nous  ait  esteit  rescontei  que  vous  desiriés  moût  a  savair  par  veritei  de  nos 
et  de  nostre  terre  et  de  nos  chestez  et  de  nostre  créance.  Nous  voulons  bien 
que  vous  saicliiés  2  lou  Père  et  le  Fil  et  iou  saint  Esperit  estre  .iij.  persones  en 
.j.  Deu  soulemant,  et  enci  le  créons  nos  fermemant  ;  pour  lequeil  choze  vous 
nos  mandastes  que  nos  lai  créance  de  nostre  gent  et  de  nostre  terre  vous 
feïssiens  asavoir  par  nos  letres.  Et  nous  vous  dixons  le  covine  de  nous  et  de 
nostre  terre  tote.  Et  se  vous  vouleis  aucunne  choze  que  nos  puissiens  faire, 
mendeis  le  nos,  et  vousl'aireiz  a  vostre  voulantei.  Et  se  vous  vouleis  venir  en 
nostre  terre,  bien  il  soiez  vous  venus,  car  vous  sereis  sires  de  toute  nostre 
terre  après  nous... 

Fin  (fol.  iiij^^  et  vij)  : 

Or  vous  avons  raicontei  en  veritei  5  toutes  ces  chozes  pour  ceu  que  vous 
sachiés  l'estre  de  nostre  pais  et  de  nostre  palais,  et  queil  gent  nos  sommes,  et 
de  queil  créance,  et  quel  vie  nous  menons. 

Expiicit. 


I  .  Sic,  corr.  htre. 

2.  Suppl.  que  nous  créons? 

3.  Ms.  rcntà. 

Romania,  XV 


p 

MEYER 

X. 

:s 

Litanies 

«78 


Suit  un  morceau  ayant  pour  titre  Pour  coy  lez  letanies  furent  ordonnées 
que  on  disî  les  rogacions.  Inc.  :  «  Les  letanies  sont  faites  ij.  fois  en  l'an, 
u  c'est  a  savoir  la  première  letaniele  jour  de  feste  S.  Marcevangelistre...» 
Le  titre  est  de  la  main  qui  a  numéroté  les  feuillets,  et  écrit  au  commen- 
cement du  ms.  les  notes  rapportées  plus  haut,  c'est-à-dire,  selon  toute 
apparence,  de  la  main  de  Jacques  d'Esch.  Le  morceau  occupe  les  deux 
feuillets  numérotés  uij^''  et  vil'i  et  iuj^^  et  ix. 

X. 

Consultation  de  Jean  Le  Fèvre,  médecin  établi  a  Montpellier, 
sur  le  traitement  de  la  goutte. 

Ce  morceau,  qui  me  paraît  être  le  plus  intéressant  de  tout  le  ms.  et 
qui  sans  doute  a  déterminé  le  choix  fait  par  Libri,  est  précédé  de  ces 
mots:  Pour  lez^  goutte  S'  Jehan  d'Aix.  L'écriture  de  cette  sorte  de 
rubrique  est  celle  que  je  crois  pouvoir  attribuer  à  Jacques  d'Esch.  Quant 
au  Seigneur  «Jehan  d'Aix  »,  il  n'est  pas  facile  de  le  déterminer  avec 
une  entière  certitude.  Lems.  étant,  selon  toute  apparence,  des  dernières 
années  du  xiv^  siècle,  il  me  paraît  probable  que  le  Jean  pour  qui  a  été 
faite  la  consultation  insérée  dans  ce  ms.  était  Jean  d'Esch,  maître  échevin 
en  1373  et  qui  mourut  avant  1598  ^.  Ce  Jean  eut  un  fils,  également 
appelé  Jean,  sur  lequel  nous  ne  savons  rien,  sinon  qu'il  survécut  à  son 
père.  Un  troisième  Jean  d'Esch,  fils  de  Jacques  d'Esch,  mourut  en  1439. 
Hannoncelles,  II,  67,  publie  son  épitaphe.  Mais  l'époque  à  laquelle 
il  est  permis  de  rapporter  le  ms.  convient  mieux  au  premier  de  ces  trois 
personnages. 

Jean  d'Esch  souffrait  de  la  goutte.  C'était  un  homme  riche.  Il  résolut, 
probablement  après  avoir  essayé  sans  succès  des  médecins  de  Metz, 
de  consulter  un  médecin  de  Montpellier.  Il  s'adressa  à  un  certain  Jean 
Le  Fèvre,  de  Metz,  qui  se  nomme  à  la  fin  de  la  consultation,  et  qui 
combinait  en  sa  personne  les  deux  avantages  d'être  un  compatriote 
et  d'habiter  la  ville  renommée  entre  toutes  pour  son  école  de  médecine. 

Il  est  probable  que  maître  Jean  Le  Fèvre  rédigeait  ordinairement  ses 
conseils  en  latin,  cette  fois  il  s'est  servi  de  la  langue  française,  ou  plutôt 
messine,  car  nous  n'avons  aucune  raison  de  croire  que  le  texte  qui  nous 


.  Lez  est  pour  la,  en  lorrain. 

.  Voy,  le  Président  d'Hannoncelles,  Metz  ancien^  II,  6y 


NOTICE  d'un  ms.  messin  1 79 

est  parvenu  de  sa  consultation  soit  traduit  du  latin.  Il  est  bien  plus  vrai- 
semblable que  Jean  d'Aix  ou  d'Esch  l'a  fait  trancrire  dans  son  manuscrit 
telle  qu'elle  lui  était  parvenue.  Ce  faisant,  il  témoigna  pour  son  médecin 
d'une  considération  méritée.  Jean  Le  Fèvre,  sur  qui  du  reste  il  m'a  été 
impossible  de  découvrir  aucun  témoignage,  paraît  avoir  été  un  homme 
sensé.  Ses  conseils  sont  en  général  judicieux,  autant  qu'il  m'est  permis 
d'avoir  une  opinion  en  pareille  matière.  Les  superstitions  astrologiques  et 
autres  y  tiennent  peu  de  place,  et  s'il  est  vrai  que  plusieurs  des  remèdes 
indiqués  ont  dû  être  plus  profitables  au  pharmacien  qu'au  malade,  le 
régime  prescrit  est  raisonnable  et,  somme  toute,  la  médication  de  maître 
Jean  Le  Fèvre  ne  doit  pas  avoir  été  beaucoup  moins  efficace  que  celle 
qu'on  suit  aujourd'hui  en  pareil  cas. 

L'hypothèse  admise  par  notre  docteur,  qui  n'avait  pas  vu  son  malade, 
est  que  la  goutte  de  Jean  d'Esch  «  vient  de  chaude  cause  »  ;  mais  si  par 
aventure  elle  venait  de  «  froide  cause  »,  de  tout  autres  remèdes  devraient 
être  ordonnés  (§  1 3).  Le  moyen  de  se  décider  entre  ces  deux  causes  est 
bien  simple  :  il  consiste  à  savoir  si  la  partie  du  pied  où  on  sent  la  douleur 
est  froide  ou  chaude.  Jean  Le  Fevre  prie  son  malade  de  le  renseigner 
sur  ce  point  «  par  aucun  qui  vieingne  à  Montpellier  ».  En  attendant  il 
lui  adresse  les  conseils  qui  conviennent  à  la  goutte  venant  de  «  chaude 
cause  ».  Tout  d'abord  il  lui  trace  un  régime,  indiquant  en  premier  lieu 
ce  qui  doit  être  évité.  Il  interdit  les  poissons,  principalement  ceux  d'eau 
limoneuse  comme  est  la  Seille,  qui  passe  à  Metz,  comme  chacun  sait  (3), 
la  viande  de  porc,  les  oiseaux  aquatiques,  oies,  canaids,  etc,  (4],  le  vin 
nouveau,  les  vins  épicés  (5],  le  fromage  (61,1e  lièvre,  le  bœuf  trop 
âgé  (7I,  les  salaisons  (10),  les  fruits,  à  peu  d'exceptions  près  (17;.  Il  lui 
défend  de  coucher  sur  le  dos  (19),  de  chevaucher  le  ventre  plein  (14I.  Il 
lui  recommande  la  continence  et  l'engage  à  éviter  les  soucis  comme  aussi 
à  se  coucher  de  bonne  heure  et  à  se  bien  couvrir  tout  le  corps  en  hiver, 
et  particulièrement  les  pieds  (151. 

Après  avoir  dit  ce  qu'il  faut  éviter,  maître  Jean  Le  Fèvre  indique  les 
aliments  et  les  remèdes  qu'il  juge  appropriés  à  la  condition  du  malade. 
Il  l'engage  à  ma-^ger  du  pain  bien  cuit  et  bien  levé,  à  boire  du  vin  rouge, 
qui  ne  soit  pas  doux.  Il  conseille  la  viande  de  veau  ou  de  jeune  bœuf  ou 
de  mouton  n'ayant  pas  plus  d'un  an  ou  un  an  et  demi,  les  poulets,  les 
jeunes  lapins,  de  temps  à  autre  les  pieds  et  le  groin  de  porc  (25).  En 
carême  et  en  temps  de  jeûne  il  recommande  l'orge  ou  lerizauxamandes 
et  la  purée  de  pois  chiches  (25).  Il  permet  les  pêches,  pourvu  qu'elles 
soient  bien  mûres,  les  prunes  noires  et  les  cerises  aigres  et  différents  lé- 
gumes (27-8).  Il  lui  donne  la  recette  d'une  sauce  où  le  gingembre,  le  co- 
riandre et  les  clous  de  girofle  tiennent  une  grande  place,  pour  assaisonner 
les  pâtés  (29K   Par-dessus  tout,  il  lui  recommande  l'usage  constant, 


l8o  P.    MEYER 

avant  le  dîner  et  après  le  souper,  du  coriandre  qui,  dit-il,  empêche  les 
oreilles  de  corner,  éclaircit  la  vue,exciie  l'appétit,  prévient  l'esquinancie 
et  mainte  autre  maladie,  et  empêche  la  goutte  de  descendre  dans  les  ar- 
ticulations (50,  51).  Il  lui  prescrit  ensuite  de  se  faire  saigner  deux  fois 
l'an,  en  mars  ou  au  commencement  d'avril,  et'à  l'automne,  entrant  dans 
de  minutieux  détails  sur  les  conditions  dans  lesquelles  cette  opération  doit 
avoir  lieu  (54-37)- 

Arrivant  ensuite  aux  remèdes  proprement  dits,  il  lui  donne  la  recette 
de  divers  liniments  et  emplâtres  destinés  à  calmer  la  douleur.  Il  recom- 
mande aussi  les  bains  de  pied  dans  une  décoction  de  fleur  d'amande,  de 
camomille,  de  feuilles  de  myrte  et  de  mélilot,  ou  encore  dans  de  l'eau  où 
on  aurait  fait  longtemps  bouillir  un  renard  ($51'-  Et  si  ces  divers  remèdes 
ne  suffisent  pas,  il  convient  d'user  de  chirurgie  et  d'appliquer  des  fers 
rouges  au-dessous  de  la  cheville  et  au-dessous  du  genou. 

Maître  Jean  Le  Fèvre  était  un  médecin  honnête.  Il  ne  s'exagérait  pas 
la  valeur  des  remèdes  qu'il  conseillait.  Il  y  voyait  plutôt  des  palliatifs. 
«  Si  vous  vous  gardez  des  choses  dessus  dites  »,  écrit-il,  «  et  si  vous 
«  faites  ce  qui  s'ensuit,  vos  douleurs  ne  seront  plus  si  fortes  qu'elles  étaient 
«  et  vous  y  trouverez  un  allégement  sensible.  Et  toutefois  ne  vousémer- 
«  veillez  pas  si  l'amélioration  n'a  pas  lieu  promptement,  car  cette  maladie 
«  est  trop  forte  à  guérir  »  (22).  Et  ailleurs:  «  Notez  bien  tout  ce  qui  vous 
«  est  défendu  et  tout  ce  qui  est  permis  pour  votre  gouvernement  et 
«  comment  vous  en  devez  user.  Et  comme  cette  maladie  peut  difficile- 
«  ment  être  guérie,  je  vais  vous  écrire  ce  que  vous  devez  faire  pour  al- 
«  léger  vos  douleurs,  et  par  aventure  il  pourra  arriver  que  vous  gué- 
«  rissiez,  mais  toutefois  ce  que  je  vous  écris  n'est  que  pour  alléger  votre 
«  maladie  »  (33).  Au  xiv<^  siècle,  la  thérapeutique  appliquée  au  traitement 
des  affections  rhumatismales  n'était  pas  encore  en  possession  de  remèdes 
bien  efficaces,  notre  médecin  en  avait  conscience  et  ne  cherchait  pas  à 
le  dissimuler. 

En  terminant,  il  conseille  à  son  malade  de  se  pourvoir  d'un  bon  phy- 
sicien qui  surveille  l'exécution  des  ordonnances  prescrites  «  car,  »  ajoute- 
t-il,  «je  crois  bien  que  vous  ne  les  sauriez  lire  ni  entendre,  ».  Enfin,  écrit- 
il  encore,  «  si  vous  n'avez  toutes  les  choses  qui  sont  contenues  dans  les 
«  recettes  susdites,  envoyez  à  Montpellier  par  quelqu'un  de  vos  mar- 
«  chands  qui  ont  coutume  de  s'y  rendre,  et  faites-moi  remettre  par  écrit 


I  .  Cette  médication  est  ancienne  :  l'emploi  du  renard  bouilli  dans  l'huile  est 
conseillé  par  Oribase,  Synopsis,  IX,  lvii,  éd.  Bussemaker  et  Daremberg.  V, 
$52,  cf.  VI,  391. 


NOTICE    d'un    MS.    messin  i8i 

«  les  noms  des  herbes  ou  autres  choses  qui  vous  manquent,  avec  l'argent 
«  pour  les  payer.  >^ 

Telle  est  cette  consultation  qui  m'a  paru  à  bien  des  égards  digne  d'être 
publiée,  malgré  les  difficultés  et  les  incertitudes  que  présente  le  texte  qui 
nous  est  parvenu. 

Por  lez  '  goutte  S'  Jehan  d'Aix  (fol.  90  b). 

(1)  Veci  comment  il  vous  covient  governeir  contre  la  maladie  de  vos  goûtes. 
Donc,  tout  premier,  wardez  vous  que  vous  ne  mangieiz  pois  ne  fèves  ne  aultres 
leûns,  ne  chaistines,  fors  que  2  tant  que  vos  poeiz  bien  maingier  de  la  puriée  de 
poi.x  et  de  chiches,  et  non  mie  trop  sovent.  (2)  Item,  wardeiî  vous  de  maingier 
toutes  viandes  faites  de  paiste,  c'est  a  dire  de  toutes  paistes  queutes  an  viandes 
ou  en  browas,  ou  que  soit  saichiée  de  devant  et  pues  queute  en  xaul  ne  avec 
chair  ne  au  fromaige,  ne  que  soit  confice  (sic)  avec  miel,  ensi  com  pain  d'espice 
que  en  appelle  awedique.  (3)  Item,  wardeiz  vous  de  mangier  tous  poi.\'ons  li- 
moneux, com  sont  anguilles,  tanches,  gravices,  loches  et  aultres  teilz  poixons;  et 
briesment,  se  vous  poeiz,  wardJz  vous  de  mangieir  toutes  manière  de  poixons, 
si  fereiz  bien,  e  en  especiaul  de  tous  poixons  de  awe  limoneuse,  ensi  com  est  la 
rivière  de  Saille.  (41  Item,  wardeiz  vous  de  mangieir  toute  chair  qui  est  vis- 
couse,  com  est  chair  de  porc,  soit  vieilz  soit  josne,  et  de  tous  oiselz  qui  vivent 
et  conversent  en  yawe,  com  sont  oyes,  quainnes,  mellairs  et  aultres  teilz,  soit 
privés  ou  savaiges.  (5)  Item,  wardeiz  vous  de  boivre  vin  novel  jusquez  a  tant 
que  il  soit  bien  repairieiz  et  bien  purifieiz,  et  de  tous  vins  fors  com  est  vins 
confis  aux  espices  et  claueiz  5  et  vin  saugieiz,  et  teilz  aultres  vins  confis.  (6) 
Item,  wardeiz  vous  de  mangieir  nulz  fromaiges  et  de  laicel.  (7)  Item,  wardeiz 
vous  (fol.  90  c)  de  mangieir  chair  de  lièvre  et  de  buef  anciens.  (6)  Item, 
wardeiz  que  vous  ne  mangieis  a  un  disneir  ou  a  un  sopeir  plusours  paires  de 
viandes.  (7)  Item,  wardeiz  vous  de  dormir  tantost  après  mangieir.  (8)  Item, 
wardez  vous  de  trop  boivre  et  defuer  de  hore.  C9)  Item,  wardeiz  vous  de  man- 
gieir toute  choses  fort  et  agùe,  si  com  de  poivre,  de  hurucle  4,  de  mostarde, 
d'aulz,  d'oignons,  de  porreiz  et  de  telles  samblans  choses.  (10)  Item,  wardeiz 
vous  de  mangieir  tous  poixons  salleiz  et  toutes  chairs  sallée.  (1 1)  Item,  wardeiz 
que  nulz  fruis  vous  ne  mangieiz;  toute  voie,  quant  li  temps  et  la  saisons  vanrait, 
vous  porreiz  bien  mangier  des  prunes  noirez  et  de  sereiseunpoc  aigres,  com  sont 


1.  Forme  lorraine,  pour  la. 

2.  Ms.  lortjues. 

; .  Sic,  corr.  clairei:  ? 

4.  Sans  doute  Veruca,  vulgairement  roquette,  plante  acre  et  à  propriétés  exci- 
tantes, eruc  dans  le  dictionnaire  de  M.  Godefroy  qui  traduit  par  ••  chenille  » 
sans  faire  attention  que  lexemple  unique  qu'il  cite,  emprunté  au  glossaire  de 
Glasgow,  est  rangé  sous  la  rubrique  de  hcrbis.  Je  trouve  eruquc  au  xv  siècle,  et 
plus  tard,  dans  Cotgrave,  :ruce  «  the  herb  rocket  »,  mix^erucle  ou /ïuruc/t' n'ap- 
paraît nulle  part  à  ma  connaissance.  Cette  forme  semble  indiquer  un  type  eru- 
cula  toutefois  -ucle  peut  s'être  dit  pour  -uijue,  par  addition  d'une  /  non  étymo- 
logique, comme  dans  triade,  canticle,  chronicle,  etc. 


l82  p.    MEYER 

brequenades  ' .  (12)  Item,  ne  vous  beingnieiz  mie  au  mainsscuvent  ou  temps  que 
vous  sentei?:  vostre  maladie,  se  vous  n'estçs  devant  saingnieiz.  ou  que  vostre  corps 
soit  purifieiz  par  medicine.  (13I  Item,  wardeiz  vous  de  travillicir,  soit  en  alleir 
ou  aullrement,  et  de  fort  labour  tatitost  après  ce  que  vous  avereiz  mangieit. 
(i^)  Item,  wardeiz  vous  de  piumeir  2  les  pieis  et  de  chevauchieir  les  jambes  trop 
aquaisiées  et  de  chevauchieir  a  ventre  remplis,  (i^l  Item,  wardiir  (sic)  vous 
de  avoir  compaignie  a  femme,  et  de  tous  corrous  de  hayne,  de  tristece,  de  très 
grans  cusansons,  et  de  longement  veilieir  ;  et  en  yveir  couvreiz  bien  vostre  teste 
et  tout  lou  corps,  et  les  piciz  en  especial  wardeiz  bien  de  froit  au  plus  que  vous 
porreiz.  (16)  Item,  wardeiz  que  les  avant  pieiz  de  vos  chauces  ne  soient  (fol. 
90  d]  trop  estroites,  ne  vos  soliers  auci.  (17)  Item,  wardeiz  vous  de  mangieir 
poires  que  en  mainjuten  yver,  et  de  pomes  auci,  et  cuignes  3,  et  de  chaistines 
et  de  vieiz  raisins  et  de  navieiz.  (18)  Item,  wardeiz  vous  de  maingier  gelines 
trop  viellez.  (19'  Item,  wardès  vous  de  gésir  sus  vostre  dolz.  (201  Item,  wardeiz 
vous  de  boivre  vins  purs  et  trop  subtilz  et  de  mamgieir  aisilz  trop  sovent  et  de 
useir  choses  aigres  et  de  tous  pains  sens  levain  et  mal  cuit,  com  sunt  waisteizet 
pain  trop  blanc.  (21)  Item,  wardeiz  vous  de  toutes  nuixes4  grandes  et  petites. 
(22)  Sire  Jehan  d'Aix,  pour  tant  que  vous  sachieiz  quelz  choses  vous  pueent 
aidier  ou  nuire  a  vostre  maladie,  j'ai  ces  choses  ordenée  (sic)  pour  vosuesancteit, 
et  vous  signefie  que,  ce  vous  aveiz  cusançon  de  vous  wardeir  des  choses  dessus 
dites  et  vous  laites  les  choses  que  si  après  s'ensevent  et  que  je  vous  escris,  sens 
doubtes,  vos  passions  et  les  dolours  de  vostre  maladie  ne  seront  mie  si  grief  ne 
si  fortes  comme  elles  ont  esteit,  maix  ils  apercevereiz  sensible  allégement,  ne 
les  accès  que  vous  solieiz  avoir  ne  seront  si  fort  ne  si  grevable  com  il  soient,  ne 
si  ne  vous  tanront  mie  si  sovent.  Et  si  ne  vous  mervillieiz  mie  se  si  tost  vous  ne 
aperceveiz  alligement,  quar  trop  fort  est  a  wairir  ceste  maladie.  Veci  dont  après 
ceu  que  il  vous  couvient  faire  et  governeir  por  vostre  régime,  quant  a  maingier 
et  a  tout  vos  aultre  governement. 

{21;  fo!.  91)  Veci  conment  il  vous  covient  governeir.  Premieir,  quant  a 
maingieir,  vous  deveiz  niaingieir  pain  qui  soit  bien  cuit  et  bien  leveit,  qui  ne 
soit  mie  ne  trop  durs  ne  trop  blanc  6,  et  boveiz  vin  rouge  qui  ne  soit  mie 
doulx,  main  soit  bien  purifieiz  et  purgieiz  de  toutes  superfluiteiz?  ;  et  maingieiz 
chars  de  veel  qui  soit  de  leit  ou  de  buef  qui  soit  jones,  non  mie  anciens,  et 
chair  de  motons  d  un  an  ou  de  un  an  et  demi  au  plux.  Maingieiz  hardiement 
des  pucins,  des  jones  gelines  et  perdris  et  des  petiz  oiselès,  des  cunins  jones, 


1 .  Je  ne  trouve  ce  mot,  que  je  ne  puis  lire  autrement,  dans  aucun  diction- 
naire. 

2.  Je  ne  saisis  pas  le  sens  de  cette  expression.   Du   reste  la  leçon  plumeir 
n'est  pas  sûre. 

3.  Des  guignes  ou  des  coings.? 

4.  Noix,  actuellement  nuche^  en  patois  lorrain. 

5.  Pour  /  ou  )'. 

6.  C'est  ce  qui  a  déjà  été  dit  au  §  20. 

7.  Cf.  §^ 


NOTICE    d'un    MS.    messin  iS^ 

et  aucunes  foiz  des  pieiz  et  des  groing  (sic)  de  porc  et  des  ventres  de  veel 
et  de  motons.  (24)  Item,  wardeiz  tant  corn  vos  porroiz,  et  especialment  ou 
temps  de  esteit,  que  vous  ne  boveiz  point  de  vin  qui  ne  sot  bien  attrampeiz 
d'iawe.  (25)  Item,  quant  vous  junereiz,  ou  ou  temps  que  en  doit  juneir,  soit  en 
quairesme  ou  en  au  tre  temps,  vous  poeiz  bi^n  maii  gieir  de  l'orge  aux  esman- 
dres  ou  dou  riz  fais  a  foison  J'amandres  et  de  la  purie  de  chiches.  (26)  Item, 
toutes  choses  que  en  puet  humeir  sont  profr.ables.  (27)  Item,  ou  temps  que  les 
perses  sont  bonnes,  vous  en  poeiz  bien  maingieir  une  que  soit  bien  meure,  et 
poeiz  bien  maingieir  des  prunes  noires  et  des  sereises  aigres.  (28)  Quant  aux 
herbes,  vous  poeiz  bien  useir  delà  loraige  ",  deschos  lombardas,  des  espinaches, 
des  laituee,  et  des  somences  de  chos  blans  avec  un  poc  de  persil.  (29)  Item, 
quant  au  saices,  vous  porreiz  bien  useir  en  vos  paistelz  et  en  {fol,  91  b)  vos 
salses  de  cest  porré  et  non  mie  trop  habundanment,  maix  en  petite  quantitei  :R.  ^ 
preneizdou  blanc  gegimbre  .ij.  3  3,  c'est  .ij.  onces,  et  demy  once  de  coriandre 
qui  soit  buHis  en  vin  aigre,  et  bien  saichieiz  et  bien  apparillieiz,  et  des  clos  de  gi- 
rofle- et  dou  saffran,  autretant  de  l'un  conme  de  l'autre,  Ies4  poix  de  une  dragme, 
iS  .j.,  et  de  la  kenelle  bien  fine  .vj.  dragmes,  5  .vj.;  et  de  toutes  ses  choses 
faites  bone  porre,  et  de  ceste  porre  vous  meslereiz  avec  amandres  bien  broiées, 
et  en  fereiz  une  salse  avec  un  poc  de  verjus  ou  de  vin  aigre  ou  6  de  ceste  porre 
en  poeiz  confire  vos  paistelz,  especialment  par  tout  lou  temps  d'esteilz,  especial- 
ment quant  on  tire  les  pastelz  fuer  dou  four.  (}o)  Item,  vous  poeiz  bien  useir 
dou  lait  d'amandres  detrampeiz  an  jus  de  pomes  de  granate  ou  an  verjus;  et 
pour  tant  que  a  Mes  vous  ne  poeiz  mie  bien  recovreir  de  pomes  de  granate,  il 
soffit  que  il  soit  fait  au  verjus,  et  en  faites  en  manière  de  une  salse  que  soit 
commune  a  chairs  rostie  ou  a  poixons;  et  il  7  meteiz  de  la  fine  quanelle  avec  foi- 
son d'amandres  et  de  l'aisy  ^,  et  en  yver  y  meteiz  dou  blanc  gegimbre.  (51)  Item, 
je  vous  los  et  conseille  souvrainnement  que  vous  usieiz  bien  sovent  dou  co- 
riandre confis  et  bien  apparrieiz,  ou  dou  pur  coriandre  apparilliez  senz  sucre, 
et  dou  confiz  preneiz  en  devant  disner  et  après  soupeir  ou  vous  beveiz  après  ce 
que  vous  lou  panreiz  aultre  fois,  quar  vous  en  apersevereiz  plusours  profis  et 
au  stomaque  et  aux  {()  oreilles,  quar  il  deffent  les  oreilles  de  corneir,  et  aux  eulx, 
quar  vous  en  vaireiz  plus  cleir,  et  wairde  de  occursir  les  eulx  et  aguise  et  forte- 
fie  l'appétit  et  warde  les  gensives  de  porriture  et  de  punaisie  et  de  l'esquinance 
et  de  moult  d'aultres  maladies  les  queilles  ie  laisse  a  nommeir  pour  cause  de 
briefteit.(  3  2)  Et  saichieiz  que  il  valt  et  résiste  encontre  toutes  humor  et  vapour 
venemouse,  et  deffent  que  les  humours  que  sont  causes  de  ses  goûtes  ne  des- 


1 .  Corr.  borraige,  de  la  bourrache.?  Littré  n'indique,  à  l'hiit.  de  ce  mot,  que 
borracctl  bourrache,,  mais  il  y  a  barage  dans  un  vocabulaire  latin  anglais-français 
du  xiir  siècle,  Wright,  A  vol.  of  vocabulanes  I  (1857),  140. 

2.  Rccipc. 

j.  Faute  de  mieux  j'emploie  ce  chiffre  pour  désigner  l'once 

4.  Pour  le. 

5.  Je  rends  par  un  5  le  signe  de  la  dagme. 

6.  Il  faut  supposer  une  lacune,  ou  corriger  ou  en  et. 

7.  Pour  i  ()). 

«.  Pour  aisil,  vinaigre. 


184  P-    MEYER 

cendient  au  junctures,  et  pour  tant  vous  consoille  je  tant  corn  je  puix  pour  vostre 
profit  que  vous  en  uzieiz  chesques  jour. 

(33)  Or  noteiz  bien  tout  ceu  que  vous  est  deffendut  et  toutes  choses  que  je 
vous  ai  deffendut  cy  dessus  et  toutes  les  choses  auci  que  vos  sunt  oltriéfe]s  por 
vostre  governement,  et  connient  vous  en  deveiz  useir.  Et  pour  tant  que  ceste 
maladie  a  poinne  puet  estre  wairie,  pour  tant  vous  escris  je  tantost  après  quelz 
choses  vous  deveiz  faire  pour  aliegieir  vostre  maladie,  et  par  avanture  vous 
porreiz  '  bien  garir,  maix  toute  voie  ceu  que  je  vous  escris  ici  je  vous  escris 
plus  pour  aliegieir  vostre  maladie,  et  se  n'avereiz  mie  si  fors  assez  ne  si  sovent 
com  vous  aveiz  ehut. 

(34)  Donc,  quant  au  regimen  pur  wardeir  vostre  santeit  et  la  continueir  ou 
pourwairir,  il  serait  bon  et  profitable  que  vous  vos  facieiz  saignieir  au  meyt 
mars  ou  a  l'anconmencement  dou  mois  d'avril  ou  en  mey  lieu  dou  mois,  {d)  de  la 
voine  conmunedou  dextre  bras,  se  elle  appert  plus  plenne  ou  plus  grosse,  et 
traieiz  dou  sanc  jusques  a  demey  Ib',  c'est  demey  chopine,  ou  au  moins  jusques 
a  .iiij.  3.  (35)  Et  devant  que  ceci  faites,  se  vous  aveiz  le  ventre  dur,  faites  lou 
allaisieir^  par  aucune  médecine,  c'est  assavoir  par  un  clisteire  legieir  ou  par 
cassiafiscale  3,  et  de  ceste  saingniée  faire  entens  je  que  ne  li  air  ne  la  disposi- 
cion  dou  corps  ou  dou  ventre  ne  soit  contraire  a  celle  saingniée  ou  aultre  empê- 
chement notables,  si  com  puet  estre  grant  flux  de  ventre  ou  de  emorroydes  ou 
de  vomissement  violent  et  incisant  [qui]  souvant  surviennent  a  plusours  corps. 

(36)  Et  pour  tant  que  point  ne  m'aveiz  escript  les  signes  de  vostre  goûte,  ne 
de  queil  cause  et  matière  elle  vous  vient,  ce  de  sanc  ou  de  fleume  ou  de  cole  ou 
de  mélancolie,  pour  ceu  ne  vous  escris  je  point  la  forme  dou  digestif  que  vous 
deveiz  panre  après  la  saingniée,  pour  ceu  vous  covient  il  useir  dou  consoil  d'au- 
cuns phesiciens  de  Mes  qui  saiche  ordeneir  aucun  digestif  appropriei4  a  la 
matière  qui  est  cause  de  vostre  maladie,  le  queil  vous  panreiz  après  vostre  sai- 
gnie.  (37)  Et  après  celi  digestif  vous  panreiz  ceste  medicine  pour  vous  pur- 
gieir,  dont  la  recepte  est  telle  :  Vous  panrerz  de  la  lectuare  de  succo  ros,  et 
le  jour  que  vous  panreiz  purgacion  aieiz  boin  regimen  de  consoil  de  bon  phisi- 
ciens.  (38)  Et  wardeiz  de  vous  (fol.  92)  saingnier  ou  temps  que  li  lune 
serait  ou  signe  que  on  appelle  gemini,  pues  après  en  l'anconmancement  d'aupton 
et  partout  lou  mois  de  septembre.  Quant  vos  vous  fereiz  saingnieir,  se  lou  faite 
dou  bras  senestre  et  de  la  voigne  commune  que  on  appelle  baselique,  jusque  a 
.ij.3,  amollie  devant  le  ventre  et  purgieiz,  se  il  estoit  durs  et  restraint. 

(39)  Or  viens  je  au  remède  especial,  c'est  a  savoir  pour  osteir  ou  apaisieir  la 
dolour  et  la  passion  que  vous  soffreiz  a  vos  piei^,  quar  se  grant  challour  vous 
tient  en  pieiz  avec  la  dolour,  preneiz  de  l'oie  rosat  et  de  l'oie  d'anoi  S,  vd  mir- 


1.  Ms.  porreir. 

2.  Plus  ordinairement  alaschkr,  0  relâcher  x. 

3.  Cassia  fistuld. 

4.  Ms.  approprieir. 

5.  Sans  doute  l'aneth,  ancthum  gravcokns  L.  Ce  mot  n'est    pas   relevé  dans 
le  dict.  de  M.  Godefroy  et  il  n'y  en  a  pas  d'ex,  ancien  dans  Littré  sous  aneth,  mais 


NOTICE    D  UN    MS.    MESSIN  I55 

tino,  et  de  l'oie  de  camomille,  et  prenes  ij.  part  de  l'oie  rosat  et  une  de  l'oie 
de  camomille,  une  aultre  de  l'oie  d'anoi  ou  de  mirtifi,  et  mesleiz  tout  en- 
semble, et  perneiz  de  ses  oies  ensis  ensamble  meslées,  et  un  poc  teive, 
en  unpnieiz  le  lieu  ou  vous  santeiz  la  dolour,  et  se  li  trmps  est  frois  ne 
l'esxaffés  point,  maix  tous  frois  en  oingnieiz  la  dolour.  (40)  Et  ce  ces  choses  ne 
profilent  et  que  la  dolour  ne  se  assoage  point,  faites  cest  oingnement  et  en  oin- 
gnieiz le  lieu  ou  est  la  dclour,  et  veci  la  recepte  :  R.  farine  ordci  opii  ana  5 ./.  '  ; 
misccanlur  cum  succo  solatri  et  tribus  vitdUs  ovorum,  et  fiùt  unguentum.  Item,  ad 
idem  valet^  c'est  que  a  ceci  vat,  herba  piiltd  5  Iritj  et  cum  o'eo  rosaceofnxa  modi- 
cum,  mise  dessus  le  mal.  (41)  Et  ce  encor  ses  choses  ne  profilent,  si  faites  un 
teil  oingnement  :  R.  spodi'i,  camphore,  (b)  memiche  acacieana^  -l-iOp-i  grana 
tria,  confiaanlur  cum  aqua  lacluce  vel  portulace  vel  succo  plantagmis  vel  cum  aqua 
solaln.  Item  a  ce  meisme  vait  cest  emplaistre  :  R.  allium  de  pluma  ceruse,  boli 
armeniciAana^  .iiij.  rrastic.jhuris  ana.  5  jj .; Icreaniur omnia cum  jïij^^a.lbumlnibus 
OYOrum,  vel  cum  succo  poitubce,  lactuce^  endivievel  plantaginis  distemperentur.  (42) 
Item,  veci  une  aultre  remède  qui  est  tout  approveit  pour  faire  cesseir  la  dolour.  r. 
la  miate  de  pain  bien  blanc  et  la  menuisieiz  en  lassel  de  vaiche,  et  tant  la  menuis- 
sieiz  et  debrisieiz  en  celui  laisse!  que  elle  vieingne  en  samblance  de  oingnement, 
et  il  meteis  la  quarte  partie  de  opii,  et  bien  fort  les  mesleiz  ensamble  avec  lou 
laissel,  et  meteis  ceci  tout  sus  lou  feu,  et  pues  ceci  meleis  bien  tost  sus  la 
dolour.  (43)  Et  deveiz  si  noteir  que  ces  emplaistres  et  oingnemens  que  sont  ici 
deviseiz  ne  doit  on  mie  mettre  sus  la  doulour,  maiques  en  l'anconmencement  de 
la  maladie,  et  quant  ele  croist  plus,  et  les  doit  on  continueir  .iij.  jours  ou  .iiij.,  et 
quant  la  maladie  est  en  son  estet  parfait,  porreiz  useirde  teil  emplaistre  et  medi- 
cine:  R.  rosarum  rub  5  s.  i,  croci^  ./.;  camo.,melli!oti  ana  '6s.;  confuiantur  cum  succo 
vel  cum  aqua  decoctionis  coriandri.  (44)  Item  ad  idem  :  R.  succi  mente  3  i.,  aloen  5, 


on  trouve  aneie  dans  le  nominale  latin  français  que  j'ai  fait  connaître  d'après  un 
ms.  de  Glasgow  (voir  mes  Rapports,  p.  i  23),  et  anois  dans  le  vocabulaire  latin 
français  de  Douai  publié  par  Escallier  (n"  170,  p.  227). 

1.  Ici  et  en  quelques  autres  cas  il  serait  posssible  que  le  ms.  eût  lesignede 
l'once  et  non  celui  de  la  dragme.  Les  deux  signes  ne  différent  pas  considérable- 
ment, du  moins  dans  ce  ms.,  et  toute  vérification  m'est  actuellement  impossible. 
En  cas  de  doute  je  crois  agir  avec  une  sage  prudence  en  mettant  la  dose  la 
moins  forte  (la  drachme  est  le  huitième  de  l'once)  pour  épargner  des  accidents 
à  ceux  de  nos  lecteurs  qui,  suffisamment  édifiés  sur  les  ressources  de  la  médecine 
moderne  en  ce  qui  concerne  le  traitement  des  rhumatismes,  voudraient  faire  faire 
les  ordonnances  de  M'^  Jean  Le  Fevre. 

2.  PljntJgo  Psytlium  L. 

5.  C'est  probablement  le  grec  ar.oZ'o-j,  scorie  métallique.  Carpentier  (dans 
Du  Cange)  cite  des  extraits  d'anciens  glossaires  oij  on  voit  que  spodium  a  été 
employé  au  sens  de  «  .crugo  aiis  »  et  de  »  res  adusta  ».  Un  traité  de  matière 
médicale  connu  d'après  un  incipit,  sous  le  nom  de  Circa  instans,  et  attribué  à 
Platearius,  porte  :  »  Sprodiumos  est  elephantis  combustum  »,  voy.  J.  Camus, 
L'opéra  sa!crn:tana  «  circa  instans  n  ed  il  testa  primitive  dcl  «  Grand  herbier  en 
français  «,  p.  121  (Extr.  des  mémoires  de  l'Académie  de  Modène,  1886). 

4.  Bol  d'Arménie,  substance  argileuse  employée  comme  astringent  ou  hé- 
mostatique. 

5.  Une  demi -once;  1'^  est  le  sigle  de  semis. 


l86  p.    MEYER 

.ij.,opii.3s.,  pulveris  camomille  et  meUiloù  quod  sujficit  ;  fiât  tmphmstrum,ettepi' 
dtimapponalur.hem  ad  iJcm:  R.  boH  armenii,  alocn,  croci,  ro.,  mirli,  ana  conficun- 
tur  cum  aqua  \c)  corunJri.  (45'.  Et  quant  la  maladie  s'en  vat  en  déclinant,  pour 
resolveir  et  aniainrir  les  matières  que  font  les  goûtes  en  pies,  vous  fereiz  cest 
epichime':  R.ceruse  nove  ./.,  et  fondeiz,  et  resolveizen  oie  de  lis,  et  adde  musa!- 
lagims  fcnugrcci  3  s.  et  scmen  Uni  3  ./'.,  et  ses  choses  broieis  bien  tout  ensemble, 
et  en  faictes  un  epichime  '.  (46)  Encor  il  vait  ceci  :  R.  cere  3  .ij.,oleianai  3  .j.et 
s.\  disso'vatur  ierapigra^  in  predicto  o!co,  et  post  addatur  camomille  pubis,  cum 
axuni:,ia  galline  vel  anatis,  simul  misceantur,  et  en  faites  oingnement  et  teivelet  5  le 
meteiz  sus  lou  mal.  (47)  Item,  en  la  plus  grant  dolour  de  la  goûte,  le  darrien 
remède  que  tantost  fait  cesseir  la  dolour,  faites  ceste  recepte  :  R.  succi  iolatri 
montalis  IbA.  /.;  zz  S  bcne  pu!ven:aîi,  3  s.,  vitella  ovorum  .^I/o^  ;  misceantur  omnia 
et  stupe  canabuK  inbibantur  et  super  locum  ponatur.  (48)  Et  saichieiz  que  tous  ses 
remèdes  ici  dessus  eicris  sont  ordeneiz  pour  les  goûtes  dez  pieiz  que  viennent  de 
chaude  cause,  quar  se  elles  venient  de  froide  cause  il  nuirent^  plus  que  il  n'ai- 
derient;  et  pourtant,  se  vous  aveiz  chalour  grande  ou  pieit  ou  ou  lieu  que  la 
goûte  vous  tient  et  la  doulour,  elle  vient  de  chaude  cause,  et  se  il  est  froiz  elle 
vient  de  froide  cause.  (49)  Si  me  rescriveiz  par  aucun  qui  viegne  a  Montpel- 
lieir  se  li  membre  ou  queil  vous  senteiz  la  dolour  est  froiz,  et  adonc  je  vous 
ordenerai  les  remèdes  contre  et  que  vous  {d)  porront  aidieir,  quar  quanque  je 
vous  escrips  n'est  maiques  con're  la  goûte  des  pieiz  que  vient  de  chaude  cause, 
et  a  ceu  le  poieiz  vous  cleirement  apercevoir,  quar  li  lieux  ou  la  dolour  tient 
doit  estre  rouge  et  chauz.  (50)  Item,  vous  deveiz  conforleir  lou  membre  o\x  la 
dolour  vous  tient,  afin  que  la  mauvaise  matière  n'i  descendent,  par  mettre  sus 
aucuns  amplaistre  profitable  qui  serait  teilz  :  R.  lucci sigillaci  3  ./.  cl  5.,  olei 
mirtini^  spice,nardi,ana  5  ./.,  acacie^mirrc^ana  5  ./..  et  5.,  mie.  cypressi  5  i.,  ro.  5  s. 
squinanci  5.  5.,  cere  nove  5.  s.  lapdani  5.  in  olei  camo.  quod  sufficit  ad  incorpo- 
randum  ;  dissolvantur  dissohenda  in  predictis  oleis  et  fiat  emplaustrum  quod  ponatur 
supra  pannum et  mvolvatur  menbrum  dolens.  (^\)  Ad  idem  veci  un  aultreemplaistre 
dou  queil  vous  porreiz  useir  de  l'anconmancement  de  voslre  maladie  jusques  a 
la  fin.  R.  hermodactillorum  3  .ij .;  puhcrizentur  et  deinde  addatur  farine  ordei  3  /., 
vitella  ovorum  quod  safficiant  ad  incorporandum,  et  fiat  emplastrum.  (52)  Item^ 
R.fabds  cum  corticibus  et  coque  in  aqua,  et  postea  cola  et  aquam  ponas  in  caldario 
novo;  post  accipe  scmen  malvasti,  semen  citoniornm,  scmen  lactuce,  semen  pa pave- 
ris  aibi,  ana  5  .//•.  sc^en  planlaginis,  fenugreci  et  anetijol.  ro. ,  semen  caulium,  man- 
dragore, sandallorum,  cicerum,  ana  5  ./'.,•  coque  totum  in  aqua  plantaginis  ita  quod 
coopcriantur  medicine  donec  (M.  95)  remaneat  medidds;  deinde  cola  et  misceatur 
tantumdem  olei  ros.  quousque  consumatur  aqua,  et  rcmovcas  oleum,  et  postea 
pondéra  oleum  et  cuihbct  ponderi  in  5  appone  5  .iij.  cere  albe  et  5  .11/'.  de  cepo  de  renibus 


1 .  'E7:t'/uuLa,  un  Uniment. 

2.  Hiera  pixra,  préparation  composée  d'aloes  et  de  miel. 

5.  Un  peu  tiède. 
4.  Ltbrani. 

<,.  C'est-à-dire  zinziberis. 

6.  Corr  nuiraient. 


NOTICE    d'un    MS.    messin  1 87 

vituli,  et  misce  totum  et  utere  cumopus  fuerit.  (5^»  Item,  veci  un  emplaistre  qui 
valt  por  conforteir  le  membre  uu  est  la  dolour,  et  que  bien  attramprement  des- 
truit  et  font  la  mauvaise  matière  et  l'ampeche  de  descendre  ou  membre  dole- 
rculz  et  assoagit  la  dolour.  R.  re.  lub.bdr.  3  ./.,  nue.  inJic.  5  .ij.,  tdere  terrcs- 
triso  ./.,  achori  5  ./.,  verbcne3s.,fIor.  cctlcane^  ./.  lucisigilItlti.S.j.,  ccre  novc^s.; 
disiolvatur  cera  in  olco  mirlino  et  camomillino  cqaalibus  partibus,  addenda  de  oleis 
predklis  ejiiod  suficlt  àd  incorporandum,  et  fuU  emplastnim.  {^^)  Item,  baingnieir 
ses  pieiz  en  yawe  ou  soient  cuites  id  est  in  aejua  decoclionis  florum  amigdalarum 
camomille  et  (o'iorum  mirte atque  mtlhloti,  moult  les  confortet.  (55)  Item,  les  bai- 
gnieir  en  moust  novel  il  valt  moult.  Item,  les  baingnieir  en  yawes  ou  la  chairs 
d'un  volpiz,  qu'est  un  renairs,  si  est  cuite  et  si  bien  cuites  qu'elles  soit  toute 
deffaite  et  fondue;  et  auci  valt  moult  encontre  cest  maladie  li  oie  ou  la  chair 
d'un  welpis  est  cuite;  si  en  doit  on  oindre  les  pieiz  ;  maix  devant  on  se  doit  faire 
saingnieir  et  panre  purgacion.  (56)  Et  ce  ces  choses  ne  profitent,  si  converrait 
useirde  cerurgerie,  de  ter  chaulz  ardant  et  bouteir  le  fer  ardant  desous  la  cha- 
ville  dou  pieiz  au  (b)  par  de  fuer  .iij.  dois  aval  et  auci  desous  lou  genoilz  .iij.  dois 
aval,  maix  warde/z  que  ceci  soit  fait  par  lou  conseil  de  saige  et  apers  cyrur- 
giens.  (^7)  Et  quant  a  présent,  non  plux  ne  vous  escrips,  maiques  tant  que  je 
vous  prie  que  vous  faites  tant  que  vous  aieiz  un  boin  phisicien  qui  vous  saichet 
ordeneir  les  receptes  que  je  vous  escrips  et  vous  envoie,  et  que  il  soit  présent 
en  l'osteil  de  l'apothequaire,  quar  je  crois  bien  que  vous  ne  les  savereiz  lire  ne 
entendre;  et  vous  preneiz  bien  en  warde  que  vous  ne  useiz  de  nulles  des  choses 
dessus  dates  que  vous  sunt  deffenduecs,  se  vous  voleiz  avoir  santeit  et  non  sentir 
les  dolours  que  vous  aveiz  acoustumeir  a  sentir,  maix  useiz  de  celles  que  je  vous 
escrips,  et  teneiz  celé  governement  que  je  vous  escrips.  (58)  Et  ce  vous  n'aveiz 
toutes  ou  aucunes  de  choses  que  sunt  contenues  es  receptes  dessus  dittes 
envoieiz  a  Montpellieir  par  aucuns  de  vos  merchans  qui  y  suelent  venir  vel  >  par 
aucuns  certains  messaige,  et  m'envoieiz  les  nons  en  escript,  soient  herbes  ou 
aultre  chose,  et  l'airgent  pour  les  paieir,  et  je  les  vous  envoierai  ;  et  si  m'escri- 
veiz  auci  se  vostre  maladie  vient  de  froide  cause,  ensi  com  vous  porreis  aper- 
cevoir par  ccu  que  j'ai  si  dessus  escript,  et  je  vous  ordenerai,  avec  l'ayde  de 
mes  maistres,  ceu  que  vous  serait  profitable  encontre  la  maladie.  (59)  Et,  ensi 
com  j'ai  dit  si  dessus,  se  ou  temps  que  vous  senteiz  vostre  dolour,  se  li  vostre 
pieiz  est  chaulz,  la  maladie  vient  de  challour,  et  se  il  est  frois  elle  vient  de  froi- 
deur ;  et  pour  tant  (c)  faites  ensi  com  je  vous  escris.  Jehans  Le  Fevres  de  Mes, 
le  tous  vostre  pour  servir  a  vous  et  aux  vostres  selon  mon  pooir,  de  bon  cuer 
et  de  bonne  volenteit. 


I.  Il  y  au?  dans  le  nis.,  mais  il  est  évident  que  la  lettre  du  médecin   devait 
porter  ul'  abréviation  de  vcl. 


i88 


APPENDICE 

I.  —  Sur  les  versions  en  prose  française  du  Secretam  Sccretorum. 

Outre  la  version  du  ms.  de  Montpellier,  dont  je  n'ai  rencontré  aucune 
autre  copie,  je  connais  quatre  versions  en  prose  du  Secretum  Secretorum. 
La  plus  ancienne  est  probablement  celle  qui  a  pour  auteurs  Joffroi  de 
Waterford  et  Simon  Copale,  et  qui  n'a  été  signalée  jusqu'à  présent  que 
dans  le  ms  Bibl.  nat.  fr.  1822.  Elle  est  fort  libre  et  d'autant  plus  inté- 
ressante. Je  me  borne  à  renvoyer  à  l'étude  que  lui  a  consacrée  V.  Le  Clerc 
dans  le  t.  XXI  de  V Histoire  littéraire,  tout  en  faisant  remarquer  qu'il  reste 
encore,  en  ce  qui  concerne  l'origine  et  la  part  de  collaboration  des  deux 
traducteurs,  bien  des  points  obscurs.  Je  désigne  par  A,  B,  C,  les  trois 
autres  versions. 

A.  —  Version  remontant  probablement  au  xiii*  siècle.  Elle  paraît 
fort  exacte.  Je  cite  d'après  le  ms.  Bibl.  nat.  fr.  571  (anc.  7068),  qui 
paraît  avoir  été  écrit  au  xiV'  siècle.  P.  Paris  en  a  cité  quelques  lignes 
dans  ses  Manuscrits  français,  IV,  407-8. 

{Fol.  I  24  <î)  A  son  seign""  hautisme  en  culture  de  crestiene  religion  très  ver- 
teus  (5(c)  Guy,  veirementde  Valence,  de  la  cyté  Tripoli  glorius  eveske,  Phelippe, 
de  ses  clers  li  mendres,  soi  meimes  e  leal  service  de  dévotion.  D'autant  corne  la 
lune  est  plus  clier  ke  les  esteiles  e  li  ray  du  soleil  plus  lusant  que  la  lune, 
d'autant  surmonte  la  clarté  de  vostre  engin  et  la  parfondesce  de  vostre 
savoir  governe  la  gent  qi  ore  sunt  environ  la  mer,  ausi  bien  barbariens  corne 
latins,  en  lettreùre.  Si  n'est  nuls  de  sien  (lis.  sein)  curage  ki  a  ceste  sentence 
puisse  relucter...  Et  corne  a  vostre  seignorie  plout  ceste  margarite  de  philosophie 
a  Antioche,  ou  je  ou  vous  estoie,  k'ele  de  lange  d'Arabie  en  latin  fust  trans- 
latée, je.  a  vostre  comandement  covoitant  humblement  obéir,  et  a  vostre  volenté, 
si  corne  je  sui  tenuz,  servir,  cest  livre  ke  les  Latins  pas  n'avoient,  por  ce  k'en 
pou  lius  fu  trové  neis  d'Arabie  ',  ai  translaté  od  grant  travail,  en  apert  lengage 
de  latin,  delà  lange  d'Arabie... 

(Fol.  124  d)    Prologes  du  translateur  en  loenge  d'Aristotle. 

Deus  omnipotent  gard  nostre  roy  a  glorie  des  creanz,  e  conferme  son  règne  a 
sa  lei  divine  défendre,  e  pardurer  lui  face  a  eshaucerhonur  e  loenge  des  biens  2... 

(Fol.  125  û)  Jehan  qe  cest  livre  translata,  le  fiz  Patrie,  tresachant  e  très 
ioial  disour  des  langages  dist  :  Je  n'ay  pas  guerpi    ne  le  liu   ne   le  temple  ou  li 


1.  Texte  latin:  «  quia  apud  paucissimos  Arabos  reperitur 

2.  Il  faudrait  buens 


NOTICE    d'un    MS.    messin  1 89 

philifophe  {sic)  soloient  escrivre  e  lur  privez  oevrez  respondrc  que  je  point 
n'eschivai... 

{Fol    125  a)  Une  epistrc  Alex,  a  Ar. 

Je  fais  a  savoir  a  vostre  cointise  ke  j'ai  trové  en  la  terre  de  Perse  unes  genz  que 
de  raison  abundent  e  de  perzant  (corr.  parfont?)  entendement... 

(Fol.  \2\  b)  L'cpistn  Ar.  a  Altsandrc. 

0  filz  très  glorius,  très  doiturier  emperere,  Dieus  te  conferme  en  voie  de 
conisance  e  en  sente  de  vérité  e  de  vertu.. . 

B.  —  Version  qui  remonte  au  xiv«  siècle.  Le  commencement  est 
remanié  et  abrégé.  Je  cite  d'après  le  ms  Bibl.  nat.  fr.  1086  qui  appar- 
tient à  la  fmdece  siècle.  Autres  copies  :  Bibl.  nat.  fr.  562  ^anc.  7062, 
voy  P.  Paris,  Mss.fr.  IV,  544-6I  et  10468,  Arsenal  2691  '  ;  Londres, 
Mus.  brit.  Add.  18179;    Oxford,   Saint  John's  Coll.  102. 

Johan  filz  Patrice,  sage  de  touz  langagez,  trouva  en  Grèce,  repost  ou  temple 
du  soleil  que  Esculapides  avoit  fait  faire,  le  livre  des  secrez  Aristote,  et  le  trans- 
lata de  grieu  en  caldieu.  Et  puis,  a  la  requeste  du  roy  d'Arabie  le  translata 
de  caldieu  en  arabic.  Et  après  grant  temps  ung  grand  clerc  appelle  Philiippes 
le  translata  d'arabic  en  latin  et  l'envoya  a  révèrent  père  en  Dieu  très  sage  noble 
et  honneste  personne  Guy  de  Valence,  evesque  de  Triple... 

Comme  Alixandre  envoya  une  epistre  a  Aristote  pour  avoir  conseil  se  il  occiroit 
ceulx  de  Perse. 

0  très  noble  signour  de  justice,  je  segnifie  a  ta  prudence  que  j'ay  trouvé  en 
la  terre  de  Perse  unes  gens  habundans  de  raison,  et  ont  entendement  a  acquerre 
royaumes... 

Le  .iii'].,  comme  Aristote  envoya  aAlixandreune  epystreen  soy  excusant  qu'inepoutt 
alcr  de  vers  ly  pour  sa  viellessc,  et  pour  ce  luy  envoyé  ce  livre  comme  il  se  doit  gou- 
verner. 

Alixandre,  biau  filz  gloriex  emperierez,  le  très  précieux  Dieu  te  vueille  con- 
fermer  et  envoyer  cognoissance  et  sentir  vérité  et  vertu... 

C.  —  Version  qui  ne  parait  pas  être  antérieure  à  lafmdu  xiv*  siècle, 
mais  qui  ne  peut  être  notablement  postérieure,  puisque  le  duc  de  Berry 
en  possédait  un  exemplaire  en  141^-.  Elle  supprime  le  premier  pro- 
logue et  commence  au  chapitre  Deus  omnipotens  custodiat  regem  nostrum 
(ci-dessus,  p.  168)  et  ensuite  confond  en  un  seul  personnage  le  Phi- 
lippus  du  prologue  supprimé  et  Joannes filius  Pairicii.  Je  la  cite  daprès 
lems.  Bibl.  nat.  fr.  1087.  Il  en  existe  d'autres  copies,  par  ex.  Bibl. 
nat.fr  1166,  19^8  ;  Cambridge,  Bibl  de  l'Université,  FF.  i .  ^3  (daté 
de  1420)  Elle  a  été  imprimée  à  Paris  pour  A.  Verard,  en  un  volume 
renfermant  divers  traités  ainsi  indiqués  à  l'explicit  : 

1.  Mss.  ayant  appartenue  •  Mademoiselle  Anne  de  Graville  »,   puisa  d'Urfé. 

2.  Cet  exemplaire,  qui  ne  s'est  pas  retrouve,  figure  dans  l'inventaire  de  141 3  ; 
voy.  Delisle,  Cabunt  des  mss.  Ili,  184  (n>'  165). 


190  p.    MEYER 

Icy  fine  le  livre  du  gouvernement  des  princes,  du  trésor  de  noblesse  et  des 
fleurs  de  Valere  le  grant,  imprimé  à  Paris  par  Anthoine  Verard.  —  (Bibl.  nat. 
E  1087,  Rés.). 

Elle  occupe  dans  ce  livre  les  vingt-deux  premiers  feuillets. 

Dieu  tout  puissant,  vueilles  garder  nostre  roy  et  la  gloire  de  ceulz  qui  croyent 
en  lui,  et  conferme  son  royaume  pour  prendre  la  loy  de  Dieu,  et  le  face  régner 
a  l'exultation,  loenge  et  honneur  des  bons.  Je  qui  suis  serviteur  du  roy  ay 
mis  a  exécution  son  mandement,  et  ay  donné  oeuvre  d'acquérir  le  livre  des  bonnes 
meurs  au  gouvernement  de  lui,  lequel  livre  est  nommé  le  secret  des  secretz'... 

(V°)  Une  epislre  que  Alixandre  envoya  a  Aiislole. 

Dotteur  de  justice  et  très  noble  recteur,  nous  signiffions  a  ta  grant  sagesse 
que  nous  avons  trouvé  ou  royaume  de  Perse  pluseurs  hommes  lesquels  habondent 
très  grandement  en  raison  et  entendement  subtil  et  penetratif... 

(Fol.  3)  Le  prologue  d'un  docteur  appelle  Phelippe  qui  translata  ce  livre  en  latin. 

Phelippe  qui  translata  cest  livre  fu  filz  de  Paris,  et  fut  très  saige  interpréteur 
et  entendeur  de  toutes  langues,  et  dist  ainsi  :  Je  n'ay  sceu  ne  lieu  ne  temple  ou 
les  philosophes  ayent  acoustumé  de  faire  ou  deffaire  toutes  oeuvres  ou  tous 
secrezqueje  n'ay  cerchié... 

(Fol.  3  V")  Très  glorieux  filz  et  juste  empereur,  Dieu  te  conferme  en  la  voye 
de  congnoissance  les  chemins  de  vérité  et  de  vertus... 

Je  mentionne  ici,  pour  mémoire,  la  version  très  abrégée,  et  probable- 
ment exécutée  en  Angleterre,  que  renferme  le  ms.  Roy.  20.  B.  V.  du 
Musée  Britannique,  fm  du  xiV  siècle.  En  voici  les  premières  lignes  : 

(Fol.  136)  Ici  comencent  les  epististels  (sic)  sescretes  (sic)  del  livre  Aristotle  a 
Alisandre,  q'est  apelé  secré  des  secrez,  et  dist  ensi  Aristotle  a  Alisandre: 

Beauz  fiz,gloriousdretturel  cmperers,  Dieux  te  conferme  et  refreyne  tes  apetis 
desordenés,  et  com'erme  ton  règne  et  illumine  ta  conscience  a  son  service  et  a 
sa  honur... 

II.  —  Enseignement  d'Aristote  à  Alexandre,  d'après  Gautier  de  Châtillon. 

Voici  les  premières  et  les  dernières  lignes  de  la  version  des  Enseigne- 
ments d'Aristote  annoncée  plus  haut  (p.  169).  Je  n'en  connais  qu'une 
copie,  Bibl.  nat.    fr.    1975,   ff.    66  à  68,    du  xv«  siècle: 


1.  Il  y  a  dans  l'imprimé  de  Vérard  une  curieuse  interpolation:  «  Dieu  tout 
puissant,  vueille  garder  nostre  Roy  et  la  gloire  de  ceulz  qui  l'hon- 
neurent,  et  conierme  son  royaulme  à  la  gloire  de  Ditu,  et  le  face  régner  a 
l'exultation,  louenge  et  honneur  dp  tous  bons  chnstiens.  Je  qui  suis  servi- 
teur du  dict  s  Agneur  Charles  VIII  de  nom,  a  sa  l&uenge  el  honneur,  ay  mis 
peine  et  entente  d'acquérir  le  livre  de  bonnes  meurs  au  gouvernement  de  lui.» 

2.  Corr.  a  preud' hommes. 


NOTICE    D'UN    MS.    MESSIN  I9I 

Alixandre,  biaus  filz,  devieng  homme  et  aprens  a  porter  armes.  Tu  as  bonne 
achoison  de  Cbtre  chevalier,  car  tu  as  anemis  contre  qui  tu  poes  moustrer  ta 
vertu.  Et  le  te  diray  comment  tu  le  pouras  laire.  se  tu  me  veulz  entendre.  Con- 
seilles toi  apprendes  hommes  -  et  laissiez  les  serfs  et  gengleurs  et  les  félons.  Ne 
souhaulce  ja  ceuz  que  par  nature  doivent  estre  bas,  car  tu  vois  par  coustume  que  le 
ruisseaulz  qui  est  enflés  par  le  pluie  ceurt  plus  orgueilleusement  que  cil  qui 
vient  de  la  fontaine  et  court  tousjours.  Autresi  est  plus  fier  et  plus  crueulz  li 
povres  homs  soushauchiés.  Il  ne  vueit  oïr  preiere  ne  fléchir  soi   a  deboinaireté. 

Fin  (fol.  68  v°)  : 

Et  se  aucuns  t'a  mesfait,  délaisse  a  prendre  vengance  tant  que  l'ire  soit 
apaisie,  et  puis  que  accordemens  ara  esté  fais,  ne  te  souviengne  ja  depuis  de  la 
hayne.  Se  tu  vis  en  cesie  manière,  tu  gaingneras  renommé  qui  ne  fauldra  a  nul 
jour  du  monde. .. 

Paul  Meyer. 


P. -S.  Tout  ce  qui  précède  était  imprimé  lorsque  j'ai  trouvé  à  la 
Bodleienne  un  manuscrit  (Rawlinson  C  5581  qui  renferme  une  traduc- 
tion du  Secret  des  Secrets  différente  de  toutes  celles  qui  ont  été  exami- 
nées ci-dessus.  Elle  commence  ainsi  un  fol.  5  v°  à  la  suite  de  la  table  : 

A  son  seigneur  très  excellent  en  la  religion  crestienne  estable  et  très  ferme 
Guy  de  Valence,  de  la  cité  de  Tripole  glorieux  evesque.  Phelipe,  de  sez  clers 
le  plus  petit,  humble  recommendacion  et  dévote  et  loyale  subjection.  C'est 
chose  digne,  juste  et  resonnable  que  vostre  paternité  aist  cest  livre  ouquel 
comment  (?)  de  toutez  les  sciences  aucune  choze  profitable  i  est  contenue.  Quar, 
quant  je  estove  en  Antioche  avecque  vous  et  ceste  precieuze  de  philosophie 
marguerite  si  fust  trouvée,  il  plut  a  vostre  domination  que  il  fust  translaté  de 
arabic  en  latin... 

Lems.,  qui  est  de  très  petites  dimensions,  a  été  exécuté  à  la  fin  du 
xiV  siècle.  En  tête  du  texte  est  placée  une  fort  belle  miniature  de  pré- 
sentation. Au  bas  de  la  page  est  peint  l'écu  d'azur  semé  de  fleurs  de  lys 
et  entouré  d'une  bordure  dont  la  couleur  ne  peut  plus  être  distinguée. 
Ce  sont  probablement  les  armes  de  Jean  duc  de  Berry  (écu  de  France 
à  la  bordure  engrêlée  de  gueules  ,  et  en  ce  cas  le  ms.  d'Oxford  pou.Tait 
être  identifié  avec  le  "  petit  livre  en  françois,  escript  de  lettre  de  court, 
«  du  gouvernement  des  rois  et  des  princes  »  qui  occupe  le  n"  164  dans 
l'inventaire  de  la  librairie  du  duc  de  Berry  édité  par  M.  Delisle  [Cabinet 
desmss.,  III,  184).  P.   M. 


MÉLANGES 

DE  LITTÉRATURE  CATALANE' 


III.  —  Le  livre  de  courtoisie. 

Le  poème,  qui,  dans  le  manuscrit  n°  377  de  la  bibliothèque  de  Car- 
pentras,  où  il  occupe  les  feuillets  22]  à  242,  est  intitulé  Fasset,  et  que  je 
nomme  Le  livre  de  courtoisie,  po\ir  en  mieux  déclarer  le  contenu,  n'est 
pas  une  œuvre  originale. 

Fasset,  ou  plus  correctement /îc<;/,  renvoie  à'faceîus  qui,  en  bas  latin, 
on  le  sait,  ne  signifie  pas  seulement  «  plaisant,  facétieux  »,  mais 
«  courtois,  bien  élevé  »  ;  c'est  fort  souvent,  au  moyen  âge,  un  synonyme 
de  curiàlis  et  à'urbanus.  Or,  sous  le  titre  de  Facetus,  ont  été  composés 
deux  poèmes  latins,  l'un  en  hexamètres,  l'autre  en  distiques,  que 
M.  Hauréau  a  récemment  étudiés  et  décrits  dans  sa  Notice  sur  les  œuvres 
authentic]aes  ou  supposées  de  Jean  de  Garlande^.  D'un  de  ces  poèmes,  de 
celui  qui  est  écrit  en  distiques  et  commence  par  le  vers:  Moribus  et  vita 
quisquis  vult  esse  facetus,  a  été  tiré  le  nôtre.  Je  dis  tiré  plutôt  que  traduit, 
car  bien  que  le  rimeur  catalan  ait  translaté  à  la  lettre  de  longs  passages 
du  latin,  il  s'est  donné  çà  et  là  quelques  libertés,  il  a  maintes  fois  délayé, 
développé  et.  à  l'occasion  aussi,  abrégé. 

Le  Facetus  latin  tient  du  manuel  de  discipline  mondaine,  du  livre  de 
civilité  et  de  l'art  d'aimer.  Après  des  généralités,  des  conseils  sur  l'édu- 
cation et  le  choix  d'une  carrière,  des  règles  touchant  le  maintien,  la  toi- 
lette et  l'accoutrement,  l'auteur  dicte  à  ses  élèves  une  ars  amatoria,  qui 
est  la  partie  essentielle  de  son  œuvre  et  de  toutes  la  plus  longue,  puis- 
qu'elle embrasse  environ  la  moitié  du  poème  [v.  1 5 1  à  584I.  L'influence 
d'Ovide,  on  pouvait  s'y  attendre,  est  ici  sensible  et  se  manifeste  en 


1.  Voir,  pour  les  deux  premiers  articles,  Romanla^  X,  497  et XII,  230. 

2.  Notices  et  extraits,  t.  XXVII,  2=  partie,  p.  1  j  et  suiv. 


MÉLANGES    DE    LITTÉRATURE   CATALANE  U)3 

plusieurs  passages.  Comme  le  poète  de  Sulmone,  notre  Catalan  débute 
par  le  choix  d'une  amie  (v.  151-152): 

Providus  imprimis  oculis  sibi  quaerat  amandam, 
Eiigat  e  mullis  que  placet  unasibi. 

(comp.  Ovide,  Ars  amat.,  I,  55,  42),  et  continue  par  l'énumération  des 
artifices  qu'emploiera  le  jeune  homme  pour  se  concilier  les  faveurs  de 
la  belle.  De  même  qu'Ovide,  il  recommande  d'avoir  recours  à  une 
entremetteuse,  une  messagère  {Vancilla  ou  l'index  de  \'Ars  amaîorla.  est 
ici  unenun/m);  il  n'a  pas  meilleure  opinion  que  lui  de  la  vertu  féminine 
et  ne  croit  pas  qu'une  femme  quelconque,  adroitement  sollicitée,  puisse 
résister  longtemps  (v.  198-200)  : 

Improbitas  vincit,  pectora  frangit  amor; 
Ferrea  congeries  disrumpitur  improbitate 
Et  durum  lapidem  gutta  cadendo  cavat. 

(comp.  Ovide,  I,  473);  il  est  d'avis  aussi  qu'un  moment  vient  oii  il 
faut  tout  brusquer,  sous  peine  de  se  rendre  ridicule  et  odieux  (v.  295  ss.)  : 

Vim  faciat  juvenis,  quamvis  nimis  illa  repugnet... 
Expectat  potius  iuctando  feinina  vinci 

Quam  velit,  ut  nieretrix,  crimina  sponte  pati... 
Qui  querit  coitum,  si  vim  posl  oscula  differt, 

Rusticusest... 

(comp.  Ovide,  I,  669  et  suiv.).  Enfin  les  recommandations  qu'il  fait 
à  son  disciple  sur  sa  toilette  et  la  propreté  de  ses  vêtements  sont  égale- 
ment empruntées  au  poète  latin  (v.  5 1-52,  et  v.  109  et  suiv.)  : 

Sepius  insinuet  vestes  ut,  tegmine  mundus, 

Purgatus  viciis  significetur  ut  est... 
Libéra  frons  pateat,  detonsis  arte  capillis... 
Cesarie  longa  fit  turpis  forma  virilis... 
Non  natal  in  caligis  vel  crus  vel  pes  juvenilis, 

Sed  sotularJs  formel  utrumque  pedem. 

(comp.  Ovide,  I,  $  14  et  suiv.]. 

Après  cette  longue  dissertation  de  amore,  dont  Ovide  a  fait  les  frais  en 
partie,  nous  retombons  dans  les  moralités;  l'auteur  reparle  des  diverses 
professions,  de  leurs  avantages  et  inconvénients,  des  qualités  spéciales 
qu'elles  requièrent,  etc. 

Ce  Facetus,  dont  le  succès  au  moyen  âge  est  attesté  par  les  manuscrits 

nombreux  qui  nous  l'ont  conservé,  a  tenté    un    rimeur   catalan   de   la 

seconde  moitié,  je  crois,  du  xiv"  siècle.  Il  lui  parut  que  le  livre  du  docteur 

Face:  —  c'est  ainsi  qu'il  interprète  le  litre  du  poème   latin  —   méritait 

Romania,  XV.  1  ? 


194  ^-     MOREL-FATIO 

d'être  mis  en  roman,  car  il  tenait  ce  livre  pour  le  meilleur  code  qui  se 
pût  trouver  de  l'art  de  corterU.  D'abord  il  suit  de  très  près  son  modèle. 
Sans  garder  la  concision  du  latin,  ce  qui  lui  était  impossible,  —  à  lui 
comme  à  tout  autre  poète  en  langue  vulgaire  —  il  ne  paraphrase  guère 
que  pour  les  besoins  de  la  rime.  Après  c'est  autre  chose.  Il  est  visible 
que  l'art  d'aimer,  qui,  dans  les  distiques  latins,  se  soude  à  l'introduction 
et  y  forme  déjà  le  morceau  de  résistance,  est,  aux  yeux  du  rimeur  catalan, 
la  seule  partie  du  poème  qui  compte,  le  reste  ne  devant  servir  que  de 
prétexte  et  de  prologue.  Ce  manuel  du  parfait  séducteur  est  ce  qui  sur- 
tout l'a  charmé  et  lui  a  semblé  digne  d'être  révélé  à  ses  compatriotes; 
mais  traduire  ici  ne  serait  pas  suffisant,  il  faut  insister  et  longuement 
commenter  l'original.  Aussi  les  trois  cent  cinquante  vers  que  le  premier 
auteur  avait  consacrés  à  l'^r^  amaîoria  en  fournissent-ils  plus  de  quatorze 
cents  au  second  ;  et,  ce  qui  est  remarquable,  au  lieu  de  revenir,  après 
cette  longue  digression,  aux  règles  de  conduite  qui  terminent  le  poème 
latin,  notre  Catalan  continue  pour  son  compte  à  parler  de  l'amour  :  la 
morale  de  son  trané  est  une  diatribe  terrible  contre  les  femmes,  qu'il 
n'atténue  qu'à  la  fin  par  quelques  réserves  à  l'endroit  des  fembres  bones. 

Donc  le  Facet  catalan  est  essentiellement  un  art  d'aimer  et  se  rattache, 
par-dessus  son  modèle  immédiat,  à  la  littérature  des  imitations  d'Ovide 
en  langue  vulgaire.  Je  voudrais  pouvoir  trouver  dans  cette  œuvre,  et 
surtout  dans  les  partiesajoutéespar  l'auteur  catalan,  quelque  autre  intérêt 
qu'un  intérêt  liguistique  :  cela  ne  serait  pas  facile.  Il  faut  convenir  que 
le  tout  est  piètrement  composé,  écrit  et  versifié,  et  que  le  Catalan  a  peu 
marqué  son  coin  dans  ce  délayage,  peu  marqué  aussi  la  couleur  de  son 
époque  et  de  son  pays.  Quelques  allusions  à  Flore,  à  Tristan,  à  Jaufre 
Rudel  de  Blaye  dénoncent  le  poète  en  langue  vulgaire,  auquel  étaient 
familières  les  œuvres  principales  des  littératures  provençale  et  française; 
un  dicton  castillan  rapporté  quelque  part  (v.  1549-50)  trahit  seul  le 
rimeur  d'outre-monts.  Voilà  à  quoi  se  borne  la  note  locale  du  Facet. 

Ou  faudrait-il  encore  relever  l'importance  relative,  et  plus  accen- 
tuée que  dans  le  latin,  donnée  ici  au  rôle  de  la  messagère  d'amour? 
Serait-ce  un  trait  plus  particulièrement  espagnol,  quelque  chose  qui 
rappellerait  le  pays  de  la  Celestine  ?  A  peine.  Mais  le  nom  que  porte  la 
moyenneresse  et  que  je  n'ai  pas  rencontré  ailleurs  vaut  qu'on  s'y  arrête. 
Ce  nom  est  hdestral;  or,  destral,  en  catalan,  signifie  «  hache  ».  Qu'a  de 
commun  une  hache  et  le  personnage  en  question  ?  Au  premier  abord, 
j'ai  pensé  que  destral,  au  lieu  de  son  sens  habituel  et  constant  de  «  hache  » 
avait  ici  celui  d'  «  indicatrice»  et  de  «  guide  »  (comp.  le  castillan «^/e^/ro, 
guide,  licou,  et  destrar,  adestrjr,  guider,  conduire!,  et  que  le  poète,  en 
employant  ce  terme,  s'était  souvenu  de  l'épithète  d'index,  qu'Ovide 
[Ars  amat.,  I,  389  et  597}  a  deux  fois  appliquée  à  Vancilla  qui  sert  les 


MÉLANGES  DE  LITTÉRATURE  CATALANE  19$ 

intérêts  de  l'amant  ;  mais  voici  que  deux  passages  établissent  qu'au  con- 
traire l'auteur  catalan  a  bien  entendu  prendre  le  mot  au  sens  de  hache 
(v.  570-71): 

La  destral  sia  tan  aguda 

A  dos  colps  l'arbre  s'en  aduga. 

Littéralement  :  «  Que  la  hache  soit  assez  aiguisée  (ou  l'entremetteuse 
assez  adroite;  pour,  en   deux  coups,   abattre   l'arbre.   »    Et  encore 

[V.  1 102-03I  : 

Tremeta  tost  par  la  destral 
Per  derrocar  l'arbre  fortal. 

«  Que  l'amant  demande  aussitôt  la  hache  {ou  l'entremetteuse)  pour 
abattre  l'arbre  robuste  ».  Tout  au  plus  pourrait-on  admettre  un  jeu  de 
mots  :  destral  aurait  les  deux  sens  de  hache  et  d'index. 

Le  texte  du  Facet  nous  est  parvenu  dans  un  état  lamentable.  Assurément 
plusieurs  scribes  ont  dû  travailler  à  rendre  inintelligibles  bien  des  pas- 
sages de  ce  poème;  c'est  eux,  non  pas  l'auteur,  qu'il  faut  rendre  res- 
ponsables de  mots  altérés,  d'infractions  à  la  mesure  du  vers  et  d'omis- 
sions de  vers  entiers.  Mais  l'auteur  a  à  sa  charge  aussi  des  négligences  et 
des  incorrections.  Ainsi  n'est-ce  pas  à  lui  qu'on  doit  s"en  prendre  d'une 
faute  contre  la  syntaxe  qui  revient  souvent,  j'entends  la  confusion  du 
discours  direct  et  du  discours  indirect,  le  passage  dans  une  seule  et 
même  phrase  de  la  deuxième  personne  à  la  troisième,  ou  l'inverse  ? 
Par  exemple  (v.  340  et  suiv.)  : 

No  sies  entre  !os  maiors 
En  paraules  trop  hdbundos 
E  tingii  tant  entre  sa  pensa 
So  que  voira  dir  niporpuisa. 

L'auteur,  vraisemblablement,  était  peu  maître  de  sa  langue  et  compre- 
nait mal  le  latin. 

La  versification  du  Facet  prête  à  diverses  observations.  Un  trait  d'abord, 
qui  la  distingue  nettement  de  celle  du  conte  de  Vamant,  la  femme  et  le 
confesseur^  et  la  rapproche  de  celle  des  Sete  Savis^,  est  l'emploi  d'asso- 
nances féminines.  Nous  trouvons  ici  des  assonances  telles  que  doctrina  : 


! .  Romania^  X,  497. 

2.  Publ.  par  M.  Mussafia. 


196  A.     MOREL-FATIO 

dia;  disciplina:  sia  ;  ciciliana:  mala  qu'ignore  le  conte  que  j'ai  publié, 
alors  qu'elles  sont  fréquentes  dans  les  Sete  Savis.  Mais  cette  question 
demande  à  être  examinée  d'un  peu  près. 

Il  semble  au  premier  abord,  et  à  considérer  seulement  certains  cas, 
que  l'auteur  ait  eu  la  ferme  intention  de  rimer  son  poème  correctement, 
et  si  correctement  qu'il  n'aurait  vu  aucun  inconvénient  à  plier  la  gram- 
maire et  la  syntaxe  aux  exigences  de  la  rime  pure  :  obtenir  de  vraies 
rimes  aux  dépens  de  la  correction  grammaticale,  de  la  forme  régulière  des 
mots,  tel  aurait  été  son  but.  Comment  expliquer  autrement  des  rimes 
telles  que  hom:  perdoin  (266-67);  ^' •  ^^z"'  (392-9?) ;  desesper  :  esforser 
{^92-ç)])',  diner:  fier  (12^^-4%)  \  fer  :  parler  (526-27);  infant:  veraya- 
mant[j62-6]]  ;  où  perdom  {perdon.it]  échange  son  n  contre  une  m,  où  di 
[dico]  perd  son  c  final,  ce  qui  est  contraire  à  la  phonétique  catalane,  où 
esforser  et  fier  passent  de  la  première  à  la  deuxième  conjugaison,  et  où 
verayamant,  cet  adverbe  en  ment,  prend  un  a  auquel  il  n'a  aucun  droit  ? 
Et  je  ne  parle  pas  de  beaucoup  d'autres  exemples,  où  l'addition  d'une  s 
à  un  substantif,  un  adjectif  ou  un  adverbe  transforme  une  assonance  en 
une  rime  pure,  parce  qu'on  ne  peut  pas  déterminer  exactement  dans  quels 
cas  l'emploi  de  cette  5  de  déclinaison  était  ou  non  conforme  à  l'usage 
catalan  au  xiv"  siècle.  La  règle  de  Vs  n'a  jamais  été  observée  en  catalan 
populaire;  mais  l'influence  des  lectures  provençales  amena  presque  tous 
les  poètes  catalans  du  xiir  et  du  xiV  siècle  à  ajouter  un  peu  au  hasard 
à  bon  nombre  de  substantifs,  d'adjectifs  et  de  participes  1'^  du  nominatif 
singulier  ou  du  régime  pluriel,  dont  ils  ne  connaissaient  pas  exactement 
la  valeur.  Lors  donc  qu'on  trouve,  comme  ici,  des  mots  terminés  par 
une  s  que  ne  légitiment  pas  l'étymologie  et  la  règle  provençale,  il  ne 
serait  pas  exact  de  taxer  ces  formes  d'incorrectes  :  c'est  une  licence  per- 
mise. Notre  texte  fournit:  v.  688-89  conoriats  (nom.  pi.)  :  bontats 
(nom.  sing.);  v.  714-15  resplandents  (rég.  sing.)  :  plazenis  (rég.  pi.); 
V.  ç)o ]-04  corîés  (nom.  sing.)  :  mercés  (rég.  sing.);  v.  957-58  bontats 
(rég.  sing.)  :  pentinats  (ind.  prés.  2"  p.  pi.);  v.  1054-55  abrassats  (nom. 
pi.)  :  nats  inom.  sing.);  v.  1647-48  morts  (rég.  sing.):  storts  (nom. 
pi.)  ;  enfin  trois  exemples  d'adverves  en  ment  terminés  par  une  s: 
V-  7  3  2-7  n  luents  ^nom.  pi. ,  :  verayements  ;  v.  1 48  5-84  serpents  ^nom.  sing.)  : 
examents;  v.  1521-22  jausents  rég.  sing.)  :  verayaments.  En  provençal 
classique  l'une  ou  l'autre  de  ces  formes  de  mots  rimant  ensemble  et 
quelquefois  toutes  deux  seraient  condamnées,  tandis  qu'ici  l'idiome 
littéraire  et  poétique  les  tolère:  nous  ne  rangerons  donc  pas  ces  exemples 
parmi  ceux  où  la  grammaire  est  sacrifiée  à  la  rime  pure.  Mais  il  en  reste 
d'autres  à  joindre  à  ceux  qui  ont  été  cités  précédemment,  j'entends  des 
mots  où  l'accent  a  été  transposé  pour  les  faire  rimer  parfaitement  avec 
d'autres:  v.  504-05  cortés:  largués   (pour  largues,  pi.  masc.  delarch); 


MÉLANGES    DE    LITTÉRATURE    CATALANE  1 97 

V.  104S-4C)  gracia  :  alegrd;  V.  \  <iO()-io  faysô:  Ovidiô  (au  lieu  d'On'^i.  ; 
V.  1708-09  ha  :  luxurid  ;au  lieu  de  luxuria  !'. 

En  revanche  le  Facet  contient  un  grand  nombre  d'assonances,  ou,  si 
l'on  veut,  de  rimes  imparfaites.  Est-ce  négligence,  est-ce  système  ?  Je 
n'en  sais  rien.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  ces  assonances  vont  à  ren- 
contre du  procédé  antérieur,  qui  consiste,  comme  on  l'a  vu,  à  subor- 
donner la  grammaire  à  la  rime.  A  quoi  bon,  se  demande-t-on,  torturer 
des  mots  au  profit  de  l'homophonie,  quand  ailleurs  le  poète  se  contente 
de  simples  approximations  ?  Quoi  qu'il  en  soit,  voici  le  relevé  de  ces 
assonances.  Il  convient,  il  est  vrai,  dedistinguer  celles  qui  ne  sont  qu'ap- 
parentes, simplement  graphiques,  de  celles  qui  sont  réelles. 

I.  Assonances  graphiques.  Voyelles.  E :  a.  v.  S<^-S6  mesîre  :  metra; 
V.  1455-54  ^ro^a;  roge;  il  n'y  a  là  qu'une  différence  de  notation,  e  et 
a  dans  cette  position  représentant  exactement  le  même  son.  —  Con- 
sonnes. Rs:  s,  après  un  e  ou  un  o.  V.  ]oS'iocortés:  es:  leugers;v.  340- 
541  maiors:  habundos;  v.  5  54"5  5  abdos :  amors ;  v.  818-19  ^'°^'  t^f^ors; 
V.  917-18  lausors:  nos;  v.  981-82  vos:  cors;  v.  1 1  ^o-ji  vos:  lausors; 
V.  99-100,  297-98  sasarros  :  fors.  Dans  tous  ces  exemples,  il  est  très  pro- 
bable que  l'r  ne  se  faisait  pas  entendre,  et  que  es  et  ers,  os  et  ors  se  confon- 
daient dans  la  prononciation;  en  effet,  il  n'est  pas  rare  de  trouver  en 
catalan  des  formes  telles  que  primés  pour  primers  primarios]  et  cos  pour 
cors  [corpus),  quoique  le  phénomène  inverse,  c'est-à-dire  la  présence 
d'une  r  parasite  dans  certaines  finales,  dans  des  dérivés  par  exemple  du 
suffixe  latin  osiis,  ne  soit  pas  sans  exemple  »  :  ici  même  nous  avons  assors, 
^v.  1421),  pluriel  de  05  |05,  055/5).  — nf5 :  n5,  après  ^  ou  c.  V.  111-12 
recomptants:  escrivans ;  V.  i  ^S-^c)  infants:  capelans;\.  776-777  mans : 
guants ;  v,  1 126-27  mans:  stants ;  v,  1 379-80  manaments :  sens\  1688- 
i6Sç)  fems  :  calents.  Dans  cette  situation,  la  dentale  ne  se  fait  pas  faci- 
lement entendre  :  toutes  ces  finales,  de  quelque  façon  qu'elles  fussent 
écrites,  sonnaient  donc  de  même  ans  et  ens.  —  nt  :  n,  après  e.  V.  504- 
505  defaylimen:  altiment  ;  le  cas  étant  isolé,  il  n'y  a  trop  rien  à  en  dire, 
car  le  t  du  premier  mot  a  pu  être  omis  par  un  scribe  ;  mais  la  chute  du 
t  en  ce  cas  ne  serait  pas  non  plus  sans  exemple.  —  m:  n,  après  a. 
V.  249-50  am:  deman  ;  v.  856-37  sabran  :  am.  Si  ce  sont  bien  là  des 
rimes  parfaites,  on  a  dû  prononcer  an,  Vm  s'est  assimilée  à  1'^;  mais  il 
est  possible  qu'on  doive  mettre  ces  exemples  au  nombre  des  assonances 


1.  Des  faits  du  même   genre   ont   été   signalés    ailleurs;    voy.   P.    Meyer, 
Chanson  de  la  Crois,  albig.,  I,  cix. 

2.  Voir  Romania,  X,  280;  Mussafia,  Introd.  aux  StU  Savis,  §  j6. 


198  A.     MOREL-FATIO 

réelles,  et  ce  qui  tendrait  à  le  prouver,  c'est  le  perdom,  forme  citée  plus 
haut,  que  le  poète  a  créée,  contrairement  à  l'étymologie,  pour  rimer 
avec  hom.  —  Puis  quelques  cas  isolés  et  où  la  graphie,  sans  doute,  est 
seule  en  cause.  V,  j  22-2  5  trists:  smarrits  (je  crois  qu'on  prononçait 
plus  souvent  au  pluriel  tr.îs  que  trists  et  que  le  poète  a  bien  pu  écrire 
frits]  ;  V.  421-22  agual:  vall  \\\  n'est  pas  douteux  qu'on  doive  prononcer 
aguall,  l  simple  étant  constamment  employée  dans  les  manuscrits  pour 
/  mouillée),  enfin  v.  1 5M'3<^  mes  es  :  bezes  [kl  le  z  est  une  faute  pour  s). 

II.  Assonances  véritables.  Voyelles  g;  ci;  ^,  fl/,  ay  :  au.  v.  152-53 
drei:  deig^  ;  V.  ^<)6-ç)-j  said :  mal;  594-95  senyals :  suaus;\.  1427-28 
plau:  natural;  v.  i/{6y64 play  :  said.  — Consonnesf:c,  après?,  /,  0,  or. 
V.  1712-13  met:  dech  ;  v,  538-39  ohlit:  die;  v.  768-69  dich  :  esperit; 
V.  1084-85  dit:  ric;v.  57-58  tôt:  hoc;  v.  1409-10 /jorc/z  :  mort.  —  ;?  .• 
c, /,  après /,  or.  V.  604-oi  macip  :  trich;  V.  854-55  macip:  exarnit; 
V.  1627-28  fort:orp.  —  n:  rn,  après  0.  V.  16 iç)-20  son  :  jorn. — 
ts:  s,  après  /.  V.  754-55  vestits :  paradis.  — yll:  y.  V.  1437-38  erguyll: 
anuy ;  peut-être,  cependant,  /  mouillée  (représentée  ici  par  le  groupe)'//) 
se  prononçait-elle  déjà  comme  /  consonne. 

Assonances  féminines.  /^;  in^: /r^: /5^;  ira:  ida:  iea.  V,  138-39 
doctrina  :  dia  ;  V .  230-31  disciplina:  sia  ;  v.  704-05  nina:  morria; 
V.  911-12  estia:  nina;  v.  478-80  sia:  profira:  dia;  v.  1655-56  gira: 
dia;v.  461-62  camisa:  via;  V.  975-76  aymia  :  agradiva;  v.  1447-48 
tenyida:  falia;  V.  ic)S>-c)C)sia:  saviea.  —  ala:  ana.  V.  ^66-67  ciciliana: 
mala.  —  Ola:  ona:  ora:  orra.  V,  702-703  dona:  hora ;  v.  740-41 
madona:  axora;  v.  1302-03  gola:  bona;  v.  1349-50  dona:  hora; 
V.  i<i6ç)-jo  s'anamora:  modorra.  —  Oca:  ota  ;  v.  1050-51,  1221-22 
boca  :  tota.  —  ua  :  nda  :  uga  :  uyla  {■=  iiHa] .  V.  1292-93  perduda  :  faduga  ; 
V.  1419-20  eguylla:  niia. —  ea:  ella.  V.  1 579-80  balea  :  ella. —  esa:  eta. 
V.  4^ç)-6o  sartroresa:  robeta.  —  eles :  eyles:  eses.  V.  760-61  mameles: 
mereveyles;  V.  \/{4C)-^o  creses :  merereyles.  —  ates:  agiies.  v.  1545-46 
mates:  bujalagues.  —  iquen:  iguen.  V.  750-51  signifiquen  :  liguen.  — 
Assonances  féminines  où  plus  d'une  consonne  diffère  V.  243-44  crusca  : 
alguna;  v.  1399-400  balea:  sembla;  v.  1461-62  blanca  :  auca;  v. 
1551-52  castes  :  maridades. 

De  tous  les  morceaux  en  vers  ou  en  prose  dont  se  compose  le  manus- 


I.  Il  est  bien  probable  que  Vi  ne  se  faisait  pas  sentir  du  tout  et  qu'on  pro- 
nonçait detx  {xz=.ch  franc.)  :  ce  ne  serait  qu'une  assonance  graphique.  Toute- 
fois, au  V.  764,  le  poêle  a  écrit,  contrairement  à  l'étymologie,  dreig  pour  faire 
rimer  ce  mot  avec  dcig. 


MÉLANGES    DE    LITTÉRATURE    CATALANE 


199 


crit  de  Carpentras,  le  Facet  est  celui  qui  contient  le  plus  de  passages 
inintelligibles,  du  moins  pour  moi.  J'ai  fait  ce  que  j'ai  pu  pour  trouver 
un  sens  aux  vers,  qui,  tels  que  nous  les  livre  le  manjscrit,  m'en 
paraissent  dépourvus,  et,  dans  le  petit  glossaire  placé  à  la  suite  du  texte, 
j'ai  soigneusement  relevé,  à  côté  des  mo:s  plus  ou  moins  rares  que  tous 
les  dictionnaires  ne  citent  pas,  ceux  dont  mes  lectures  ne  m'avaient  pas 
encore  fourni  d'exemple  et  que,  généralement,  je  n'entends  point.  Enfin, 
pour  donner  à  d'autres  le  moyen  de  corriger  à  leur  tour  plus  facilement 
ce  texte  si  maltraité,  j'ai  cru  devoir  le  faire  suivre  du  petit  poème  latin 
d'où  il  a  été  tiré.  Ce  Facctus  n'ayant  pas  été,  que  je  sache,  imprimé,  il 
n'était  pas  à  la  portée  dt  tout  lecteur  de  le  comparer  à  sa  traduction 
libre  catalane.  Des  chiffres  de  renvoi,  placés  entre  crochets  dans  les 
deux  textes,  permettent  de  se  reporter  du  catalan  au  latin  et  du  latin  au 
catalan. 

Alfred  Morel-Fatio. 


Senyors,  qui  vol  esser  certes, 
Be  ensenyat  e  gint  après, 
Aquest  roinans  venga  ausir 
Quis  vol  d'ensenyament  garnir. 
Aquest  romans  ha  nom  Fasset, 
Milor  libre  en  feus  promet 
Que  anc  [no]  posquessets  ausir 
Ne  atendra  per  gint  noyrir; 
Et  qui  'e]:>tudiar  hi  voira. 
Mantes  causes  hi  atrobara 
D'ensenyament  e  corteria. 
Hi  apendra  [en]  cascun  dia 
Li  clerga  e  li  xivaler, 
Li  ciutada  e  mercader, 
L'infant  atressi  e  li  veyil, 
Tuyt  ne  apendran  bon  conseyll 
Ez  instruhiran  tota  via, 


Si  aquest  romans  sovin  legia. 

Donques  qui  vo!  esser  certes 

Ben  ensenyat  e  gint  après, 

Entene  en  humilitat 

E  en  bonea  abrivat. 

No  vulles  esser  mensonger, 

Mas  tota  via  vertader  ; 

Ages  lo  cor  ferm  e  [e]stable, 

Si  a  tuyt  vols  esser  agradable  ; 

E  no  sies  endeny[i]es 

Ne  trop  mal  ne  trop  renyios, 

E  âges  te  e  leyaltat 

E  seras  de  tuyt  meit  amat  ; 

Car  qui  es  foyil  [e]  senes  fe 

No  es  cregut  de  nuyla  re. 

Mas  si  s'  ave  sayso  e  loch 

Mentir  no  nou,  ab  que  dur  poc, 


28 


32 
[9] 


15.  e  li.  Ms.  el.  —  18  II  faudrait  legian.  mais  l'auteur  passe  sans  cesse 
d'un  nombre  à  l'autre,  sans  s'occuper  de  l'accord  du  verbe  avec  son  sujet.  — 
19  Donqa:s,  ms.  Doncs.  —  21  —  Entene  zz:  enUna.,  subj.  A' entendre.  Le  ms.  a 
plutôt  enUnc.  —  35  ave,  du  verbe  avenir:  «  Mais,  à  l'occasion,  mentir  ne  nuit 
pas,  pourvu  que  cela  dure  peu.  » 


MOREL-rATlO 


Car  per  retrer  les  veritats 

Del  altre  part  les  amistats.  36 

Pecat  del  amie  caleras, 

Tant  con  poras  0  cobriras. 

Si  vols  esser  bo  ni  certes 

Ni  laus  aver  en  tota  res,  40 

Sies  [tu]  gint  amesurat 

En  tu  e  tan  adotrina[t] 

No  vulles  largament  parlar 

Sutzes  paraules  ne  comptar:  44 

Tindra  t[e]  hom  per  agualat, 

Atressi  per  mal  ensenyat. 

E  con  nagu  voiras  lausar 

Ne  ses  noveyles  reconptar,  48 

Deus  lo  lausar  trempadament: 

So  que  diras  verayament, 

So  que  d[e]  ell  auras  conptat 

Sia  trestot  be  veritat  ;  52 

Car  si  deyes  mes  que  noy  ha, 

Desonrar  1'  ies  tôt  en  p'a, 

Sobra  lot  quant  [en]  parlaras 

En  tôt  loch,  e  noy  faliras;  j6 

Mas  no  vulles  calar  de  tôt,  [i  5] 

Car  tindrie  t[e]  hom  per  boc. 

So  que  voiras  dir  ni  parlar 

En  ton  cor  te  deus  porpensar  :        60 

Qui  parla  a  ssa  voluntat 

Axi  es  con  cavall  desfrenat; 

Perque  dix  savi  Salamo 

Que  anc  lo  sovinent  sermo  64 

Nel  moit  parlar  nuyia  sayso 

Anch  sens  [nagu]  pecat  no  fo. 

Donques  qui  certes  vol  [e]star, 

Poques  paraules  deu  parlar.  68 

E  qui  vol  esser  plazenter 

A  tôt  hom  ayço  deu  aver  : 

No  vulles  esser  erguylos.  [17] 

Molt  hom  [e]  per  bo  e  per  pros      72 


Tostemps  mostra  cara  rient. 

E  sies  suau  exament  : 

Cran  virtut  es  en  ell  per  cert 

Qui  en  aço  es  be  apert.  76 

Tostemps  sies  enginy[i'os 

E  fug  al  mon  quis  erguylos, 

Perque  no  sies  menyspreat 

De  nagun  hom  ascienlat.  80 

E  sies  be  [e^studios 

En  ton  offici  e  euros,  [21] 

Saviament  e  conseylada, 

Noy  faliras  seyia  vagada,  84 

Dien  que  lo  us  ret  l'om  mestre 

En  qualque  art  ques  vulla  metra. 

E  con  veura  que  fassa  fer 

Vullau  disputar  volenter  88 

Si  que  no  vages  murmurant 

Ni  mala  cara  demostrant. 

So  faras,  segons  ton  poder,  [25] 

Perque  not  playa  (lo)  despener,      92 

Car  qui  mes  despen  que  no  ganya 

Tart  es  que  no  sofranya. 

En  tôt  loc  es  bona  mesura, 

Car  sen[e]s  ella  res  no  dura.  96 

Deus  te  tenir  gint  de  vestir,  [27] 

Que  hom  not  puxa  [e]scarnir, 

E  que  no  vages  sassaros, 

Mas  nedeu  [de]dins  e  defors.  100 

Eceyil  qui  poca  roba  ha 

Axi  corn  ja  avets  ausit, 

Si  nou  avets  mes  en  oblit,  104 

Mas  pel  vestir  ne  pel  causar 

No  deu  hom  son  mester  lexar; 

E  visque  hom  saviament 

En  heure  [e]  menjar exament;        108 

E  la  ploma  sia  gitada  [31] 

En  la  ma  de  cuy  es  pausada, 


3  $-36  Le  sens  est  bien  évidemment  que,  pour  dire  aux  gens  la  vérité,  on 
perd  leur  amitié.  Peut-être  faut-il  corriger  au  v.  3  5  la  ventât  et  au  v.  suivant 
De  r altre  pcrt  l'us  (ou  hom]  ïamistat.  —  37  cekras  pour  cehuas.  —  67  Don- 
qucs^  ms.  Donchs.  —  87-88  le  ne  comprends  pas.  —  94  Corrigez  :  Tart  es  que 
[res]  no  [lï]  sofranya?  «  Il  est  difficile  que  celui  qui  dépense  plus  qu'il  ne  gagne 
ne  se  trouve  pas  dans  le  dénûment.  »  —  102  La  ligne  est  restée  en  blanc  dans 
le  ms. 


MÉLANGES    DE    LITTÉRATURE   CATALANE 


201 


Trestotes  coses  reconptants  : 

Ayso  pertany  aïs  [ejscrivans  1 12 

Que  hom  aprena  de  doctrina 

Viur'  en  lo  mon  en  diciplina. 

Ton  fin  deus  metre  en  clerecia 

Per  tal  que  tenga  bona  via  1 16 

E  no  solament  per  legir, 

Mas  que  el  puxa  mils  nodrir, 

Mentre  lo  mestre  lo  castia, 

Perque  no  vinga  a  mala  via.  120 

Diu  hom  que  qui  no  bat  merdos 

No  pot  [de]puys  batra  palos. 

Perque  no  puxa  folcjar 

Ab  veyis  homens  lo  fe  anar,  124 

Car  si  ab  veyls  fa  conpanyia 

No  pora  errar  ni  fer  foyiia. 

Tin  lo  après  de  esser  ventola, 

Car  peu  qu'es  massa  moveJer         128 

Lo  seny  deu  aver  trop  leuger. 

Si  bes  costuma  pauc  [e]stant,        [37] 

Vergony'  aura  con  sera  grant. 

Perque  tostemps  playen  aysets       132 

Qui  plagucren  per  una  vêts. 

E  ceyil  qui  hac  virginitat 

De  gran  jovent  en  sa  adat 

Tostemps  sia  honest  e  cast,  1 36 

Deus  guardar  la  de  tôt  malast  ; 

(E)  cant  es  de  salut  de  doctrina, 

No  ses  de  pendre  nuyt  e  dia, 

Per  tal  que  sia  dreturat  140 

Con  or  ver  epara  nomnat. 

Sies  valent  e  [bej  entes,  [42] 

[E]studios  en  tota  res 

E  maiorment  en  ton  offici,  144 

Que  no  sies  tengut  per  nici, 

E  que  dipa  pus  dignament 

(Sa)  paraula  a  Deu  omnipotent. 

Aycell  gran  desonor  li  es  [45] 

Qui  los  propris  lexe(n)  per  res,      149 


Car  orda,  per  qui  trobats  es,         [46] 

Die  vos  que  no  val  .j.  puges. 

Cant  la  corona  ay  son  dret  152 

Pus  blanc  par,  fe  queus  deig, 

Axi  tôt  prou  clar  sia, 

Car  axis  deu  fer  tota  via. 

(Tôt)  clerga  deu  sos  menbres  cobrir  [49] 

Ab  gint  calsar,  ab  lonc  vestir,        1 57 

So  es  saber  los  menbres  d'infants 

E  maiorment  de  capelans. 

[MoltJ  gran  desonor  li  cabria         160 

Si  la  carn  nua  li  aparia. 

Mostre  soven  son  vestiment  [p] 

Esser  nedeu  per  cobriment 

E  denejats  de  tots  pecats,  164 

E  perayço  sera  honrats. 

Sies  savi  e  [be]  euros 

E  no  demans  spectancios;  [53] 

Gint  ta  porta  e  ab  bon  seny  168 

E  garda  [be]  los  mandaments; 

Et  si  Deus  t'a  donat  aver 

No  sies  scars  en  despender,  [55] 

E  nagu  hom  no  say  que  sia  172 

Usara  de  gran  corteria, 

Pus  que  bet  basta  so  del  teu, 

A  tu  e  a  altre  ben  leu. 

Cant  sies  vey  0  hom  honrat  [57] 

Per  dies  e  per  gran  adat,  177 

Lo  poble  amonestiras 

E  bons  aximplis  los  daras 

De  seguir  tostemps  honestats         180 

E  sera  son  nom  exalsats, 

Per  tal  que  no  puxa  errar 

Ab  tu  lo  poble  ni  pecar. 

Aquest  romans  enseyara  [61] 

E  lo  loc  li  demostrara  18^ 

A  compondre  vida  plazent; 

E  aço  reconpta  breument 

Quai  cosa  [ejsta  [a]  hom  be  188 


127  Ce  vers  est  isolé.  —  137  Corrigez:  E  deus  (deu  se]  guardar  de  tôt 
malast  —  139  ses  pour  ces  de  cess.ir  icesser).  —  148  II  faudrait  A  aycel. 
—  149  Quilos^  ms.  Quils. —  153  bbnc,  lire  blanca.—  1^4  Vers  de  6  syllabes. 
167  Corr.  deman  spectacios.  —  168  fa  pour  te.  —  \-]i  No  say  que  sia  =z  quel- 
conque. —  181  io/i,  lire  ton. 


202 


A.     MOREL-FATIO 


E  quai  li  play  ni  li  cove. 

Primerament,  si  infants  as, 

Alguna  art  los  mostraras, 

E  proveex  los  enaxi  192 

Que,  sis  partien  de  assi, 

Posquesspn  viure  ab  iur  art; 

Car  [los]  homens  de  bona  part 

Demanen  [tots]  a  son  infant  196 

De  quai  art  [elj  es  pus  altmt  : 

Si  il  play  ietra  equeclerch  sia      [65] 

0  esser  de  gran  saviea, 

Axi  con  jutge  0  fasia,  200 

Doctor,  metge,  gran  [e]scriva, 

En  poquea  li  enseny  de  amar 

Los  libres,  car  axis  deu  far, 

Si  l'infant  vol  clergue  esser;  204 

0  vula  esser  cavaler 

0  dels  cavails  acontornar, 

Ffermant  los  peus  vera[ya^ment, 

Fer  tal  qu'en  sia  pus  sabent.         208 

Diu  hom  que  si  abte  es  .j.  infant 

Molt  nés  pus  savi  par  avant, 

E  deu  esser  ans  [ejscuder 

Primerament  que  cavaler,  212 

E  que  servesque  volenter, 

Si  de  tots  loat  vol  esser. 

(E)  si  no  vol  esser  cavaler,  [73] 

E  voira  esser  mercader,  216 

Die  que  aja  [la]  conexensa. 

De  les  monedes  ses  falensa. 

Primerament  axi  deu  far 

Que  aprena  [be]  de  conptar,  220 

Sia  agut  e  entricat, 

Savi  mercader  assenât 

E  serch  les  terres  covinents 

Per  conptar  ventura  examents,      224 

Que  null  hom  noi  engan  leument, 

Sapia  conptar  [molt]  soptilment, 

Lavors  digan  que  es  valent. 

Si  no  vol  esser  mercader  228 


E  cobcia  de  esser  ferrer, 

Caiit  quer  diciplina 

Es  ops  que  pereros  no  sia, 

C-^r  ceyll  qui  en  poquesa  apren(a),  [81] 

E  ell  cant  es  de  adat  complida 

Lnuor[e]s  es  l'art  enflorida. 

Si  be  ladoncs  no  s'es  infant 

E  es  tôt  barbât  e  [tôt]  grant  236 

E  no  sal.  nagun  mester  far. 

Nos  deu  ja  vergonyadar 

Ni  dir  con  apendria  ara, 

Per  veyil  que  sia,  hoc  encara,        240 

Car  mes  val  mester  qu'es  per  ver, 

Scvin  ho  ausim  retr[a]er: 

Bestia  es  l'om  quis  crusca  [85] 

Aycell  [que]  art  no  ha  alguna.       244 

Art  de  vida  et  pensament 

No  lexa  hom  esser  noent. 

Mas  empcro  asso  deu  fer 

Qui  vol  esser  savi  enter,  248 

Que  eyll  de  tôt  en  tôt  [0]  am       [88] 

E  vulla  saber  e  deman. 

Lo  saber  no  mete  en  va, 

Profit  ni  be  aigu  no  fa;  252 

(E)  sol  qu'en  aja  de  la  natura 

De  pendra  (muyler)  hom  no  s'atura, 

E  la  natura  molt  hom  fay  [91] 

Benuhirat  e  rich  c  gay  256 

Per  molts  0  ficis  verament, 

E  axi  tôt  hom  del  mon  ha 

Qiie  pot  fabricar  tôt  de  pla. 

Hu  molts  mesters  no  deu  aver,      260 

Poch  de  son  prou  ne  pot  faser. 

Cascun  per  son  primer  offici 

Pot  esser  bo,  si  no  es  nici 

E  que  l'am  be  de  tôt  son  cors        264 

Sens  perea  dins  e  defors. 

E  no  conseyll  a  nagun  hom 

(E)  les  greuges  de  vida  perdom, 

Axi  que  per  molt  trabaylar  268 


204  Clcrguc  esser,  ms.  esser  clergue.  —  206  Vers  isolé.  —  22  ^-27  Trois  vers 
sur  la  même  assonance.  —  230-232  Le  passage  semble  altéré.  Le  v.  230  est 
trop  court  de  trois  syllabes  et  ne  rime  pas  avec  le  suivant;  le  v.  237  est  isolé. 
—  24}  Crusca  n'est  pas  sûr.  —  251-4  Le  sens  paraît  être  (en  supprimant 
muyler)  que  l'homme  ne  s'applique  à  apprendre  que  les  choses  vers  lesquelles 
sa  nature  le  porte;  cf.  le  latin,  v.  89-90.  —  257  Vers  isolé. 


MÉLANGES    DE    LITTÉRATURE   CATALANE 


Hom  ne  muyra  senes  duptar; 
Ans  deu  [hom]  son  cor  refrenar 
En  le  temps  c'  cm  dcu  feslivar. 
Trabayil  axi  que  puxa  viure 
Ab  gauig  [e]  ab  plaser  e  riure, 
Car  certes  la  vida  florida 
Par  pensa  es  ennoblehida, 
Con  se  mira  en  alegratge 
E  vol  aver  aytai  usatge; 
Mas  ceyil  quis  dona  tristicia 
Viu  ab  gran  avaricia. 
E  le  macip  en  son  jovent 
Don  se  plaser  [tôt]  axament 
E  cant  e  bayll  e  tingues  gay, 
Que  per  un  any  ne  viura  may 
E  sia  a  tuyt  plasenter, 
Saviament  o  sapia  fer, 
E  que  sid  anamorat 
Si  vol  tenir  son  corpagat; 
Mas  empero  asso  es  dat 
[E]  per  hora  e  per  adat. 
E  que  tinga  ses  cabeylls  gent. 
Nuls  aja  neyres  exament, 
Car  ceyia  color  es  d'om  veyil 
E  no  pertany  a  jovencell  ; 
E  quels  tinga  gint  pentinats, 
Mils  ne  parra  afaysonats. 
Macip  qui  vaja  sasarros 
E  mal  net  [de]dins  et  de'^ors 
De  fembra  e  de  nul  hom  nat 
No  sera  amat  ni  presat  ; 
Mas  con  es  veyll  [e]  anantat, 
Lavor[e]s  no  li  es  gardât, 
Car  con  la  valea  pren  tant, 
Nos  cura  hom  de  gint  estant. 
E  qui  voira  esser  cortes 
No  tinga  sos  cabeylls  largues, 
Car  [la]  longa  cabeyladura 
A  fembra  tany  per  sa  natura, 
Tengues[e]  gint  e  [be]  cortes, 
[En]axi  con  dessus  dit  es; 


Sia  leus,  trempât  e  leugers 

E  nostrat  en  sos  moviments. 

Calsar  se  deu  [e]stretament 
272       Sabdtes,  calses  exament, 

C'aparega  sia  leus  anats, 
[101]       Cuxes,  cames  [e]  pcus  privais; 

Pero  ayso  segons  usansa 
276       De  la  terra,  senes  duptansa, 

Carsi  hom  era  singular, 

P'arias  tenir  per  juglar. 

Cove  al(s)  macip(s)  verament 
280       Esser  entrels  jausents  jausent, 

E  que  sia  trist  ab  los  tr;sts. 

Conpacient  e  [ejsmarrits; 

Aconpany  se  ab  homens  veyils 

284  Perque  sia  de  bons  conseyils, 
E  perseverar  ab  los  bons 

Lo  jovenseyll  totes  faysons; 
Car  ceyii  qui  ab  bons  ha  paria, 

285  No  potseguir  !a  mala  via, 
E  do  a  tots  saviament       ^ 

[107]       Honor  e  laus  publicament. 

No  vules  nagun  menyspresar, 
292       Sitôt  mesqui  lo  veus  [e]slar, 

E  vulies  dar  loc  al  menor; 

Enclina  ton  cap  al  maior. 

Sempres  vulla  sa  fas  mostrar 
296       Alegramcnt,  e  [deu]  honrar 

Aquell  0  aquells  verament 

A  qui  s[e]  esgart  l'onrament. 

(E)  no  sies  entre  lo[s]  maiors 
300       En  paraules  trop  habundos 

E  tinga  tant  entre  sa  pensa 

So  que  voira  dir  ne  porpensa, 

Que  hom  no!  tenga  trop  parler  : 
[111]       Savi  es  sis  sap  abstener. 
305       On  que  veja  savis  [ejstar, 

Ab  ells  se  deu  acompayar, 

Escolt  be  [tût]  lur  parlament, 
308      Entre  ells  [e]stia  plazent, 

Car  tota  ora  apendra 


20? 


312 


316 


['■9] 
321 


324 

[121] 


328 


n6 


[127] 
34' 


344 


348 


311  Nostrat,   lire  m-slrat  ou  destrat?  —  326  Au  lieu  de  E  pcneverar,  lire 
Perseverara  ou  Perseverar  deu. 


304 

Seny  e  rao  qui  asso  fara. 
Mas  si  no  vols  ptr  [a]ventura       f 
D'aqucstes  coses  aver  cura 
E  vols  esser  anamorat 
E  en  amors  de  fembres  dat, 
E  conexs  que  mes  ta  aprofit 
Que  en  so  que  dessus  ay  dit, 
Comensaras  axi  d'aymar 
Axi  con  ayci  vull  (eu)  dictar. 
Gardar  t'as  de  monge  sagrada, 
Que  sposa  de  Christ  es  nomnada; 
Eceyil  pecat  destrui  lo  cors 
E  l'arma  [dejdins    e  defors; 
E  de  femna  c'age  marit 
Ta  gardaras,  so  not  oblit, 
Car  semblant  es  d'aytal  peccat  : 
So  sia  en  ton  cor  pausat. 
Gardar  t[e]  as  de  la  putana         [ 
E  maiorment  de  publicana, 
Car  ceyia  amor  not  durara, 
Sil  teu  diner  primer  no  ha. 
La  vil  femna  no  porta  amor, 
Si  hom  no  es  larch  donador, 
Metra  son  pens  en  tu  net  ama, 
Mas  so  del  teu  tôt  jorn  te  marna. 
Son  ne  d[e]  altres  examents        [ 
Qui  son  en  tal  fayt  covinents, 
Axi  con  viuda  o  puncela. 
Lo  dur  pits  se  amoieix  per  ella 
E  fa  perdre  tota  tristor 
E  axeque  trol  cel  lo  cor. 
De  la  viuda  sa  dois'  amor 
Fa  aleujar  febre  e  dolor, 
Aquesta  sobre  totes  ama, 
Saviament  art  e  afiama; 
E  beyia  puela  vagant  [ 

De  joy  replex  hom  veramant. 
CeyIa  ha  los  iochs  covinents, 


A.     MOREL-FATIO 


Franch  coyll  e  boca  examents. 

iji]       Ayccsta  am  lo  jovenceyil, 

3  53       Saviarrent  tir  al  casieyil. 

Si  entens  l'art  que  eu  te  di, 
Sabras  d'aymar  lo  dret  cami. 

356      Caiit  te  voiras  anamorar 
De  la  nina  e  enflamar, 
Gardar  l[a]  as  de  fit  en  fit 
Ab  dolses  uylls,  so  not  oblit: 

360      Ayco  faras  a  la  venguda 

[E]  de  part  d'  eyla  verament 
No  pendras  [nuylj  defayliment. 
De  moites  una  en  legiras 

364      E  de  aquella  cura  auras, 

Car  ceyll  qui  en  moites  enten, 
Semblant  es  d'asa  veramen. 
Ab  una  sapges  far  ion  pro, 

137]       Mas  per  esters  faras  asso, 

369      Ab  uylls  rients  la  gardaras, 

En  qualque  loch  l'encontraras, 
E  gardar  l'en  as  fermement 

372  Per  que  sia  a  tu  consent, 
Car  si  ella  noy  consentia, 
Aycela  amor  res  no  valia: 
Per  so  diu  una  parladura 

141]       Que  amor  d'una  part  no  dura. 

377       E  aço  deu[s  tu]  ben  gardar 
De  quin  linatge'  s  ses  duptar 
Ne  si  a  tu  [sej  pertanyia, 

380      Ans  que  l'amor  fos  en  la  via. 

Hom  no  deu  fembra  dema[n]dar 
Que  nol  tangues  lo  destalsar; 
Mas  deu  amar,  cert,  sa  agual 

384      O  miylor  que  ell,  si  liu  vali, 
Car  tost  trabuca  verament 

147]       Qui  vola  sobrel  firmament 

Del  cel,  e  sobre  les  [ejsteles 

388       Vol  [e]stendre(s)  ses  vêles. 


['49] 
393 


396 


400 


404 


408 


412 


[155] 
4.6 


420 


424 
['S8] 


356  ta  pour  te.  —  359  Axi,  ms.  Ayn.  —  362  destrui,  peut-être  faut-lire 
destruu  ou  destrux.  —  365  Ta  pour  Te.  —  372  La  vil,  ms.  Laul.  On  pour- 
rait garder  L'^u/  (avol).  Cf.  cependant  v.  1637,  1670,  1696.—  374- 5  Vers  cor- 
rompus. —  392  di.  De  première  main  dans  le  ms.  dich.  —  398  Vers  isolé.  — 
401  en.  ms.   ne.  —  420  «  Qui  ne  soit  digne  d'être  déchaussée  par  lui  n. 


MÉLANGES    DE    LITTÉRATURE    CATALANE 


205 


E  l'apostol  sent  Pau 

Nos  monesta  suau 

Tenir  via  mijana, 

Car  es  via  ben  sana. 

Al  loch  on  ceyla  sta 

Que  tu  fort  amaras, 

Aqui  tu  aniras; 

Aprin  ios  locs  on  va 

E  la  casa  on  sta, 
E  para  aqui  tos  fiiats 
E  sies  be  enraysonats; 
E  com  li  vendras  [en]  denant, 
Lausar  l'as  tota  en  xantant, 
E  après  sospira  fortment 
Quaix  qui  de  cor  ha  torbament, 
(E)  si  coneixs  quet  vulla  amar, 
Si  no,  penset  de  be  sforsar; 
Ab  ta  art  e  [ta]  parlaria 
Sapges  aver  la  maestria 
En  que  la  lies  en  ta  amor, 
Si  vols  seguir  Facet  doctor, 
E  assage  tota  ta  forsa 
E  not  vaja  lo  cor  en  orsa 
Que  leixs  tes  paraulas  anar. 
Lavors  te  cresque  lo  parlar 
Dolsament  e  [molt]  amorosa, 
Per  que  sia  de  tu  curosa, 
E  fe  so  que  ella  voira, 
Sapges  que  mes  t'en  amara 
Ab  so  que  ella  torn  a  plaser; 
E  prin  fêta  ocasio 
Cant  aniras  a  sa  mayso, 
Axi  con  si  era  sartroresa, 
Vey  per  scusa  de  fer  robeta, 
Car  nostra  lenga  es  camisa, 
Noy  erraras  naguna  via. 
E  sobra  qualque  mester  aja 
Prenga  [e]scusa  con  hi  vaja, 
Qualque  sia  l'anamorat, 
Si  vol  esser  de  cor  amat. 


160] 
4P 


436 


440 


444 


448 


4^2 


456 
[165] 


460 


464 


468 

[■69] 

472 

476 
480 


484 


Car  '"embra  es  pus  diligent 

D'aycel  qui  ama  azautament. 

Près  de  mal  ab  vol  de  s'aymia 

Ab  qualque  fembra  eles  confia, 

E  con  trametras  res  a  dir 

A  ella,  queu  sapges  cobrir, 

E  ella  a  ell  atretal 

Per  por  de  descobrir  [lo]  mal, 

Qu'en  aço  es  vengut  lo  mon  : 

Tanstost  diran  que  li  0  fa 

0  liu  ha  fet  0  liu  fara  ; 

E  qualque  la  destral  [se]  sia, 

L'anamorat  grans  dons  profira 

A  ella,  si  be  yc  es  tôt  dia, 

E  mes  que  no  li  don  la  proferta.  [172] 

Don  li  algun  cordo  0  trena 

0  sabates  per  [la]  [e]strena, 

Car  maior  cura  s'en  dara 

E  tota  hora  si  pensara 

Que,  axi  con  [el]  dat  li  a 

(Sis)  fara  so  que  promes  li  a. 

En  après  deu  la  instruir 

En  les  paraules  que  ha  dir 

Ceyla  en  quit  confiaras 

Tu  ni  ceyla  que  amaras. 

E  les  paraules  son  aytals 

Que  deu[ra  li]  dir  la  destrals 

A  la  [nina]  anamorada, 

Ceyla  que  as  en  ton  cor  pausada  : 

«  Madona  dolsa,  Deus  vos  saul,  [17s] 

€  Missatge  son,  no[m]  prena  mal, 497 

«  E  lo  vostre  molt  dois  poder, 

«  Amasurat,  pie  de  saber. 

«  Aycel  Deus,  queusha  formada,  $00 

«  Fayta  vos  a  agraciada, 

«  Vos  sots  beyia,  e  vostra  cara 

(I  Resplandenl  con  lo  sol  e  clara  ; 

«  En  vos  no  vey  defaylimen 

(I  De  balea  ni  d'altiment. 

«  Sapgats,  madona,  que  dolsor 


488 


492 


504 


431  et  456  Vers  isolés.  —  457  fêta,  corr.  fencha?  —  40  aniras,  ms. 
•voiras  anar.  —  461  Je  ne  comprends  pas.  —  469  Je  ne  comprends  pas.  — 
475  Vers  isolé.  —  47S-81  Ces  vers  ne  riment  pas;  au  v.  478  corr.  fia?  cf. 
V.  S57- 


206 


«  Avets  justada  ab  sabor, 

«  Milor  sabor  ne  deu  aver.  508 

«  Ayço  be  0  devets  saber 

f  C'un  macip  de  vos  es  torbat, 

«  Anamoral  e  enflamat 

«  E  amaus  mes  que  res  al  mon  sia, 

«  (Ej  vol  esser  en  vostra  batlia      5 13 

«  E  quel  prenais  per  servidor 

«  E  que  li  donets  vostr'  amor, 

«c  Que  son  cor  ha  en  vos  pausat:  516 

«  NoI  partiria  null  hom  nat. 

«  Ans  les  aygues  qui  van  [a]  jus 

a  Farien  lur  cors  per  anarsus 

«  Que  de  vostr'  amor  nospartiria.  520 

«  Madona,  asso  no  es  falcia, 

«  Qu'eu  say  quel  vos  ama  de  cor, 

«  Jorn  que  nous  veja,  per  vos  mor; 

«  Cant  vos  ve,  es  en  paradis,         524 

«  Ayço  m'a  dit  ades  per  fis  ; 

«  Si  no  veya  que  fos  a  fer, 

(I  D'eyço  non  auzirets  parler, 

«  Mas  ell  es  dois  e  vos  dolseta,      528 

«  Quai  sera  cell  qui  torp  li  meta? 

«  Sabets  c  'una  flor  ben  oient, 

«  Ajustad'  ab  altra  exament, 

«  Molt  n'aurien  niylor  olors,  532 

f  Axi  es  de  dolses  amors, 

(I  Que,  con  serets  justats  abdos, 

«  Anch  no  loren  aytals  amors. 

«  Ay,  dolsa  amor,  merce  ajats       536 

«  D'aquell  vostra  anamorats  ! 

«  Que  tota  res  na  en  oblit 

a  Per  vostra  amor,  axius  0  die, 

f  E  fets  me  respcsta  breument       540 

«  Que  l|^o]  fassa  [e]star  jausent. 

«  Maior  désir  a  y  que  diguets 

«  C'ab  vos  parlas  sol  unn  vêts; 

«  A  mi  prega  queus  0  dixes  544 

»  E  que  per  res  nom  oblides, 

t  Que,  tant  vos  a  mesa  al  cor. 


MOREL-FATIO 

«  No  nés  jorn  que  per  vos  no  plor  : 


«  Menjar  e  beure  pert  per  vos       J48 

«  Con  nos  pot  raysonar  ab  vos, 

«  Que  si  ab  vos  parlar  podia 

«  De  soias  ede  joy  viuria, 

«  Moita  ponceyia  veig  qu'el  ama,  552 

«  Mas  ucy  son  cor  en  vos  aflama. 

«  A  totes  ha  renunciat 

«  Pel  voitre  cors  car  e  honrat, 

«  E  per  so  m'a  tramesa  assi  556 

a  A  vos,  per  tal  con  (se)  fia  ab  mi, 

«  E  li  sia  tael  e  leya! 

«  E  a  vos,  madona,  atretal  ; 

«  E  podets  me  dir  vostre  cor,        560 

«  Que  nous  cal  aver  de  res  por.  » 

E  si  ella  per  [a]ventura  ['83] 

Feya  respcsta  aspr'  e  dura 

La  puel'  al  comensament,  564 

No  y  dcnets  res,  tôt  es  piment. 

Abte  es  de  ciciliana. 

Qui  de  primer  se  mostra  mala 

E  despuys  fa  blana  farina,  568 

Car  veu  que  l'anamich  (se)  déclina. 

La  destral  sia  tan  aguda 

A  dos  colps  l'arbre  s'en  aduga. 

Sapi'  ab  sa  lenga  pintar  572 

La  nina  e  afalagar, 

E  que  li  diga  anaxi 

Con  [ara]  auzirets  dir  a  mi: 

«  So  queus  deman  de  la  amor      576 

Il  Vostra  prou  sera  e  honor, 

B  Tant  es  ell  bo  e  gint  après, 

«  Per  so  vol  vostre  cor  cortes 

«  Quel  puxa  servir  e  honrar         580 

«  El  puxa  tenir  gint  e  car. 

«  Vos  avets  nom  Na  Bonanada, 

•  Tant  sots  piazent  e  ensenyada, 

a  Per  sous  ama  axi  de  cor  584 

«  Lo  vostre  dolset  aymador.  » 

E  si  a  la  nina  desplau,  ['89] 


5:0  Trop  long.  —  <^ 26  fos.  Ms.  [es.  —  556  mcrce,  de  première  main, 
mcrccn.  —  ^42  diguets,  ms.  J.sir.  —  557-8  Lire  A  vos,  per  tal  qucs  fia 
ab  mi.^  [Qu]c  il  sia...  ?  —  565  donets,  corr.  doteis'f  —  569  Je  ne  comprends 
pas. 


MÉLANGES  DE  LITTÉRATURE  CATALANE 


Que  li  fassa  resposta  brau, 

Deu  s'en  tost  al  macip  tornar         588 

E  deu  li  0  tôt  reconptar 

Con  li  a  respost  ferament 

E  li  fo  dezobedient. 

Mas  lo  jove  nos  desesper,  592 

Ans  se  deu  mays  [eJNforser 

Qui  ab  signes  e  ab  senyals 

Li  parla  humils  e  suaus, 

Car  ninaqui  no  sap  d'amar  396 

Axi  bey  deu  hom  aucar, 

Que  li  sia  hom  avinent, 

Humil  e  pie  d'ensenyament. 

Diu  hom  que  mes  va!  giny  que  forsa  ; 

Aquest  sermo  no  vol  l'escorza,      601 

E  dix  un  savi  entirat 

C'axiu  deu  1er  l'anamorat. 

Puys  fasse  y  tornar  lo  macip  604 

La  missatgera,  no  so  trich, 

Qui  la  pens  regeu  de  tenptar 

Si  que  nos  puxa  refrednr, 

Car  femnas  fa  tostemps  pregar    [197] 

De  ço  per  c'om  la  te  en  car.         609 

Si  niala  voluntat  ha  vensiment, 

La  amor  trenca  los  pits  verament  : 

Si  com  lo  ferre  suaexs 

E  la  dura  roca  destroexs 

E  la  père  [molt]  forts  e  dura 

Qui  es  forada  per  molura, 

So  es  con  l'ayga  hy  degota, 

Tantost  hi  es  la  pera  rota 

E[s]  las  per  assiduitat  : 

Axiu  deu  fer  l'anamorat. 

Ab  moltfels  prechs  e  ab  gran  usansa 

Met  hom  la  nina  en  acordansa,      621 

Axi  que  per  fin[aj  amor 

Voira  parbr  ab  l'aymador. 

Deven  abdosos  .j.  logar  [205] 

Eiegir  per  secret  parlar;  625 

So  que  a  cascun  d'ells  plaura, 

Ne  la  un  a  l'altra  dira, 

Sapiau  sol  la  missatgera,  628 


6l2 


616 


207 

Nû  altre  parler  ni  parlera, 
Car  sol  hom  dir  :  «  Saben  0  très, 
«  Despuys  0  sab  tota  res  ». 
Cant  passarets  denant  la  tor         632 
D'aycela  cuy  porta(re)ts  amor, 
Eyla  ve  be  aconpanyada. 
De  dones  ab  trop  gran  maynada, 
Deu[s]  la  dignament  saludar         636 
E  solas  tôt  atretal  far, 
[Ejsgardant  ceyla  soptilment 
Per  quel  teu  cors  sia  jausent. 
Apres  deus  un  jove(nsel)  sercar     640 
Ab  qui  pusques  sovin  anar 
E  que  de  aquell  veynat  sia 
On  [ejsta  ta  dolsa  aymia, 
Car  ab  [ayjseyil  te  cobriras  644 

Per  que  ab  ella  parlar  poras. 
E  con  seras  aprivadat 
En  aquell  teu  dois  veynat^ 
Ton  companyo  anagaras  648 

Que  comens  algun  [bo]  solas 
0  de  baylar  0  de  saltar 
E  poras  ta  virtut  mostrar, 
Qne  nou  sabra  nul  hom  nat  652 

Que  tu  hi  sies  anamorat, 
Mas  que  y  vens  per  rao  d'aquells. 
Aquest  es  lo  mylor  conseylls; 
Mas  lo  teu  cors  celât  tindras         656 
Aytant  de  temps  con  tu  poras, 
E  si  t'aymiat  dona  loc 
De  parlar  ab  tu  falgjun  poc, 
No  li  vages  [tu]  molejant,  660 

Parla  li  manifestamant, 
No  fasses  [e]scut  de  vergonya, 
Car  qui  ha  vergonya,  [sis]  ha  ronya 
E  diras  li  tôt  enaxi  664 

Con  [ara]  ausirets  dir  a  mi  : 
(1   [E  stela  dara  resplandcnt,       [209] 
«   Eu  vos  salut  tôt  humilment, 
«   E  veus  assivostre  servent,         668 
t   So:[e]rits  li  son  parlament. 
'(  Si  vostra  bontat  e  noblea 


597  Je  ne  comprends  pas.  —  601  Je   ne   comprends  pas. 
trop  longs. 


610-11    Vers 


208  A.     MOREL-FATIO 

«  E  la  forma  e  la  belea  « 

s  Se  lausava  axi  con  es,  672  « 

«  Qui,  al  meu  semblant,  en  voses,  « 

€  De  totes  quantes  nines  son  « 

«  Portais  vos  flor  en  tôt  lo  mon.  « 

«  EceyII  senyor  qui  vos  forma      676  « 

•  Temps  desafanat  hi  garda  « 
(I  Perqueus  posques  ben  faysonar  « 
«  E  de  balea  carregar.  • 
«  Angels  vos  posaren  lo  nom  680  î 
«  Certa[na]ment,  que  no  gens  hom,  « 
«  E  tos  en  paradis  formada  « 
«  Con  axi  sots  agrasiada,  « 
(  Car  ceyil  qui  ab  vos  pot  parlar  « 
«  No  pot  faylir  ne  pot  errar.  685  « 
«  Per  vos  son  los  pechs  instruits  « 
t  E  los  pobres  enriquehits,  « 
«  Los  desconsolats  conortats.  688  « 
«  Veusdoncs,  madona,  quais  bontats!  « 
«  (Doncs)  con  me  poria  de  vos  partir,  « 
8  De  vostre'  amor  ne  derre[n]clir?  « 
«  Sil  peu  ténia  en  paradis  692  « 
«  E  l'altra  assi,  sous  affis,  « 
«  De  paradis  eu  lo  trauria  • 
«  Per  a  vos  fer  conpanyia.  0 
«  Vejats  con  sots  agraciada  [213]  « 
«  Milorquefembrac'ancfosnada.  697 
«  De  la  verge  Maria  avall  « 
0  No  fo  anch  vist  tan  beyll  mestayll.  » 

•  Deus  !o  payre  spiritual  700  « 
«  Vos  ha  layta  médicinal.  « 
0  Si  (axi)  fosseu  poma  con  sou  dona,  « 

•  Malaits  garirets  tota  hora;  70 j  « 
t  Si  (axi)  lossets  ayga  con  sots  nina,  t 
«  Null  hom  ja  per  vos  no  morria,  « 
€  Si  fossets  altar  atretal,  « 
«  (Los)  pecadors  gar(i)rets  de  lur  mal  « 
«  E  de  lur  tribulacio.  708  a 
«  En  vos,  dolsa,  es  tôt  asso  « 
«  E  mes  que  no  sabria  dir:  t 
t  Asso  cregats  senes  faylir.  « 


Deus  voshafetscabellsdaurats  [215] 
Gracioses  e  envejats;  71  j 

Asauta  fas  e  respiandents, 
Uylls  amoroses  e  plazents, 
Ceyies  fêtes  per  maestria,  716 

Mils  hom  dictar  no  les  sabria; 
E  con  vostres  uylls  regirats, 
Mi  e  lot  hom  [ajturmentats, 
E  fam  lo  cor  dins  alegrar  720 

E  amor  moure  ses  duptar. 
E  la  color  de  vostra  cara 
Blanxa  es,  resplandent  e  dara, 
Gint  fayta  e  [be]  colorada,        724 
Lo  deu  de  amor  trop  s'en  agrada. 
Lo  nas  es  tan  gint  ordonat 
Que  lot  hom  nés  anamorat. 
La  vostra  boca  rosedeta  728 

Semblem  [una]  rosa  fresqueta, 
Plagues  ara  a  Sancta  Maria 
Fos  prop  la  vostra  de  la  mia  ! 
Les  dents  semblen  cristals  luents, 
Tant  blanquexen  verayements    733 
E  son  per  or[de]  enformades 
Qu'en  re  no  son  desparaylades. 
E  lo  vostra  agrados  ris  736 

A  tôt  hom  play,  tant  es  jolis. 
Can  vos  riets,  ploure  deuria. 
Tant  es  pUzent  vostra  cuydia. 
Encaraus  dich  yo  mes,  madona, 
Que  si  es  nuvol,  sis  axora.        741 
La  vostra  boca  es  tan  plazent, 
Tan  graciosa  exament, 
Nuyt  e  jorn  baysar  la  volria      744 
E  que  duras  .j.  any  lo  dia, 
E  [que]  la  nuyt  tôt  atressi 
No  volria  agues  may  fi, 
E  con  vos  vey,  tôt  m'  es  calent,  748 
Tant  he  en  vos  l'enteniment. 
Estes  coses  me  signifiquen       [227] 
En  quant  vostres  membres  meliguen, 
Que  son  pus  blancs  que  (nul)  hom 
[déport 


682 /oî  pour  Jots.  —  695  Pour  la  mesure,  lire/^:cr  au  lieu  de  fur.  —  730 
Plagues  ara.,  mi.  Ara  pLigues.  —  739  Cuydia  n'est  pas  sûr.  Ce  doit  èxrecuyndia^ 
le  prov.   coindia,  cunhdia,  grâce.  —  741  Vers  corrompu.''  —  751-752  Sens? 


MÉLANGES    DE    LITTÉRATURE   CATALANE 


209 


Qui  ab  vos  es  ja  notem  mort. 

E  con  son  dignes  les  vestits 

Qui  cobren  vostra  paradis, 

So  es  lo  vostre  cors  ho[nVat,    756 

De  cuy  eu  suy  anamorat! 

El  vostra  pils  agraciat 

Molt  es  plasent  e  ben  format, 

Per  virtut  de  vostres  mameles,  760 

Que  feu  Deus  a  grans   mereveyies, 

Qu'en  la  ma  d'un  pauc  iniant 

Cabrien  molt  verayamant. 

Lo  vostres  cors  es  axi  dreig       764 

Con  lo  cipres,  la  fe  queus  deig, 

E  es  layt  gint  per  abrassar. 

Doncs,  do!sa,  quius  pot  desamar  ? 

Nû  yo,  per  cert,  axius  0  dich,  768 

Tro  d'est  cors  isque  l'esperit, 

Encara  puys  vos  amaria, 

Vostr'  amor  non  oblidaria, 

Si  sofaria  pena  e  turment,         772 

Tôt  me  séria  bel  piment. 

Pus,  madona,  vos  âges  vista, 

Non  séria  la  pena  trista. 

Los  vostres  brasses  e  [les]  mans,  776 

Blanques  e  blanes,  semblen  guants. 

Trestot  es  digne  de  lausor 

E  tuyt  li  membres  de  blancor 

Qui  son  en  vos,  ma  dolsa  res.   780 

Beneyt  sia  quant  en  vos  es  1 

Mays  es  en  vos  qu'eu  no  poria 

Dir  ne  noninar  la  nuyt  nel  dia. 

Cant  eu  vos  vey,  yo  cuy t  périr,  [235] 

E  cant  nous  veig,  [yo]  cuyl  morir. 

Aço  es  senyal  de  bon'  amor 

Que  eu  ay  mesa  dins  mon  cor, 

E  las  me  assi  vostre  servent      788 

E  vostre  hom  tôt  exament, 

E[m]  ret  a  vos  per  servidor, 

Al  vostre  dois  cors  pie  d'amor 

Per  fer  a  vostra  voluntat  792 


"  Tostemps  volenter  de  bon  grat. 

«  Siin  volets  vos  reebre  car, 

<i   Ma  dolsa,  nem  volets  amar, 

«   Pus  rie  me  farets  ses  duptansa  796 

«  Que  quim  daval  règne  de  Fransa. 

«  Prech  vos,  madona,  humilment 

K   Vullats  amar  vostre  servent. 

I  Si  vos  me  amats,  mes  ne  viure,  800 
«   De  gauig  mon  cois  conpiit  aure, 

«   De  anamichs  aure  vensiment, 

(I  Crexer  m'a  forsa  e  ardiment. 

«  Madona,  no  diats  de  no;  804 

«  Sapiats,  siu  fets,  mort  so. 

«   E  si  per  vostr'  amor  moria, 

(I  Lo  deu  d'amor  vos  reptaria 

«  Que  vos  avets  fet  greu  homey  ;  808 

II  Ponir  vos  n'[i]a,  fe  queus  dey, 
(c  E  no  aurets  nul  reunador, 

<i   Tôt  hom  vos  sera  acusador 

K   E  Virgili  primerament,  812 

1  Tristany  e  Floris  exament, 

«  E  [En]  Jaufre  Rudel  de  Blaya 

«  Qui  mori  per  sa  dona  gaya, 

«  Encara  savi  Salamo, 

«  Qui  tostemps  anamorat  fo; 

•  Tots  aquests  seran  contra  vos 

»   Si  vos  desdeyts  a  mes  amors 

«  Ni  per  amor  me  fets  morir: 

4  Nou  fassats  vos,  merce  vos  quir.  » 

E  si  eylla  es  nina  certa  [243] 

E  vol  respondra  ab  cuberta; 

Dient  paraules  trop  [e]squives,       824 

No  t'o  preus  tu  biuteles  vives, 

Que  [ella]  be  djns  son  cors  consent, 

Mas  nou  vol  donar  aparvent, 

Ans  te  dira  tôt  anaxi  :  828 

9   Germa,  sit  play,  part  te  de  mi; 

(I  No  se  de  queus  entremetets, 

«   Anats  vos  en,  fe  quem  devets. 

«   Pegues  paraules  me  comptais.   852 


816 


820 


762  Pour  la  mesure,  lire  patit  au  lieu  de  piiuc.  —  785  nous.  Ms.  vous.  — 
82^  Le  sens  des  vers  est  «  N'en  liens  aucun  compte.  »  Mais  qu'est-ce  que 
biuteles?  Le  ms.  porte  biu  teks. 

Romania,  XV.  14 


MOREL-FATIO 


«  [Yo]  creu  que  vos  vos  [ajcuydats 

«  Que  sia  fembra  de  viltat. 

M  En  va  m'avets  mon  cor  lausat. 

«  Vêts  an  aquellsquius  0  sabran,  836 

«  Que  yo  no  m'entremet  neus  am. 

«  E  si  yo  son  beyla  assats, 

«  Queus  fa  a  vos  de  mos  pensats  ? 

«  Que  de  axo  no  son  curosa.         840 

c  Lexats  me  filar  ma  filosa 

«  E  nom  vingats  assi  torbar. 

«  Viares  m'es  siats  juglar 

«  O  que  siats  encantador  844 

«  0  qualque  tragitador. 

«   Bon  cavalier  forets  salvatge, 

«  Que  beyil  parlar  sots  d'evantatge. 

«  Si  acaptats,  donar  vosem  848 

«  Del  pa  ades  com  menjarem. 

I  Ab  tant  tenits  vostre  cami 

«  E  partits  vos  tost  denant  mi, 

«  Si  no,  desonrar  vos   he  (ben)  leu, 

«   De  que  a  mi  sera  fort  greu.  »    8  y 

Lavors  respona  lo  macip 

[E]  estia  be  exarnit 

E  prena  0  trestot  en  joc,  856 

Car  puys  aura  sayso  e  loc. 

Lo  macip  digali  axi, 

Humil  estant  ab  lo  cap  cii 

E  gar[dan]tla  sus  en  la  cara  :       860 

«   Ha,  dolsa  res,  plasent  et  cara,  [249] 

«  Vos,  perquem  fets  axi  morir 

«   Em  carregats  de  greu  martir? 

«  Car  la  pera  esclataria  864 

«  Si  tanta  dolor  sostenia, 

«  Con  las  yo  per  vos  verament. 

«  Madona,  de  so  (en)  res  nous  ment. 

«  Pecat  n'avets  gran  e  forsor        868 

(I  Con  axim  fets  penar  d'emor. 

«   De  tant  pobre  avets  merce, 

«   Doncs,  sius  play,  ajats  la  de  me; 

«  Nous  vull  tan  gran  do  demandar  872 


«  Que  no  sie(n)  digne(s)  de  dar 

a  E  de  atorgar  tôt  exament. 

«  Vejats  queus  nots,  sim  duyts  amer, 

(I  Quin  pecat  es  ni  quina  error  !    876 

«   No  siats  contra  mi  irada, 

«  Que  anc  nous  viu  mal  ensenyada. 

«  Ajats  un  poc  de  pietat 

«   D'un  vostre  hom   greu   turmentat. 

"  S'ab  vos  merce  no  puschtrobar;  881 

«  Sus  ades  me  vau  confessar, 

I  Apres  fare  mon  testament, 

<i  La  mort  m'es   prest,   que  yo  m'  0 

«  Elegire  mos  marmassors,         [sent; 

«  Tristany,  Virgili  el  deu  d'emors, 

«  Als  quais  pie  poder  vull  donar 

«   De  départir  e  de  donar  888 

«  Tôt  so  del  meu  per  apagar 

«  Les  injuries  senes  duptar 

»  Qui  verladerament  (a)parran, 

«  Axi  con  ells  conexeran.  0  892 

La  nina  axi  respondra  [25 3J 

Per  aventura,  e  dira  : 

«  Germa,  jous  am  covinentment, 

«  Que  anc  non  fos  en  res  noent:  896 

«   Nous  volria  nul  mal  veser 

«  A  vos  ne  a  altre  ne  saber, 

«  Vêts  vos  en,  e  amor  vos  he 

(I  Volentera  mentre  pore  ;  900 

«  E  nom  vullats  mes  demandar 

«  Que  fer  mi  ets  trop  anujar  «. 

Lavors  lo  jove[n]seyll  certes        [255] 

Pertesqued'eyia  ab  gran  merces,  904 

Enclinant  son  cap  exament 

E  profires  per  son  servent, 

E  arrap  li  tost  un  baysar,  [259] 

E  puys  pens[ej  s'en  de  anar  908 

Alegrament  e  ab  gran  goig, 

Pus  Deus  li  ha  donat  tal  goig; 

E  en  tôt  loch  on  ell  estia 

Crans  laors  diga  de  la  nina,  912 


84^  Il  faut  allonger  le  vers  en  ajoutant  une  épithète  à  tragitûdor.  —  847  Corr. 
parlassctz.  —  848  Corr.  acaptam.  —  886  d.  ms.  lo.  —  896  fos  pour  fats. 


MÉLANGES    DE    LITTÉRATURE    CATALANE 


La  y  cant  ab  nines  parlara, 

Car  cascuna  le  y  retraura 

E  dir  li  an  :  «  Bona  fos  nada 

Cl  C'aytal  macip  vos  ha  loada,       916 

«   E  doneus  tantes  de  lausors 

'(  Retrer  no  les  poriem  nos. 

((  Null  hom  li  poria  dir  mal 

«  De  vos  ni  de  vostra  hostal.       920 

«  0  es  de  vos  anamorat, 

«  Que  fort  lo  veym  de  vos  pagat!   » 

E  ella  respondra  poder  : 

«  Deus  li  do  be  qui  per  mil  quer,  924 

«  Que  yoanc  ab  cil  no  parli 

«  Ne  noi  conec,  sous  jur  per  fi  ; 

«  Si  es  de  mi  anamorat 

«  Fa  be  que  foyll,  en  veritat,       928 

«  Que  d'ell  ni  d'altre  no  he  cura, 

a  Car  sembicm  fort  gran  horadura 

«  Que  de  mi  [e]l  ren  volgues  dir 

«  On  fes  mon  prou,  senes  faylir  ».  932 

Pero  eylla  trop  s'entendra, 

Del  foch  d'amor  s'escalfara. 

E  la  destral  deu  procurar 

Loc  on  puxen  abdos  parlar  936 

La  nina  e  lo  jovensell. 

Ades  lou  ella,  ades  lou  ell. 

E  con  lo  macip  entrara 

AI  loc  on  la  nina  sera,  940 

Deu  la  francament  saludar 

Ab  gint  parlar  e  gint  gardar. 

«  Deus  vos  saul,  ma  dolsa  res, 

«  Beneyta,  ab  cors  cortes.  944 

«  Salut  lo  vostre  cors  honrat 

(1   De  Deu,  lo  payra  speritat, 

i  Salut  lo  loc  on  vos  [ejstats 

«  El  noble  lit  on  vos  pausats;       948 

«  Salut(s)  la  taula  on  menjats 

«  E  les  nines  ab  qui  parlais. 

«  Salut  la  let  que  vos  marnas 

«   E  l'ayga  on  vos  batejas,  952 


E  lo  capela  atretal 

Quius  pausa  crisma  al  cervigal  ; 

Salut  padrins  e  les  padrines 

E  trestotes  vostres  vesines;       956 

Salut  la  pinta  de  bontats 

D'on  vostres  cabeyils  pentinats, 

Salut  l'anap  ab  que  bevets 

E  lo  pan  qu'en  taula  tenets;       960 

Salut  lo  vi  toi  axament 

Que  vos  bevels  e  lo  piment  ; 

Salut  lo  vostre  dois  anar 

E  lo  vostre  gint  saludar;  964 

Salut  lo  vostre  testament 

De  part  de  Deu  omnipotent  ; 

Salut  la  vostra  dolsa  cara, 

Plazenl,  rient,  fontana  clara,     968 

Madona,  valent  vostr'  amor, 

Pus  que  del  mon  portais  la  flor. 

Car  si  en  res  fer  se  podia. 

Denant  vos,  la  nuyt  e  l[o]  dia   972 

Volria  star  ajonoyiat, 

Tant  m'es  l'azaut  al  cor  intrat 

Que  yo  he  de  vos,  dois'  aymia, 

Plazent  cara  et  agradiva,  976 

E  queus  posques  tostemps  servir 

E  nous  posques  enfaylonir. 

No  volria  menjar  ni  dormir 

Mas  vostra  servent  posques  morir. 

Dels  portamentsqui  son  en  vos  981 

Dire  un  pauc.  Del  vostre  cors, 

Certa[najment  crey  e  albir 

Re  no  y  stiamal,  ses  mentir,     984 

Ans  lots  quants  son  d'aquest  carrer 

La  on  [ejstats  ni  s[ej  deu  fer 

Sabets  honrar  e  gint  servir, 

Per  que  lot  hom  vos  deu   ben  dir. 

Vos  sols  suau,  franca,  humil,    989 

D'ensenyament  portais  [ejstil, 

Vos  parlais  per  auctoritat 

De  que  cascun  de  vos  ha  grat,  992 


914  /«  pour  lo.  —  925  Lire  podra  responder.  —  93  3  Lire  s'encendra  ?  —  938? 
—  980  Lire  pour  la  mesure  vo5  strulnld^u  lieu  de  vostra  scruent.  — 992  grat.,  ms. 
yrat. 


212 


MOREL-FATIO 


Tôt  quant  deyts  es  proverbial, 

De  vos  no  ix  eximpli  de  mal, 

Nous  trets  [ejscarn  de  nuyla  res: 

Per  que  la  vostr'  amor  m'a  près  996 

E  liât  corn  a  presoner 

Ab  .j.   filet  de  amor  enter. 

Perqueus  die  certanament 

Que  yosofir  un  greu  turment,     1000 

Que  anc  Tristany  l'anamorat 

Maior  lo  sofri  ne  (nul)  hom  nat. 

No  pux  refer  la  nuyt  el  dia 

Queab  vos,  dols'amor,  no  sia.  1004 

Menjar  e  beure  mi  toylets, 

Si  vos,  dolsa,  nom  acorrets, 

E  nom  fassats  axi  morir 

C  apenes  pux  nagun  be  dir,     1008 

Vn  nuu  se  para  sus  assi 

Que  no  pux  mètre  lo  boci 

De  vianda  que  yo,  las,  prena. 

Veus  con  me  tenits  en  cadena  !  1 0 1  2 

Mas  [e]sta  nit  he  somiat 

De  quem  son  .j.  poc  alagrat. 

Prech  vos  me  vullats  [ejscoltar. 

Madona  dolsa,  e  arrenar  1016 

Lo  que  sompnave  certament 

Qu'  era  ab  vos,  cors  covinent 

En  un  verger  prop  paradis, 

On  exament  auseylls  divis,        1020 

E  que  plorava  denant  vos 

Ajonoylat,  trop  engoxos, 

Clamant  merce  molt  humilment 

Que  lam  aguessets  de  corrent,  1024 

E  vos  nom  deyts  hoc  ni  no. 

Ab  tant  prec  Deu  de  corasso 

El  deu  d'amor,  senes  faylia; 

Totes  les  lagrames  coylia,         1028 

Qui  deyils  meus  uylls  se  corria, 

Si  qu'en  unpii  un  gran  baci, 

Cite  les  me  pel  cap  axi, 

E  con  axi  les  ach  gitat  1032 

Vera  font  viu  fou  tornat. 


«  E  volgui  de  vos  aytal  far, 

«  Si  nous  pensassels  de  cuytar 

«  Del  fet  edixes  :  —  [Ha]  senyor,  1036 

«  Retornats  me  mon  aymador, 

«  Abrassar  l'e  e  besar  l'e 

«  Per  fin'  amor  que  yo  li  he. 

'i  —  Quem  play,  so  dix  lo  deu  d'amor, 

«  Que  del  vostra  dolç  aymador    1041 

«  Ajats  merce  e  pietat, 

•  Eu  l'avia  encant  gitat 

«  E  vos  nol  voliats  servir  1044 

<i  E  t[a]es  lo  de  mors  morir.  — 

«  Tanstost  torni  en  mon  esser, 

«  (E)vos,  dolsa,  volgues  me  pexer 

«  Delà  vostre  dolsa  gracia,  1048 

«  Don  lo  meu  cor  trist  se  alegra, 

(I  [EJstant  ab  vos  boca  per  boca, 

«  Atressi  la  persona  tota, 

«  Con  fa  la  ungla  ab  la  carn  :       10^2 

'(  Ayço  vos  die  sen[e]s  escarn. 

ï  Estavem  axi  [ajbrassats 

«  E  nons  partia  nul  hom  nats. 

«  So  sera  ver,  si  Deus  ho  vol,     1056 

«  Si  con  mon  cor  désira  e  vol. 

«  E  veus  lo  sonpni  acabat. 

«  Doncs  preneus  demi  pietat       1059 

«  Quem  donassets  quai  do  vos  playa, 

«  Un  de  vos  quir,  merce  mi  vayla, 

a  Donets  me  .j.  dous  baysar, 

"  Fer  m'ets  de  greus  mal  [ejscapar, 

«  Quet  [yo]  sofir  per  vostr'  amor  1064 

«  Qui  m'es  intrat  [de]dins  al  cor 

«  A  vos,  dolsa,  res  nous  sera 

"  E  a  mi,    las,  tant  me  vaira  I  « 

Si  ella  s'enfeya  forsar,  1068 

Sapies  le  y  tu  arrapar 

E  besa  la  [cjstretament. 

Tin  li  la  boca  longament. 

[A\  dona  qui  non  es  usada,  1072 

Primera  e  segona  vagada 

Li  deu  lo  besar  arrapar. 


1032  hs  ach^  ms.  l'ach.  —  1069  k  ziz  lo. 


MÉLANGES    DE    LITTÉRATURE   CATALANE 


21  ^ 


E  a  la  tersa  si  fa  far. 

E  lo  macip  li  deu  disir  :  1076 

«   Ara  posais  en  vostra  aibir 

«   Q^iin  ddin  fjrets,  per  fin'  amor, 

(I  Quein  fe.->sets  jausent  en   mon  cor, 

«  Car  nu!a  amor  no  es  presada     1080 

«  Si  no  si  dona  abrassada, 

«  Car  es  comensament  d'amor, 

«  Segons  que  recompta  l'aclor  i. 

E  axi,  coM  demunt  es  dit,  1084 

Arrapali  lo  baysar  rie. 

Apres  fes  li  grat  e  lausor. 

«  Gracias  mil,  Na  cors  gensor, 

«  Ara  avels  l'amor  liada  1088 

«   De  tôt  en  tôt  e  confirmada. 

«   Ara  sabets  que  molt  vos  am, 

«   A  Deu,  madona,  vos  coman  ». 

Part  de  d'eyia  alegrament,  1092 

Saltant  [e]  jugante  corrent. 

Enapresse  deu  porpensar,  [265J 

De  tôt  en  tôt  [e]  studiar, 

On  pora  [ajtrobar  seleta  1096 

La  sua  dolsa  amoreta 

Quesia  en  loch  covinent 

De  raysonar  secretament  ; 

E  sil  jova  no  pot  trobar  i  100 

Loc  covinent  para  parlar, 

Tremeta  tost  per  la  destral 

Per  derrocar  l'arbre  fortal, 

Asso  larasaviament  1  104 

E  no  y  pendra  defayliment. 

E  con  0  aura  acabat 

La  missatgere  e  tractât 

Ab  la  nina  anamorada  1 108 

Lo  loc  que  al  macip  agrada, 

Venga  lo  joue  ab  son  stil 

De  gint  parlar,  mans  e  humil 

E  salut  la  covinentment  :  i  1  1  2 

«   Deus  vos  saul,  Na  rosa  plasent  ! 

1   Rosa  vos  puix  dir  ni  nomnar. 

«  Car  pus  fresque  sots,   sens  duptar, 


«  Que  la  rosa  al  mes  de  may       1116 

1   Per  lo  mati  quant  lo  sol  ray. 

t   Si  eu  avia  lenga  d'asser, 

<i  Ja  nous  poria  may  retrer 

«  Les  grans  laors  qui  en  vos  son.  1120 

«   Asso  vos  jur,  per  tôt  lo  mon, 

«  Que  si  tots  los  arbres  de!  mon, 

«  Aytant  con  tenen  en  viron, 

«  Tornaven  ploines  verament       1124 

«  E  la  niar  tinta  exameiit 

0   E  les  [ejsteles  fossen  mans 

«  E  que  fossen  en  quatre  stants 

»    E  [que]  lo  cel  los  pregami        1  128 

«   E  fos  paper  tôt  atressi, 

«  No  bastarien  scriure  de  vos, 

t   Na  corsjansor,  vostres  lausors. 

«   Mils  me  tindriets  per  .j.  still    1132 

«  Vos,  madona,  Na  cors  gentil, 

«   Car  si  corterias  perdia 

«   Ne  ensenyament,  senes  faylia 

li   Per  vos  séria  mils  tornada,       1  136 

«  Mils  que  la  primera  vagada, 

«  Car  yo  no  era  ensenyat 

»   E  avets  m'o  vos  tôt  mostrat 

«   D'on  yo  son  .j.  poc  ensenyat,  i  140 

«  Despuys  que  ab  vos  fuy  privât. 

«  E  fas  vos  en  gracias  mil; 

«  Mas  fort  m'avets  aduyt  al  fil 

a   De  mort, [vos]  francares  humil,  1 144 

a  So  sab  la  vostra  dolsa  amor 

•   Quim  va  ferir  sus  al  [meu]  cor, 

«   Per  que  la  nit  no  pux  dormir, 

«  Nom  pux  pausar  ni  abaltir  ;      11 48 

«  Si  vos  donc3  nom  avets  merce, 

"  Mentre  suy  viu,  ne  pux  dir  re.  » 

Mentre  aço  li  comptaras  [271] 

E  ses  lausors  li  retrauras,  1152 

Ve  la  tocar  en  son  vestir 

Tôt  suaument  ab  greu  sospir 

E  vas  li  [e]strenyent  la  ma, 

Qu'eu  say  que  mils  s'escaifara,      1156 


1089  confirmada,  ms.  conformada.  —  1132? 
ne,  lire  no. 


148  Nom,  lire  Nim.  —  1150 


214 

E  no  aura  tan  forts  la  pensa 

Con  no  le  y  trenc  qui  be  s'o  pensa, 

E  la  on  hom  la  toch  de  ma, 

Jochs  e  ris  no  muyren  ja.  1 160 

E  si  elles  vol  apensir 

Nel  tocamcnt  le  vol  sofrir, 

Deus  la  aver  en  bon  huyr 

Mas  no  la  vulles  derrenclir;         1 164 

E  si  li  fas  greu  lo  tocar, 

Jugant,  rient,  no  deus  vagar, 

Ades  cuxes,  ades  costats, 

Per  tu  sien  sovin  palpats,  1 168 

Mas  non  fasses  con  a  porquer 

Mas  fe  u  con  a  franc  cavalier, 

Car  aver  nianera  plasent 

En  tota  res  es  covinent,  1 172 

Nulla  res  no  val  ses  mesura 

Ne  deu  valer  senes  dretura. 

Lo  joves  deu  de  so  curar  [279] 

Passa  la  nina  alegrar  1 176 

Ab  jangles,  ab  jochs  atretal 

Per  apansir  son  cors  leyal. 

E  cant  ella  no  sera  brava 

Que  ell  no  li  meta  la  trava,  1 180 

La  trava  es  de  gint  parlar, 

Qui  fa  molt  hom  fort  declinar 

E  les  punceles  maiorment 

Qui  no  son  en  amor  sabent.         1 184 

Demanali  un  dois  baysar, 

Vulles  l'en  humilment  pregar 

E  dia  li  tôt  anaxi  : 

t  Madona,  si  yol  me  prenia,        1 188 

«   Per  Ventura  greu  vos  sabria, 

«  Mas  donats  lo  m[e]  vos  de  grat 

t  E  aurets  me  puys  he[re]tat 

8  D'un  regisme  0  d'un  conptat,   1 192 

«  Aurets  me  mes  en  paradis 

«  On  es  tostemps  [e]  joy  e  ris; 

«  E  no  vull  que  pus  m'en  donets 

t  E  jurar  vos  he,  sius  volets,       1 196 

€  Que  yo  als  pus  nous  deman. 


A.    MOREL-FATIO 


<■  Promet  vos  ho  senes  engan, 

«  Que  be  creu  quem  deura  bastar 

€  Aytal  do  per  [a]  demandar.  «   1200 

E  si  ella  noi  te  vol  dar 

E  ques  prenga  a  manassar 

E  que  s[e]  vage  retrahent 

So  de  que  s'es  anat  plivent  1204 

E  li  diga  que  mal  0  feu 

E  no  si  torn  per  altre  veu 

E  si  no  fa  queu  comprara 

E  carvenir  li  0  fara,  1208 

Lo  macip  sia  tan  [e]spert 

Baysar  la  vaja  con  a  sert, 

Nosolament  una  vagada, 

Mas  .L.  ab  abrassada,  1212 

Que  so  que  diu  vergo[n]ya  fa, 

Maiorment  con  vezat  nou  ha. 

Per  que  tu  no  deus  rebujar 

Lo  bras  per  coy  11  [e]spert  pausar,  1216 

Siu  vol  0  nou  vol  atretal, 

No  li  cayla  aver  destra!. 

Lavors  nou  deu  fer  moyiament,  [289] 

Mas  bes  la  be  [e]stretament  1220 

E  tinga  y  molt  la  sua  boca 

E  (fara)  cremar[a]  la  nina  tota, 

E  meta  li  la  ma  al  si, 

Palp  les  memeles  atressi,  1  224 

[E  e]strenya  les  li  un  poc, 

No  molt,  car  no  seriade  joch. 

Que  semblaria  hom  porquer 

0  strempauc  0  paltuner,  1228 

La  cuxa  el  ventre  exament, 

(E)  cascu  senta  lobaysament, 

E  la  calor  el  foc  d'amor 

Be  li  intrara  dins  lo  cor.  1232 

Lo  macip,  con  conexera 

Qu'  ela  trestota  cremara 

E  la  veura  tota  tremolar, 

Deu  la  tantost  resubinar  1236 

E  gir  li  les  faldes  en  sus, 

Si  que  no  parega  camus. 


1 58  Sens?  —   1 160  Pour  la  mesure  : 
apensir.  de  première  main  apensar.  —  121 


Los  jochs  ils  ris  no  m.  ja. 
1  solament,  ms.  foyiament. 


MÉLANGES    DE    LITTÉRATURE   CATALANE 


1240 


244 


252 


Aquis  deu  lo  jove  sforsar, 

Sitôt  elles  sap  reguitnar, 

Ne  ab  ell  [se]  vol  forsejar 

Perque  li  puxa  fejscapar, 

Que  puys  naura  sayso  ne  loc 

Ne  la  lex  si  con  a  badoc, 

Que  si  lavors  la  desempara 

E  la  lexa  anar  eucara, 

No!  preara  puys  .j.  diner 

Nés  voira  puys  en  ell  fier, 

Apeyiar  s'  a  benuhirada 

Con  axi  li  es  [ejscapada. 

«  Car  bagassa  fora  nomnada 

«   Si  malem  fos  a  ell  liurada 

«  Ne  que  lo  pecat  se  fos  fet 

«  Que  fos  putana  soldedera. 

«  Ay  lassa,  tan  mal  m'o  valguera! 

«  No  agra  amies  ne  parents         1256 

a  Que  tots  no  fossen  malvolents. 

«  Be  y  fora  mes  certament 

•  Quem  degolassen  exament  o. 

Per  quet  dich  que  not  [ejscapas  1260 

Nagunafembra  en  aquell  cas; 

E  si  0  fa,  Deus  te  do  mal  dia 

E  quet  meta  en  maia  via, 

Car  tôt  hom  deu  esser  baro, 

Con  es  en  [e]streta  mayso, 

Ab  fembra  viuda  0  punceyia, 

En  camisa  0  en  goneyia. 

Avol  es  e  vesa  sens  mantir 

Qui  en  tal  cars  la  vol  jaquir, 

No  deu  esser  digne  d'amar 

Nula  nina,  mas  de  penjar. 

Lebrer  a  qui  [ejscapa  presa 

Ja  nol  preza  hom  una  pugesa, 

Ne  nuyll  auseyiet  de  rapina 

Si  ell  no  pren  cant  veu  i'asina. 

Ella  pot  dir  :  t  Senyer  Nartus, 

«  Ja  vêts  la  filosa  e!  fus, 

«  Babot  camus,  babot  camus  ! 

a  Que  ja  de  mi  non  aurets  pus. 


215 

280 


1264 


[30'] 
1269 


1272 


1276 


Mas  sil  jove  n'a  avantatge 

E  n'age  aut  lo  puncelatge, 

E  no  sia  d'aytal  maneyra 

Con  aquell  qui  lexa  la  carreyra, 

Axi  con  demunt  as  ausit,  1284 

Con  hom  al  fayt  no  es  ardit, 

Deus  la  nina  amonestar, 

Si  del  feyt  la  veus  entristar 

Plorosanient  ab  greu  sospir,         1288 

E  que  dira  senes  mentir: 

«  Ay  !  Inssa,  mal  anchsuy  nascuda 

«  E  de  ten  ait  castel  cayguda  ! 

(I   Ma  virginitat  he  perduda,         1292 

«  Marit  et  honor,  Na  faduga  ! 

"  Ay  Na  lassa,  yo  que  fare  ? 

•  Al  meu  marit  que  li  dire,  1295 

«  Ceyll  que  mos  amies  me  daran  ? 

(1   Yo  li  fassa  tan  gran  [ejscarn 

«  QueeyII  per  puncelam  tindra? 

«  Quel  foyll  sospitanon  aura, 

«   L'excreix  m'aura  fet  abrivat      1300 

«   Per  la  mia  virginitat, 

(I   E  axi  mintre  per  la  gola 

«  Perdesleyal  no  con  a  bona  ». 

El  macipdeu  la  conortar  1304 

E  amorosament  preycar 

Que  aytal  desconort  nos  do, 

E  jur  li  per  lo  Deu  del  tro 

Que  nul  temps  li  devenra  1308 

Mentreal  segla  viu  sera. 

«  Vos  non  perdrets  vostre  marit, 

«  Que  pus  siats  abdos  al  lit, 

«   No  gardara  lo  puncelatge,        1312 

"  Tant  aura  en  vos  son  coratge, 

I  E  que  puxa  far  sos  délits, 

"   E  metra  hi  tots  sos  envits, 

«   E  vos  serets  beu  leu  [ejstorta.  1316 

«  Nous  calra  [e]star  con  a  morta, 

«  Car  vos  le  y  porets  smenar, 

«  La  y  cant  testament  vcirets  far; 

II  De  ço  del  vostre  li  lexats         1320 


1268  Lire  Vcsa  es  es  auol  s.  m. —  1283  aquell,  lire  'ceyl.  —  1290  mal  anch, 
lire  mal  any  ^  —  1308  li  devenra,  lire  la  dexelara;  et.  1347-48.  —  1318  le, 
pour  lo. 


2l6  A.    MOREL-FATIO 


«  E  despuys  non  aurets  pecats. 

1   L'escreix  li  podets  ben  jaquir, 

«  Que  de  Deu  non  aurets  reptir, 

f   E  axi  sera  [bej  celât  1 324 

«  Que  nou  sabra  nul  hom  nat. 

«  E  yo  fer  vos  he,  ses  duptar, 

(I  Que  nous  porets  emprenyar. 

«   E  porem  fer  nostres  délits,       1328 

(I  Vullats  per  vergers  0  per  lits.  » 

E  si  ellet  vol  demandar 

Con  se  poria  alo  far 

Qu' ela  nos  posques  emprenyar,  1332 

Deus  tu  alguna  res  trobar 

Que  crega  que  aios  pot  far, 

Mas  no  tos  ver  axi  con  dius 

A  la  nina  ni  liu  scrius,  1336 

Maior  séria  lo  pecat 

Quel  primer  que  auras  tractât, 

Que  sin  avias    j.  infant 

Deliria  lo  pcccat  grant,  1340 

D'on  auriat  profit  la  mara 

O  prevere  esser  poria 

D'on  lo  payre  honorauria.  1344 

Mas  tu  deus  esser  ten  cortes,      [315) 

O  ceyll  qui  la  nina  conques, 

Que  no  la  vulla  dexelar 

Ne  descobrir  de  nuyll  afar  ;  1 348 

Car  ceyll  qui  dexela  sa  dona 

De  sos  afTers  naguna  hora, 

Deu  la  per  sa  colpa  perdra, 

E  no  la  deu  puys  mays  aver,        1352 

Ni  es  lengut  per  natural. 

Ans  per  hom  vil  e  pie  damai. 

Ensenyament  e  corteria 

Pert  hom  cant  favilania.  1356 

E  es  digne  dealapidar 

Qui  s'aymia  no  pot  celar. 

Eximpli  es  de  castigar 

Tota  nina,  senes  duptar,  1 360 


365 


368 


172 


.376 

[32'] 


Que  cant  la  hoen  defet  vanar, 

Dira  cascuna  :  «   Mal  fiar 

'(   Se  faria  en  ell,  per  cert, 

«  Que  veus  que  diu  en  descubert 

(i   D'aycelaque  ha  aytant  amada, 

«  Assats  deu  esser  malanada.  » 

Donques,  si  gardes  lo  Facet, 

Tostemps  sia  en  tu  secret. 

Qui  tôt  so  que  [el]  sab  vol  dir 

Séries  no  lexe  res  a  dir. 

Aycell  ama  secretament 

En  far  per  Deu  son  ir.andament. 

Ceyll  qui  Deu  creu  ne  vol  amar 

En  ceyl  pecat  no  deu  [ejstar 

Longament,  si  con  alguns  fan. 

Car  trestot  ios  torna  a  dan. 

Doncs,  si  cobeges  de  jaquir 

Ta  aymia  quit  fa  périr, 

Deus  gardar  Ios  .x.  manaments. 

Si  catolic  vert  Deus  te  sens,         158c 

Gardant  la  sancta  [ejscriptura, 

Qui  diu  que  hom  nos  [deu]  dar  cura 

De  la  muyier  del  prohisme  seu, 

Car  por  ne  deu  aver  de  Deu 

No  es  al  mon  tan  leig  pecat, 

Tan  sutzane  tan  mal  fadat, 

Car  en  una  hora  perdras  Deu 

Per  vil  pecat  el  règne  seu; 

E  si  vols  seguir  so  quel  die. 

Tolraste  d'eyla  e  seras  rie. 

Lo  pecat  te  hom  enlassat 

Qui  toyil  a  hom  tota  bontat. 

Si  gardaves  quant  es  noent 

L'amor  de  fembra,  vil,  pudent, 

Nul  temps  fembres  no  amaries 

Ni  per  aquel  iet  la  reque(r)ries, 

Pus  pudent  es  que  lo  Satan 

E  pus  lege  senes  engan. 

Si  vols  saber  la  lur  balea, 

Yo  t'en  dire  so  que  m'en  sembla.  1400 


384 


1392 

[325] 


396 


1342  Une  ligne  a  été  laissée  en  blanc  dans  le  ms.  —  1351  II  faudrait  ptnicr. 
—  1356  Pcrt.  Le  p  de  ce  mot  est  muni  des  signes  abrévialif  de  per  (par,  por) 
etàepre.  La  mesure  demande  un  mot  de  deux  syllabes.  —  1396  a^uel.  Lire  ceyl 
ou  est. 


MÉLANGES  DE  LITTÉRATURE  CATALANE 


Si  tu  vols  amar  fembra  grassa,    (325] 

Faxuga  es  con  una  massa 

De  plom  0  d'autre  greu  rretayll. 

Fembra  grassa  es  d'equell  tayll,   1404 

Moyla  con  (a)  fane  la  trobaras, 

Nagur.  plaser  ja  non  auras; 

Lo  cuyr,  con  tu  jauras  ab  ella, 

Li  suara  a  mereveyia,  1408 

Semblara  ensunya  de  porch, 

Puys  pudira  con  a  ca  mort. 

De  fembre  roget  die  aytant, 

Anuig  fa  y  aytant  sertamant  1412 

La  con  tu  la  voiras  tocar, 

Sos  membres  tenir  ni  palpar. 

Ayso  per  [solj  una  vagadi, 

No  la  fa  hom  de  res  pagada.        1416 

Fembra  magra  no  pot  plaser        [529] 

Car  SOS  membres  punyen  per  ver 

Tôt  axi  con  (a)  punta  d'eguyla, 

De  colteyll  0  d'espasa  nua,  1420 

Los  essors  li  paren  de  fora 

E  la  coena  dura  tôt'  ora, 

[E]  la  lenya  tost  es  cremada 

E  per  lo  foc  tost  consumada  :       1424 

Axi  destruu  hom  tost  sa  .amor 

E  erema  hom  dins  e  de  for. 

E  longe  dona  a  nulh'  hom  plau    [533] 

Ne  ha  bon  seny  ne  natural,  1428 

Fada  es  e  trop  riolega, 

No  sap  que  s'es  amor,  la  pega, 

E  es  semblant  a  bestiassa, 

Nul  temps  se  mou  con  hom  le  y  massa, 

Que  a  pênes  pot  replegar  1435 

Ses  membres,  ne  pot  loc  trobar. 

De  fembra  poca  not  dons  cura,    [337] 

Dir  vos  ay  quai  es  sa  natura  :       1456 

Sempres  s'ireix,  tant  ha  d'erguyll. 

Tôt  quant  !i  dius  li  torna  anuy, 

E  irex  se  leugerament 


217 
1440 


E  erema  dintre  forsorment, 

Cuyda  esser  tan  uilraeuydada 

Que  nul  hom  viu  li  agrada, 

E  ja  no  val  res  sa  amor, 

Axi  con  vibra  nafral  cor,  1444 

No  poden  certes  be  bastar 

Sos  membres  pocs  pera  jugar. 

Fembra  blancha  es  [be]  lenyida    [341] 

De  groguea,  scnes  falia,  1448 

Semblant  es  aço,  per  eert  creses, 

D'una  flor  c'  a  nom  mereveyles, 

C'aytantes  hores  con  al  dia 

D'aytantes  colors  se  canbia  ;        1452 

Per  lo  mail  la  veuras  groga, 

Fembra  blanca  e  puys  roge. 

Fembra  blanca  tostemps  es  freda 

E  porta  fredor  con  a  feda  1456 

Trestota  [de^dins  lo  seu  cor: 

Per  que  not  pot  usar  d'emor. 

Molt  hom  nés  enfalagat 

En  sa  balea  e  temptat.  1460 

Eylla  enten  esser  pus  blanca 

Que  pera  marbre  ne  ploma  d'auca. 

Mas  fembre  negra  per  que  play   [345] 

A  nagun  hom,  si  Deus  vos  saul  ?   1464 

Que  eyla  tiny  trestot  lo  cors 

De  si  e  de  sos  aymadors, 

Amor  tenyida  de  negror 

No  poden  durar  de  dolsor,  1468 

Car  sembla  [lo]  foc  infernal 

0  par  sunyia  0  fumerai; 

Con  ve  la  nit,  ceyll  qui  liu  fa, 

Tôt  lo  erema  de  ssa  e  de  la,  1  472 

No  voiria  l'anea  lavar 

Ne  les  cuxes  debetegar 

E  con  l'om  s'en  vol  levar 

Ela  l'estreny,  fal  acurar,  1476 

Car  no  voiria  may  vagar 

Tant  il  sap  bo  lo  recalear. 


1425  destruu  n'est  pas  sûr.  Cf.  v.  562.  —  1452  le  pour  lo. —  1449  creses  est 
la  2"  p.  s.  du  subj.  {crcdas).  —  14^6  con  a  jeda.  ms.  con  ajcda  ou  con  aseda. 
Sens.''  —  14^9  nés,  lire  en  es  pour  la  mesure, —  1463  Lire  0  pour  ne.  —  1474 
Debetegar,  lire  dencUgar}  —  147^^  Lire,  pour  la  mesure:  E  con  dcl  lit  s'en  vol 
Itvar.  —   1476  Acurar  pour  acorar. 


2l8 

Fembra  roge  es  vcrinosa, 
Per  sanch  e  per  coira  cremosa, 
Locors  el  cor  cou  exament 
Del  amador,  tant  es  calent. 
Axi  nafra  con  a  serpents 
E  gita  veri  examents 
Perses  membres  de  malvestats, 
A  nul  hom^no  diu  leyaltats 
Ne  bona  fe,  tant  es  cruel, 
Son  coratge  es  si  con  fel,- 
Mes  vicisha  qu'eu  no  say  dir. 
Piyor  ayma,  senes  mentir, 
Carregada  de  malencolia, 
Tart  li  bull  (la)  sanc,  senes  faiia 
De  fembra  fosca,  [qu'es]  quaix 
D'eytal  te  garda  que  not  noga, 
Car  del  demoni  es  semblant 
En  engan  e  en  tôt  son  talant. 
Con  d'enganar  se  jaquira 
Le  carbo  fuyles  levara. 
Qui  de  totes  quanîes  ay  dites 
Dessus  al  libre  ni  [ejscrites 
Vols  fer  amiga  verament, 
Deus  t'en  partir  soptosament  ; 
Sit  penses  so  que  yo'ne  die, 
Ja  no  les  voiras  en  ton  lit; 
Mas  de  aquelles  te  deus  altar 
Que  ara  ausiras  conptar. 
Fembra  de  forma  migensera  _ 
[Ajceyla  es  fort  plazentera, 
Car  ceyia  es  d'aytal  fayso, 
So  diu  l'actor  Ovidio. 
Ne  sia  gran  ne  massa  poca 
E  que  no  aia  ampla  m.oca 
E  que  no  aja  longa  cara 
Ne  ma  breu,  per  cert,  encara, 
Mas  aja  la  un  poc  radona, 
No  massa  ampla,  tal  es  bona; 
E  que  no  sia'massa  roge 
Ne  massa  grossa,  cascu  o  oge. 


A.    MOREL-FATIO 


[M9] 


.484 


.  1492 

groga, 


1496 


[3^7] 
1500 


P4 


[459] 


IS12 


5.6 


1 520 


1524 


Ceyla  ama  qu'eu  te  say  dir, 

A  cuy  no  puxa  hom  res  dir. 

Ceylat  fara  [e]star  jausents 

Dins  en  ton  cor  verayaments, 

E  la  amor  d'eyia  ab  dolsor 

Trop  es  azauta,  diu  l'actor. 

Penset  en  los  comensaments 

E  aço  no  liures  als  vents 

E  part  asso  [e]  quants  danpnatges 

Seguexen  hom  e  quants  coratges.i  528 

Eceyil  qui  ama  sens  manera  [365] 

Foyil  es  e  sens  tota  carrera, 

Hom  ne  menysprera  son  offici, 

Pec  es  hom  assats  e  [molt]  nici.  1 532 

Fembra  en  lo  comensament 

Ayma  [lo]  hom  trop  caldament, 

Mas  pus  sien  passats  .iij.  meses 

Si  no  le  y  fas  0  no  la  bezes 

Raula  del  breu  que  no  te  prou, 

La  tua  amor  no  val  .j,  ou  ; 

Tu  t'ensendras  al  foc  d'amor, 

[A]ceylla  en  la  gran  fredor, 

Per  que  fara  amich  novell 

Per  cert  de  qualque  jovencell, 

Ceyll  la  aura  a  son  plaser, 

On  tu  deuras  gran  dol  aver. 

Diu  hom  que  tu  batras  les  mates, 

Los  rromanins  e  bulafagues 

E  altre  aura  los  conylls. 

Bet  pora  hom  dir  seny  de  yryls.  1 54 

Be  saps  que  diu  lo  casteyiano 

Que  fembra  fa  lo  desguiado. 

Los  uns  amaranfembres  castes, 

Altres  viudes  0  niaridades. 

De  ques  enganen  malament  : 

Aço  fa  pertot  lo  jovent. 

No  y  ha  belea  de  puncela 

Nos  mut  [alla],  quaix  per  mazela 

Pus  agen  .j.  infant  0  dos, 

Tota  ceyla  color  ques  pos 


1536 


S  40 


W4 


[368] 
>5W 


5^6 


1493  Lire  La  pour  Ds.  —  150^  Lire  Mas  de  aqucllet  deus  a.,  puisqu'il 
n'est  question  que  d'une  seule  femme.  —  1527  part,  lire  pens. —  1536  le  pour 
lo.  —  1537  Sens  .?  —  1  ^8  Sens .?  —  1550  desguiado,  lire  desguisado  ? 


MÉLANGES  DE  LITTÉRATURE  CATALANE 


Tôt  es  pudor,  d'on  puxes  ploren 
E  de  dolor  per  pauc  nos  moren  ; 
Tots  dies  pensen  de  pintar 
Con  ymage  senes  duptar, 
D'on  hom  es  assats  desastrats 
Qui  per  fembra  es  enj^anats. 
Elles  s'afayten  per  vestir 
D'on  puxen  sos  membres  cobrir, 
Qui  son  sutzes  e  moût  pudents 
E  vils  ses  tots  comparaments. 
Nou  garda  hom  con  s'anamora 
E  paren  oveyia  modorra. 
Axi  fan  hom  mètre  en  gir 
E  fadejar,  Deus  les  ahir  ! 
Con  es  hom  axi  axorbat 
Que  no  veu  la  lur  sutzetat. 
Axi  giren  lurs  uylls  ten  gins 
Ab  qups  alegren  los  mesquins; 
En  moites  es  hom  enganats 
E  hom  ne  va  mort  e  cuytats. 
Vois  [tu]  veura  la  lur  balea? 
Ve  t'en  mayti  tantost  a  ella 
Con  jau  nua  en  son  lit, 
Descobrila  e  not  oblit 
E  lavors  be  le  t[e]  [e]sgarda, 
Aqui  veuras  con  es  galarda. 
E  jau  ab  ella  mantinent 
E  gardala  puys  exament 
Quina  pudor  exira  d'eyia! 
Nos  potsofrira  mereveyla  ; 
Tart  sera  que  not  taps  lo  nas, 
Si  li  [ejstas  gayra  de  fas, 
Con  ella  put  en  sa  natura  ! 
E(n)  tots  sos  membres  de  sutzura 
Son  e  les  cuxes  exament 
Qui  prop  li  [ejstan  verament. 
Molt  hom  d'arenchs  no  ha  talant 
Mas  de  la  pudor  ha  semblant: 


560 


1564 
[372] 


1568 


S72 


576 


[lis] 

1580 


1584 


S92 


596 


Per  que  no  deu  plaura  assi 

Ne  a  nul  hom,  jurte  per  fi. 

Bona  medicina  pendra 

Qui  d'aqutst  feyt  se  lexara.  1600 

Si  to[sJt  d'eyia  nos  vol  partir, 

Lo  cors  te  fara  amagrir 

Per  la  sua  art  [tan]  malvada 

Qui  trespua  [a]  hom  la  corada.     1604 

Quatre  coses  son  ses  duptar 

Qui  no  s'e]  poden  sadoyiar  : 

La  mar,  lo  cony  de  la  putana, 

Foch  e  avar,  causa  es  certana.     1608 

Puta  es  fiyla  de  Satan, 

Car  la  ressembla  per  engan, 

E  es  plena  de  dois  veri 

Ab  que  engana  lo  mesqui,  1612 

Segonsque  sent  Gregori  dits. 

Recomptant  als  savis  [e]scrits. 

Las  de  animas  es  la  putana 

E  de  luxuria  cabana,  1616 

Tôt  axi  put  con  lo  demoni 

Qui  es  tôt  pie  de  malenconi. 

Los  mais  qu'en  la  putana  son 

Nols  poria  retre[r]  d'un  jorn,       1620 

(Car)  ella  fa  corrompre  lo  cors 

E  fa  destrohir  los  trezors 

E  fa  la  arma  infernar 

E  Deu  lo  payra  oblidar.  1624 

Salamo  fo  sobrat  per  cert 

Per  femna  [e]  enganat  apert, 

E  atressi  Sampso  lo  fort  1627 

Per  sa  muyler,  d'on  puys  fo  orp, 

E  Sent  Père  atretal 

Per  fembra  fo  enganat  mal, 

Que  tresveus  senes  duptar 

Li  feu  Jesu  Christ  renegar  1632 

En  lo  palaus  de  Ponç  Pilât, 

On  près  e  ligat. 


1585  le  pour /a. —  1605-1608.  En  marge  ce  renvoi  :  «  Proverbiorum  ultimo 
capitulo.  Il  iallait  penullimo  :  «  Tria  sunt  insaturabilia,  et  quartum,  quod  nun- 
quam  dicit  <i  sufficit  »  :  infernuset  os  vulvae,  et  terra,  quae  non  satiatur  aqua  : 
ignis  vero  numquam  dicit  «  sufficit  ».  »  [Piov.  xxx,  15,  16).  —  1625  la  arma, 
ms.  larma.  —  1629-30  Rétablir  pour  la  mesure:  E  Sent  Père  \lo]  atretal  Per 
[una]  fembra  enganat  mal.  —  1634  Lire  :  On  [elfo]  près  e  [fo]  Ugat. 


220 


MOREL-FATIO 


Perque  fembra  es  cnganosa 

E  de  mais  aptes  abundosa.  1656 

Cant  fembra  vil  se  gardara 

Que  algun  hom  no  decebra, 

La  mar  certes  s'axecara 

E  segnor  iuyiles  levara.  1640 

Garda  Eva  quants  mais  basti 

Cant  menget  aquell  mal  boci, 

Elen  dona  a  son  marit 

D'on  puys  se  tench  per  [e]scarnit, 

Car  per  ayce!  mal  los  malvats      1645 

Foren  de  paradis  gitats, 

D'on  Jesu  Christ  n'a  presa  morts. 

D'on  nos  e  ella  ne  som  [ejstorts.  1648 

Tostemps  fo  e  tostemps  sera 

Que  la  fembra  abans  fara 

Lo  contrari  sertanament; 

D'eyço  en  res  nul  hom  no  ment.    1652 

Fembra  es  rayll  de  barayla 

E  de  tofs  mais,  ses  tota  fayla, 

E  aytantes  veus  elles  gira 

Con  pot  fer  lo  panell  al  dia,         1656 

E  so  con  ab  sos  uylls  veura 

Al  quaix  glassar  II  0  fara. 

Moit  hom  veig  que  fa[n]  ayrar 

Que  deurien  certes  amar.  1660 

Anamich  es  vostre  mortal, 

Semblant  es  del  diable  mal. 

De  que  trob  en  [ejscrit  tôt  breu, 

Ca  fembra  ha  ymage  de  Deu        1664 

De  que  [ella]  nul  temps  fo  creada, 

Car  de  costeyla  fo  formada 

En  [lo]  paradis  terrenal, 

On  ellens  percassa  tôt  mal,  1668 

Si  nou  avets  mes  en  oblit. 

[La]  fembra  vil  a  hom  no  ama 

Si  no  con  al  lit  [lo]  aflama 

De  foc  lucxurios,  malvats,  1672 

Per  que  es  Deus  [be]  oblidat. 

Senyor,  ausit  podets  aver 

Quais  bontatsan  en  si  per  ver. 


Para  e  mara  fan  oblidar,  1676 

Fan  hom  despendre  e  folejar  ; 

Con  mes  en  elleus  fiarets, 

Lavors  pus  enganat  irets, 

Car  eu  la  say  de  tants  talents       1680 

Con  se  poden  girar  los  vents, 

Mas  la  fe  que  promet  ne  jura 

Ve)am  e  quant  de  temps  li  dura. 

Que  a  una  hora  es  girada  1684 

E  de  son  lit  descambiada, 

Tôt  son  [e]studi  es  d'engan, 

No  va  en  als  cogitan, 

Car  cert  no  es  als  mas[que]  fems,  1 688 

Causa  frevols,  causa  calents, 

Parlara  e  sens  piatat, 

Enganabla  las  de  pecat, 

Destruccio  de  castedat,  1692 

E  sen[e]s  tota  leyaltat, 

Rayl  de  mala  malaltia, 

Porta  de  partiment  e  via, 

Fembra  vil,  senes  tôt  mentir.        1696 

Ximera  li  pot  hom  be  dir 

E  tôt  per  aquesta  rao 

Com  [ha]  lo  cap  con  a  leo 

E  de  cabra  [ha]  tôt  lo  cors,         1700 

Axi  la  pinten  los  pintors 

E  fan  li  coha  de  serpent. 

Veus  e  quai  comparament 

A  tota  fembra  vil  es  dat,  1704 

Verayament  li  es  posât. 

Per  lo  cap  de  leo  es  entes 

Lo  erguyll  qu'en  les  fembres  es, 

E  per  lo  cors  de  cabra  que  ha      1708 

Es  entesa  lucxuria, 

E  per  la  coha  de  serpent 

Es  entes  l'enverinament, 

E  lo  foc  que  en  elles  met  1712 

Malvat,  per  la  fe  queus  dech, 

De  malea  e  de  falsedat, 

Es  son  coratge  carregat. 

Nos  fiu  en  fembra  nul  hom  nat,   1716 


1640  Segnor,  ou  segner,  seguer.  Sens?  Cf.  v.    1498:  Lo  carbo  fuyks  levara. 
1657-58  et  1663-64  Sens.?  —  1687  ah.  VI  est  barré;  lire  al  re. 


MÉLANGES    DE    LITTÉRATURE    CATALANE  22  1 

Si  vol  creure  aquest  dictât,  Qui  son  de  castcdat  mal  sanes, 

Mes  de  malea  an  percent  Elles  torben  vostres  marits           -.-j^z 

Que  nous  dire  al  descobert.  D'on  vostres  hostals  son  derrenclits, 

De  .M.  a  pênes  ne  veurets  1720       E  molta  dona  colpejada 

Una  (ben)  casta  ne(n)  atrobarels  :              E  iarida  e  ben  cast[ig]ada, 

Perque  les  bones  ses  duptar  Car  prous  dona  nos  pot  [ejstar,    1756 

Deuria  hom  quaix  adorar,  Cant  veu  son  alberch  destorbar, 

E  deuria  fer  niereveylles  1724      Que  no  reprena  son  marit 

E  virtuts  deu  senyor  per  elles.  Qui  axis  pert  per  ta!  délit. 

De  les  bon[e]s  no  pus  maldir,  Perque  assi  sia  acabat                  1740 

Car  Deu  les  feu  per  son  servir.  Del  gran  doctor  lo  seu  dictât, 

Donques  [yo]  prech  vos,  sius  plats,  De  Fassel  lo  bell  dictador 

Que  aço  en  mais  nou  prenais  1729       Quins  (ha)  adoctr;na(ts)  en  feyt  d'amor. 

Que  ay  dit  defembres  vilanes 

Glossaire. 

Abaltir  1 148  .? 

Abrivat  22,  1300,  adv.  «  rapidement  ». 
Abte  209,  adj.  «  habile  ■■  ;  566,  subst.  «  habitude  ». 
Agvalat  {egiuldt]  45,  «  uni,  plat  »,  de  là  «  simple,  sot  ». 
Altar  197,  ALTARSE  1  ^oj  «  se  Complaire  »  ;  cf.  Mussafia,  Sete  sans,  gloss. 
Altiment  505  (dérivé  de  altar),  «  grâce,  charme  >;. 

Anagar  648.  Labernia,  à  côté  du  sens  de  «  noyer,  inonder  ;  »  donne  celui 
d'  «  animer,  exciter  »,  qui  convient  au  passage. 

ApanSIR   1178,  APENSIR    I161   ? 

Aparvent  827.  Donar  aparvcnt  «  manifester  ».  Cf.  Mussafia,  St7e  jjvi5,  v.  629. 

Apte  1636,  voy.   abte. 

Arrenar  1016,  Il  expliquer  (un  songe)  ».  Cf.  Sett  savis ,   glossaire. 

AsiNA  127^,  pour  ayna,  eyna,  prov.  aisina? 

Assenât  222,  «  sensé,  sage  ». 

Aucar  597,  0  pousser  des  cris,  effrayer  ». 

Axequar  381,  1639,  «  élever  ». 

Axorar  741,  «  évaporer  ».  Cf.  prov.  aurai. 

Axorbat  1573,  «  aveugle  ». 

AzAUT  974,  pris  substantivement,  «  ce  qui  charme  ». 

Blana  farina  (fer)  568,  «  porlarse  be  en  alguna  cosa  ».  Labernia.  En  cas- 
tillan, haccr  mala  hanna  c'est  faire  de  vilaines  choses  (voy.  par  ex.  la  Scgunda 
Celcslina  de  Feliciano  de  Silva,  éd.  de  Madrid,  1874,  p.  71. 

Blancluexer  733,  «  être  blanc  ». 

BUFALAGUA    1^46.? 

Caml'S  i2?8,  babot  camus  1278,  «  niais,  sot  ». 


1725  dm  ou  dun .  Sens?  —    1728  Dontjius,   ms.   Doncs.  —  1753  Lire  D'où 
vostre  hoital  es  d. 


222  A.    MOREL-FATIO 

CaRvenir   1208  pour  carvendre. 

Castat  1735.  Faute  pour  castigat  ? 

Casteyl  (Tirar  al)  391  ? 

Causar  105  (pour  calsar),  «  chausser  ».  Cf.  moût  1 567,  pour  molt;  autre  p.  altre 
1403. 

C1CILIANA  <^66  {pour  siciliana)^  «  cochevis  ». 

Coena  1422,  «  peau  ».  Le  ms.  a  peut-être  cotna. 

CoLRA  1480,  <£  bile  ». 

CoRASSo  1026.  C'est  le  cast.  coraçon. 

CoRONA  152,  «  tonsure  ». 

CoRRENT  (de)  1024,  «  rapidement  ». 

CoRTERiA  ir,  173,  pour  corîcsia. 

CuYDiA  739,  pour  cuyd'u,  «   grâce  ». 

Debetejar  1474.? 

Declinar  569,  1182,  «  descendre,  céder  ». 

Denejat   164  (  pour  nedejat),   «  nettoyé  ».  Cf.    Crômca  de  Père  iv  (éd.  Bo- 
farull,  p.  272):  «  purgant  tdenejanl  les  cisternes  ». 

Derrenclir  691,  1  164  (pour  derehnquir),  «  abandonner  ». 

Destral  478,  493,  570,  1102,  1218,  «  hache»,  nom  donné  à  l'entremetteuse. 

EiNDENYos  27,  «  dédaigneux  », 

Enfalagat  1459,  «  ébloui,  enjôlé  ». 

Ensunya  1409,  «  graisse  ».  Arag.  ensundia,  cast.  tnjundia. 

Ektirat  602,  i  affecté,  prétentieux  .>  ;  cf.  cast.  entirado^  estirado. 

Entricat  221,  «  retors  ». 

EscREix  1300,  1322,  «  augment  de  dot  »,   la   dot  que  le   mari  apporte  à  sa 
femme. 

Esters  (per)  406,  «  pour  l'extérieur,  pour  l'apparence  ». 

ExARNiT  855,  pour  cscarnit. 

Fadejar  1572,  «  divaguer,  perdre  la  tête  ». 

Faduch  1293,  «  fou  «. 

Fasia  200,  pour  fesiciâ^  «  médecin  ». 

Fer  be  q.ue  928,  «  se  conduire  comme...  » 

Fit  en  fit  (de)  396,  .  face  à  face  ». 

Fortal  I  i03,  adj.  dérivé  de  fort . 

Fumeral  1470,  «  conduit  de  cheminée  ». 

GiR  (METRE  EN)  1571,  «  faire  tourner  » . 

Gla?sar  1658,  «  geler  ». 

Groch  14^3,  1493,  i  jaune  »,  groguea  1448,  «  couleur  jaune  ». 

HoMEY  808,  «  homicide  ». 

HuYR  1 163,  pour  ûhuir  {augurium). 

Jangla  1177,  «  plaisanterie,  farce  », 

Largues  305,  plur.  masc.  de  larch. 

Malast  157,  (I  méchanceté,  tromperie». 

Massar  1432,  «  pousser,  frapper  ». 

Mazela  1 556,  de  mazcl.,  «  lépreux  ». 

Mereveyla  1450,  nom  d'une  fleur. 


MÉLANGES    DE    LITTÉRATURE    CATALANE  22  ? 

Mestayll  699,  "  mescla  de  blat  i>.  Labernia. 

MocA  1512,  «  ventre  », 

MoDORRO  I  ^70,  «  endormi,  abruti  •).  C'est  un  mot  castillan. 

MoLEjAR  660,  littéralement  «  devenir  mou  ».  Ici  «  céder  ». 

MoLfRA  61  $,  pour  mollura,  «  humidité  ». 

MoNSONGER  23,  pour  mensonger. 

Nedeu  163  (nit'uius). 

Nici  14^,  263,  «  sot  ». 

NoDRiR  118,  noyrirS,  a  s'clever,  s'éduquer  n.  Cf.  Setesavis^  glossaire. 

Oksa(en)  449,  terme  naval,  «  à  la  bouline  o,  c'est-à-dire  «  de  côté,  de  tra- 
vers 1. 

OssoRS  1421,  pluriel  de  os  pour  osscs,  ossos. 

Paltuner  1228,  V.  ir.  pautonnier. 

Palos  122,  pour pelos,  «  poilu,  nubile  ». 

Panell  i60,  «  girouette  ». 

Parler,  344,  629,  1690,  «  parleur,  bavard  ». 

Pereros  231,  pour  pciesos. 

Pexer  1047,  «  nourrir  »  (pasccre). 

Piment  565,  773,  962? 

P0Q.UEA  202,  POQUESA  233,  «  enfance  ». 

Raula  1 5  3  7  ? 

Regeu  606  (rigidus). 

Reguitnar  1240,  «  ruer  ». 

Reptir  1323,  pour  reptar. 

Resubixar  1236,  «  renverser  sur  le  dos  ». 

Reuxador  810,  pour  rahonador,  «  défenseur  ». 

Rioleg  1429,  «  rieur  ». 

Sartroresa  459,  a  tailleuse  ». 

Sassaros  99,  s.\SARROS  296.  Pour  Si\faros  a  dégoiitant,  répugnant  ».  Cf.  port. 
safaro. 

Seleta  1096,  pour  solda  ou  cdda,  «  lieu  caché,  secret  ». 

SoFR.\NYiiR  94,  a  manquer  ». 

SoviKENT  64,  «  soudain  ». 

Strempauc  1228.? 

SuAEXER  612,  pour  suavcxcr^  «  s'amollir  ». 

SUNYA   1470;  VOy.   EMSUNYA. 

Tart  94,  1^89,  «  ditficile  ». 

ToRP  529,  subst.  verbal  de  torbar,  «  désordre,  confusion  ». 
ToTAMENT  965,  subsl.  «  tout,  ensemble  ». 
Tragitador  84^  .? 

Trava  1 180,  1 181 .  Même  mot  que  traba  «  entrave  ». 

Trempât  310,  trempadament  49,  pour  temprat,  tempradament,  «  modéré, 
modéiément  ». 

Trespuar  1604,  *  s'infiltrer  ». 

Trobats  1 50,  pour  torbats. 

Valea  302,  pour  vellea^  vdlcsa  «  vieillesse  ». 


224  ^-  morel-fatio 

Ventola  127? 

Verayamext  so,  733,  763,  1522,  1705,  pour  vcramcnt. 
VESA  1268  (vesanus). 
Vey  176,  pour  Vt//,  veyl. 

XiVALER  13,  pour  cava/Z^r.  Directement  du  franc,    chevalier.    Cf.   xantant   439, 
blanxa  723. 


FACETUS 

Le  texte  de  ce  petit  poème  a  été  établi  d'après  les  mss.  Bibl.  Nat.  de 
Paris,  lat.  831 5,  fol.  41  à  50  (xv*  siècle),  lat.  8426,  f.  72  à  86 
(xV^ siècle),  Munich,  lat.  4146,  fol.  ici  à  109  (anno  1436I,  lat.  4409, 
fol.  167  à  174  (xiv«  siècle),  lat.  7678,  fol.  219  à  232  (xv*  siècle).  On 
s'est  attaché  ici,  non  pas  à  établir  un  texte  dit  critique  qui  eût  nécessité 
l'examen  de  tous  les  mss.  connus,  mais  simplement  à  donner  de  ce 
Facetus  un  texte  suffisamment  correct.  Quand  il  a  fallu  choisir  entre 
diverses  leçons,  on  a  pris  celle  qui  se  rapprochait  le  plus  du  catalan. 

Moribus  et  vita  quisquis    vult  esse  facetus  [i] 

Me  légat  et  discat  quod  mea  musa  notât. 
Clericus  et  laicus,  senior,  puer  atque.juventus 

Istic  instruitur,  miles  et  ipse  pedes. 
5  Expedit  inprimis  cupientes  esse  facetos 

Mente,  fide,verbo,  nobilitate  frui. 
Mente  quidem  varius   verboso  pectore  mendax 

Non  placet,  ut  fallax  qui  manet  absque  fide. 
Esto  verecundus  faisum  quandoque  loquaris,  [33] 

10  Nam  semper  verum  dicere  crede  nephas. 

Criminamultociens  laus  est  ceiare  faceto, 

Maxima  rusticitas  turpia  verba  loqui. 
Alterius  laudes  moderate  dicere  laudo, 

Sed  proprias  nemo,  si  sapit,  ipse  refert. 
15  Pauca  loqui  débet  qui  vult  urbanus  haberi,  [57] 

Nec  prorsus  taceat,  sed  meditata  ferat. 
Ut  placeat  cunctis  nullum  decet  esse  superbum  ;  [69] 

Qui  SIC  inflatur  deserit  omne  bonum. 
Sit  placidus  facie,  sit  mitis  et  ingeniosus, 
20  Ne  contemptibilis  forte  sit  ipse  cito. 

Officie  proprio  sapienter  sit  studiosus 

Ut  fiat  doctus  qualibet  arte  sua. 
Ocia  nullus  amet  nisi  sint  conjuncta  labori, 

Nam  nimia  requie  mortificatur  homo. 
25  Expendat  large  sine  murmure,  quando  decebit,  [91] 


MÉLANGES    DE    LITTÉRATURE    CATALANE  22^ 

Juxta  posse  suum,  ne  sua  dampna  fleat. 
Exornet  corpus  ne  contempnatur  nb  ullo,  [97] 

Non  tamen  officium  deserat  ipsesuum. 
Sit  bene  vestitus  cui  non  est  parva  supellex 
}0  Et  caute  vivat  potibus  atque  cibis. 

Vertatur  calamus  specialiter  omnia  narrans,  Uoçf] 

Ut  per  doctrinam  vivere  discat  homo. 
Si  puer  in  clero  propria  sit  sponte  locatus, 
Sub  disciplina  mollia  colla  domet. 
35  Ut  non  stultizet,  senioribus  associetur. 

Et  discat  teneros  raro  movere  pedes. 
Si  bene  consuescit,  post  tempora  multa  placebit,  ['3°] 

Ut  semper  placeant  que  placuere  semel. 
Cum  fuerit  juvenis  qui  novit  virginitatem, 
40  Semper  sit  castus,  semper  honesta  petat. 

Discere  ne  cesset  que  sit  doctrina  salubris 

Ut  recte  doceat,  cum  manet  ipse  pater. 
Pervigil,  attentus  sit,  in  officiis  studiosus 
Ut  digne  dicat  verba  sacra  ta  Deo. 
45  Dedecus  est  illi  si  propria  jura  relinquit  :  ['48] 

Ordine  turbato,  non  valet  esse  bonus. 
Tonsura  capitis,  circumcingente  corona, 

Pulchrior  apparet  qui  sua  jura  tenet. 
Vestibus  ex  longis  sua  contegat  intima  membra, 
50  Nam  pudor  esset  ei,  si  caro  nuda  foret. 

Sepius'  insinuet  vestes  ut,  tegmine  mundus, 

Purgatus  viciis  significetur  ut  est. 
Sit  sapiens,  cautus,  numquam  spectacuia  querat, 
Et  gravis  incessu,  ne  sit  eundo  vagus. 
55  Si  quis  habet  censum,  nuili  sit  parcus  in  iilo, 
Hic  si  sufficiat  pluribus  atque  sibi. 
Quando  senex  fuerit  venerabilis  in  gravitate,  ['76] 

Ammoneat  populum  semper  honesta  sequi. 
Exemplum  cunctis  tribuat  moderamine  vite 
60  Ne  secum  populus  crimina  cuncta  ferat. 

Musa  docet  laycum  placidam  componere  vitam  ['841 

Et  breviter  narrât  quod  docet  atque  placet. 
Cum  puer  est  laycus,  quibus  artibussit  sociandus 
Provideat  tutor,  si  caret  ipse  pâtre  ; 
65  Littera  si  placeat  ut  clericu.s  efficialur,  [198] 

Vel  forsan  laycus  doctior  esse  velit, 
Judex  vel  medicus,  doctor  vel  scriba,  poeta, 

In  teneris  annis  discat  amare  iibros. 
Sed  si  milicie  puero  sit  vita  petenda, 
70  Cruribus  et  manibus  flectere  discat  equos; 

Scutifer  imprimis  sit,  militibus  famulando, 

Romania.  XV.  it 


226  A.    MOREL-FATIO 

Duricia  solitus,  si  cupit  esse  bonus. 
Qui  mercatoris  doctrinam  gliscat  habere  [21  5] 

Noscere  denarios  expetat  ipse  prius. 
75  Providus  exploret  terras  mercantibus  aptas, 

Que  varium  pretium  semper  habere  soient. 
Cambial  attente  ne  sit  deceptus  ab  uilo, 

Qualessint  merces  et  numerare  sciât. 
Fabriles  alias  si  quis  cupial  puer  artes,  [228] 

80  Suppositus  férule  desinat  esse  piger. 

Qui  sic  instruitur,  dum  transit  mollioretas,  [232] 

Arte  sua  melius  forte  peritus  erit. 
Qui  fuerit  juvenis,  si  non  didicit  quod  oportet, 

Non  verecundetur  discere  promptus  adhuc. 
85  Est  pecus  ut  brutum  quisquis  prorsus  caret  arte  ;  [243] 

Ars  hominem  format  nec  sinit  esse  malum. 
Sed  tamen  hoc  faciat  quisquis  vult  esse  peritus 

Ut  quod  scire  velit  protinus  illud  amet. 
Scire  quidem  frustra  contendit  quisque  quod  horret, 
90  Quod  natura  negat  discere  nemo  potest. 

Officiis  multis  hominem  natura  beavit  [255] 

Et  varie  variis  plurima  dona  dédit. 
Sic  habet  omnis  homo  quo  se  possit  fabricare; 

Qui  non  est  cunctis,  pluribus  aptus  erit. 
95  Quilibet  officie  proprio  poterit  bonus  esse,  I262] 

Cui  sine  segnicie  complacet  ordo  suus. 
Non  jubeo  quemquam  sic  perdere  gaudia  vite 

Quod  nimio  studio  debeat  ipse  mori. 
Tempore  festivo  vel  quando  decet  recreari 
100  Vivere  quod  possit  gaudeat  omnis  homo: 

Mente  quidem  leta  decoratur  florida  vita, 

Sed  per  tristiciam  fit  cito  quisque  miser. 
Tune  saliat  currens,  cantet  saltans  adolescens  [280] 

Et  placidis  juvenis  cantibus  illud  agat, 
105  Pectora  pascat  amor  sine  quo  sunt  gaudia  nulla, 

Sed  tamen  haec  fiant  tempore  quoque  suo. 
Provideat  juvenis  non  nigros  esse  capillos,  [290] 

Nam  potius  senibus  convenit  iste  color. 
Libéra  irons  pateat,  detonsis  arte  capillis, 
1 10  Auris  in  extremo  terminus  arcet  eos. 

Cesarie  longa  fit  turpis  forma  virilis  ;  [304] 

Femineus  cultus  sepius  esse  solet. 
Vestes  non  longas  juvenilis  diligat  etas 

Ut  motus  facilis  nesciat  esse  gravis. 
1 1 5  Non  natet  in  caligis  vel  crus  vel  pes  juvenilis, 

Sed  sotulariis  formet  utrumque  pedem  ; 
Et  tamen,  ut  patrie  mos  postulat,  omnia  fiant, 


MÉLANGES    DE    LITTÉRATURE    CATALANE  227 

Nefaciat  solus  quod  fugit  omnis  homo. 
Inter  gaudentes  juvenem  decet  esse  jocosum,  [320] 

120  Tristibus  adjunctus  compaciatur  eis. 

Doctior  efficitur  senioribus  associatus 

Cumque  bonis  vadat  qui  timet  esse  malus. 
Exhibeat  cunctis  placidus  sapienter  honorem 

Et  nullum  spernat,  sit  licetille  miser.  [332] 

125  Majori  cedat,  caput  inclinet  seniori, 

Exhilara  facie  semper  honoret  eos. 
Inter  majores  caveat  ne  multa  loquatur,  [340] 

Mente  diu  teneat  quod  putet  ipse  loqui. 
Ad  loca  prudentum  tendat  vestigia  sepe 
ijo  Et  notet  attente  que  recitantur  ibi. 

Si  quem  forte  juvat  subdi  sapienter  amori,  [352] 

Sic  amet  incipiens  ut  mea  musa  docet. 
Turpe  scelus  vitans,  nullam  temptet  monialem, 
Que  se  contempnens  est  sociata  Deo  ; 
135.  Assimilatur  ei  jam  femina  nupta  marito, 

Quam  maculare  quidem  creditur  esse  nephas; 
Preterea  ganeis  venali  corpore  fedis,  [398] 

Munera  ni  tribuat,  nemoplacere  potest  ; 
Cui  se  supponit  meretrix  non  prestat  amorem, 
140  Non  amat  id  quod  agit  sed  quod  habere  cupit. 

Sunt  alie  multe  mulieres  lusibus  apte;  [37^] 

Virginis  et  vidue  laudo  vacantis  opus. 

Virginis  amplexus  durissima  pectora  mulcet, 

Mestitiam  pellit,  cor  super  astra  levât. 

145  Dulcis  amor  vidue  mollit  quoque  corda  superba, 

Que  melius  cunctis  et  sapienter  amat. 

Pulchra  puella  vacans  dulcissima  gaudia  prestat, 

Mollibus  apta  iocis,  libéra  colla  gerens. 
Has  juvénile  decus  sapienter  discat  amare,  [392] 

1 50  Arte  quidem  nostra  noscat  amoris  iter. 

Providus  imprimis  oculis  sibi  querat  amandam, 

Eligat  emultis  que  placet  una  sibi. 
Hanc  firmis  oculis  ridentibus  intueatur, 
Ut  quia  diligitur  dulcis  arnica  sciat  ■. 
155.  Sed  virtutis  opus,  generatio,  forma  décora 
Ante  repenseturne  nimis  alta  petat: 
Diligat  equalem  sibi  vel  paulo  meliorem, 

Nam  cito  sepe  ruit  qui  super  astra  volât. 
Inde  locum  discat  quo  semper  amanda  moratur,  [43  ij 

160  Quove  puella  manet,  recia  tendat  ibi. 

Hue  veniat  ludens,  cantet  suspiria  miscens, 

I  .  Sur  la  prosodie  arnica  sciat J'acta  sciant  voy.  L.  Havet,  Romania,  VI,  280. 


228  A.    MOREL-FATIO 

Quod  si  non  noscat,  militet  arte  sua. 
Hic  temptet  vires,  hic  dulcia  verba  loquatur, 
Quod  piaceat  facial,  res  veiut  ipsa  dabit. 
léj  Hue  tamen  ut  vadat  prodest  occasio  ficta, 
Qua  prius  inventa^  cautius  urit  amor. 
Diligit  hune  mulier  qui  caute  novit  amare, 
Ne  consanguinei  singula  facta  sciant  '. 
Nuncia  queratur  in  qua  confidit  uterque,  [470J 

170  Que  narret  caute  quicquid  utrique  placet. 

Muneret  hanc  juvenis  ut  sit  super  hoc  studiosa 

Et  plus  quam  tribuat  polliceatur  ei. 
Hec  adiensiliam  dulcissima  narrât  amoris, 
Incipiens  caute  talia  verba  loqui  : 
175   «  0  speciosa  nimis,  vultufecunda  sereno,  [496] 

«  Te  juvénile  decus  laudat  et  optât  amans, 
«  i^ui  cunctos  alios  superat  spectamine  morum, 
«  Colloquium  tecum  vellet  habere  rogans. 
«   Utile  quod  nimis  est,  vestro  tractabit  honori 
180  «  Et  plus  quam  famulus,  subditus  esse  cupit, 

«  Omnia  postponit,  nisi  te  nichil  amplius  optât; 

«  Me  tibi  direxit,  sum  quia  fida  tibi.  » 
Forsitan  inprimis  dabit  aspera  verba  puella,  [S^^] 

Sed  cito  que  prius  est  aspera  mollis  erit. 
185   Dulcia  verba  quidem  tune  nuncia  proférât  illi, 

Quodque  petit  juvenis  conprobat  esse  bonum. 
Hune  modo  commendet,  modo  laudes  conférât  illi, 

Sic  alternatim  laudet  utrumque  simul. 
Quod  si  displiceat  modo  consentire  puelle,  [58e] 

190  Ad  juvenem  rediens  singula  facta  ferat. 

Hic  non  diffidat,  studiosius  immo  laboret, 

Nutibus  et  signis  sepe  loquatur  ei. 
Ah!  quotiens  teneram,  que  nunquam  novit  amorem, 
Talibus  ingeniis  languidus  urit  amor  ! 
195  Hanc  blandimentis  adtemptet  nuncia  sepe, 
Nec  cito  désistât,  quando  puella  vetat. 
Femina  quod  prohibet  cupit  et  vult  sepe  rogari,  [608] 

Improbitas  vincit,  pectora  frangit  amor, 
Ferrea  congeries  disrumpitur  improbitate, 
200  Et  durum  lapidem  gutta  cadendo  cavat. 

Sic  multis  precibus  vel  longo  temporis  usu 
Colloquium  fieri  languida  sponte  volet. 
Porro  secretus  locus  est  prius  inveniendus  [624] 

Ut  quod  utrique  placet  nuncia  sola  sciât. 
205  Si  tamen,  ut  plerumque  solet,  sit  curia  plena 

1 .  Voyez  la  note  précédente. 


MELANGES  DE  LITTERATURE  CATALANE  229 

Et  locus  est  domine  cui  velit  ipse  loqui, 
Tune  illam  juvenis  blando  sermone  salutet 

Et  promptus  maneat  clamque  loquatur  ei  : 
«  Stella  serena  micans,  facie  rutilante  décora,  [666] 

210  «  Ecce  tuum  famulum  nunc  patiare  loqui. 

«  Si  tua  nobilitas,  probitas  vel  forma  décora 

«  Laudatur  velut  est,  par  tibi  nulla  manet  ; 
«  Tu  superas  cunctas  forma  praestante  puellas  [696J 

«  Et  vincis  Venerem,  ni  foret  illa  dea. 
215   «  Aurea  cesaries  tibi,  frons  est,  ut  decet,  alta,  [712] 

«   Ridentes  oculi,  pulchra  supercilia. 
«  Q_uando  moves  oculos,  vario  certamine  pungor  : 

<<  Gaudia  corda  movent,  sed  tamen  urit  amor. 
«  Candiduset  rutilans  simul  est  color  ipse  genarum, 
220  «  Exornat  faciem  nasus  et  inde  placet. 

«  Labra  tument  modicum  rubeo  perfusa  colore, 

a  Que  michi,  si  possem,  jungere  velle  foret, 
a  Ordine  format!  candent  albedine  dentés, 

«  Omnibus  est  gratus  risus  in  ore  tuo. 
225   «  Cuique  placet  mentum,  gula  proxima  plus  nive  candet, 

«  Quam  quociens  video  cor  sine  fine  calet. 
«  Hec  mihi  significant  quantum  sint  candida  membra,         [750] 

«  Que  tegis  interius  vestibus  ipsa  tuis. 
«  Utraque  conformât  tua  pectora  pulchra  mamilla, 
230  •  Quas,  velud  ipse  puto,  clauderet  una  manus. 

«  Hic  status  est  reclus,  gracilis,  complexibus  aptus, 

«   Brachia  cum  manibus  laude  probanda  vigent, 
«  Cetera  menbra  quidem  proprio  funguntur  honore, 

«  Et  plus  quam  possim  dicere  pulchra  man.es. 
235   «  Cum  te  non  video,  pereo  cupioque  videre,  [784] 

«  Insipiens  morior,  nam  nimis  urit  amor. 
«  Jam  tibi  sum  famulus  ;  tibi,  si  placet,  exibeo  me 

«  Ut  semperfaciam  quod  michi  sola  jubés. 
«  Si  me  conspicias  vel  me  dignaris  amare, 
240  «  Gaudebo  plus  quam  si  mihi  régna  darent. 

ff  Deprecor  hoc  tantum  :  famulum  fatearis  amandum 

«  Ut  per  te  vivat,  vita  salusque  mea  n. 
Forsitan  illa  sagax  sic  verbasuperba  loquetur,  [822J 

Ut  quod  mente  cupit  per  sua  verba  tegat  : 
24^   «  Stulta  petis,  juvenis,  frustra  laudas  mea  membra; 

«  Si  sum  pulcra  satis,  cur  tibi  cura  fuit  ? 
«  Vade,  recède  cite,  ganeam  me  forte  putasti, 

«  Et  nunquam  facias  tu  michi  verba  magis.  » 
Tune  dicat  juvenis:  «  Cur  me,  dulcissima  rerum,  [861] 

250  «  Morte  perire  facis?  hoc  tibi  crimen  erit. 

«  Munera  magna  peto,  tamen  hec  sunt  digna  favore  ; 


2^0  A.    MOREL-FATIO 

•  Si  me  forsan  amas,  nil  tibi  quippe  nocet.  » 
Inquiet  illa  quidem:  «  Fateor  non  horreo  quemquam  [893] 

»  Teque  libenter  amo,  nil  michi  plura  petas  ». 
25s  Tune  caput  inclinet,  grates  multas  referendo,  [903] 

Et  semper  famulus  spondeat  esse  suus, 
Sed  tamen  ut  ir.erito  semper  possit  famuiari, 

Laudes  condignas  prestet  ubiquesibi. 
Postulet  in  signum  sic  incipientis  amoris  [907] 

260  Munera,  que  firment  prorsus  utrimque  fidem. 

Oscula  pro  dono  tune  exigat,  adtamen  ejus 

Ponat  in  arbitrio  que  dare  dona  velit. 
Munere  suseepto,  quia  tutus  in  ejus  amore, 

Letus  discedat,  gratificando  sibi. 
265  Posthoe  sollieitus  discat  quo  tempore  solam  ['094] 

Inveniat  dominam,  forte  vacante  loco, 
Vel  si  non  poterit,  sapienter  nuneia  euret 

Artibus  ut  trahat  hanc  ad  loca  tuta  jocis. 
Hue  veniat  juvenis,  facie  gaudente  salutans, 
270  Adjunctis  precibus  laudibus  usque  vacans. 

Si  quoque,  dum  loquitur,  jam  femina  laude  movetur,         ['  '  $'3 

Leviter  hanc  tangat  vestibus  ipse  super. 
Non  adeo  mentem  rigidam  tenet  ulla  puelia 

Ut,  si  tangatur,  risusin  ore  vacet. 
275  Si  fugiat  tactum,  subridens  forcius  angat, 

Vel  digitis  coxas  comprimât  atque  latus; 
Sed  tamen  in  cunctis  placidus  modus  est  adhibendus, 

Nam  sine  mensura  nil  valet  esse  bonum. 
Curet  ut  insolitam  faciat  gaudere  puellam,  ['  '7S] 

280  Dulcius  exorans,  oscula  grata  petat, 

Spondeat  et  juret  quod  nil  petet  amplius  ipse, 

Nam  bene  sufficiunt  talia  dona  peti. 
Si  neget  illa  quidem  dare  talia,  forte  minando, 

Hec  eadem  precibus  non  minus  ipse  petat. 
285  Sed  quia  sic  multis  verecundia  sepius  obstat 

Ut  quoque  conjugibus  basia  justa  negent, 
Jungere  non  timeat  violenter  brachia  collo, 

Et  prompte  eapiat  quod  negat  illa  dare. 
Tune  non  simplieiter  jungantur  grata  labella,  [1219] 

290  Sed  teneant  longas  basia  pressa  moras. 

Mobilis  interea  stringat  manus  una  mam.illas, 

Et  fémur  et  venter  sentiat  inde  vicem. 
Sie  postquam  ludens  fuerit  calefaetus  uterque, 

Vestibus  ejectis,  crura  levare  decet. 
29^  Vim  faciat  juvenis,  quamvis  nimis  illa  repugnet,  ['239J 

Nam  si  désistât,  mente  puelia  dolet. 
Expectat  potius  luctando  femina  vinci 


MELANGES    DE    LITTERATURE    CATALANE  2^1 

C^uam  velit,  ut  meretrix,  crimina  sponte  pati. 
A  ganeis  tantum  coitus  solet  esse  petitus, 
500  Quesepro  precio  vendere  cuique  volunt. 

Qui  querit  coitum,  si  vim  post  oscula  differt, 

Rusticus  est,  nunquam  dignus  amore  magis.  [1268] 

Arte  mea  quisquis  sibi  consociabit  amicam, 

Vatis  opem  querat  qua  foveatur  amor. 
305  Admoveat  dominam  juvenis  par  dulcia  verba, 

CoUoquium  fieri  sepius  ipse  rogans, 
Sape  superciliis  et  nutu  longius  instet, 

Si  prope non  audet,  voce  sonante,  loqui. 
Tempore  quo  stomachus  sit  prosperitate  repletus, 
310  Spiritibus  letis,  potibus  atque  cibis, 

Aptius  hancadeat,  Veneris  solacia  querens  : 

Tune  etenim  melius  diligit  omnis  homo. 
Tedia  non  faciat,  plus  quam  sit  posse  laborans, 

Fastidita  frequens  esca  jacere  soiet. 
3:5  Diligat  occulte  cui  non  sit  vilis  arnica,  ['34S] 

Sic  fit  furtivus  dulcior  omnis  amor  ; 
Gaudia  que  sumpsit  curet  celare  modeste, 

Nec  nomen  domine  provocet  ille  palam. 
Qui,  propria  culpa,  placidam  sibi  perdit  amicam, 
320  Perpetuo  doleat  rusticitate  sua. 

Qui  fuerit  cupiens  ab  amica  solvere  colla,  ['377] 

Plenius  a  nostro  carminé  doctus  erit. 
Nosse  decet  primum  quantum  sit  femina  turpis  ['393] 

Et  quantum  noceat  fetidus  ejus  amor. 
325  Si  fuerit  pinguis,  gravis  est  ut  plumbea  massa,  ['4°'] 

Mollicie  lutea  turgida  membra  manent. 
Que,  cute  sudante,  velud  est  axungia  porci, 

Lubrica  sepe  facit  tedia  tacta  semel. 
Macra  placere  tiequit,  quia  pungunt  hispida  membra  ['4'7] 

330  Exteriusque  patent  ossa,  rigente  cute. 

Arida  ligna  quidem  cito  consumuntur  ab  igné, 

Urit  etabsumptus  sic  périt  ejus  amor. 
Longa  placet  nulli  nec  habet  sub  pectore  sensum,  ['427] 

Est  fatue  mentis,  nescia  quid  sit  amor: 
335  Jumento  similis,  nunquam  saciatur  ab  ullo, 

Cum  sesupponit,  vix  sua  membra  plicat. 
Si  brevisest,  forsan  per  singula  verba  superbit,  ['43SJ 

Uritur  interius,  corde  superbafurit; 
Nil  valet  ejus  amor,  que  tanquam  vipera  ledit, 
340  Nec  bene  sufficiunt  parvula  membra  joco. 

Candida  si  fuerit,  pallor  suus  inficit  illam,  ('447] 

Frigida  corda  gerens,  nescit  amore  frui  ; 
Despicit  hec  omnes  juvenes,  sua  corpora  cernens. 


2Î2 


A,    MOREL-FATIO 

Marmorea  statua  pulcrior  esse  putat. 
34 j  Sed  nigra  cur  placeat,  que,  tacto  corpore,  tingit?  [1463] 

Gaudia  tinctus  amor  nulla  movere  potest: 
Inferno  similis,  tenet  hec  fuliginis  instar, 

Nocte  quidam  nulli  crura  levare  vetat. 
Rubra  venenosa  colera  vel  sanguine  fervet,  ['479] 

350  Igné  coquit  pectus,  corpus  adurit  amans, 

Ledit  uti  serpens,  jaciens  per  membra  venena 

Et  nulli  prorsus  corde  fidelis  erit. 
Femina,  que  facie  pallenti  sit  quasi  fusca,  ['4931 

Demonibus  similis,  fallere  docta  fuit. 
555  Hec  melancolico  quia  sanguine  tardius  ardet, 
Ex  multis  viciis  callida  pejus  amat. 
Qui  de  jam  dictis  aliquam  sibi  junxit  amicam,  ['499J 

Talia  pensando,  linquere  débet  eam. 
Sed  medie  forme  mulier  per  talia  nunquam  [i  507] 

360  Displicet,  immo,  velut  sit  dea,  sola  placet. 

Hec  fovet  interius  gaudenti  corde  medullas 

Cumque  dolore  gravi  solvitur  ejus  amor. 
Estimet  inprimis  quantum  ledatur  amando 
El  que  pretereadampna  sequantur  eum. 
365  Efficitur  fatuus  qui  sic  amat  ut  modus  absit,  ['$29] 

Negligit  officium  quilibet  inde  suum. 
Sepe  novum  veteri  mulier  preponit  amicum, 

Sepius  et  castas  unus  et  alter  amat. 
Decipitur  juvenis  :  non  est  ita  pulchra  puella, 
570  Cujus  amore  gravi  lesus  ad  yma  ruit, 

Ut  putat  :  ejus  enim  faciès  est  picta  colore, 

Vestibus  ornantur  vilia  membra  satis.  [  1 565] 

Nil  bene  cernit  amor,  videt  omnia  lumine  ceco, 
Fallitur  in  multis  anxietate  sua. 
375  Vadat  ad  hanc  juvenis  jejunus  mane  repente,  ['S8o] 

Dum  jacet  in  sompnis  nuda  soluta  caput, 
Gaudia  tune  sumat,  donec  fastidia  sentit, 

Quod  vult  plus  faciat  quam  sibi  velle  fuit. 
Post  hec  inspiciat  quantum  sint  turpia  membra, 
380  Que  nulli  placeant,  si  medicina  vacet. 

Hac  ita  demissa,  jam  diligat  ipse  laborem 

Et  maceret  corpus  fortius  arte  sua. 
Sit  cibus  et  potus  modicus,  jejunia  prosunt, 

Nec  petat  hanc  rursus  nec  petat  inde  magis. 

38J  Musa,  placere  potes  si  caros  jungis  amicos, 
Expedit  hoc  multis,  protinus  ergo  doce. 
Utilius.homini  nichil  est  quam  fidus  amicus 
Ut  veluti  secum  cuncta  loquatur  ei. 


MÉLANGES    DE    LITTÉRATURE    CATALANE  233 

Rébus  in  adversis  dabit  hic  solacia  fati, 
390  Prosperitate  quidem  gaudet  uterque  magis. 

Faisus  adulator  non  est  reputandus  amicus, 
Proficit  in  nullo  tempore  fictus  amor. 
Qui  fuerit  felix,  multis  veneratur  amicis, 
Si  miser  effectus,  solus  ad  yma  ruit. 
395  Fidus  in  adversis  ostenditur  omnis  amicus, 
Si  tune  désistât,  falsificatur  amor. 
Quilibet  inspiciat  cui  conjungatur  amico, 
Qui  sit  propitius  nocte  dieque  sibi. 
Providus  ejusdem  doctrine  querat  amicum, 
400  Artis  et  officii  commoditate  parem. 

Est  etenim  melius  similem  sibi  consociari 

Quam  per  dissimilem  linquere  jura  sua; 
Sed  tamen  alterius  juvat  artis  habere  sodalem, 
Cum  forsan  propria  nullus  in  arte  placet. 
405   Pauper  divitibus  vel  doctior  insipienti 

Numquam  jungatur,  namque  nocivus  erit. 
Non  amat  hune  dives  nisi  forsan  confamulatur 

Et  licet  hic  egeat,  munera  nulla  dabit. 
Arridet  parcus,  spondet  se  dona  daturum, 
410  Dum  poterit,  tollet,  nec  dabit  ipse  vicem. 

Nititur  ut  secum  proprium  consumât  egenus, 

Quo  jam  consumpto,  spernit  et  odit  eum. 
Pascua  divitibus  bona  pauperis  esse  putantur, 
Cu.n  Salomon  docuit  ne  societur  eis. 
415  Despicitur  sapiens  fatuo  sociatus  inepte, 

Cum  quo  conversans  destruit  omne  decus. 
Assiduo  gressu  nunquam  comitetur  euntem, 
Sed  tamen  ut  moveat  sepe  loquatur  ei, 
Incesto  castus  sociatus,  justus  iniquo 
420  Non  beneconveniunt,  ni  sit  uterque  malus. 

Nemo  placet  stulto  nisi  dicat  quod  libet  ilii 

Et  malus  efficitur  qui  sociatur  ei. 
Queritur  eventu  socius,  tamen  arte  tenetur, 
Querere  res  brevis  est,  sed  retinere  labor. 
425  Sermo  quidem  dulcis  veteres  conservât  amicos, 
Sepius  ad  rixam  verba  superba  movent. 
Diligit  et  spernit  socius  bonus  omne  quod  alter, 

Unum  velle  duos  jungit  et  unus  amor. 
Cum  socius  peccat,  sapienter  corrigat  alter 
430  Ft,  cum  delinquit,  quod  moneatur  amet. 


413  «  Venatioieonis  onager  in  eremo  :  sic  et  pascua  divitum  sunt  pauperes. 
EccLi.  xin.  23. 


234  ^-    MOREL-FATIO 

Deserat  in  nullo  socium  discrimine  vite, 

Prebeat  auxilium  semper  ubique  sibi; 
Sed  tamen  in  mundo  non  est  modo  fidus  amicus, 

Fraudibus  est  etenim  callidus  omnis  liomo; 
43  5  Sed  qui  non  poterit  socium  sibi  querere  fidum, 

Diiigat  hic  aiios  sicut  amatus  erit, 
Fallere  fallentes  quia  nulla  lege  vetatur 

Et  decet  ut  fallax  corruat  arte  sua. 

Musa,  stilum  moveas  et  nunc  de  judice  tracta  : 
440  Quod  deceat  monstra,  nam  nimis  inde  places. 

Hic  tenet  eterni  metuendi  judicis  instar 

Fitque  Deo  similis,  cum  sua  jura  tenet. 
Huic  caput  inclinant  reges,  comités  proceresque, 
Quilibet  ex  populo  corde  timente  favet. 
44$  Provideat  casum  judex,  cui  sitgradus  altus, 
Non  maie  condempnet  ne  maledictus  eat; 
Judicium  teneat  quo  dampnabuntur  iniqui, 

Qyo  licet  appellet,  non  revocabit  homo. 
Absoivat  justum  sed  raro  parcat  iniquo; 
450  Omnia  jura  sciât,  mente  frequentet  ea. 

Justiciam  querat,  fugiat  turpissima  lucra, 

Nam  miser  efficitur  talia  quando  petit. 
Qualis  erit  judex,  taies  suntquippe  ministri. 

Si  malus  est  dominus  fit  populusque  malus. 

455  Qu'id  deceat  medicum  referas,  mea,  posco,  camena, 
Ex  hac  materia  carmina  grata  move. 
Arte  sua  medicus  pollet  cunctis  venerandus. 
Qui  mortem  differt  atque  futura  cavet. 
Rerum  naturas  subtiliter  intueatur 
460  Ut  quidquid  faciat  non  ratione  vacet. 

Sollicite  caveat  qui  per  contraria  curet, 

Sed  tamen  in  cunctis  sit  medicina  modus. 
Inspiciat  caute  quid  poscat  tempus  et  etas, 
Quid  cupiat  regio,  quid  velit  usus  agi. 
465  Antidotum  nunquam  det  falsum,  vivat  honeste  ; 
Qui  bonus  est  medicus  semper  honesta  facit. 

Calliope,  proprio  cetu  comitata  sororum, 

Militis  acta  proba,  que  tibi  grata  placent. 

Milicie  vita  non  est  felicior  ulla, 
470  Quam  quasi  precipuam  quisque  virilis  amat. 

Rusticus  est  laicus  qui  non  vult  vivere  miles, 
Hoc  si  permittant  sufficienter  opes; 

Non  sine  militibus  reges  sua  régna  tuentur 


MÉLANGES    DE    LITTÉRATURE    CATALANE  235 

Nec  bene,  si  desunt,  patna  tuta  manet; 
475  Milicie  decus  est  propno  si  jure  fruatur, 

Arma  decet  fern,  quando  fréquentât  equos; 
Strenuus  existât  quotiens  ad  bella  paratur 

Nec  facili  causa  det  sua  terga  fuge. 
Nil  valet  in  bello  qui  vivit  deliciose, 
480  Nec  sine  duricia  bellica  palma  datur. 

Quisquis  erit  laycus,  si  miles  non  valet  esse, 

Ut  non  displiceat,  sit  bonus  ipse  pedes  : 
Quemque  decet  patriam  defendere  tempore  belli. 

Quiiibetergo  sciât  quis  modus  arma  gerat. 
485   Ingenio  pugnet  qui  vult  bellando  placere 

Et  non  sit  timidus  cum  ferit  hostis  eum. 
Nil  valet  ingenium  nisi  cui  conjungitur  usus,- 

Sepius  insolitis  pugna  nocere  solet. 

Quando  senecta  venit  gravitas  facit  esse  verendos, 
490  Canities  ornât,  sensus  acutus  adest. 

Admoneat  juvenes,  respublica  gaudeat  illo, 

Omnibus  et  semper  mite  levamen  erit. 
Sed  tamen  ad  senium  caveat  dum  venerit  iste, 

Cui  mors  est  requies,  vivere  quippe  mori. 
495   Preterea  nullus  sibi  jungat  nomen  avari, 

Gaudeat  in  modico  quod  Deus  ante  dédit. 
In  propriis  rébus  cui  nunquam  sutficit  usus 

Dona  Dei  spernit,  peccat  et  ipse  satis  ; 
Quilibet  horret  eum  qui  perdit  commoda  vite 
500  Deque  bonis  secum  nil  moriendo  feret. 

Cui  sua  non  prosunt,  aliis  conservât  habenda, 

Hères  post  mortem  perdet  amore  suo. 
Non  cupiat  quisquam  quod  nunquam  possit  habere  : 

Quod  fortuna  dédit  sit  satis  illud  ei. 
^05  Quos  vult  sors  ditat,  quos  vult  quoque  compede  tricat 

Incertaque  via  volvitur  ipsa  rota. 
Disposuit  natura  quidem  quicquid  sit  in  orbe, 

Sic  igitur  nullus  querere  plura  potest. 
Qui,  velut  est  dictum,  propnam  vult  ducere  vitam, 

Aurigena  doctus  vate,  facetus  erit. 


LES  MANUSCRITS  FRANÇAIS 

DE    CAMBRIDGE' 


II.  —  BIBLIOTHÈQUE   DE  L'UNIVERSITÉ 

La  Bibliothèque  de  l'Université  de  Cambridge,  bien  que  notablement 
moins  riche  à  tous  égards  que  celle  de  l'Université  d'Oxford,  ne  laisse 
pas  de  contenir  un  nombre  considérable  de  manuscrits  précieux  pour 
l'histoire  de  la  littérature  française  du  moyen  âge .  A  la  vérité  la  plupart 
de  ces  manuscrits  ont  été  exécutés  par  des  scribes  anglais  et  les  ouvrages 
qu'ils  renferment  ont,  en  général,  été  composés  en  Angleterre.  Cambridge 
n'a  pas  eu,  comme  Oxford,  l'heureuse  fortune  de  s'enrichir  de  collections 
formées  en  partie  ou  même  en  totalité  sur  le  continent,  comme  celles  de 
Bodley,  de  Hatton,  de  Douce,  de  l'abbé  Canonici.  Nous  rencontrerons 
cependant,  au  cours  de  notre  exploration ,  quelques  volumes  d'origine  pure- 
ment française,  et  d'ailleurs  la  littérature  anglo-normande,  qu'il  serait 
peut-être  plus  juste  d'appeler  franco-anglaise,  est  en  elle-même  pleine 
d'intérêt,  et  par  ses  origines  nous  touche  d'assez  près  pour  mériter 
toute  notre  attention. 

L'histoire  de  la  Bibliothèque  de  l'Université  de  Cambridge  ne  pourra 
jamais  être  faite  d'une  façon  aussi  complète  que  celle  de  la  Bodléienne. 
Celle-ci,  en  effet,  a  reçu,  par  suite  de  legs  ou  d'acquisitions,  des  accrois- 
sements considérables  jusqu'en  ce  siècle,  et  les  documents  sont  naturel- 
lement d'autant  plus  abondants  que  les  faits  sont  plus  récents.  A  Cam- 
bridge la  section  des  manuscrits  ne  s'est  pas  sensiblement  augmentée 
depuis  1715,  et  pour  l'époque  antérieure  les  documents  présentent  bien 
des  lacunes.  Ordinairement  l'examen  individuel  des  livres  fournit  des 
notions  précises  sur  l'origine  de  chacun  d'eux,  mais  à  Cambridge  cette 
ressource  fait  souvent  défaut,  du  moins  pour  la  partie  la  plus  ancienne 
de  la  collection,  qui  a  été  reliée  à  nouveau  dans  la  première  moitié  du 


Pour  le  premier  article,  voy.  Romania,  VIII,  505. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE  237 

xvii*  siècle  et  a  perdu  dans  cette  opération  les  marques  de  provenance 
qu'on  trouve  généralement  sur  les  feuillets  de  garde  ou  en  quelque 
endroit  des  anciennes  reliures. 

Le  travail  le  plus  satisfaisant  qui  existe  sur  l'histoire  de  la  Bibliothèque 
de  l'Université  est  dû  à  la  plume  de  feu  Henry  Bradshaw,  qui  depuis 
i8$6  jusqu'à  sa  mort  (lo  février  1886)  a  consacré  la  meilleure  part 
de  son  activité  au  service  de  la  Bibliothèque,  d'abord  comme  conser- 
vateur des  manuscrits,  puis  (8  mars  1867)  comme  bibliothécaire  en 
chef.  C'est  un  court  mémoire^  publié  d'abord  en  forme  de  lettres,  dans 
le  Cambridge  University  Gazette  de  février  et  de  mars  1869,  puis  réimprimé 
sans  modifications  en  1881  ' .  Les  grandes  lignes  du  sujet  y  sont  tracées 
avec  netteté  et  tous  les  faits  généraux  y  sont  mentionnés  et  classés. 
Mais  on  n'y  trouve  rien  sur  l'histoire  des  livres  antérieurement  à  leur 
entrée.  Or  Bradshaw  possédait  des  notions  exactes  et  variées  sur  les 
collections  anglaises  du  moyen  âge  et  de  la  Renaissance;  il  connaissait 
l'écriture  des  anciens  possesseurs  de  ces  collections,  et  il  est  peu  de 
manuscrits  importants  de  la  Bibliothèque  de  l'Université  sur  l'origine 
desquels  il  n'eût  été  en  état  de  fournir  quelques  renseignements.  Mal- 
heureusement, il  n'a  rien  communiqué  au  public  de  toutes  ces  petites 
trouvailles  dont  l'ensemble  eût  formé  un  mémoire  important,  et  qui  ne 
seront  peut-être  jamais  faites  de  nouveau. 

Les  plus  anciens  documents  que  nous  possédions  sur  la  Bibliothèque 
de  rUniversité  remontent  au  xV  siècle.  Ce  sont  deux  catalogues,  tous 
deux  publiés  en  1853  par  Bradshaw  2,  l'un  sans  date,  mais  rédigé  vers 
14505  et  contenant  des  additions  jusque  vers  1440,  l'autre  daté  de  1473. 
Dans  le  premier  les  livres  sont  classés  par  matière.  Chaque  article  est 
accompagné  de  l'indication  des  premiers  mots  du  second  feuillet,  et  du 
nom  du  donateur.  Le  second  catalogue  est  un  inventaire  qui  suit  l'ordre 
des  rayons.  On  y  trouve  aussi  l'incipit  du  second  feuillet.  Il  énumère 
350  ouvrages  entre  lesquels  je  n'ai  pas  remarqué  un  seul  titre  français. 
Nous  sommes  assez  mal  renseignés  sur  l'histoire  de  la  Bibliothèque  pen- 
dant l'époque  qui  s'écoula  entre  1473  et  le  milieu  environ  du  xvi''  siècle. 


1 .  The  University  Library.  Papers  contributed  to  the  Cambridge  University 
Gazette^  1869,  by  H.  Bradshaw.  Cambridge,  Macmillan,  1881.  In-8, 31  pages. 
Cette  brochure  forme  le  n°  5  des  Memoranda,  du  même  auteur. 

2.  Publications  of  thc  Cambridge  antiijuarian  Society ,  série  m-8^  communications 
t.  II,  n'-»  4,  pp.  239  et  suiv. 

3.  Bradshaw  le  croyait  d'abord  antérieur  à  1424,  puis,  ayant  changé  d'avis, 
il  le  considéra  comme  postérieur.  J'adopte  la  date  «  about  1430  »  indiquée  par 
M.  Luard,  A  chronologual  list  of  ihe  grâces,  documents  and  other  papers  in  the 
University  Registry  which  concern  the  University  Library,  Cambridge,  1870,  in-8°. 


238  p.    MEYER 

Bradshaw  rappelle,  dans  l'opuscule  cité  plus  haut,  les  bienfaits  de  l'évêque 
Rotherham  (f  archevêque  d'York  en  1  $00)  qui  exerça  à  diverses  re- 
prises les  fonctions  de  chancelier  de  l'Université  entre  1469  et  1485  et 
de  l'évêque  Tunstall,  vers  1^30;  mais  de  tous  les  accroissements  dont 
s'enrichit  la  Bibliothèque  pendant  cette  période,  il  ne  subsiste  mainte- 
nant que  peu  de  chose . 

En  effet,  l'Université  de  Cambridge  n'échappa  point  aux  effets  désas- 
treux de  la  fureur  antipapiste  qui  sévit  en  Angleterre  au  commencement 
du  règne  d'Edouard  VI,  vers  1547,  et  qui  amena  la  destruction  ou  la 
dispersion  de  la  plupart  des  anciennes  collections  monastiques  ou  uni- 
versitaires. Seules,  les  librairies  des  cathédrales  paraissent  avoir  été 
épargnées,  à  peu  d'exceptions  près.  Tout  ce  qui  fut  pris  ne  fut  pas 
détruit  et  les  bibliophiles  du  temps  surent  profiter  de  la  sottise  de  leurs 
contemporains.  A  Cambridge  le  désastre  fut  peut-être  un  peu  moins 
grand  qu'à  Oxford,  où  toute  l'ancienne  bibliothèque  universitaire  dis- 
parut. Des  30  livres  du  catalogue  de  1473,  il  en  reste  19  sur  les  rayons 
de  la  Bibliothèque  actuelle  '.  C'est  assez,  remarque  Bradshav^,  pour 
maintenir  la  continuité  de  la  Bibliothèque  depuis  son  origine. 

En  1 574  la  Bibliothèque  ne  contenait  en  tout  que  180  volumes  ^  Mais 
dès  lors  elle  s'accroît  rapidement.  L'archevêque  de  Cantorbéry  Mathieu 
Parker  lui  fit  à  cette  date  un  don  important  de  livres,  entre  lesquels 
vingt-cinq  manuscrits.  D'autres  suivirent  son  exemple,  et  le  fait  qu'en 
1 577  nous  trouvons  pour  la  première  fois  la  mention  d'un  bibliothécaire 
attitré  5  est  la  preuve  du  progrès  constant  de  la  collection.  En  1600  parut 
l'Ecloga  Oxonio-Cantabrigensis  de  Thomas  James,  le  premier  en  date  des 
bibliothécaires  delaBodléienne,oùsetrouve  un  inventaire  des  manuscrits 
que  possédait  alors  l'Université  de  Cambridge^.  Cet  inventaire  est  divisé 
en  deux  séries:  dans  la  première,  contenant  222  numéros,  sont  enregistrés 
les  livres  possédés  par  la  Bibliothèque  antérieurement  à  la  donation  de 
Mathieu  Parker;  la  seconde,  n"^  223  à  259,  est  précédée  de  cette  sus- 
cription  :  Libri  omnes  subséquentes  ex  dono  beatissim£  memon<z  Reveren- 
dissimi  in  Chrisîo  Patris  Maîhis  Parkerl  archiepiscopi,  in  cistaquadam  intra 
Bibliothecam  inclusi,  diligentissime  custodiuntur.  Toutefois  il  ne  faudrait 
pas  croire  que  les  trente-sept  articles  compris  entre  les  n°^  223  et  259 

1.  C'est  du  moins  le  chiffre  que  donne  Bradshaw,  Cambr.  antiq.  Soc,  vol. 
cité,  p.  240. 

2.  Bradshaw,  The  University  Library^  p.  14. 

3.  Ibid.,  p.  15. 

4.  Pages  53-69.  Pour  le  contenu  du  reste  du  volume,  voy.  Romania^  VIII, 
305.  L'inventaire  donné  par  James  est  réimprimé  dans  les  Catalogi  de  1697,  I, 
2«  partie,  pp.  164-173.  A  la  suite  (173-4)  est  imprimée  la  liste  des  mss. 
orientaux  acquis  de  Th.  Erpenius. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE  2^9 

viennent  tous  de  Parker:  on  y  voit  mentionné  sous  le  n"  257  le  célèbre 
Nouveau  Testament  trouvé  en  1561  à  Saint-Irénée,  près  de  Lyon,  et 
donné  à  l'Université  de  Cambridge  en  1 561  par  Théodore  de  Bèze  ',  et 
il  esta  croire  que  d'autres  livres  étrangers  à  la  donation  de  Parker  ont 
été  placés  sous  la  rubrique  rapportée  ci-dessus. 

Pour  l'histoire  delà  Bibliothèque  de  l'Université  pendant  le  xviii*  siècle, 
je  dois  renvoyer  le  lecteur  à  l'opuscule  de  Bradshaw^^  d'autant  plus  que 
durant  cette  période  les  acquisitions  de  manuscrits  furent  peu  nom- 
breuses, du  moins  de  manuscrits  occidentaux,  car  en  1632  et  en  1648 
deux  collections  importantes,  l'une  de  mss.  orientaux,  l'autre  de  mss. 
hébreux,  furent  achetées  pour  l'Université.  Il  faut  cependant  mentionner 
ici  l'entrée  des  livres  vaudois  recueillis  par  Samuel  Morland,  envoyé  de 
Cromvvell  auprès  du  duc  de  Savoie  (1658).  Cette  collection,  peut-être 
la  plus  précieuse  en  son  genre  qui  existe  5,  est  surtout  connue  par  un 
mémoire  de  Bradshaw4. 

C'est  en  1715  que  la  Bibliothèque  de  l'Université  reçut  son  plus  no- 
table accroissement.  A  cette  date  en  effet,  grâce  à  la  libéralité  du  roi 
Georges  I,  elle  entra  en  possession  de  l'une  des  plus  belles  collections  de 
l'époque,  celle  de  l'évêque  d'Ely  John  Moore  [f  17141.  La  Bibliothèque 
universitaire  fut,  par  cette  acquisition,  plus  que  doublée  et  de  nouvelles 
constructions  durent  être  faites  pour  la  recevoir  5.  Nous  pouvons  nous 
former  une  idée  de  ce  qu'était  la  collection  de  manuscrits  de  Moore  vers 
la  fin  du  xYii*"  siècle,  grâce  à  l'inventaire  qu'en  a  publié  Bernard  dans 
ses  Caîalogi  11697),  II,  361-78  et  393-9.  Elle  contenait  alors,  pour  les 
seuls  mss.,  827  numéros,  entre  lesquels  figurent  les  plus  précieux  des 
mss.  français  qui  seront  étudiés  plus  loin.  A  la  fin  de  Tannée  même  où 
furent  publiés  les  Catalogl  elle  s'accrut  encore  d'une  cinquantaine  de  vo- 
lumes provenant  de  la  collection  de  l'antiquaire  J.-B.  Hautin,  mort  en 
1640,  et  par  conséquent  presque  tous  d'origine  française  6.  La  plupart 


1.  Voir  sur  l'histoire  de  ce  précieux  ms.  la  préface  de  Scrivener,  Btza  codex 
Cantabngicnsis^C^mhùûgç,  1864,  in-4''. 

2 .  On  peut  aussi  consulter  avec  truit  la  liste  des  bienfaiteurs  de  la  bibliothèque 
universitaire  qui  a  été  dressée  par  Ch.  H.  Cooper,  Mcmorialsoj  Cambridge^  a  new 
édition,  III  (1866),  67-77.  Cette  liste,  qui  commence  avec  Thomas  Langley, 
évêque  de  Durham  (f  1437),  ne  spécifie  point  les  livres  donnés. 

3.  On  sait  qu'il  existe  deux  autres  collections  importantes  de  mss.  vaudois, 
l'une  à  Trinity  Collège  Dublin,  l'autre  à  Genève. 

4.  Publié  d'abord  dans  les  Communications  de  la  Cambridge  antiquarian 
Society,  II,  puis  réimprimé  par  le  D''  Todd  à  la  fin  de  son  ouvrage  intitulé  The 
Booksofthc  Vaudois  (London,  1865,  in-12). 

y  Bradshaw,  The  Univ.  Library,  p.  25. 

6.  Voy.  PaUographical  Society.,  notice  de  la  pi.  139.  Cette  notice  est  due  à 
Bradshaw. 


240  p.    MEYER 

des  livres  provenant  de  Moore  portent  encore  maintenant,  sur  le  plat 
intérieur  de  la  reliure,  une  gravure  qui  rappelle  leur  origine. 

Malheureusement,  le  défaut  de  surveillance  fut  tel,  pendant  les  trente- 
cinq  années  qui  s'écoulèrent  entre  cette  acquisition  et  l'ouverture  de  la 
nouvelle  bibliothèque,  que  beaucoup  de  livres,  manuscrits  ou  imprimés, 
furent  enlevés'.  Il  n'est  pas  possible  d'apprécier  l'étendue  des  pertes, 
parce  qu'il  ne  fut  pas  fait  de  récolement  des  livres  de  Moore  à  leur 
arrivée  :  nous  sommes  réduits  à  l'inventaire  des  mss.  publié  par  Bernard, 
dix-sept  ans  avant  la  mort  du  possesseur,  et  il  ne  paraît  pas  que 
personne,  jusqu'ici,  ait  eu  l'idée  de  dresser  une  concordance  de  ces  inven- 
taires avec  l'état  actuel  de  la  collection.  J'établirai  cette  concordance 
pour  les  mss.  dont  j'aurai  à  m'occuper  dans  le  présent  travail. 

En  1794,  J.  Nasmith,  déjà  connu  par  son  catalogue  des  mss.  de 
Corpus,  fut  chargé  de  rédiger  le  catalogue  des  mss.  de  la  Bibliothèque 
universitaire*.  Son  travail,  exécuté  de  1794  à  1796,  comprend  tous  les 
mss.  que  possédait  alors  la  Bibliothèque,  les  orientaux  exceptés.  Les 
notices  sont  fort  détaillées,  et  les  erreurs  et  les  omissions  qu'on  y  peut 
relever  sont  de  celles  qu'il  était  difficile  d'éviter  à  la  fin  du  siècle  dernier. 
L'œuvre  de  Nasmith  n'a  pas  été  imprimée,  mais  elle  a  fourni  le  texte  du 
petit  livre  publié  par  M.  J,-0.  Halliwell  (maintenant  Halliwell-Phillipps), 
sous  le  titre  de  The  manuscripî  rarities  oj  the  University  of  Cambridge, 
(London,  1841,  in-S",  175  pages).  Bien  que  le  nom  de  Nasmith  ne  soit 
pas  prononcé  dans  le  court  avant-propos  qui  précède  l'ouvrage,  l'auteur 
ne  peut  ignorer  qu'il  n'a  fait  que  copier,  en  l'abrégeant,  le  volumineux 
travail  de  son  devancier.  M.  Halliwell  a  arrêté,  sans  dire  pourquoi,  sa 
copie  à  la  série  FF,  tandis  que  Nasmith  poursuit  jusqu'à  NN. 

Un  nouveau  catalogue,  conçu  selon  le  plan  étendu  qu'avait  suivi 
Nasmith,  mais  plus  riche  en  renseignements  bibliographiques,  a  été 
publié  par  l'Université  en  sept  volumes  in-8  de  1856  à  18675.  Si  soigné 
que  soit  ce  travail,  qui  a  été  exécuté  par  une  commission  formée  de 
membres  de  l'Université,  on  comprend  que  les  ouvrages  français  du 
moyen  âge  n'y  sont  pas  décrits  et  identifiés  avec  la  même  sûreté  que  les 
ouvrages  grecs  ou  latins.  Je  me  bornerai  toutefois,  pour  les  manuscrits 


1.  Toutefois  certains  livres  ont  pu  s'égarer  du  vivant  de  leur  propriétaire. 
C'est  ce  qui  est  arrivé  pour  le  n»  784  du  catalogue  publié  par  Bernard 
(II,  398).  Ce  ms.,  qui  contient  d'intéressants  morceaux  de  littérature  anglo- 
normande  et  anglaise,  fut  prêté  par  Moore  à  l'évêque  Tanner,  et  finit  par 
entrer  dans  la  Bibliothèque  Harley  (n°  913);  voy.  Crotton  Croker,  Pop.  Songs 
of  Ireland,  1839,  p.  277  et  suiv. 

2.  Voy.  Chronologicd  List^  etc.  n"  255.  Nasmith  reçut  pour  son  travail 
350  livres  [ibid.  n»  265). 

3 .  A  Catalogue  oj  the  manuscrits  prescrved  in  the  library  of  the  University  of 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE  24I 

de  peu  d'importance,  à  jrenvoyer  à  ce  catalogue,  mon  intention  étant 
d'étudier  seulement  ceux  des  mss.  français  qui  présentent,  à  quelque 
titre  que  ce  soit,  un  réel  intérêt. 


DD.    10.  51.  —  Poème  allégorique.  —  Chansons.  —  La  petite 

PHILOSOPHIE. 

Parchemin;  hauteur:  o  '"  2$o;  largeur:  o  '"  180.  Il  n'y  a  pas  de 
pagination  moderne',  mais  les  cahiers,  formés  de  quatre  feuillets  doubles, 
sont  pourvus  de  signatures  (Aj,  Aij,  etc.)  qui  comprennent  tout  l'al- 
phabet et  de  plus  deux  signes  (&  et  :.).  La  plus  grande  partie  du  vo- 
lume est  occupée  par  des  ouvrages  latins:  1°  Un  Geoffroi  de  Monmouth 
incomplet  du  début;,  avec  continuation  jusqu'à  1265  ;  une  chronique  des 
empereurs  et  des  papes  jusqu'à  1 2  2 1 ,  et  VExcidium  Troja  de  Dares.  Avec  le 
cahier  z  commencent  des  poésies  françaises,  certainement  composées  en 
Angleterre,  qui  occupent  les  vingt-quatre  derniers  feuillets.  Le  ms.  est 
incomplet  de  la  fin  comme  du  commencement.  La  partie  française  ne  me 
paraît  pas  être  de  la  même  main  que  la  partie  latine.  Toutefois  les  deux 
écritures  semblent  ^être  du  même  temps,  soit  de  la  fin  du  xiii'^  siècle  2. 

Ce  ms.  porte  l'estampe  qui  distingue  les  livres  donnés  par  le  roi 
Georges  I,  en  171 5.  Il  y  a  lieu  de  l'identifier  avec  le  n"  824  de  l'inven- 
taire de  la  collection  Moore  publié  dans  les  Catalogi  de  Bernard,  t.  II, 
p.  399. 

1.  — ^ Court  poème  allégorique  en  tercets  de  vers  de  sept  syllabes. 
Toutefois  les  dix  premiers  vers  riment  deux  par  deux,  et  de  ces  dix  vers 
les  cinq  premiers,  qui  forment  comme  l'introduction  du  poème,  sont  oclo- 
syllabiques .  D'après  cette  sorte  d'introduction,  il  semblerait  que  le  poème 
va  conter  la  plainte  amoureuse  d'un  rossignol,  mais  il  n'en  est  rien:  le 
personnage  mis  en  scène  est  un  amoureux  quelconque  qui  expose  ses 
peines  à  sa  bien-aimée,  en  donnant  à  son  récit  une  forme  allégorique.  Au 
printemps  il  voit  la  tour  où  son  cœur  est  emprisonné.  Il  s'y  rend  par  un 
sentier  agréable  ;  mais  à  peine  était-il  arrivé,  qu'un  pont-levis  se  lève 
devant  lui  en  le  frappant  au  visage.  Puis  un  manteau,  venu  on  ne  sait 


Cambridge.  Edited  tor  the  Syndics  of  the  University  Press.  Cambridge,  at  the 
University  Press.  —  Depuis  1876  ont  paru  divers  catalogues  relatifs  aux 
manuscrits  orientaux. 

1.  Sauf  pour  la  partie  française  dont  les  feuillets  sont  numérotés  1  et  suiv. 

2.  Le  catalogue  assigne  tout  le  ms.  au  xiv«  siècle. 

Romania,XV  16 


2^.2  P.    MEYER 

d'où,  l'enveloppe  subitement.  Désespérant  de  pénétrer  dans  la  tour,  il 
nous  fait  connaître  ceux  qui  y  tiennent  garnison,  et  d'abord  les  douze  (?) 
pairs  qui  ont  la  garde  de  la  tour  et  lui  ont  fait  hommage.  Voici  leurs 
noms  avec  la  fonction  de  chacun:  Beauté,  connétable;  Honneur, 
sénéchal;  Franchise,  maréchal;  Douceur,  chambellan;  Courtoisie  et 
Largesse,  trésoriers;  Pureté,  garde-corps;  Bonté,  Sens,  Loyauté, 
capitaines.  Notre  auteur  fait  encore  mention  de  Fierté  et  de  Debonnai- 
RETÉ,  mais  on  ne  voit  pas  bien  s'il  les  met  au  nombre  des  habitants  de 
la  tour.  Or  cette  tour  n'est  point  autre  chose  que  le  corps  de  sa  dame 
(vv.  145  et  suiv.)  ;  le  sentier  qui  mène  à  la  tour  est  son  regard,  le  pont- 
levis  est  son  «  semblant  »  ;  le  manteau  est  l'amour  qu'il  a  pour  elle. 
L'allégorie  ne  paraît  pas  être  poursuivie  plus  loin-  et  l'auteur  termine  par 
des  plaintes  amoureuses.  C'est  en  somme,  sous  une  forme  recherchée, 
une  complainte  d'amour,  qui  commence,  dans  la  forme  ordinaire,  au  v.  7. 


I   Le  russinole  voleit  amer  (f.  1) 
E  mist  quer  e  cors  e  poer 
A  leal  amur  meintenir 
4  E  en  avant  voleit  mûrir 
Co[m]  vus  purrez  après  oïr  ; 
Si  comence  issi  : 
En  chantant  vus  faz  ma  pleinte, 
8  Dame  k'avez  lealté  meinte  ; 

En  pleygnant  vus  taz  mun  chant 
10  E  a  pouurus  semblant, 
E  vus  di  tute  ma  querele. 
Au  duz  tens  quant  renovele 
1 3  Choisi  la  tur  hait  e  bêle 
Ke  tant  me  tient  en  prisun. 
Joealai  par  grant  reisun; 
16  Si  vus  dirrai  l'encheisun 
Ke  me  fist  cel  eire  enprendre  : 
Un  senter  i  vy  estendre, 
19  A  la  tur  tant  bealté  rendre 
Ke  n'oy  soyng  de  sojur; 
A  joie  ving  e  a  duzur. 


22  Tant  [i]  musai  par  folur 
Ke  me  sourt,  a  foerdelere, 
Pounl  tretiz  de  grant  manere 

25  Ke  tu  m'ad  baty  la  chère; 
Si  m'ad  fet  meint  grant  revel. 
Un  tur  y  fis  de  novel  ; 

28  Lors  m'enclost  un  grant  mantel 
Haut  e  fort  a  démesure, 
Si  m'ad  fet  tel  enserure, 

3 1  Dunt  j'ai  perdu  enveysure, 
Tant  suy  murnes  e  pensifs. 
Cist  manteals  m'ad  tant  malmis 

34  E  en  tel  destreit  assis 
Ke  jo  ne  puis  a  chef  trere 
Pur  ren  ke  jo  puisse  fere,        (b) 

37  Ne  la  tur  ne  puis  cumquere 
Ne  a  force  ne  par  engin, 
K'ele  set  sur  un  marbrin, 

40  E  tient  a  sei  tut  enclin 
Garnature  bêle  e  gente 
Dunt  chescun  d'eus  le  présente 


I.  Au  V.  190  «  Gentillesse  »  semble  bien  être  l'interprétation  d'un  des  types 
allégoriques  présentés  plus  haut,  mais  le  v.  189,  qui  devrait  indiquer  ce  type, 
fait  défaut. 

20  On  peut  compléter  ce  vers  en  corrigeant  K'onques.  —  21  Ms.  v.  e  la  d.  — 
23  C'est  l'expression  française  a  larron. —  25  Corr.  m'abaty. —  40-41  Manque- 
t-il  un  tercet  entre  ces  deux  vers,  qui  ne  paraissent  pas  donner  un  sens  suivie 


MANUSCRITS    FAANÇAIS    D 

43  Tute sa  plenere entente 

A  meintenir  sun  noblei. 

Tant  li  portent  bone  fei 
46  Chescun  de  nus  endreit  de  sei 

Ke  trestut  le  sanc  me  mue. 

Cum  plus  i  vey  bêle  veue 
49  Plus  en  tremble  etressue; 

Si  m'en  est  li  mais  plus  gref. 

Cornent  ke  seie  a  meschef, 
52  Chanter  m'estuit  de  rechief. 

De  la  halte  tur  garnie 

E  de  la  noble  meinye 
55  K'ele  tient  en  sa  ba^llie 

Vus  dirrai  tut  au  premer. 

Il  i  sunt  li  duple  per 
58  Kela  tur  unt  a  garder. 

Fiance  l'unt  iet  e  homage, 

Mut  sunt  de  gentilz  parage; 
61   Ne  le  tiengez  a  outrage 

Si  lur  nuns  poez  aver, 

Solun  mun  sen  e  saver 
64  Vus  dirrai  trestut  le  veir, 

Ne  quidez  (pas)  ke  ço  seit  fable. 

Bealté  y  est  conestable; 
67  Tut  adès  se  tient  estable 

E  denz  tut  se  fet  eslit. 

De  ço  fet  trop  ke  parfit. 
70  Orgoil  tient  en  [grant]  despit; 

N'ad  cure  de  s'acoyntance  ;     (c) 

Tut  sanz  lui  sun  sen  avance 
73  En  ben  e  en  avenance, 

Si  a  i  peynes  e  travals. 

HoxuR  i  est  seneschals 
76  Sur  tute  vertu  reals, 

Huntage  par  tut  despise; 

Mareschal  i  est  Fr-WCHIse  : 
79  Ne  fereit  une  mesprise 

Pur  ren,  en  ço  ke  jo  enteng. 


E    CAMBRIDGE    !DD.  10.  3 


245 


82 


85 


94 


97 


103 


106 


109 


DuzuR  i  est  chamberleng; 
Amur  est  kanke  j'enpreng; 
Dunt  remeyng  en  tel  destresce. 

CURTEYSIE  e  LARGESCE 

I  sunt  adès  sanz  peresce 
Ki  enpleynt  les  trésors; 
Nettez  i  est  gardefcjors, 
Tant  k'au  funz  de  quer  marmors 
E  me  ront  tote[s]  les  veines. 
Pusi  sunt  treis  chevetenes 
Ki  trop  m'enoytent  les  peynes, 
Dunt  suy  tant  mal  démené  : 
BuNTÉ,  Sen  e  Lealté 
Sunt  li  troys  entrejuré 
Ke  tute  vertu  retenent; 
Lur  estât  tant  ben  retenent, 
Ben  sai  ke  de  els  me  venent 
Les  anguisses  ke  j'en  treys; 
Trop  suy  chargé  de  gref  fès  ; 
Si  m'en  doil  jo  n'en  puys  mes, 
Tant  me  venent  a  grant  masse. 
Une  i  est  ke  tut  me  quasse, 
Mut  [a^  enviz  la  nomasse, 
Mes  mun  quer  en  fin  le  voet, 
Le  meuz  fet  ke  fere  poet 
Ke  de  gré  fet  ço  k'estoet,        (d) 
Mes  ceo  ert  en  vostre  menoye  : 
C'est  Ferté  ke  me  gerroye 
E  me  tout  tute  ma  joie; 
Si  m'esta  ne  sai  coment, 
Mes  trop  me  fet  le  quer  dolent, 
Main  e  seir,  e  ceo  sovent, 
Kant  mes  mais  ne  me  lest  dire, 
Si  m'ad  le  quer  enflé  de  ire 
E  me  tient  en  tel  ma[r]lire, 
Tart  e  tempre,  sanz  repos, 
Ke  me  dolent  tuz  les  os, 
Si  k'a  poy  me  ront  le  dos. 


46  Corr.  ch.  d'eus,  pour  le  sens  et   pour  la  mesure.  —  57  Corr.  "duze  p.  ?. 

—  62  poez,  eorr.  volez.—  68  Corr.  d'euz  tuz?  —  81  Duzur,  ms.  Dunt  tour.— 
88  Corr.  m'a  mors.''  qui  rimerait  correclement  avec  cors.  —  95  retenent,  corr. 
mantement.?  —  106  Ke  pour  ki.  C'est  à  peu  pris  le  proverbe:  «  Ki  fait  ce  qu'il 
puet,  on  nelu-jdoit  plus  demander.  »  (Le  Roux  de  Lincy,  Liv.  des  prov.  II,  392), 

—  118  k'a,  ms.  ke. 


244  P-  m?:yer 

Tant  me  fet  dure  trayne  ! 

Mes  deboner[e]té  fine 
12  1   Ke  tuz  les  bens  me  destine 

M'en  ad  respité  la  mort 

E  me  fet  meint  beau  déport, 
124  K'en  ly  est  tutmun  confort 

E  quanke  mun  quer  espeire. 

I  27  Nuyt  e  jur  e  fet  sun  aire, 

Kar  autre  retur  n'y  voy . 

Con''ort  en  ay,  mes  ceo  pcy; 
ijo  Si  m:  teyng  cnsi  tutcoy, 

S'en  languiss  en  tel  meseyse. 

Estrangement  se  richeise 
133  La  tur  dcsus  la  faloyse 

En  dedut  e  en  solaz; 

E  jo,  chaitif,  ne  sai  ke  faz  1 7  $ 

136  Mes  ke  pris  suy  en  sun  iaz. 

Si  ne  puis  merci  ateindre, 

Ma  pleinte  ne  puis  mes  feyndre,       '7° 

139  Kar  cy  mais  me  vient  destreindre. 

Pur  ceo,  dame,  si  vusplet 

181 
Vus  dirray  tut  quank'  en  est 

142  E  coment  ceo  mal  me  crest  (/.  2) 

Ke  m'ad  tenu  si  grant  pose.  „ 

Eymy  !  trop  est  halte  chose. 
145  La  tour  ou  [si]  se  repose 

Chescune  bêle  vertu, 

C'est  voz  cors  dunt  suy  enu, 
148  Si  sotivent  m'adreceu. 

Ben  est  dreit  ke  jo  me  plenge, 

Kar  le  cuertrestut  m'engreynge; 
151  Trop  i  ai  verray[e]  ensoynge, 

Le  cors  en  est  malbailli, 

Du  parler  suy  esbaï, 
1 54  Le  quer  m'en  est  près  failli  ; 

Poi  s'en  faut  ke  ne  me  pasme. 

Mes  si  en  rendisse  l'aime, 
1 57  Lequel  ke  j'oye,  gré  ou  blâme, 
Astenir  mes  ne  me  puys 


Ke  ne  die  mes  enuys 
160  E  le  confort  ke  jo  trouys  {sic] 

En  fet,  en  dit,  (e)  en  pensée. 

Trop  me  fet  dure  hastée 
163   Cyst  senter  ke  tant  m'agrée 

Kant  m'a  mys  ente!  purpens, 

C'est  voz  regarder  tut  tens, 
166  Me  neynlit  trestut  mun  sens, 

Si  fetement  s'cnprent  Tovre  ; 

Le  pont  tretiz  trop  se  covre; 
169  Ja  pur  ren  ne  se  descovre 

N'a  certes  n'efn]  jeu  n'en  gas: 

C'est  voz  semblant,  eymy  las  ! 
72  Tant  m'ad  mis  de  hait  en  bas 

Ke  du  dire  ay  grant  vergoygne. 


Li  manteals  ver[s]  moy  s'aseygne, 
Si  me  retent  en  sun  bail 
Lors  me  fronte  d'un   grant  mail, 
Assez  en  avreit  un  chamail,     (b) 
Ke  assez  est  plus  fort  k'un  home  : 
C'est  votre(^/c)hamur,  c'est  lasum- 
Fol  ne  sage  cy  k'a  Rome      [me]; 
N'en  sout  unkes  mes  nul  mot. 
De  vus  m'estuit  venir  lot  (sic), 
Quel  en  serray,  sage  ou  sot, 
K'en  vus  remaint  tute  l'ovraigne. 
Trop  est  halte  la  montaigne 
Dunt  li  rampir  me  mahaygne, 
Mes  de  l'espleiter  n'y  ad  point  ; 


187 


190  C'est  gentillesce  ke  poynt 
Mun  quer  ke  tant  se  travaille 
Sanz  merci  ke  ren  ne  vaille, 

193  Kar  jeo  seng  si  gref  bataille 
Ke  !a  vie  près  me  faut. 
Mes  cy  senter  ke  tant  vaut 

196  Me  fist  a  primes  si  baut 

Ke  d'autre  ren  ne  pris  garde. 
Pus  me  mist  en  une  engarde 

199  Ke  tut  le  quer  me  couarde 


126  Vers  omis. —  135  Suppr.  E .?  —  147  La  fin  du  vers  paraît  corrompue. 
—  148  Corr.  Si  suefment  m'ad  deceû .?  —  i<^j  Corr.  k'aye.? —  192  merci,  ms. 
merit.    —    195  cy,  corr.  cist,  de  même  v.  260,  294. 


/v 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE 

Despuys  ke  passay  le  pount, 

Ke  d'espleiter  me  somunt, 
202  E  pus  m'a  mun  eyre  rount  ; 

En  tut  poinz  mun  sens  afole. 

Trop  me  tient  en  dur'  escole 
205  Kant  ne  poy  aver  parole. 

Cyst  manteals  dunt  jo  me  pleing, 

Certes,  trop  m'ad  en  dedeygn 
208  De  si  cum  ren  ne  me  feyng 

De  lui  servir  sanz  deceyte. 

M'enprise  est  trop  male[e]ite, 
21 1   Kar  de  mal  en  pys  me  hete. 

Tant  est  cist  manteals  hauteyn 

De  l'escondit  suy  certeyn, 
214  Si  ay  le  quer  (e)  mat  e  veyn,    (c) 

La  mort  ne  pus  mes  esturdre. 

Ke  vaut  mun  quer  ensi  turdre? 
217  Si  jo  moer  de  si  t'et  mordre, 

Gueres  ne  serra  conseil 

Kar  de  ceo  sunt 
220  Si  cels  ki  sunt  my  pareil 

N'enfacent  mut  tré[s]  grant  noyse. 

E  sachez  ke  trop  me  peyse  : 
223  Meulz  volsisse  pleine  toyse 

Aver  perdu  de  ma  char, 

K'il  dirrunt  ke  pareschar 
226  M'avrez  murdri  sanz  esgar, 

E  ceo  vus  serreit  grant  hunte. 

Cest  pleder  a  mey  k'amunte? 
229  Ceo  serra  la  fin  du  cunte, 

Ke  trop  est  de  mal  acoyl 

Amur  kant  ensi,  sun  voil, 
232  Murdrit  la  gent  par  orgoil. 

N'est  pas  l'amur  delituse, 

Einz  est  peyne  doluruse, 
235  Dure  prisun  e  hyduse 

Ke  l'amant  ensi  deceit, 

Kar  a  primes  mut  la  creit 
238  E  en  quide  fere  espleit, 

Kant  li  surt  a  la  secunde 

Tristece  tut  a  la  runde 


CAMBRIDGE    (DD.IO.Jl)  245 

241   Ke  nuyt  e  jur  le  surunde 

E  le  sert  tut  a  reburs. 

Lors  li  cressent  li  mais  jurs, 
244  Languir  l'estut  en  dolurs. 


L'amurs  de  vus  tant  m'alume 
247  Ke  le  quertrestut  m'en  fume, 

Ne  pur  freit  ne  chaud  n'esteint, 

Mes  en  suspirant  se  pleint 
250  Ke  vostre  ferté  l'enpeint  (d) 

E  ses  dolurs  trop  l'agrège. 

Deboner[e]té  l'alegge 
253  E  mult  de  ses  mais  abregge, 

.S'en  est  entre  ben  e  mal, 

Un'hure  amunt,  Jun'jautre  aval  ; 
2  56  L'un  est  (a)l  autre  cuntrestal. 

La  fevre  trop  ben  resemble 

Tûtes  ses  veynes  ensemble, 
259  Une  hure  art,  un'  autre  tremble. 

Si  le  demeynentcy  deus  : 

L'un  est  duz,  li  autre  feus; 
262  Servir  les  covient  amdeus  ; 

Meuz  li  plerreit  l'une  suie, 

Kar  il  est  cum  mer  ke  foie  ; 
265  E  quant  plus  ne  poet  se  coule, 

Lors  enpeyre  sun  esta(s)t, 

K'a  sey  meimes  se  combast 
268  Tant  k'après  en  est  tut  mat. 

Nuyt  ne  jur  ja  ne  s'areste  ; 

Puys  est  vent  que  tempeste, 

Esi  fetmeint  grant  moleste; 

Pus  est  poy  e  pus  est  nent. 

Ne  sai  dunt  force  li  vent 
274  Ke  si  grant  estour  soustient, 

Mes  le  vis  en  ad  tut  pale; 

Lors  est  soiayl  ke  se  haie 
277  En  muntant,  et  pus  avale; 

Tant  s'en  turt  ke  n'en  poet  plus. 

Kant  tut  s'est  mis  a  desus, 
280  Trébucher  l'estut  tut  jus; 

S'en  devient  plus  neir  ke  moure. 


27 


205  Ms.  ne  poy  ne  poi.  —  2 19  Sic,  siippl. 
—   231   kant,  ms.  kont.  —  2 <^']-^  corrompu? 


?  —  220  pareil. 


peryl. 


246                                                            p.  MEYER 

Si  fetement  me  savoure  La  mort  kant  cy  mau   me  grève, 

283  L'amur  de  vus  ke  devoure  295  Tantke  le  quer  près  me  crevé. 

Trestut  le  sanc  de  mun  quer,  Mes  ja  pur  ceo  ne  lerray         (b) 

Ke  jo  ne  puys  a  nul  fuer      (/•  3)  N'en  soye  loyaus  ou  vay 

286  Longes  durer,  einyz  me  muer,  301   E  de  quer  jolifs  e  gay 

Si  d'onur  ne  vus  sovienge  Pur  itant  cum  j'ay  a  vivre. 

Si  vus  pry  ke  ben  avienge;  Kar  jo  moer  tut  a  délivre 

289  Lequel  ke  mal  ou  ben  en  vienge,  304  Mut  ducement,  tant  m'enyvre 

L'un  des  deux  voyllez  guerpir  ;  La  beauté  ke  voy  en  vus. 

E  si  jo  n'en  puys  garir,  Tut  vus  ay  dit  a  estrus  : 

292  Tantost  me  facez  morir,  307  Dolent  me  fet  e  anguissus 

K'ore  me  serreit  trop  sueve,  L'amur  ke  ja  n'ert  esteynte. 


2  à  7.  —  Suite  de  chansons.  La  première  est  une  chanson  d'amour 
composée  de  cinq  couplets  de  douze  vers  de  sept  syllabes,  dont  les  rimes, 
qui  changent  à  chaque  couplet,  présentent  la  série  abab  baab  baab. 
C'est  précisément  la  forme  qu'offre  une  pastourelle  plusieurs  fois  publiée". 
La  chanson  du  ms.  de  Cambridge  a  certainement  été  composée  en  Angle- 
terre, comme  le  montre  au  premier  couplet  la  rime  de  péché  (français 
pecliie)  avec  divers  mots  en  é  pur,  et  au  cinquième  couplet,  le  mélange 
des  rimes  ener  et  en  ier.  On  remarquera  au  couplet  IV  la  comparaison  de 
l'amant  avec  l'unicorne  qui  s'endort  la  tête  sur  les  genoux  d'une  vierge 
et  se  laisse  tuer  sans  se  défendre.  Le  roi  de  Navarre  en  avait  fait 
usage  dans  sa  pièce  Ausi  corn  l'unicorne  sui-.  La  première  chanson 
est  écrite  à  longues  lignes  occupant  toute  la  largeur  de  la  page,  de  façon 
que  chaque  ligne  comprend  à  peu  près  régulièrement  deux  vers.  Au 
contraire  les  pièces  suivantes,  jusqu'à  la  sixième  inclusivement,  sont 
écrites  à  deux  colonnes,  chaque  vers  occupant  une  ligne,  les  couplets 
étant  distingués  par  un  signe  marginal. 

3.  —  C'est  une  longue  chanson  d'amour  en  trois  couplets  de 
vingt-quatre  vers.  Chacun  de  ces  couplets  se  subdivise  en  six  quatrains, 
les  rimes  se  suivant  dans  cet  ordre;  aaab  aaab  bbba  aaab  bbba  aaab. 
On  pourrait  considérer  chacun  de  ces  couplets  comme  une  chanson  in- 
dépendante. Ce  qui  m'a  amené  à  grouper  les  trois  strophes  en  une  seule 
pièce,  c'est  que  l'idée  se  poursuit  de  l'une  à  l'autre.  Je  ne  connais  du  reste 
aucune  autre  poésie  offrant  cette  disposition,   sinon  la  pièce  rf    5,  du 


1.  Bartsch,  Romanzen  u.  Pastourdkn^  p.  106. 

2.  Publiée  en  dernier  lieu,  sous  le  nom  de  Pierre  de  Gand,  par  M.  Scheler, 
Tr ouverts  belges,  I,  144. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE    (DD.IO.JI^  247 

même  ms.  Le  sens  est  parfois  obscur,  parce  que  le  texte  est  corrompu 
en  plusieurs  endroits.  On  voit  toutefois  que  l'auteur,  parvenu  au  but  de 
ses  désirs,  nous  fait  part  de  son  allégresse,  et  blâme  ceux  qui,  préférant 
la  richesse  à  la  beauté,  adressent  leurs  hommages  à  de  grandes  dames. 

4.—  Cette  pièce  offre  avec  la  précédente  un  rapport  de  formeévident. 
Elle  se  compose  de  cinq  couplets  de  i8  vers  rimant  ainsi:  premier,  qua- 
trième et  cinquième  couplets:  aab  aab  bha  aab  bba  aab;  deuxième 
couplet:  aab  aab  aab  bba  bba  aab;  troisième  couplet:  aab  bba  aab 
aab  bba  aab.  Il  est  certainement  possible  de  faire  de  chaque  couplet 
une  petite  chanson,  mais,  malgré  les  légères  différences  qu'on  remarque 
dans  la  disposition  des  couplets  ii  et  m,  j'aime  mieux  réunir  les  cinq 
strophes  en  une  seule  pièce. 

5. —  La  pièce  $  est,  comme  forme,  identique  au  n°  3.  Pour  le  sujet, 
c'est  un  art  d'amour  en  abrégé.  L'auteur,  qui  depuis  longtemps  s'était 
abstenu  de  chanter,  s'est  remis  à  l'œuvre  pour  instruire  les  jeunes  gens 
qu^il  voyait  se  livrer  à  la  vie  amoureuse  avec  l'ardeur  de  leur  âge,  mais 
souvent  «  fourvoyer  «.  Ayant  pitié  d'eux,  il  s'est  décidé  à  faire  une  chan- 
son —  c'est  ainsi  qu'il  dénomme  sa  composition  —  pour  les  remettre  dans 
la  droite  voie.  L'amour  qu'il  recommande  est  un  sentiment  pur  et  élevé 
qui  développe  chez  celui  qui  le  cultive  toutes  sortes  de  bonnes  qualités, 
et  particulièrement  celle  de  bon  chrétien  v.  401.  Les  préceptes  de  notre 
auteur  sont  du  reste  assez  insignifiants,  et  il  en  diminue  encore  la  portée 
en  avouant  qu'il  n'a  jamais  su  se  faire  ouïr  d'Amour,  et  qu'après  avoir 
langui  toute  sa  vie  il  mourra  d'avoir  aimé.  Le  copiste  paraît  avoir  con- 
sidéré les  pièces  5,  4,  <i,  comme  formant  un  seul  poème,  car  il  les 
a  transcrites  sans  les  distinguer,  tandis  qu'il  a  commencé  la  pièce  6  par 
une  capitale  peinte. 

6.  —  Complainte  amoureuse  en  tercets  commençant  et  finissant  par 
un  couplet  de  deux  vers.  L'auteur  déclare  qu'il  a  longtemps  servi  Amour 
sans  obtenir  aucune  récompense,  aveu  auquel  nous  avait  déjà  préparé 
le  dernier  couplet  de  la  pièce  précédente.  Sa  dame  lui  a  ordonné  de 
cesser  sa  poursuite.  Il  n'a  plus  qu'à  mourir,  et  il  fait  son  testament  éli- 
sant pour  exécuteurs  testamentaires  ceux  qui  ont  le  cœur  gai  et  amoureux , 
laissant  à  Ennui  ses  pleurs,  au  félon  médisant  ses  peines,  au  malotru 
désagréable  ses  douleurs,  au  vilain  jaloux  grognon  ses  angoisses  et  la 
hart,  etc.  C'est  un  testament  dans  lequel  les  personnages  allégoriques 
sont  mêlés  à  des  personnages  plus  ou  moins  réels. 

7.  —  La  septième  pièce,  qui  est  une  chanson  d'amour,  présente  la 
même  forme  que  la  seconde,  et  est,  comme  celle-ci,  écrite  à  deux  vers 
par  ligne.  Elle  est  d'une  longueur  exceptionnelle,  puisqu'elle  n'a  pas 
moins  de  neuf  couplets.  Si  on  fait  abstraction  de  fautes  de  copies,  en 


248  P-    MEYER 

général  faciles  à  reconnaître,  on  se  trouve  en  présence  d'un  texte  plus 
correct  que  la  plupart  des  poèmes  français  composés  en  Angleterre  vers 
le  même  temps.  Il  y  a  cependant  quelques  mauvaises  rimes  qui  décèlent 
la  patrie  de  l'auteur  :  ra'i  (il  faudrait  la  forme  du  sing.  rég.,  d>],  fève 
(faba)  94  en  rime  avec  brève,  crevé,  etc.,  entendre, fendre,  prendre,  rendre 
(dernier  couplet),  rimant  avec  mendre  imïnor),  esîeyndre. 

Ces  diverses  pièces,  qui  sont  sûrement  du  même  auteur,  n'ont  pas 
un  grand  mérite  littéraire,  mais  elles  ont  une  grande  valeur  pour  la  con- 
naissance de  la  poésie  lyrique  en  Angleterre  qui,  jusqu'à  présent,  est 
très  pauvre  en  monuments  de  ce  genre. 


I  Lungtensay  de  queramé,(/3  a) 
Celél'ay  d'estrange  gyse. 

S'en  ai  grant  tort  e  péché 
4  Ke  ma  dame  n'ay  tramise 

L'amiir  k'en  lui  ay  assise 

De  fin  quer  sanz  fauseté, 

Dunt  la  serf  en  lealté 
8  E  serveray  sanz  feintyse. 

Du  celer  faz  grant  mesprise; 

Si  m'en  confès  a  sungré: 

En  chantant,  ma  vérité 
1 2  Faz  saver  a  sa  franchise. 

II  Dame,  quant  primes  vus  vi. 
Tant  fûtes  de  bealté  fine 
De  tut  mun  quer  vus  seysi, 

16  Vus  en  avez  la  racine; 
Mes  vus  k'estes  entérine 
De  cors  e  de  quoer  ausy, 
N'en  seustes  mot  ne  demi  ; 

20  S'en  ay  trop  dure  trayne. 
Meuz  vousissè  mort  sovine 
Ke  vivre  longes  ensy  ; 
Ben  le  sachez  tut  defy, 

24  Ja  sanz  vus  n'avray  mescine. 

III  Tut  ensi  va  de  mun  cors 


Cum  d'une  torche  eslumé[e]  : 
La  char  se  destruit  dehors, 

28  Si  n'esteynt  point  ma  pensé[e]. 
Jo  vus  [aim],  dame  honuré[e] 
En  ki  remeint  mes  trésors, 
Mes  jo  nen  ai  nul  confort;       {b) 

32  Celé  est  ma  destinée 

Cornent  en  ay  grant  hastée 
Mein  e  seir,  sanz  nul  déport. 
De  vos  beals  euz  m'avez  mors  ; 

36  Si  vus  plet,  treben  me  greye. 

IV  L'unicorn,  quant  veit  dormir. 
Se  baundone  a  la  puceie; 
Ne  prent  garde  de  morir 

40  Quant  uns  armé  l'anbouele. 
Ensi  m'est,  m'amie  bêle: 
Voz  bunté  voil  obeyr, 
Voz  ferté  me  voet  ferir 

44  Du  ma!  dunt  la  mort  m'apele. 
Si  n'os  dire  ma  querele 
Ne  mun  penser  descovrir. 
Cum  poet  vos  buntez  suifrir 

48  Ke  voz  ferté  tant  révèle? 

V  Pus  ke  n'os  od  vus  parler, 
La  mort  m'est  trop  ben  venue, 


19  Ms.  Jensuystes.  —  32  Corr.  Itele.'' 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE    (DD.IO.JI) 


249 


Mes  si  vus  pleseit  abréger 
<)2  La  peyne  k'issi  me  tue, 
Mut  vus  serreit  grant  value 
Si  me  pussez  alléger 
D'un  su!  beau  respuns,  dunt 


58  M'avrez  la  vie  rendue. 
Soviengez  vus  ent,  ma  drue, 
Ke  sanz  vus  ne  pus  durer; 
Si  vus  puys  ben  aficher, 

60  Kar  d'autre  ne  quer  ayue. 


3. 


I  Tant  suy  a  beau  sojur        (/  3  a) 
Frai  chançonele  d'amur 

E  de  sa  tregant  valur 

4  Pur  refreindre  mun  deheyt. 
De  tuz  bens  est  la  plur, 
Joie,  solaz  e  duçur  ; 
Sanz,  curtesie  e  valur, 
8  Nul  ne  set  le  grant  espleyt. 
Mes  cil  k'amur  creynt  e  creyt 
Sovent  en  ad  chaud  e  freit  ; 
Enz  ke  tuz  ses  bens  en  eyt 

1 2  Li  crest  meint  novel  errur. 

Pur  la  peine  e  la  dulur  (c) 

K'il  en  tret  e  nuyt  e  jur, 
Sovent  en  prent  grant  folur, 

16  Tant  le  meyne  amur  estreit. 
Kar  hom(e)  ne  poet  par  nul  dreit 
Sanz  les  bens  k'aver  deit 
Li  fin  amant  quant  receyt 

20  Sun  loer  a  chef  de  tur, 
Einz  k'un  eyt  sentu  l'estur 
D'amer  e  la  grant  tristur 
Ke  fet  as  amanz  pour 

24  E  sovent  tient  en  destreit. 

II  Custume  est  de  mut  de  gent 
D'amer  si  trehautement, 
Les  grant  dames  nomement 

28  K'en  peyne  ne  poet  nul  chevir. 


Merveil  est,  quant  hum  enprent 
D'amer,  cum  garde  ne  prent 
De  bealté  n'acemement, 

52  Ke  meuz  i  deit  avenir 
K'aveyr  k'un  poet  tenir; 
Mes  pur  l'avoyr  a  teylir, 
Pert  hun  ben  le  sovenir 

36  De  si  fet  avisement, 

Kar  hum  veit  assez  sovent 
Honur  guerpir  ledement 
Pur  un  petit  richement 

40  Ke  tantost  poet  descheïr. 
Cil  k'eyme  par  tel  désir 
N'estut  ja  d'amur  languir 
Ne  le  gref  dulur  sentir 

44  Ke  li  fin  amant  en  sent; 
Mes  pur  l'amur  solement 
Devient  murnes  e  dolent, 
E  dit  ke  celé  au  cors  gent 

48  Li  fet  tut  le  cors  frémir. 


m 


S2 


Joe  n  ai  pas  tou  apris  : 
Aylurs  ai  mun  quer  assis 
E  plus  beau,  cest  m'est  avis, 
K'en  avoyr  alur  semblant, 
Kar  a  tel  me  suy  [joe]  pris 
Ke  mut  [a]  tretis  le  vis, 
La  char  blanche  plus  que  lys, 
56  Le  cor  (sic)  gent  e  avenant. 


(d) 


51  Corr.  pleseit  en  plest  ?  —  52  me,  ms.  ma  {:=  m'a  tué).—  54  dunt, 
corr.  duner?  —  60  ayue,m5.  ayne. 

3._  ^  Sic,  corr.  flur.—  18  Corr.  Saver?  —  28  Ccrr.  K'a  p.  en  p.  nul.  — 
53  Corr.  k'um  puisse  t.?  —  54  Corr.  acoylir?  —  49  Corr.  tant  haut  empris? 
—  51  cest,  corr.  ceo.  —  54  Mi.  cretiz. 


250  1 

C'est  tresur  a  fyn  amant, 
Kar  de  tuz  bens  i  ad  tant. 
Ke  vus  irroye  plus  disant? 

60  D'avoyr  sanz  mut  léger  prys; 
Ke  avoir  fet  la  gent  failliz, 
Recreanz,  mautaientiz; 
Avoyr  va  de  mal  en  pis, 

64  Trop  est  avoyr  mescheant. 


72 


Beauté  va  tut  tens  cressant, 
Les  amanz  rebaudisant, 
Li  plusur  en  sont  vaillant, 
Pruz  de  cors,  de  quer  jolis. 
Mes  joe  suy  adès  pensifs 
E  de  pour  entrepris  ; 
Si  ai  perdu  e  jeu  e  ris 
E  vois  merci  attendant. 


Tant  cum  plus  ai  mis  ma  cure 

D'amur  servir  en  dreiture, 
3  E  plus  y  sui  mescheant, 

Cors  e  avoyr,  tant  cum  dure, 

Si  ai  mis  en  aventure 
6  De  fin  quer  rebaudisant. 

S'en  ai  peyne  languisant, 

E  meyntgrant  fès  e  pesant 
9  Sustieng  en  sus  la  ceynture, 

Ire,  languor  e  enplure 

Me  funt  l'assaut  de  hure  en  hure 
1 2  A  funt  de  tin  quer  amant  ;     {f  ^) 

Mes  li  mal  m'est  si  pleisant 

Ke  ja  n'en  f[e]rai  semblant; 

I  s  Tut  le  preng  par  enveysure, 

K'amur  est  de  grant  mesure  : 
S'en  rent  par  dreite  nature 
18  Plus  haut  guerdun  ad  entant. 

II  Dunt  me  vendra  d'amur  plere? 
Sen  ne  saver  ne  vaut  guère 

21   Kar  les  meus  failli  sunt; 
Si  m'estut  d'amur  retrere, 
Pus  ke  ne  puys  a  chef  trere, 

24  Si  enverray  le  quer  runt. 
Las  !  cheytifs,  ke  porray  fere.? 
Tant  m'untquis  en  mère,  entere, 

27  Ne  garray  ne  val  ne  munt. 
Les  grefs  mais  al  quer  me  vunt, 
(E)  meynt  mortel  asaut  me  funt; 


30  Ne  puys  mes  suffrir  la  guère. 

Si  feray,  quant  prys  m'averunt; 

Ses  solaz  me  guar[r]unt, 
33  Ne  me  fra  mes  en  contrere, 

Kar  a  primes  voet  enquere 

De  l'amant  tut  sun  afere, 
36  Pus  l'en  sert  k'a  fet  adunt. 

III  Cent  foiz  le  quer  me  suspire 
Quant  ne  puys  trover  raatire 

39  D'amur  servir  a  talant, 
Ke  de  faillir  n'est  pas  lent, 
Einz  me  va  poygnant  sovent. 

42  Léger  fuisse  a  desconfire. 
De  mun  sen  ne  suy  mes  sire 
Pus  k'amur  par  mal  me  tyre 

45  A  funz  de  quer  le  mau  sanc. 
Si  ne  fut  un  gentil  mire 
Ke  de  cel  mal  set  eslire  (b) 

48  Le  plus  suef  alegement  : 
C'est  confort  ke  tut  teu  gent 
Guerdune  si  très  franchement 

5 1   Kanke  lur  quer  en  désire, 
Car  si  hom  sent  gref  martire, 
Pur  le  mendre  doil  ou  ire 

54  Doune  solaz  plus  de  cent. 

IV  Point  suy  d'amur,  trop  m'est  fere. 
Amur  me  fet  murne  chère, 

57  Allegance  Deu  me  doint. 


60  Corr.  A.  s.  plus.'' 

4.  —  10  Faut-il  supposer  un  subst. 
21  Corr.  f.  i  unt?  -  24  Corr.  Si  en 
rompre.  —  26  Ms.  en  tere  en  mère.  - 
Ne  m'estra? —  36  Sic. 


emploure /orme  sur  le  v.  emplourer.''  — 
aray-f" —  runt  est  un  part,  mal  formé  de 
-  27  Corr.  n'en  v.  n'en  m. .?  —  33  Corr. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE    (DD.  10.^1  I 


2$I 


Ne  puys,  tant  ke  mort  me  fera, 
Amur  guerpir,  tant  m'est   chère, 

60  Kar  dedenz  mun  quer  l'ai  joynt. 
Tant  m'ad  de  doçur  enoynt, 
E  de  ben  amer  enjoynt, 

63  Mes  tant  sovent  m'est  amere 
Ke  meuz  volsisse  estre  en  bere 
Ketant  vivre  en  tel  manere, 

66  Ke  espérance  n'y  ai  point 
Fors  que  solement  un  poynt: 
C'est  confort,  ke  tut  a  point 

69  Me  promet  amur  entere; 
K'amur  est  del  tut  plenere, 
N'est  pas  foie  noveler[e], 

72  Le  fin  amant  en  tut  point. 

V  Meint  turment  al  quer  m'escleire, 


Tant  ay  trové  dure  seire 

75  Les  en  ay  pale  e  teynt. 
Mun  estât  adès  espeire, 
Ne  le  pris  pas  une  peyre; 

78  S'en  suy  près  du  tut  esteynt. 
Alas  !  trop  hai  le  quer  feint  : 
Si  amur  m'ad  d'un  dartenpeynt, 

81  N'ay  pas  ou  coup  de  coveyre. 
Amur  est  tant  deboneire,         (c) 
Poy  veit  hom  ke  ben  espeire 

84  Ke  par  duçur  nul  estreint, 
Si  un  poy  suy  d'amur  destreint 
Dehez  eyt  ke  mes  se  pleynt  ! 

87  Fous  es  ki  se  des[es]peire, 
Kar  a  fin  amant  repeire 
Joie  d'amur  d'eyre  en  eyre, 

90  Si  assouuage  dolur  meynt. 


I  Grant  pesç'a  ke  ne  chantai, 
Ne  k'a  ceo  ne  me  donay  ; 
Oresuy  mis  a  l'asay 

4  Pur  ces  juvenceals  treter 
Ke  tant  sunt  jolifs  e  gay, 
Novelers  e  nunneray, 
Nunchalers  e  auke  lay, 
8  Kant  il  comencent  d'amer. 
Sovent  les  voy  forveyer, 
D'amur  flecchir  e  fauser 
Kant  il  n'unt  tut  al  premer 

12  Lur  désirer  sanz  delay. 
Pur  la  pitc  kejo  ay, 
Kant  les  vey  si  en  estray. 
Une  chançon  lur  feray 

16  Dunt  se  porrunt  aviser, 
E  pur  tels  genz  redrescer, 
Rebaudir  e  assenser 
E  d'amur  reconforter. 


20  Les  granz  bcns  lur  en  dirray, 
Kar  de  veir  le  quid  e  say 
Ke  de  tels  i  troveray 
K'al  dreit  chemin  remerray 

24  D'amur  servir  sanz  tricher. 

II  Trop  sunt  d'amur  haut  li  nun 
E  plus  en  sunt  grant  li  dun. 
Tant  en  y  a  grant  foysun 

28  Huymès  nés  avrai  nomee. 
Mult  avra  riche  guerdun 
K'amur  sert  sanz  traïsun 
E  sanz  penser  s'a  ly  nun 

32  A  ki  est  primes  donee, 
K'un  en  devent  avisée, 
Corteys  e  ben  entechee, 
Coyntes  e  meuz  acemee 

36  E  plus  sages  de  reysun, 
Jolits  en  tule  seson, 


id) 


72  Ms.  fint.   —  75  Corr.  Le  vis?  —  76   Corr.  enpeyre?  — 
N'est  pas  un  coup  de  toneyre.  —  84  nul,  pour  ne  1'. 
5.  —  6  Ms.  nûnerpy.—  1  1  n'unt,  ms.  munt. 


81   Sic,  corr. 


2^2  P. 

Franc  de  quer,  net  cum  faucon, 
Pruz  e  fer  plus  ke  lyon 

40  E  bon  crestien  en  Dé. 
A  la  fin,  en  lealtee, 
En  honur  e  en  buntee, 
Ceo  k'um  ad  tant  désirée 

44  Tient  hum  ben  en  sa  bandun. 
Amur  est  de  grant  renun, 
De  tuz  bens  est  encheisun 
E  de  tuz  mais  garysun, 

48  Ben  la  deit  hum  fere  a  grée. 

III  Mut  ert  d'amur  averti 

Ke  lunges  l'avra  servy 

E  en  quide  aver  failli 
52  Ke  dune  se  teint  an  recey, 

Sanz  parler  ent  a  nuly. 

N'a  procen  parent  n'amy, 


Mes  k'il  atende  mercy 

56  De  fin  quer  en  dreite  fey  ; 
Si  vus  dirray  lepurquey  : 
S'il  s'en  pleynt  ne  grant  ne  poy 
Tost  li  dit  s'amie:  t  Avoy! 

60  «  Quidez  me  vus  gayner  ensi }  » 
S'il  se  tient  clos  e  serri 
En  fet  e  en  dit  ausi, 
Quant  le  savera  tut  de  fi 

64  De  s'amur  li  fet  envoy.        (/.  5) 
Ceo  ne  di  jeo  pas  de  moy, 
K'unke  tant  de  ben  n'en  oy 
Ne  tant  servir  ne  la  soy, 

68  K'une  foyz  en  fuysse  oy, 
Einz  me  covir  en  reri  [sic)  ; 
Du  cors  en  suy  malbailli, 
Tut  mun  tens  en  ai  langui  ; 

72  S'en  morray,  très  ben  le  voi. 


Longement  me  sui  pené 

De  servir  en  lealté 

Amur  de  trestut  me  sens, 

Mes  unkes  ne  vi  le  tens 
5  Ke  [me]  venist  nul  asens 

Dunt  me  puisse  conforter; 

Si  l'ai  servi  sanz  fauser 
8  E  sanz  ren  aillur  penser, 

Mes  unkes  n'en  oi  merit, 

Nun  pas  tant  cum  du  beau  dit, 
1 1  Fors  que  tonir  l'escondit. 

M'en  sui  enz  miz  a  desuz  ; 

Mes  li  mais  m'en  est  si  duz, 
14  Ke  mes  granz  ennuys  trestuz 

En  li  servir  vanthe  saufs, 

Kar  joe  serf  de  quer  leals  ; 
17  Ne  pur  peines  ne  pur  travaus 


Unke  de  ren  ne  me  feins, 

Mes  tujur  a  joynte  meins 
20  La  pri  cum  amy  certeins 

K'ele  pense  de  sun  prisun. 

Ore  m'a  dit  a  baundun 
23  Ke  jo  lesse  ma  tençon, 

Sanz  parler  mot  ne  demy  ; 

Cel  m'ad  tut  esbaï  ; 
26  E  quant  de  moi  n'ad  merci, 

De  la  mort  me  fet  présent  : 

Jo  la  recef  bonement, 
29  Si  en  frai  mun  testament. 

Dunrai  [a]  ennuy  mes  plurs. 

Al  nun  du  douz  Deu  d'amurs 
3  2  Ferai  mes  essecuturs 

Ke  parf[e]runt  mun  devis. 

Premer  i  serrunt  assis 


(b) 


50  Ms.  les  a.  —  52  il/5,  au  re  retey. 

6.  —  3  me,  corr.  mun.  —  10-11  Ces  deux  vers  sont  intervertis  dans  le  ms. 
L'ordre  a  été  rétabli  par  des  lettres  de  renvoi.  —  1 1  Sic,  corr.  F.  ke  d'ouïr.-'  — 
25  Corr.  Cel[e]   ou  Cel  [mot]?  —34  Ms.  serrQ. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS 

j  5  Ceus  ke  sunt  de  quer  jolifs. 

Enveisez  e  revelus  ; 

S'en  serrunt  les  amerus, 
j8  E  pus  les  chavalerus 

K'a  ceo  serrunt  atendant. 

Tut  a  primes  i  cornant 
41   Au  trefelun  médisant 

Les  peines  dunt  sui  enbu  ; 

AI  ennuyos  malestru 
44  Mes  dolurs  granz  e  menu, 

Kar  trop  est  de  maie  part  ; 

Al  vilein  jelos  groinart 
47  Mes  angoisses  e  la  hart, 

Kar  il  en  ad  fet  le  luer; 

A  celé  pur  ki  me  moer 
50  Cors  e  aime  e  tut  mun  quer 

Comand  tut  a  sun  pleisir. 

Des  bens  n'ay  [mais]  ke  partir, 
53  Ke  unke  n'oi  nul  désir, 

Mes  du  duz  penser  adès 

Relement  voer  poi  e  près 
56  E  par  le  de  povre  des  (sic) 

Unke  plus  délit  n'en  oy, 

E  ceo  me  semble  assez  poy 
59  Ke  jo  reteng  enver  moy 

K'a  ceo  serra  sun(t)  resort  ; 
62  La  moie  aime  après  ma  mort 
S'en  avra  plus  beau  repos. 


DE   CAMBRIDGE    (DD.  lO.Jl)  2^ 

Amur  me  turne  le  dos 
65  E  mer  moi  ne  fet  si  gros  (c) 

K'en  fin  morir  me  covient  ; 

De  l'escaper  n'i  ad  nient, 
68  Kar  la  mort  al  quer  me  vient 

E  me  fet  meint  dur  asaut. 

Deu  !  jo  moer,  e  moi  ke  chaut  ? 
71   Fere  me  covient  le  saut; 

Quant  merci  d'amur  n'avrai 

Si  comand  a  Deu  le  verrai 
74  Ceus  ke  d'amur  funt  i'assai 

Sanz  coveiteise  d'avoir. 

Deu  lur  doint  sen  e  savoir 
77  Ke  ben  en  puissent  valer, 

E  puis  venir  a  bon  chief  (b) 

80  As  gelus  Deu  doint  meschief. 
Feu  d'enfer  par  tut  le  cors, 
Povre  e  riche  de  trésors  ! 

83  Nul  de  eus  n'i  met  dehors, 
Kai  trop  sunt  diverse  genz  ; 
Passion  les  fere  as  denz, 

86  Par  defors  e  par  dedenz, 
K'as  amanz  sunt  mal  veisin  ! 
Trop  sunt  de  felun  e[n]gin  ; 

89  D'assez  sunt  pire  ke  mastin, 
Si  les  comand  a  malfee, 
Tuz  jur[z]  eient  il  mal  dehee  ! 
Amen. 


Quant  le  tens  se  renovele      {f.v°} 
E  reverdoie  cy  bois, 
Cist  oysials  sa  père  apele 
Celé  cum  a  pris  a  choys; 
Lur  voil  chanter  sur  mun  peis 
D'une  dame  gent  e  bêle, 
Sur  trestutes  tourturele. 
Ben  fuysl  al  plus  grant  reis 
Ke  unkes  seit  en  see  n'en  deis. 
Tant  est  noble  juvencele; 


Mes  ver  moi  tut  tens  révèle, 
12  Si  me  respunt  en  gabeis. 

II  Tant  ad  noble  contenance 
Celé  pur  ki  faz  cest  chant, 
Sage  diz  e  poi  parlance, 

16  Duz  regard  e  bel  semblant. 
Mut  est  simple  e  poi  riant, 
Ben  se  contient  cum  d'enfance. 
Tant  vus  di,  tut  sanz  vantance, 


41  Ms.  Autre  f,  ;  il  faut  entendre  Au  très  felun.  —  65   Corr.  Enver  moi  se  f. 
—  74  funt,  ms.  sunt. 


I 


254  P- 

20  Loinz  ne  près  n'ad  per  vivant; 

Sire  serreit  sun  amant 

Si  ele  l'amast  par  fiance. 

Mes  jo  n'ai  nul'  espérance 

24  Cument  la  puis  amer  tant. 

III  Deu  !  tant  est  de  bonté  pleine 

Ma  dame  al  cors  lunge  e  gent, 

E  de  parole  certeine 
28  Beaus  respunt  [a]  tute  gent. 

Bon  mestre  a  l<i  ben  aprent, 

Kar  curtesie  la  meine, 

Franchise  al  cuer  dreit  l'aseine, 
32  Largescesun  cors  i  prent; 

Meint  hom  pur  lui  joie  enprent, 

Tant  la  trove  sage  e  seyne; 

Mes  jo  'n  ai  trop  mal  estreine 
36  Sanz  l'angoisse  a  gref  turment. 

IV  Sa  beauté  ne  puis  descrire, 
Tant  ay  ver  lui  bon'  amur. 
Deu  de  gloir[e]  reis  e  sire 

40  Kant  la  fist  si  bêle  honur 
Ke  de  bealté  tient  la  flur, 
Nuls  ne  poet  contredire. 
Pur  li  meynent  doel  e  ire; 

44  Mut  de  gent  par  grant  folur, 
Purreprender  lur  vigur, 
Chescun  d'els  en  li  se  myre, 
Mes  j'ensofre  gref  martire, 

48  Tant  me  destraint  ma  dolur. 

V  Tut  le  plus  de  s'estature 
Ore  a  ki  le  voet  savoir: 
Mut  ad  beau  chef  sanz  triffure, 

52  Large  frunt  e  surciz  noir; 

Ja  n'esparnerai  le  voir  :       {f.  6) 
Tant  ad  bêle  chevelure, 
Menue  la  recercelure, 

56  Tut  en  resplent  un  manoir. 
Ki  porreit  sun  gré  avoir 
Mal  n'avroit  fors  k'enveisure. 


Mes  jo,  cheitif  sanz  mesure, 
60  Ai  perdu  sen  e  savoir. 

VI  Plus  i  a  en  tel  visage, 
Ja  l'orrez  si  nul  me  creit, 
Le[s]  euz  veirs,  nun  pas  volage, 

64  Remuanz  a  bel  espleit , 
Beau  neys  avenant  e  dreit, 
Meine  bûche  sanz  utrage, 
Mentun  petit  cum  d'ymage^ 

68  Lung  le  col,  le  quirestreit. 
Ne  puis  savoir  ke  me  deit 
Quant  ne  chevis  mun  message. 
Mes  jo  en  ai  la  vive  rage, 

72  Tant  sui  mis  en  fort  destreit. 

VII  Si  les  flurs  d[el]  albespine 
Fuissent  a  roses  assis, 
N'en  ferunt  colar  plus  fine 

76  Ke  n'ad  ma  dame  au  cler  vis  ; 
Les  espaules  ben  assis, 
Poy  le  ney  e  la  peitrine, 
La  char  blanche  plus  ke  cyne, 

80  Par  tut  en  porte  le  pris  ; 
Dunt  suy  si  forment  suspris, 
Ne  sa[i]  k'amur  me  destine, 
Mes  ceo  feis  me   runt  l'eschine, 

84  Si  m'esta  de  mal  en  pis. 

VIII  Cornent  ke  ço  feis  me  grève, 
Quant  le  savra  ne  me  chaut, 
Tant  m'en  est  la  mort  plus  sentue 

88  Kar  amur  en  mey  ne  faut, 
De  tut  Tel  coment  k'il  aut. 
Ore  dirai  parole  brève  : 
Ki  trop  enprent  mal  escheve  ; 

92  Fol  apris[e]  ren  ne  vaut. 
Si  ne  me  preisse  a!  plus  hait 
Ne  me  preisasse  une  fève, 
Mes  cis  mais  le  quer  me  crevé; 

96  Ben  sai  ke  frai  un  fous  saut. 


40  Ccrr.  li  f..?  —  50  Corr.  Orra.  —  55  Ms.  retercelure.  —  62  creit,  ms. 
treit.  —  63  nun,  ms .  nunt.  —  78  Corr.  Piz  levé?  —  87  sentue,  corr.  sueve? 


MANUSCRITS    FRANÇAIS  DE    CAMBRIDGE    (DD.IO.JI)                  255 

IX  Orc  deit  ben  chescun  entendre  Puis  k'ele  ne  voet  pité  prendre, 

Cum  amur  est  cher  trésor:  104  Ben  crei  ke  men  seit  le  tort, 

Ki  la  pertsa  joie  est  mendre,  Valer  ne  me  poet  nul  jur, 

100  Kar  meuz  li  vausit  estre  mort.  Puis  ke  mort  me  voet  esteyndre, 

Jo  sui  si  mortelement  mors  Mes  a  Deu  voil  l'aime  rendre 
Ke  le  quer  m'estuit  [tut]  fendre.       108  E  a  ma  dame  mun  cors. 


8.  La  Petite  Philosophie. —  Ce  poèmC;,  qui  est  un  abrégé  de  cosmo- 
graphie et  de  géographie,  a  été  rencontré  jusqu'ici  dans  quatre  mss., 
sans  compter  celui  que  je  décris  actuellement  : 

Cambridge^  Univ.  lib.  Gg.  6.28. 

—         S,  John's  I.ii  ;  voy.  Romania,  VIII,  ?^6. 

Oxford,       Douce   210;   fragment;   voy.  Bulletin  de    la   Soc.   des 
anciens  textes,  -880,  p.  52, 

Rome,  Vatican,  Chr.  1659,   voy,  Chardry's  Josaphaz,  ligg.  \on 

J.  Koch  (1879),  p.  IX. 

J'ai  déjà  fait  connaître  par  des  extraits  les  mss.  du  collège  Saint-Jean' 
et  d'Oxford  ^,  je  transcrirai  actuellement  quelques  passages  des  deux  mss. 
de  l'Université  de  Cambridge.  Mais  tout  d'abord,  aux  renseignements 
que  j'ai  eu  précédemment  l'occasion  de  fournir  sur  |cet  ouvrage,  j'ajou- 
terai l'indication  du  texte  latin  d'après  lequel  il  a  été  rédigé. 

Le  titre  du  poème,  la  Petite  Philosophie'i, ïali  tout  d'abord  penser  au  traité 
de  Guillaume  de  Conches  intitulé  parfois  Phiiosophia  minor,  qui  a  été  mis 
sous  le  nom  de  Bède  et  d'Honorius  d'Autun4.  Toutefois  les  différences 
entre  les  deux  ouvrages  sont  beaucoup  trop  grandes  pour  qu'on  puisse 
les  rattacher  l'un  à  l'autre.  L'original  de  notre  poème  est,  selon  toute 
probabilité,  V Imago  miindi  d'Honorius  d'Autun.  L'accord  des  deux  textes 
est  frappant,  comme  on  en  pourra  juger  en  comparant  les  morceaux  latins 
et  français  rapportés  ci-après.  On  remarquera  cependant  qu'il  n'y  a  rien 
dans  le  latin  qui  corresponde  aux  1 1 9  premiers  vers  du  ms.  DD .  10.51. 
Ces  vers  forment  un  prologue  que  l'auteur  du  poème  a  dû  tirer  de  son 
propre  fonds,  à  moins  qu'il  ait  eu  de  Vlniago  mundi  une  rédaction  autre 
que  celle  qui  est  éditée.  Il  paraît  dureste  avoir  traité  avec  une  assez  grande 


i.  Romania,  VIII,  356. 

2.  Bulletin  de  la  Société  des  anciens  textes,  1880,  p.  52. 

3 .  C'est  le  titre  que  donne  le  ms.  de  Saint  John  ;  cf.  ci-après,  v.  115. 

4.  Parmi  les  5;3iin'a  de  Bede,  Migne,  Patrol.lat.,  XC,  1127;  parmi  les 
œuvres  d'Honorius  d'Autun,  ibid..  CLXXII,  39.  Pour  l'attribution  à  Guillaume 
de  Conches,  voir  l'article  de  M.  Hauréau  sur  cet  auteur  dans  la  Nouvelle  bio- 
graphie générale. 


256  p.    MEYER 

liberté  son  original,  introduisant  parfois  des  développements  dont  le  latin 
fournit  à  peine  le  point  de  départ. 

Voici  le  début  de  Vlmago  mundi  et  celui  du  poème  : 

Mundus  dicitur  quasi  undique  motus  ;  est  enim  in  perpetuo  motu.  Hujus 
figura  est  in  modum  pilae  rotunda,  sed,  instar  ovi,  elementis  distincta.  Ovum 
quippe  exterius  testa  undique  ambitur,  testas  albumen,  albumini  vitelium,  vitello 
gutta  pinguedinis  includitur.  Sic  mundus  undique  cœlo,  ut  testa,  circumdatur, 
cœlo  vero  purus  asther  ut  album,  aetheri  turbidus  aer  ut  vitelium,  aeri  terra  ut 
pinguedinis  gutta,  includitur  (Cf.  DD.10.3 1,  vv.  120-136). 

Creatio  mundi  quinque  modis  scribitur:  une  que  ante  tempera  saecularia 
immensitas  mundi  in  mente  divina  concipitnr,  quae  conceptio  archetypus 
mundus  dicitur,  ut  scribitur  :  Qaod  est  factum  in  ipso  vita  erat  ' .  Secundo  cum  ad 
exempiar  archetypi  hic  sensibilis  mundus  in  materia  creatur,  sicut  legitur: 
Qui  inanet  in  aternum  creavit  omnia  insimul^.  Tertio,  cum  per  species  et  formas 
sex  diebus  hic  mundus  formatur,  sicut  scribitur  :  Sex  diebus  fecit  Dominas  opéra 
sua  bona  valde  5.  Quarto,  cum  unum  ab  alio,  utpote  homo  ab  homine,  pecus  a 
pecude,  arbor  ab  arbore,  unumquodque  de  semine  sui  generis  nascitur,  sicut 
émlnv:  Paicr  meus  usqucmodo  operatur  A.  Qmnio.,  cum  adhuc  mundus  innova- 
bitur,  sicut  scribitur:  Ecct  nova  facio  omnia  ^  {DD,  vv.  138-157). 

Elementa  dicuntur,  quasi  hyle,  ligamenta:  GXr,  autem  est  materia  ex  quibus 
constant  omnia,  scilicet  ignis,  aer,  aqua,  terra,  qua;  in  modum  circuli  in  se 
revolvuntur,  dum  ignis  in  aerem,  aer  in  aquam,  aqua  in  terram  convertitur, 
rursus  terra  in  aquam,  aqua  in  aerem,  aer  in  ignem  commutatur  {DD,  vv.  158 
et  suiv.). 


Ky  voutsaverdel  mapemund,(/'.6c) 
La  forme  de  trestut  le  mund. 
De  terres  e  de  regiuns 

4  E  de  citez  les  propre  nuns, 
Ki  les  fist  e  edefia 
E  primes  nuns  lur  dona, 
E  des  ewes  ke  portent  navie, 

6  Jeo  en  dirraie  grant  partie 


Si  cum  jeo  ai  en  escrit  truvé, 
Dunt  jeo  ai  asez  auctorité. 
Seint  Luck  li  evangeliste  dit 
En  le  ewangeile  k'il  escrit 
Ke  Augustus  César  l'empereer 
En  ki  tens  fud  né  li  Sauver 
Conmanda  par  sun  conmandement 
A  tuz  le  mund  conmunement 


I.  Jo.  I,  j-4,  citation  formée  de  deux  membres  de  phrase  réunis  à  tort. 

2  .    ECCLI.  XVIII,   1 . 

?.  Cf.  Gen.  I,  31. 

4.  Jo.  V,  17. 

5.  ApOC.   XXI,  5. 

Les  vers  1-36  ne  se  trouvent  qu'ici.—  3-4  Ces  deux  vers  sont  à  peu  près  littérale- 
ment reproduits  un  peu  plus  bas  (i  5-6). 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE 

Ke  tuit  lui  feïssent  asaver 
E  les  escriz  a  lui  enveer 
De  teres  e  de  regiuns 

\6  E  des  hiles  les  propre  nuns, 
E  la  manere  de  la  gent 
E  des  bestes  ensement, 
E  ke  ren  ne  lui  duissent  celer 

20  Ke  digne  fut  a  remembrer, 
E  quel  servise  chescun  deveit 
A  Rome  ke  lur  chef  esteit. 
Ceo  fit  il  par  le  conseil 

24  De  un  sage  ke  fud  feel, 
Ke  Cyrinus  aveit  a  nun, 
Esveske  deSyre,  sages  hom, 
Romefud  chef  detut  le  munde  (d) 

28  Si  cum  le  livre  nus  respund, 
En  tûtes  teres,  est  ben  seù, 
A  Rome  rendirent  treù. 
Quant  cest  ban  fud  criez 

32  E  par  escriz  par  tut  enveez, 
Tut  issi  e  en  teu  manere 
Cum  out  conmandé  l'emperere 
Par  teres  e  par  regiuns 

j6  A  Rome  aùrent  lur  respuns. 
Li  sages  ke  jadis  est[ei]ent 
De  grantsaverseentremett[eijent 
E  mult  estreitemeut  enquistrent 

40  Les  choses  ke  puis  en  escriz  mis- 
[trent 


CAMBRIDGE    ^DD.IO.^I 


2s: 


Chescun  mustra  sa  sente[n]ce 

Solum  la  sue  sapience; 

En  plusurs  lius  devisèrent 
44  Lur  escriz  e  tuz  asemblerent, 

E  lur  sentence  ordinerent 

E  les  dotances  tut  offerent 

E  la  vérité  confermerent, 
48  Kar  en  tuz  point  la  esproverent 

E  cum  chose  prové  Tacerterent, 

E  ces  escriz  puis  longement  co- 
[nurent 

Dunt  plusurs  puis  garni  furent 
J2  Debone  et  de  maie  aventure, 

Ke  tut  diseit  lur  escripture. 

Par  tut  le  mund  apris  aveint 

Les  aventures  k'il  les  saveint  ;  [20] 
56  Kar  Deu  meimes  en  acune  gise 

Mustre  al  mund    ceo  k'il  divise 

[(f-  7) 
Par  avanture  e  par  feiture 
K'il  fet  e  tret  en  sa  mesure; 

60  E  il  en  urent  garde  prise, 
Pur  ço  sav[ei]ent  la  devise. 
Le  mund  trestut  mesurèrent, 
Tere,  ewe  e  fu  numbrerent; 

64  Les  qualités  de  tuz  sarcherent 
Dunt  la  force  de  tuz  troverent, 
E  la  esprové[e]  troveùre 
Mistrent  en  sage  escripture 


28  Corr.  despund.  —  43-4  //  manque,  ici  comme  dans  S.  John's,  un  vers  qu'on 
trouvera  ci-dessous  dans  Gg.  6.  28.  —  46  Corr.  estèrent,  voy.  ci- dessous.  — 
55  Les  chiffres  à  droite  se  réfèrent  au  ms.  de  S.  John's  (Romania,  vm,  337).  — 
66  Ms.  e  la  prespone  le  premier  r  étant  pointé. 

Ms.  Gg.  G.  28.  —  Li  sage  jens  jadis  esteynt.  De  grant  saver  s'entremeteyent. 
E  mu'it  estreitement  enquisterent.  (40)  Les  choses  dount  il  plus  escritrent.  E 
chescun  mustra  sa  sentence.  Solum  la  sue  sapience.  En  plusurs  maneres  divi- 
sèrent. De  si  ke  li  sages  ke  pruz  erent.  (44)  Lur  escrire  touz  ensemblerent.  E 
lur  sentences  ordinerent.  Les  dutances  tûtes  ostersnt.  E  la  verrur  con!ermerent. 
(48)  Car  en  touz  poynz  les  proverent.  Pur  chose  prové  la  cercherent.  Ces  escrire 
puis  lunges  corurent.  Dunt  plus  avant  garni  furent.  (52)  De  bone  e  de  maie 
aventure.  Kar  tut  dyseit  lur  escripture.  Par  tut  le  mund  apris  aveint.  Les  aven- 
tures ke  il  saveient.  (56)  Kar  Deu  mêmes  en  acune  guise.  Mustr;  au  mund  ceo 
que  il  devise.  Par  avenir  de  faiture.  Que  taut  e  crest  en  sa  mesure.  {60)  11  en 
unt  grant  garde  prise.  Pur  ceo  en  surent  la  devise.  Le  mund  trestut  mesurèrent. 
Tere  ewe  feu  aer  anumbrerent.  (64)  Les  qualités  de  touz  cercherent.  Dunt  la 
orce  de  touz   troverent.  E   la  esprovee  troveiire.    Mistrent  en  sage  lettrure. 

Romania,  XV  17 


72 


76 


8o 


92 


96 


Pur  ceus  garrir  ke  pus  vendreint 
E  le  sen  esprendre  voleint. 
Mes  nul   ne  set  ke  seit  en   ceo 
[contemple 
A  lur  sen  gueres  ne  se  entempre; 
Nul  ne  purveit  mal  aventure 
Pur  ren  ke  Deus  avant  figure, 
Dune  ceo  est  mult  grant  folie, 
E  la  gent  trestut  dévie 
Par  pleidurs  e  par  legistres  1 4 1 J 
Ke  sunt  Antecrist  ministres, 
Si  purvertent  tute  dreiture, 
Pur  terriene  pouture; 
Nul  ne  dute  la  Deu  manace, 
Mes  la  gent  sunt  cum  fu  sur  glace; 
Ne  ne  gardent  la  créature, 
Pur  tant  del  Creatur  n'unt  cure. 
Pur  ceo  faz  [en]  ceste  escripture 
De  tut  le  mund  la  purtreiture, 
Cument  la  tere  seit  entere 
E  des  ewes  tute  la  manere,      (b) 
Del  eyr  e  del  ether  ensement 
E  la  force  del  firmentent, 
D'enfer,  de  ciel  et  des  planètes, 
De  la  lune,  del  solail  e  conmetes, 
Des  doze  signes  e  de  lur  curs. 
Pur  kei  sunt  longe  curz  les  jurs, 
Dunt  le  vent  veint  e  dunt  toneire, 
Dunt  foudre,  dunt  fu,   dunt  es- 
[cleire, 
Dunt  grésil  e  nuile  e  brisile, 
Dunt  pluie  e  aubegele,  [62] 

Dunt  le  fu  vient  ke  homchaïr  veit, 
Ke  hom  quide  ke  esteile  seit, 
E  dunt  veint  la  blanche  veie 


Parmi  le  ciel  ke  se  despl[e]ie. 
Ki  ces  choses  veut  entendre 
Mult  purra  grant  ben  aprendre 

104  E  saver  en  tûtes  maneres, 
Ki  mult  est  sages  li  Créeras 
E  k'il  est  puissant  par  nature, 
E  ke  sa  volunté  partut  dure, 

108  E  ke  tut  ke  lui  seit  a  volenté, 
Tut  vendra  par  sa  poesté; 
E  ki  défaut  de  sun  servise 
Mult  deit  duter  sa  justise. 

1 1  2  Nun  donc  al  livre  ki  l'endite 
Philosofu  la  petite. 
Ki  veut  plus  oïr  par  requeste 
Le  frut  li  dirai  de  la  geste.    [80] 

1 16  Ki  veut  del  mund  oyr  le  ymage 
E  la  feiture  en  sun  estage,       (c) 
Escut  a  mai  0  bon  curage, 
E  jeole  frai  certein  e  sage. 

120  Le  mund  est  ront  cum  polete, 
Nent  estable,  mes  est  an  moete  ; 
Unkes  ne  fudne  jan'ert  estable, 
Mes  tut  dit  novele  e  remuable; 

124  Par  le  elemenz  est  destinctez 
Cum  par  un  uf  veer  purrez  : 
^L'aubun  dehors  enclôt  l'eschale, 
E  l'aubun  li  moauz  cum  en  maie. 

128  Li  moauz  enclôt  une  gute 
Ke  de  gresse  enfurme  tute. 
Tut  ausi  est  le  ciel  cum  lescale, 
Le  ether  cum  aubun  en  maie, 

132  Le  ether  cum  aubun  sur  muel. 
Le  espès  eyr  envirun  mult  bel. 
Li  moauz  enclôt  la  grase  gote, 
E  l'eir  partient  la  terre  tute. 


89  t'orr.  firmament.  —  9J  M^.  fendre  —  105  Ki,  corr.  Ke.  Cette  faute  et 
l'inverse  sont  fréquentes  en  anglo-normand  —  127  Ms.  moanz.  —  129  Corr.  est 
formée. 

(fol.  16)  Pur  cels  garnir  que  puis  vendreient..  E  lur  sen  aprendre  vodroient. 
Mes  nul  que  seit  en  ceste  tempre.  A  lur  sen  guers  s'atempre.  (72)  Nul  ne 
purveit  mal  aventure.  Pur  ren  que  Deu  avant  figure.  Dunt  terre  est  mut  afeblie. 
E  la  gent  tantost  dévie.  (76)  Par  les  pledours  par  les  legistres.  Qjii  touz  sunt 
Antecrist  ministres.  Cil  pervertent  tute  dreyture.  Pur  terriene  pureture.  (80) 
Nul  ne  dute  la  Deu  manaie.  Dunt  la  gent  sunt  cum  feu  sur  gelaie.  Ne  nul 
agardela  créature.  Par  taunt  del  Creatur  n'unt  cure.  (84)  Pur  ceo  faz  en  cete 
escripture.  De  tout  le  mund  la  purtreture.  Cornent  la  mer  set  en  tere.  De  ewes 
totes  la  manere.  (88)  De  l'ayer  del  ethre  ensement... 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE    (DD.IO.JI) 

;6  Si  aver  poiet  ke  sen  ad  parfund 


259 


Ke  lecielenclottut  lemund;  [100] 
De  ceo  mund  le  creaciun 
Fet  en  .v.  maneres  le  trovum  : 

140  L'un  (est}fu  einz  ke  nule  renfut, 
Ke  Deus  en  sun  penser  conceust 
Devenl  tut  le  secle  purtrere, 
Cornent  il  vout  tut  le  mund  fere; 

144  Cist  est  architipus  dit, 

De  Deu  le  prince  ke  tut  purvist; 
Prince  est  dit  arcos  en  gregeis, 
Tipus  est  figure  en  franceis  ;    (d) 

148  Dunt  ceo  nun  de  ceo  noma 
Ke  Deu  mêmes  le  figura. 
L'autre  est  quant  Deus  par  cest 
[esample 
Ceo  mund  furma  veable  e  ample, 

1 52  E  trest  en  forme  e  en  matire 
Quanke  purvist  son  sage  enpire. 
Dunt  l'escrit  dist  :  «  Cil  kl  fin  n'a 
Ensemble  tute  ren  créa  », 

156  Ensemble  par  voil  debonere 
E  par  aparisante  mateire.  [120] 
Le  terz  fud  quant  Deu  tut  forma 
E  par  sis  jurs  tut  ordina, 

160  Dunt  l'escrit  dit:  tt  En  sis  jurnées 
Fist  Deu  tute  bones  crieres.  » 
La  quarte  manere  Deu  mustra 
Quant  une  chose  de  autre  créa, 

164  Ausi  cum  encore  fet 

Quant  il  home  de  autre  tret. 


Beste  de  beste  fest  venir, 
Arbres  e  herbe  reverdir; 

168  N'est  chose  solum  sa  semence 
Ke  Deu  le  mund  ne  recomence, 
Dunt   l'escrit    dit  :    «    Mi    père 
leovre.  » 
Encore  ses  bontés  pas  ne  covre. 

172  La  quinte  manere  est  dit  en  veire, 
Quant  Deu  vout  le  mund  refeire, 
E  tut  oster  de  pulenterie 
E  revestir  de  novelerie;  [138] 

176  Dunt  le  prophète  dist  verrai  : 
«  Tûtes  choses  renovelerai.  »  (/".S) 

Ore  escutez  (e)  des  elemenz, 
Ceo  est  des  yles  les  leemenz. 

180  Tant  dit  y!e  cum  matere 
Dunt  tute  ren  pernenl  afere. 
Yle  est  matere  divine 

184  Dunt  tute  rcns  pernent  orine. 
Ces  elemenz  quatre  sunt 
Pur  kei  tut  rens  esîunt: 
Ceo  est  feu,  eyr,  ewe  e  tere, 

188  Dunt  jescun  de  altre  a  [ajfere, 
Par  icele  concordance 
Ke  nul  n'esta  l'autre  grevance; 
Kar,  si  cum  cercle  returné, 

192  Ensement  turnent  e  sanz  mellé  : 
Le  fu  en  l'eyr  si  se  turne, 
Li  eyr  en  l'ewebiensojorne,[i  56] 
L'ewe  en  la  terre  cuille  e  plie... 


Le  ms.  DD.  10^  31  est  incomplet  de  la  fin,  les  derniers  feuillets  ayant 
étéenlevés.  Il  manque  environ  570  vers  au  poème  de  la  Petite  Philo- 
sophie. Voici  les  vers  qui  terminent  ce  ms.  Je  les  fais  précéder  du  texte 
latin  correspondant,,  qui  forme  la  fm  du  livre  I  de  l'ouvrage  (Migne, 
col.  146): 

Lactea  zona  ideo  candida  est  quia  omnes  stelL-e  fundunt  in  eam  sua  lumina 
{DD.  vv.  23-30). 

Cometa;  suntsteilae  flammis  crinitas,  in  lactea  zona  versus  Aquilonem  appa- 


136  Corr.  Saver.  —  142  Corr.  Devant.  —  148  Corr.  c.  munt.  —  161  Corr. 
criées.  —   179   Corr.  de  yle. 


260  P-    MEYER 

rentes,  regni  mutationem  aut  pestilentiam  aut  bella  vel  ventos,  aestus  vel  sicci- 
tatem  portendentes.  Cernuntur  autem  septem  diebus,  si  diutius  octoginta  {DD. 
vv.  31-39). 

Sidéra  fabulosis  involuta,  imo  polluta  perlustravimus.  Altius  scandantes  astra 
matutina,  soiemque  solis  inspiciamus. 

Super  firmamentum  sunt  aqus  instar  nebulas  suspensas,  qusecœlum  in  circuitu 
ambiredicuntur,  unde  et  aqueum  cœlum  dicitur  [DD.  vv.  41-46). 

Super  quod  est  spirituale  cœlum,  hominibus  incognitum,  ubi  est  habitatio 
angelorum  pernovem  ordines  dispositorum.  In  hoc  est  paradisus  paradisorum, 
in  quo  recipiuntur  animae  sanctorum,  hoc  est  in  cœlum  quod  in  principio  legitur 
cum  terra  creatum  {DD.  vv.  47-54)- 

Huic  longe  supereminere  dicitur  cœlum  cœlorum  in  quo  habitat  rex  angelo- 
rum {DD.  vv.  55  et  suiv.). 

Je  donne  en  note  les  principales  variantes  du  ms.  Gg.  6.  28, 


Autre  esteiles  sunt  plusurs 
Dunt  home   ne  set   lur    nun    ne 
[lur  curs, 
Ne  lur  nuns  ne  lur  poetez  ; 
4  Mes  jeo  meretrès  tut  de  gré, 
Kar  cel  començail  est  fol  e  gref 

Ne  n'est  merwaylle  si  en  a  nun 
[turt     (/.  24) 
8  Chose  dunt  sen  [ne]  pru  ne  curt  : 
E  quel  pru  est  de  dire  la  ren 
Ou  home  ne  put  aprendre  ben? 
Ki  ben  eist  sanz  ben  aprendre, 

12  0  le  ane  deit  harpe  aprendre. 
Ben  dire  sanz  ben  mustrer 
Fetle  musard  plus  musarder; 
Dunt  li  sage  sun  fiz  chastie  ; 

16  «  Gardez  ke  ne  méprenez  mie 
«  De  pincer (i/f)  les  Deus  secrez, 
«  Kei  ke  seit  le  ciel  esteilez.  » 
Sovent  cil  ki  tut  vut  saver 


20  Tut  pert  quant  veit  Sun  nun  poer. 

Lessum  a  Deu  ses  privitez  ; 

Quant  li  plet  il  nus  mustre  assez. 

Fallaz  est  une  zone 
24  Ke  tant  est  clere  blanche  e  bone, 

E  très  parmi  le  cel  s'en  vad. 

Icel  nun  cum  duz  let  ad; 

Blanc  e  gai  est  duz  let 
28  Dunt  cel[e]  zonj^e]  sun  nun  tret. 

Les  esteiles  la  clarté  funt 

Ke  ele  a  chescune  respunt. 

En  ceste  zone  par  fiez 
32  Ver  le  north  parent  comètes  leez, 

Unes  esteiles  mut  cremues 

E  0  mult  flambestes  kernues  : 

Change  de  prince  signefient 
36  Ou  pestilence  e  guère  dient, 

Ou  grant  vent  ou   grant  flote  de 
[mer,     {b) 

Kar  n'i  est  ki  en  set  penser. 

Set  jor  parent  ou  vint  e  .v.  plus; 


6  Voici,  d'après  Gg.  6.  28,  ce  vers  qui  manque  dans  DD  :  Ke  hom  ne  poet  trere 
a  bon  chef.  Dans  le  même  ms.  les  vers  -]  h  li  manquent.   —    11    Les  deux  pre- 
mières lettres  de  apendre  paraissent  grattées  à  dessein.,  pour  laisser  rendre. 
I  j  Cf.  Denis  Caton  : 

Mitte  arcana  Dei  .cœlumque  inquirere  quid  sit, 
Cum  sis  mort3lis,  quas  sunt  mortalia  cura. 
23  Corr.  Gallax;  Gg  Gallaris.   —    27-30  Manquent  dans   Gg.  —   34  Gg  E 
flaunchisanment  kernues. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE    (DD.  10.^1 


261 


40  De  nus  garnir  est  Deu  gelus. 
Amunt  en  cel  grant  firmement, 
Le  livre  dist  ke  ren  ne  ment, 
Sus  les  nues  suntewes  suspendues 

44  Ausi  cum  mule  en  ses  nwies, 
Ke  suz  le  cel  turnent  envirun  : 
Icel  cel  ewin  ad  nun. 
Sutr  (sic)  celi  est  le  cel  esperital 

48  Ke  n'est  conu  de  home  mortal; 
Les  angels  sunt  en  lui  menant, 
Ke  tut  dis  unt  joie  grant. 
La  sunt  les  aimes  des  senz 

52  Ke  en  Deu  servise  ne  furent  feinz. 
Icel  cel  fu  primes  créé 
E  0  la  terre  purtreté, 
Icel  cel  ben  de  la 

56  En  un  grant  cel  ki  fin  nen  a. 
Il  est  nomé  li  cel  de  cels, 
La  meint  li  reis  des  angels  Deus; 
La  meint  le  rei  tut  puissant, 

éo  Lui  nel  teint,  si  est  tut  tenant; 
Tut  fet,  tut  veit,  tut  governe, 
E  li  ne  rent  e  li  ne  terne. 
Il  est  partut  puissanment, 

64  En  nuli  nel   tent  nel   comprent. 
Par  tut  est  en  mi  lia  nel  tent, 
E  de  lui  tut  bens  nus  vent  ; 
Dunt  l'Escripture  nus  dist 

68  Ke  parole  par  seint  Esperit 

Ke  il  est  plus  haut  kel  cel  lamunt 
E  ke  n'est  abime  plus  parfund. 
Plus  est  long  ke  la  mer  ne  estent 

72  E  plus  est  lé  ke  la  terre  ne  tent, 
Ke  tut  veit  et  tut  put  e  tut  eut 
E  tut  le  munde  en  sa  main  clôt. 


Tut  est  al  mund,  tut  est  dehors, 
76  Mes  neli  comprent  ne  ii  ne  cors- 

Il  est  desus  trestut  puissant, 

Il  est  desuz  trestut  susienant, 

Il  est  dedenz  pur  tut  sustenir, 
80  II  est  dehors  pur  tut  garnir; 

Il  n'est  pas  confus  dehors 

Ne  compain  en  mundaine  cors; 

Il  n'est  grevé  pur  sustenir 
84  Ne  equis  par  sun  emplir  ; 

Il  n'est  ahaucé  pur  sun  munter 

Ne  abessé  par  sun  avaler  ; 

Ja  n'ert  plus  hait  ne  plus  bas, 
88  Mes  tut  dis  ert  en  novel  cas. 

Sanz  labur  est  governor 

E  sanz  travail  est  overor. 

Tut  fet,  tut  veit,  tut  adorne 
92  E  en  pès  est  quant  tut  aturne  ; 

Quan  ke  fu  est  e  serra 

Tud  ad  fet  e  tut  defra  ; 

Quank'est  el  mund  n'est  vers  lui 

[pussant, 

96  Plus    ke  une  gote  en   un    reim 

[pendant,  (d) 

Kei  quident  dune  li  faucener.? 

K'en  ert  quant  il  se  vout  venger.? 

Cum  ert  l'aime  dune  [en]  anguisse, 
100  Quant  tute  créature  le  cuse, 

Ke  tut  ren  l'en  cusera 

Ke  a  péchez  einz  lui  eyda.? 

L'escrit  dist  ke  tut  le  mund  tendra 
104  0  Deu  e  combatera, 

Cuntre  les  pécheurs  e  les  faus 

Ke    Deu    guerirerent    pur     lur 
[maus. 


46  ewyn  djns  Gg^  cf.  le  latin  cité  ci-dessus.  —  55  Gg  Outre  celi  bien  de 
la;  corr.  Outre  celui  cel  b.  —  62  Cg  E  lui  ne  tient  ne  liu  ne  terme.  —  6^-6 
Gg  Par  tut  est  tut  e  liu  nel  tient.  Riens  en  luy  tien  et  il  tut  tient.  —  76  Gg 
M.  ne  c.  ne  lui  ne.  Le  menu  ms.  ajoute  :  Tut  el  el  (sic)  mound  tout  est 
desous.  Tut  a  delez  tout  a  dejous.  —  79  Gg  t.  tenir.  —  80  Gg  garir.  — 
Le  même  ms.  ajoute:  Par  ces  costez  trestut  contyent.  E  par  enviroun  tut  mey- 
tient.  —  82  Gg  Ne  conpris.  —  84  G^Ne  enquis  p.  soen  haut  empir.  —  88 
Gg  en  ouel,  naturellement.  —  89  Gg  S.  travailer.  —  99  Gg  E  s.  grevance.  — 
97  Cg  li  sorcener.  —  100  Gg  le  encuse.  —  101  Gg  le  aunira.  —  106  Gg  Que 
ly  gerpirent. 


202  P.    MEYER 

La  terre  ferement  l'cncusera  E  la  nut  ke  sun  mal  cela, 

108  K.e  la  vitaille  li  trova,  Trestuz  mustrent  sa  vie  foie, 

E  les  richesses  ensement  120  Kar  tute  ren  ad  Deu  parole. 

K'il  despendi  folement;  Le  cheytif  pécheur  ke  fra 

La  mer  e  les  ewes  ensement  Quant  tut  le  mund  l'encusera  ? 

112  Les  e[n]cuserent  ferement,  Quant  11  mund  li  mut  bataille 

K'il  but  e  sa  seif  estancha  124  Ke  fra  dunke  une  ventaille  ? 

E  des  ordures  se  lava,  '    Certes,  nent  est  home  pur  vérité, 

E  l'eyr  par  unt  il  espira  Kar  il  anentist    par  sun  péché. 
116  El  fu  dunt  il  se  eschaufa 

E  le  solail  ke  le  aluma,  Nent  est  ' 


DD.  12.23.   —  LA    MANIERE    DE    LANGAGE. 

Parchemin,  87  fF.,  hauteur  o-"  162,  largeur  o'"  122;  commencement 
du  xv^  siècle.  Le  ms.,  incomplet  du  début,  commence  par  un  traité  des 
conjugaisons  françaises  qui  se  retrouve  ailleurs,  par  ex.  dans  le  ms. 
GG.6.44  de  la  même  bibliothèque,  &.  19-28.  Ce  traité  ne  peut  fournir 
aucune  information  de  quelque  valeur  sur  l'histoire  de  la  conjugaison 
française  :  il  peut  seulement  servir  à  montrer  combien  grande  était  la 
corruption  du  français  usuel  en  Angleterre  au  xiv*"  siècle.  Ce  n'est  plus  du 
français,  c'est  du  law  french.  M.  Stùrtzinger  a  indiqué  sommairement  le 
contenu  de  ce  petit  traité  dans  sa  récente  publication  intitulée  Orthographia 
gallica  (Heiibronn,  1884)*,  p.  vij.  Viennent  ensuite  différents  opuscules 
concernant  presque  tous  la  procédure,  pour  lesquels  je  me  borne  à  ren- 
voyer au  catalogue  imprimé  et  à  M.  Stùrzinger,  p.  xiv,  et  enfin  la 
manière  de  langage.  Ce  manuel  de  la  conversation  française,  le  plus  an- 
cien sans  doute  qui  existe,  est  certainement  le  plus  curieux  entre  les 
ouvrages  passablement  nombreux  qui  ont  été  composés  en  Angleterre 
pour  faciliter  l'^/ppme  du  français.  Il  est  édité,  depuis  1873,  dans  les 
numéros  de  la  Revue  critique  qui  furent  publiés  pour  compléter  le  second 
semestre  de  l'année  1870,  laissé  interrompu  au  moment  de  la  guerre?. 
Pour  cette  édition  je  me  servis  uniquement  du  ms.  3988  du  fonds  Har- 
léien  du  Musée  britannique.  Je  connaissais  dès  lors  une  autre  copie  du 
même  ouvrage,  celle  que  renferme  le  ms.    182  d'Ail  Soûls  à  Oxford, 


I  n-4  Gg  Dont  pécheur  vuys  si  s'en  leva.  E  pur  plus  pécher  se  acena.  — 
1 19  Tretuz  dirunl  la  fu  foie.  —  124  Gg  une  toile.  —  126  Corr.  anentist; 
Cg  Quant  avient  nient  p. 

1.  C'est  la  réclame  qui  termine  le  cahier. 

2.  Voy.  Romama,Wy ^  60. 

3.  Tiré  à  part  sous  ce  titre  La  manière  de  langage  qui  enseigne  à  parler  et  à 
écrire  le  français.  Paris,  libr.  Franck,  in-8<».  —  Voy.  Romania^  II,  368. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE    (DD.I2.y'!3)  26^ 

(ff.  305  et  suiv.),  depuis  longtemps  décrit  par  Coxe  dans  son  catalogue 
des  mss.  des  Collèges  d'Oxford,  et  que  j'avais  moi-même  étudiée  dès 
1870.  Par  une  singulière  inadvertance,  tout  en  citant  ce  ms.  pour  d'autres 
textes  qu'il  renferme,  j'oubliai  de  dire  qu'il  contenait  aussi  la  manière  de 
langage.  Il  est  du  reste  postérieur  au  ms.  Harléien,  et,  appartenant  à 
la  même  famille,  n'offre  guère  de  variantes  utiles. 

A  ces  deux  mss.  il  faut  ajouter  le  ms.  DD.  12.23  de  l'Université  de 
Cambiidge,  déjà  signalé  par  M.  Stùrtzinger,  Orîlwgr.  gallica ,  p.  xij, 
un  fragment  (le  commencement!  conservé  dans  le  ms.  du  Musée  Bri- 
tannique Add.  177 16,  également  indiqué  Orthogr.  gallica  (p.  xiij),  et 
enfin  une  cinquième  copie  jusqu'à  présent  non  citée,  à  ma  connaissance 
du  moins,  que  renferme  le  ms.  8188  de  la  bibliothèque  Phillipps  '.  Ces 
trois  derniers  textes  me  paraissent  appartenir  à  une  même  famille,  nette- 
ment distincte  de  celle  où  prennent  place  leHarl.  3  988  et  le  ms.  d'Ail  Soûls. 

[Fol.  67  V').  Ici  a  nostre  commencement  de  cesti  tretis  nous  dirrons  ainsi- 
En  non  de  Fier  e  Filz  e  sent  Espirit,  amen.  En  non  de  la  glorius  Trinité 
trois  persuns  e  un  soûl  Dieu  omnipotent  creour  demound  qu'est  e  a  esté  e  sanz 
fin  régnera,  de  qui  vient  toute  grâce,  sapience  et  virtu,  faiceons  priera  a  luy 
dévotement  que  luy  plese,  de  sa  graunde  mercy  e  grâce,  toutz  qui  cest  livre 
regarderont  ou  en  rememorunt,  ensy  abuverer  2  e  enluminer  de  le  rosée  de  sa 
haute  sapience  qu'ils  purrontavoire  souveraigne  grâce  e  sen  naturel  d'apprendre 
e  parlere,  bien  sonere  e  parfitement  escriere  douce  francès,  qu'est  la  plus  beale  e 
la  plus  gracious  langage  e  la  plus  noble  parlere,  après  latyn  de  scole,  que  soit 
en  monde,  et  de  toutz  genz  melx  preysé  e  amee  que  nulle  autre;  quare  Dieux 
le  fist  si  douce  e  amyable  princypalement  en  l'onore  e  loenge  de  lui  mesmez. 
Et  pur  ce  que  homme  est  le  plus  noble  e  le  plus  digne  créature  que  soit  en 
ciele  e  que  Dieux  a  ordigné  d'estre  soveraigne  e  maister  dez  toutz  autrez  crea- 
turs  e  choses  que  sont  desoubz  luy,  je  commencerai  a  déclarer  e  pleinement  de- 
terminere  de  lui  e  de  lez  membres  de  son  corps. 

Fin  [fol.  87  —  cf.  édit.  p.  403). 

Guilliam  tesez  vous  e  do 3;  mèz    primerement  nous  dirrons  de  profundis 

en  l'onour  de  Dieu  et  de  [nostre]  Dame,  e  pur  les  anmes  des  trespassez  qui  la 
mercy  de  Dieu  atendent  en  paynes  de  purgatorie,  qu'ils  purrontle  plus  tost  estre 
relevez  de  lour  payns  a  cause  nos  priers,  e  venir  a  la  joye  pardurable,  laquele 
joie  Dieux  qui  maint  en  haut  paradys  e  nous  rachata  de  son  precious  sanc,  pur 
sa  grant  mercy  e  piteous  4  ottroit  en  le  fine  s'il  lui  pleest.  Amen. 

Ici  le  fine  le  commune  parlance  meliour  en  tout  le  Ffrance. 


1.  Ms.  renfermantle  traité  de  GautierdeBiblesworth;  voy.Romania^XUl,  $01. 

2.  On  lirait  plutôt  abunerer;  il  y  a  en  interligne  to  bcfulfillid. 

3.  Déchirure  dans  le  ms.  ;  lire  ^o[r/ncz]? 

4.  Corr.  pité  nous. 


26^1 


EE.  2.17.  —  GILLES  DE  ROME,  traduit  par  HENRI   DE 
GAUCHI.  —  VEGECE,  traduit  par  JEAN  DE  VIGNAI. 

Ce  manuscrit,  relié  avec  les  no^  EE.  2.1  $  et  EE.  2. 16,  est  un  frag- 
ment, dont  les  feuillets  mesurent  0  ■"  280  sur  o  ""  210.  Il  est  en  papier, 
sauf  la  feuille  extérieure  et  la  feuille  centrale  de  chaque  cahier,  qui  sont 
en  parchemin.  Les  cahiers  sont  de  six  feuilles.  Au  bas  des  feuillets  $  à 
7  de  la  numérotaîicn  actuelle,  on  lit  les  cotes  g  iiij,  gv,g  vj,  ce  qui  permet 
d'évaluer  exactement  le  nombre  des  feuillets  manquant,  à  supposer  que 
tous  les  cahiers  aient  été  de  six  feuilles,  soit  36  feuillets.  Au  bas  du 
fol.  2  on  lit,  en  capitales  du  xvi'=  siècle,  Strangways,  et  au  bas  du  fol .  3 
«Guillaume  Le  Neve,  York,  1632».  Au  xv«  siècle  le  même  ms.  avait  fait 
partie  de  la  célèbre  librairie  du  duc  Humfrey  de  Gloucester  ',  car  à  la 
dernière  page  on  lit  cet  ex-libris  autographe  :  «  Cest  livre  est  a  moy 
«  Homfrey  ducde  Gloucestre,du  don  mess.  Robert  Roos,  chevalier,  mon 
«  cousine  ))  Leduc  de  Gloucester  étant  mort  comme  onsait  en  1447,  le 
ms.  sur  lequel  se  trouve  son  autographe  ne  peut  être  de  la  seconde 
moitié  du  xv°  siècle  comme  le  suppose  le  catalogue  imprimé.  Il  est  de 
la  première  moitié  de  ce  siècle. 

1.  —  Gilles  de  Rome,  du  gouvernement  des  rois  et  des  princes 
traduit  par  Henri  de  Gauchi.  —  On  possède  d'assez  nombreux  mss. 
de  cette  version  du  traité  que  Gilles  de  Rome  dédia  à  Philippe  le  Bel 


1.  Il   ne  figure  pas  dans  la  liste   des   livres  donnés  à  l'Universié  d'Oxford 
'par  le  duc  de  Gloucester.  Cette  liste,  qui  est  publiée  dans  les  Munimmta  acade- 

mica  d'Oxford,  pp.  758  et  suiv.  (Collection  du  Maître  des  Rôles),  ne  renferme 
que  des  livres  latins. 

2.  Telle  est  la  formule  que  le  duc  de  Gloucester  inscrivait  habituellement  sur 
ses  livres,  ayant  soin  d'indiquer  leur  provenance.  On  a  déjà  signalé  en  diverses 
bibliothèques  un  assez  bon  nombre  de  mss.  portant  cet  ex  libris  autographe  ; 
voy.  pour  les  collections  conservées  en  Angleterre,  H.  Ellis,  LctUrs  oj  cmincnt 
literary  mm  (Camden  Society),  pp.  5^7-9;  UiCTây.Annals  ofthe  Bodldan  library, 
pp.  8-9;  Fr.  Madden,  édition  de  V Historia  minor  de  Mathieu  de  Paris,  I,  xxxix; 
enfin,  pour  la  France,  \ç  Cabinet  des  mss.,  I,  52,  note  8,  où  M.  Delisle  a 
signalé  pour  la  première  fois  six  volumes  ayant  appartenu  au  duc.  Voici  une 
liste  provisoire  des  livres  jusqu'ici  reconnus: 

Cambridge,  Bibl.  de  l'Univ.  EE.  2.  17 

—  Saint  John's  H.  5  (?) 
Londres,    Musée  brit.,  Cott.  Nero  E.  V. 

—  -  Roy.  s-  F.  II. 
_                _  _     ,4.  c.  VII. 

—  _  -     16.  G.  VI. 

—  —  Harl.  988. 

—  —  —     1705  (=:  Bernard,  II,  212,  n"  6858). 

—  —  Sloane248. 

—  —  Egerton  617-8. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE    (EE.2.I7)  265 

avant  son  avènement  au  trône  ' .  L'exemplaire  de  Cambridge  n'a  plus 
que  ses  deux  derniers  feuillets:  il  commence  dans  lecoursdu  chap.  xxi, 
La  rubrique  du  chapitre  xxii  est  ainsi  conçue  : 

Ce  .xxij«.  cap.  enscgne  quant  l'en  doit  fere  les  nefs  et  les  galiez  de  mer,  et 
comment  l'en  se  doibt  combatrc  en  eaue  ou  en  mer,  et  ensengne  ce  capitre  as  quelles 
choses  toulz  Us  bataillez  doibvcnt  tstre  ordonnes. 

L'ouvrage  se  termine  au  recto  du  feuillet  suivant  :  Cy  fine  le  livre  du 
«  gouvernement  desroys  et  dez  princes  que  frère  Gilles  de  Romme,  de 
«  l'ordre  saint  Augustin,  a  fait.  » 

2.  —  VÉGÈCE,  traduit  par  Jean  de  Vignai.  —  Cette  version  n'était 
pas  inconnue  :  elle  se  trouve  dans  le  ms.  1229  du  fonds  français  de  la 
Bibliothèque  nationale,  mais  elle  y  est  anonyme,  et  nulle  part  je  ne  vois 
mentionné  Jean  de  Vignai,  qui  a  tant  traduit,  comme  traducteur  de 
Végèce.  Le  ms.  de  Cambridge  a  donc,  pour  notre  histoire  littéraire, 
une  valeur  particulière. 

(Fol.  })  C'est  le  livre  de  Vegece,  de  Chevalerie,  translaté  de  latin  en  franchois. 

Ci  commence  le  livre  de  Vegece  de  chevalerie,  translaté  de  latin  en  franchois 
par  maistre  Jehan  de  Vignay,  de  l'ordre  de  Haultpas,  lequel  livre  contient 
.iiij.  livres  complès.  Le  premier  livre  monstre  et  ensengne  de  l'ancien  temps,  qui 
dit  ainsi  que  a  nul  n'afiert  mielx  a  sçavoir  pluseurs  choses  que  aulx  princes... 

Le  prologue  du  translateur. 

Tout  aussi  comme  dit  Segons  le  philosophe... 


EE.  3.  52.  —  Premier  volume  de  la  bible  française 

DU    XIII®   SIÈCLE. 

Ce  mi.,  qui  appartient  au  xiv*  siècle,  a  été  fort  bien   décrit  par 
M.  Samuel  Berger  dans  son  livre  La  Bible  française   au   moyen  âge, 


Oxford,    Bodleienne,  auct.  F  infra  i.  1. 

—  —  —    F.  ii.  2î 

—  —  —    F.  V.  27. 

—  Oriel  32. 
Paris,        Bibl.  nat.  lat.  780J. 

-8537. 

—  —  fr.  2. 

—  —  —  12421. 

—  -  -  .2583. 

—  Sainte  Geneviève  fr.  L  1 . 

I.  Bibl.  nat.  fr.  213,  573,  581,  1201,  1202,  1205,  etc.  ;  Troyes  898; 
Lambeth  n*  266  (fort  bel  exemplaire  avec  miniature  de  présentation,  auquel  il 
manque  à  la  fin  un  ou  deux  feuillets);  Ashburnhamplace,  Barrois  22;  Libri 
125  (maintenant  à  la  Laurentienne),  etc. 


266  p.    MEYER 

pp.  407-8.  Si  je  le  fais  figurer  ici,  c'est  pour  avoir  l'occasion  d'en  citer 
quelques  lignes,  ce  que  n'a  pas  fait  M.  Berger,  et  ce  qui  n'est  pas  su- 
perflu, puisqu'il  s'agit,  comme  on  va  le  voir;  d'un  texte  assez  rare. 
M .  Berger  suppose  avec  vraisemblance  que  ce  volume  a  été  exécuté 
en  Angleterre,  «  quoiqu'on  ne  trouve  dans  le  texte  »,  ajoute-t-il,  «  au- 
cune forme  anglaise  « .  Cette  dernière  assertion  n'est  peut-être  pas  tout 
à  fait  exacte.  La  langue  est  bien  le  français  de  l'Ile-de-France,  mais 
cependant  des  formes  telles  que  eiivangelie,  pur  (pour) ,  fuiz  (=  fiuz,  fi  1  i  u  s) 
se  trouveraient  difficilement  au  xiv*^  siècle  sous  la  plume  d'un  copiste  fran- 
çais. Disons  que  c'est  la  copie  très  soignée  faite  par  un  Anglais  d'un  texte 
français  du  continent.  L'exactitude  n'est  cependant  pas  complète;  notre 
copiste  ne  comprenait  pas  toujours  ce  qu'il  copiait,  d'où  un  assez  bon 
nombre  de  fautes  de  lecture  :  je  citerai  notamment  à  la  fin  du  livre  de 
Job  (voir  ci-après)  coutiuanz,  qui  n'a  aucun  sens,  au  lieu  de  tourmanz. 

Ce  volume  fut  légué  aux  chanoinesses  de  Flixton  (Suffolk)  en  1442, 
comme  l'atteste  une  note  contemporaine  écrite  sur  un  feuillet  de  garde 
et  publiée  d'abord  dans  le  catalogue  (I,  89)  puis  par  M.  Berger  (p.  408). 
Dans  cette  note  l'ouvrage  est  décrit  comme  étant  un  «  Vêtus  Testamentum 
in  duobus  voluminibus  gallici  ydyomatis  ».  Il  est  à  croire  cependant 
que  ces  deux  volumes  contenaient  aussi  le  Nouveau  Testament,  car  en 
1697  l'inventaire  des  mss.  de  J.  Moore  (Bernard,  Catalogi,  II,  ^63, 
n"  9235-49)  indique  deux  volumes  dont  le  second  est  ainsi  décrit: 
«  Eorumdem  [Bibliorum]  pars  posterior  usque  ad  Apocalypsin  inclusive.  » 
Quoi  qu'il  en  soit,  le  premier  volume  seul  subsiste  actuellement,  ou  du 
moins  le  second,  s'il  existe  encore,  n'a  pas  été  identifié. 

La  version  que  nous  offre  le  ms.  de  Cambridge  est  celle  que  M.  Berger 
pense  avoir  été  faite  à  Paris  sous  saint  Louis.  Elle  occupait  ordinaire- 
ment deux  volum.es  dont  le  second,  commençant  au  Psautier,  a  été 
introduit  à  peu  près  textuellement  dans  la  Bible  Historiale  de  Guyart 
Desmoulins'.  Du  tome  I,  qui  n'a  pas  eu  la  même  fortune,  et  qui  fut 
bientôt  remplacé,  dans  l'usage  ordinaire,  par  d'autres  versions,  il  ne  reste 
que  peu  d'exemplaires.  M.  Berger  cite  les  mss.  6  et  899  du  fonds 
français  à  la  Bibliothèque  nationale,  le  ms.  5056  de  l'Arsenal  et  un  ms., 
brûlé  en  1870,  de  Strasbourg.  U  faut  ajouter  à  cette  liste  un  magnifique 
exemplaire,  complet  en  un  volume,  qui  faisait  naguère  partie  de  la  Biblio- 
thèque Didot^.  Le  plus  ancien  de  tous  ces  mss.  est  le  n"  899  qui  est  mal- 
heureusement mutilé,  les  feuillets  qui  contenaient  des  miniatures  ayant 
été  arrachés  ou  coupés. 


1.  Voy.  pp.  187  et  suiv.  de  l'ouvrage  de  M.  Berger. 

2.  Vente  1879,  n»  5.  C'est  un  ms.  du   xv«  siècle  orné  de   belles  peintures 
dont  deux  sont  gravées  dans  Tédition  de  luxe  du  catalogue. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE    (EE.^.ja)  267 

Le  ms.  de  Cambridge  renferme  le  Pentateuque,  Josué  (fol.  162),  les 
Juges  (fol.  196),  Ruth  (fol.  22 il,  les  Rois  (fol.  224I,  les  Paralipomènes 
(fol.  ^07),  Esdras(fol.  348),  Nehémie(fol.  363I,  Tobie  ifol.  372),  Judith 
(fol.  377'«,  Esther  (fol.  386),  Job  (fol.  375). 

Je  transcris  le  début  de  la  Genèse,  des  Rois  et  de  Job.  On  pourra 
comparer,  pour  le  premier  et  le  dernier  de  ces  livres,  le  texte  ci-après 
avec  les  passages  correspondants  rapportés  par  M,  Berger,  pp.  121 
(Genèse,  d'après  Arsenal)  et  128  (Job,  d'après  Biblioth.  nat.  fr.  899). 

[Genèse.] 

Cist  livres  est  apelez  Genesis,  pur  ce  qu'il  est  de  la  generacion  du  ciel  et  de 
la  terre  ou  comencement,  ja  soit  ce  qu'il  parole  après  de  plusurs  autres  choses, 
aussi  corne  le  euvengelie  seint  Matheu  est  apelé  livres  de  la  generacion  Jhesu 
Crist  ;  et  ausi  corne  Moyses  dist  en  ce  livre  cornent  li  premiers  home  lu  criés 
de  la  terre  qui  iert  virge,  qui  puet  engendrer  les  terriens  homs  en  ceste  vie 
trespassable,  autressi  le  euvangelie  saint  Malheu  mostre  ou  comencement, 
coment  li  secons  homs,  ce  est  Jhesu  Crist,  fu  nez  de  la  virge  Marie  qui  les 
celestiau.\  homes  puet  engendrer  en  vie  pardurable. .. 

[Rois.] 

(Fol.  224/))  Uns  homs  fu  de  la  cité  de  Ramatha  qui  est  ou  mont  Effraym, 
qui  ot  non  Helchana,  li  luiz  Jeroboram  le  fuiz  Cham,  le  fuiz  Subh  de  Be- 
thleam.  Cist  homs  ot  .ij.  femes  :  l'une  avoit  non  Anne  et  l'autre  avoit  non 
Phenanne.  Phenanne  avoit  enfanz,  mes  Anne  n'en  avoit  nul.  Cist  homs  si  aloit 
de  la  cité  aus  jours  qui  estoient  establiz  pur  orer  e  pur  sacrifier  a  Dampnedeu 
en  Sylo... 

[Job]. 

(Fol.  595  ^)  Uns  homs  estoit  en  la  terre  de  Hus  quiavoitnon  Job,  et  cilhoms 
si  estoit  simples  et  droituriers  et  départant  soi  de  mal.  Lors  li  nasquirent  .vij. 
tuiz  et  .iij.  filles  qui  li  estoient  nez,  ce  esta  dire  que  il  avoit  engendrez,  et  il  ot 
en  possession  .vij.  milliers  et  iij.  c.  des  chamieus,  .v.  c.  jous  de  bues  et  .v.  c. 
asnesses  et  molt  grant  mesniée... 

Fin: 

Job  vesqui  après  ses  coutiuanz  '  .c.  et  .xl.  anz,  et  vit  ses  fuiz  de  ci  en  la 
quarte  generacion,  et  morut  viellartet  plains  des  jourz. 

Explicit. 

EE.  3.  59.  — Vie  de  saint  Edouard. 

Ce  ms.,  qui  vient  delà  collection  Moore  [Catalogiàe  Bernard,  II,  362, 
n"  9222.36)  n'est  mentionné  ici   que   pour  mémoire.    L'ouvrage  qu'il 


2.  Bibl.  nat.  fr.  6  :  cesl  torment  ;  fr.  899  ct'z  lormenz. 


268  p.    MEYER 

renferme,  en  vers octosyllabiques,  a  été  publié  par  M.  Luard',qui  a 
joint  à  son  édition  un  fac-similé  du  fol.  29  r",  grâce  auquel  on  peut  se 
faire  une  idée  parfaitement  exacte  de  la  richesse  de  ce  ms.,  où  la  partie 
supérieure  de  chaque  feuillet  est  occupée  par  une  fort  belle  miniature 
qui  souvent  est  divisée  en  deux  compartiments.  Des  rubriques  en  vers, 
tout  à  fait  distinctes  du  texte,  accompagnent  ces  peintures.  C'est  exacte- 
ment la  disposition  que  présentent  les  feuillets  conservés  de  la  vie  en 
vers  octosyllabiques  de  saint  Thomas  Becket  qui  s'imprime  actuellement 
pour  la  Société  des  anciens  textes  français. 


EÉ.  4,  2(i.  —  Le  roman  d'Yder. 

C'est  également  pour  mémoire  que  ce  ms.  est  ici  mentionné.  Il  con- 
tient un  roman  de  la  Table  ronde,  malheureusement  incomplet  du  com- 
mencement, mais  néanmoins  d'une  grande  valeur,  car  c'est  une  œuvre 
française,  se  rattachant  à  l'école  de  Chrestien  de  Troyes,  et  dont  on  ne 
possède  pas  d'autre  copie.  Le  ms.  a  été  exécuté  en  Angleterre,  à 
la  fm  du  xiiie  siècle.  C'est  dire  qu'il  est  assez  fautif.  L'œuvre  et  le 
ms.  sont  restés  ignorés  de  tous  ceux  qui  ont  écrit  sur  notre  histoire  lit- 
téraire ou  qui  ont  visité  les  bibliothèques  anglaises,  jusqu'au  moment  où 
il  y  a  une  dizaine  d'années,  j'en  fis  exécuter  une  copie  qui  sera  prochai- 
nement publiée  par  la  Société  des  anciens  textes  français. 


EE.  6.  II. —  Vie  de  sainte  Marguerite.  —  Purgatoire  de 
SAINT  Patrice.  —  MARIE  DE  FRANCE,  Fables. 

Ce  ms.  se  compose  de  deux  morceaux  distincts  reliés  ensemble. 

1°  Cahiers  1  et  2  (feuillets  i  à  1 5).  Vie  de  sainte  Marguerite  et  Pur- 
gatoire. —  Le  premier  cahier  (fF.  i  à  8)  est  complet  en  huit  feuillets,  le 
second  n'en  a  que  sept,  le  huitième,  qui  était  probablement  blanc,  ayant 
été  coupé.  L'écriture  paraît  être  de  la  seconde  moitié  du  xiii*^  siècle  ;  les 
dimensions  du  parchemin  sont  176  "'"  sur  120""". 

2°  Cahiers  3  à  5  (22  feuillets).  Fables  de  Marie  de  France;  l'écriture 
est  plus  ancienne  que  celle  des  deux  cahiers  précédents  ;  je  l'attribuerais 
à  la  première  moitié  du  xiii«  siècle.  Hauteur  des  feuillets  176  '"'", 
largeur  1 32  '"™. 


1.  Lïvti  oj  Edward  the  Confessor  1858  (Collection  du  Maître  des  Rôles). 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE    (EE.6.1I)  269 

Le  ms.  EE.  6.  ii .  est  depuis  une  époque  fort  ancienne  dans  la 
Bibliothèque  de  l'Université,  et  depuis  qu'il  y  est  entré  il  paraît  avoir 
perdu  un  assez  grand  nombre  de  feuillets.  En  effet,  il  est  ainsi  décrit 
dans  VEcloga  de  James  (1600),  p.  64,  n°  181  ' 

1.  Gallica  metra,  de  Ecclesiaet  aliis  rébus. 

2.  iEsopi  fabulx  nietris  gallicis. 

3.  Sermo  cujusdam  de  dandis  eleemosynis  et  contemptu  niundi. 

4.  Cato  cum  commentario,  sermone  anglico  vel  danico  potius  (ut  observât 

quidam  nescio  quis). 

5.  Vita  S.  Gregorii  metris  gallicanis  scripta. 

Il  ne  semble  pas  qu'il  y  ait  un  rapport  bien  intime  entre  cette  descrip- 
tion et  le  ms.  actuellement  coté  EE.  6.  1  1  ;  c'est  cependant  à  ce  ms. 
qu'elle  se  réfère  indubitablement,  caria  notice  du  catalogue  imprimé  par 
James  se  lit  encore,  avec  d'insignifiantes  variantes,  sur  le  plat  intérieur 
du  volume.  Les  art.  4  et  5  ont  été  barrés  comme  étant  en  déficit:  il 
il  eût  fallu  barrer  aussi  l'article  3  qui  ne  peut  se  rapporter  à  aucun  des 
trois  ouvrages  que  contient  le  ms.  dans  son  état  présent.  L'article  2  est 
le  recueil  de  Marie  de  France,  l'article  1  paraît  répondre  à  la  fois  à  la 
vie  de  sainte  Marguerite  et  au  Purgatoire. 

Le  texte  des  fables  ayant  été  collationné  par  M.  Ed.  Mail  pour  l'édi- 
tion qu'il  prépare  de  cet  ouvrage,  je  ne  m'en  occuperai  pas.  Quant  au 
Purgatoire  de  saint  Patrice,  c'est  une  version  qui  ne  paraît  pas  se  ren- 
contrer ailleurs  et  qui  était  restée  inconnue  jusqu'au  moment  où  la 
Romania  (Vl,  1 54I  en  a  donné  le  commencement  et  la  fin.  Je  n'en  dirai 
pas  plus  sur  ce  sujet  pour  le  présent,  et  je  me  bornerai  à  transcrire  les 
premiers  et  les  derniers  vers  de  la  vie  de  sainte  Marguerite,  dont  je  ne 
connais  pas  d'autre  exemplaire,  et  qui  est  un  poème  important.  Elle  se 
compose  de  69  couplets  ayant  chacun  de  quatre  à  neuf  vers. 

I  Puis  ke  Deus  nostre  sire  de  mort  resucita,  (.  1) 
[E\  veant  ses  angeles  a  son  père  monta^ 

Granz  companies  de  seinz  et  de  sentes  y  lessat, 
E  puis  pur  luy  morrurent  e  yl  les  corrunat, 
Del  son  celestre  règne  large  pars  iur  dunat. 

II  A  icel  tens  diable  aveient  granz  poetez  ; 

Pur  seinte  Yglise  prendre  esteient  si  pensenz  {sic), 
Quant  il  trove[i]nt  nul  honi  qui  seyt  cristienez 
Si  esteit  [il]  pendu  ou  ars  ou  lapideez, 


Notice  reproduite  dans  les  Catalogi  de  Bernard,  I,  2c  partie,  170. 


Ou  destret  de  chivaus  ou  haut  el  vent  croulez  ; 
Mes  cil  ke  n'en  chaleit  tant  en  ert  honurez 
Que  en  permanable  glore  [ore]  en  est  corunez. 

III  Seinurs,  des  toz  les  autres  vus  lerrai  a  conter, 
Fors  de  une  suie  virge  [dunt]  me  covent  parler  : 
[Le]  son  seinur  celestre  tant  pout  toz  jurs  amer, 
Onkes  pur  nul  turment  que  l'em  le  sout  duner 
Ne  pur  nule  promesse  ne  wout  de  luy  torner. 

Trayez  [vus]  ça  vers  moy;  pri  vus  de  l'escoter, 
Car  vers  son  chier  senniur  vus  pout  ben  aïder. 

IV  Geste  pucele  fu  mult  de  haut  parentee  : 
Si  père  fu  païens  de  grant  nobilitee  ; 
Theodorus  outnun,  onkes  ne  cremout  Dé; 
Tuz  ceus  qui  creeint  en  Deu  out  il  en  vilté, 
Nule  rien  ne  h[a]ait  envers  cristienté. 

Fin  (fol.  8)  : 

LXVII  Tut  cil  qui  sunt  pris  de  divers  enfermetez, 
Mult  sunt  awogles,  desirus  de  sauntez, 
De  lui  quant  parler  oient  ilec  sunt  alez; 
Dec'il  tochent  le  cor  sempres  sunt  [tut]  mundez, 
Ne  sentent  puis  nul  mal  ne  nul  enfermentez  (sic). 

LXVIII  Es  kalendes  de  aùst  del  siècle  treepassat. 

Quant  l'un  en  cest  siccle  de  lui  memorie  frat. 
Deu  I  cum  gloriusement  sum  martire  final! 
Dreiz  est  que  od  Deu  seit,  car  ben  de  servir'  l'ad  ; 
Si  est  ele  sanz  dotance,  jammès  ne  partirai. 

LXIX  Ele  deprie  Deu  qui  est  sanz  mentir 

Ke  il  nus  gard  de  tuz  maus  e  nus  doint  deservir, 

Quant  les  âmes  de  nus  deivent  del  cors  partir, 

Quant  2  a  sa  companie  puissuns  parvenir 

Qui  vivit  et  régnât  Dcus  per  omnia  sccula  seculorum.  Amen. 


EE.  6.  i6.  —  Livre  d'heures. 

On  trouvera  dans  le  catalogue  des  mss.  de  l'Université  une  descrip- 
tion suffisante  de  ce  livre  d'heures,   du  xiv''  siècle,  qui  doit  avoir  été 


I  Sic,  corr.  deservi.  —  2  Corr.  Que. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE    (EE.6.l6)  27  1 

exécuté  pour  un  des  établissements  religieux  d'Angleterre  qui  étaient 
dans  la  dépendance  de  l'abbaye  de  Fontevraud, 

Les  ff.  8  et  9  contiennent  un  hymne  à  sainte  Anne  en  latin  ■  et  en 
français  : 

Anna  sancta  Jhesu  Christi  Ave  duz  comencerr.ent, 

Matris  mater  pertulisti...  Seinte  Anne  gloriouse 

De  la  joie  saunz  finement... 

Au  fol.  16  est  copiée  une  prière  à  saint  François.  Je  la  trancris  tout 
entière.  Quand  on  fera  l'histoire  du  culte  de  saint  François  dans  notre 
pays,  il  y  aura  lieu  de  tenir  compte  des  nombreuses  poésies  françaises 
qui  ont  été  composées  en  l'nonneur  de  celui  qui  fut  pour  le  xiii'-  siècle 
et  le  xiv  le  saint  par  excellence  ^.  La  prière  du  ms.  de  Cambridge  est 
en  quatrains  alexandrins,  forme  fréquemment  employée  pour  ce  genre 
de  poésie  ;  voir  par  ex.  les  prières  en  quatrains  que  renferme  le  ms.  570 
de  l'Arsenal. 

Douz  sire  seint  Franceis  que  Jhesu  tant  amastes, 
E  desa  seinte  passiun  noit  et  jour  pensastes, 
Delà  peine  des  plaies  tant  sovent  remembrastes, 
Ke  en  vostre  seintisme  corps  l'enpreinte  portastes; 

L'amour  Jhesu  Crist  tant  vous  eschaufa 
Et  vostre  cuer  de  pité  gracious  eslu[m]ina 
Ke  en  meinse  pies  e  costé  dehors  se  moustra, 
Et  lui  amant  en  semblance  de  ami  conforma, 

Mult  fu  la  bunté  grande  de  si  grant  seignour 
Que  a  un  povres  home  moustra  si  grant  amour, 
Epar  especial  privilège  li  fist  si  grant  honour 
K.e  de  la  seinte  passion  li  fist  son  baneour. 

Douz  sire  seint  Franceis  ki  Deu  ad  si  chier, 
En  la  court  celestiene  estes  de  grant  poer, 
Et  a  vos  amis  especiaus  poés  mult  aider, 
Car  vous  portez  le  grant  sel  :  si  estez  chanceler. 

Por  celé  grâce  especiale  que  Jhesu  fist  a  tei 
Ke  entre  les  autres  seintz,  outre  comune  lei, 


1 .  Une  leçon  un  peu  différente  est  publiée  dans  Mone,  Lateinische  Hymnen, 
III,  .96. 

2.  Je  citerai  la  curieuse  chanson  en  laisses  assonantes  que  j'ai  publiée  dans 
le  Bulletin  de  la  Sociêtc  des  anciens  textes,  1884,  p.  77,  et  une  chanson  de  saint 
François  à  refrain  dans  le  ms.  43  de  la  Faculté  de  Médecine  de  Montpellier. 


272 


En  signe  de  sa  passion  te  conforma  a  sei 

Priez  le  douz  Jhesu  que  il  eit  merci  de  mei.  Amen. 


A  la  fin  du  livre  se  trouve  une  version  du  Veni  creator  qui  se  rencontre 
ailleurs  encore;  par  ex.  dans  le  ms.  Digby  86  (notice  de  M.  Stengel, 
p.  lo)  : 

Saint  Esperiz,  a  nus  venez 
E  nos  penseiez  visiter... 

EE.  6.  30.  —  Fragment  d'un  miracle  en  vers  de  la  Vierge. 

Ce  fragment  sert,  ou  a  servi,  de  feuillet  de  garde  au  ms.  à  la  fin  du- 
quel il  est  relié.  C'est  un  feuillet  de  parchemin  à  quatre  colonnes,  fort 
rogné  du  haut,  et  engagé  dans  la  reliure  de  façon  que  le  commencement 
des  vers  pour  la  colonne  a,  et  la  fin  pour  la  colonne  d,  ne  sont  plus  vi- 
sibles. Je  n'en  ai  pas  transcrit  tout  ce  qu'on  en  peut  lire,  mais  les  extraits 
que  je  vais  en  donner  suffisent  pleinement  à  montrer  qu'il  contient  une 
rédaction  jusqu'ici  inconnue  de  l'histoire  du  clerc  qui  souffrait  d'un 
cancer  à  la  bouche  et  que  la  Vierge  Marie  guérit  de  son  lait.  Je  présen- 
terai sur  ce  sujet  diverses  observations  à  propos  d'une  rédaction 
différente  du  même  miracle  que  nous  trouverons  plus  loin  dans  le  ms. 
Gg.  1.  I,  article  26.  Pour  le  présent  je  me  borne  à  remarquer 
que  le  morceau  qui  suit  est  certainement  l'œuvre  d'un  auteur  né  en 
Angleterre.  Les  rimes  grevus-plus  (3-41,  en}'[e]é-mené  (6-7),  honurer-poer 
($9-60),  ne  laissent  pas  de  doute  à  cet  égard.  Notons  aussi  quatre 
rimes  consécutives  (11-4),  ce  qui  est  surtout  fréquent  en  Angleterre. 

Proceine  est  la  sue  aïe  (b)              En  un  chanp  de  grand  beauté. 

A  chescun  ke  en  lui  se  afie,  Tut  li  chaunp  fluriz  estoit, 

E  u  li  maus  est  plus  grevus,  16  Ela  duçur  ki  venoit 

4  Ilokes  piert  sa  aïe  plus  ;  E  duce  herbes  e  des  flurs 

Ço  piert  el  clerc,  kar  visité  Surmunteint  tûtes  savurs. 

Le  ad  mut  tost  par  sa  pité:  Un  herber  lui  ad  mustré 

Un  aungle  lui  ad  env[e]é  20  Sun  guiur  de  graunt  beauté 

8  Ke  ad  le  esperit  de!  cors  menée,  Qe  sur  les  autres  tuz  lui  plut: 

U  le  cors  od  tut  le  espirit,  Vint  e  treis  herbes  i  out  ; 

Ne  sai  de  fi  ;  mes,  si  co[m]  quid,  Les  vint  etdeuserent  assises 

En  plusurs  lus  l'ad  amené  24  Envirun  le  herber  par  divises, 

12  E  meinte  ren  li  ad  mustré;  E  la  vintime  tierz  estoit 

Mes  al  derein  se  sun[t]  entré  Enmi  le  herber,  e  celé  avoit 


17  Corr.  Des  d. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE    (EE.6.30J 


273 


Set  mut  très  bêles  flurs, 
28  Tûtes  de  diverse  colurs, 

Ke  plus  oleient  ducement 

Ke  espèce  u  unnement. 

Les  autres  vint  e  deus  maneres 
3  2  Des  ces  autres  herbes  chères 

ic) 

«  Ke  il  vus  plaise  a  mustrer  moi 

«  Quel  lui  ço  est  ke  ici  voi  ; 

«   De  ces  herbes  e  de  ces  flurs 
36  «  Ki  sunttaunt  cluers  {sic)  colurs 

«   E  taunt  fleirent  ducement, 

a  S'il  vus  plest,  apernez  m'ent. 

1  Jo  sui,  certes,  mut  desirus 
40  •   De  cest  lui  taunt  glorius; 

«  Volentiers  si  jo  poeie 

"   A  tut  tens  i  remeinderoie. 

Dune  respunt  senz  nul  respit 
44  Ducement  li  aungle  e  dist  : 

«  Cist  beau  chaunp  taunt  aùrné 

«  Parais  est  apelé. 

«  Tu  vendras  en  haste  ici, 
48  1  Kar  cest  beau  lui  as  deservi 

«  Purçoqueas  vesqui  seintement 


«  E  as  gardé  nettement 

(c  Tun  cors  tut  tens  de  lecherie, 
52   <i  E  la  mère  Deu  Marie 

«  As  servi  devoutement, 

1  E  l'as  amé  parfiiement. 

«  Des  herbes  que  tu  veis  ici 
56  fl   Entur  cest  herber  e  en  mi, 

«  E  des  flurs  tut  tei  dirai, 

a  Ja  mot  ne  tei  cèlerai. 

<i  Quant  tu  soleies  honurer 
60  «  Nostre  Dame  a  tun  poer, 

i  Tu  solei[eJs  chescun  jor 

«  Deus    saumes    dire   en    sun 
[honur  : 

«  Li  uns  est  de  In  nominc^ 
64  «  Fai  me  saut  par  ta  pité 

{d) 

Pur  ço  sunt  ci... 

Les  herbes  que  sunt  ici  plaunt... 

Dunt  vint  e  deus  en  ad  d... 
68  E  tûtes  freches  e  nuveles 

Chescun  chapille  en  port... 

Chescun  herbe  ou  flurs  d... 

Vint  flurs  vit  vers  sig... 


FF.  1 .  î5.  —  Le  Secret  des  Secrets.  —  La  lettre  d'Hippocrate 
A  César.—  JACQUES  LEGRAND,  le  livre  des  bonnes  mœurs. 
—  JACQUES  DE  CESSOLES,  le  livre  des  échecs,  traduit  par 
JEAN  DE  VIGNAL 

Livre  en  parchemin,  mesurant  o™  240  sur  0  ™  170,  daté  à  la  fin  de 
Bourges  1420.  Provient  du  don  de  171 5  :  c'est  le  n^  1 54  de  l'inventaire 
des  mss.  de  l'évêque  Moore,  dans  les  Catalogi  de  Bernard  (II,  365). 
Antérieurement  à  son  entrée  dans  la  bibliothèque  de  Moore,  je  ne  sais 
rien  sur  l'histoire  de  ce  ms. 

1.  —  Le  Secret  des  Secrets:  version  très  répandue  sur  laquelle 
voyez  le  présent  volume  de  la  Romania,  p.  189. 


33    C'est  le  clerc  qui  parle.  —  34,  40,  48  lui  tt  non  liu  ;    c'.sl   une  forme  fré- 
quente dans  les  textes  anglo-normands. —  36  cluers,  corr.  de  cleres. — 63  f^-.  lui. 


Remania,  XV. 


274  P-    MEYER 

(P.  i)  C'est  le  livre  du  gouvernement  des  roys  et  des  princes  appelle  le  Secret  des 
secrès,  lequel fist  Aristote  au  roy  Alixandre. 

Suit  la  table,  après  laquelle  l'ouvrage  commence  ainsi  : 

Le  prologue  du  docteur  en  recommandent  Aristote  .j. 
Dieu  tout  puisant  vueille  garder  nostre  roy... 

2.  —  Du  gouvernement  de  santé,  livre  envoyé  par  Hippocrate  a 
César.  —  Apocryphe  qui  a  été  très  répandu  au  moyen  âge,  et  dont  on 
a  plusieurs  versions  françaises  qu'il  ne  peut  être  question  d'étudier  ici. 
Je  signalerai  une  première  version  qui  se  trouve  dans  les  mss.  Bibl.  nat. 
lat.  14689  (incomplet!,  fr.  573,  Libri  (Florence)  125',  et  d'autres 
dans  les  mss.  fr.  2001,  2045,  2047,  Digby  86  (fol.  8-21),  etc.  Je  n'ai 
pas  rencontré  de  texte  tout  à  fait  identique  à  celui  de  Cambridge. 

Ci  commaince  le  livre  du  gouvernement  de  santé  que  Ypocras  fist,  eti'envoya  a 
l'emperiere  Sesar  pour  la  santé  garder  et  pour  avoir  vie  plus  longues.  Il  fist 
demander  a  Galien  le  bon  mire  pour  quoy  il  mangoit  si  petit,  lequel  lui  res- 
pondit:  «  Mon  entencion  est  de  vivre  longuement,  et  pour  ce  je  ma[n]gùe  ainsi 
petit,  ne  je  ne  mangue  pas  pour  les  delicesdes  viandes,  mais  pour  le  corps  sous- 
tenir  en  vie...    » 

Cet  opuscule  est  suivi  de  quelques  morceaux  qui  ne  sont  pas  nettement 
séparés  les  uns  des  autres. 

1°  Une  sorte  de  calendrier  hygiénique: 

Avicenedit  que  ou  mois  de  janvier,  a  garder  parfaittement  santés  on  doit  au 
matin,  a  jeung,  boire  de  très  bon  vin,  auxi  comme  un  petit  voirre  ;  ne  nulz  ou 
mois  de  janvier  ne  se  devroit  (on)  faire  seigner... 

Les  préceptes  relatifs  à  décembre  se  terminent  par  cette  remarque, 
qui  du  reste  pouvait  s'être  déjà  présentée  à  l'esprit  du  lecteur  : 

Item,  vous  devés  savoir  que  ce  livre  n'est  pas  fait  pour  gens  qui  travaillent 
et  traient  peine,  comme  ces  laboureux,  mais  est  fait  pour  ceulz  qui  vivent  sens 
labour  et  sans  prendre  travail. 

Suivent  deux  pages  contenant  des  préceptes  relatifs  au  diagnostic 
à  tirer  de  l'inspection  des  urines  et  quelques  recettes  dont  les  dernières 
sont  en  latin. 

3.  —  Jacques  Legrand,  Le  livre  de  bonnes  mœurs. —  Cet  ouvrage 


1.  Ce  ms.  est  l'original  d'après  lequel  a  été  copié  le  ms.fr.  573. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE    (FF.I.Jj)  275 

fut  présenté  en  1410  a  Jean  duc  de  Berry  '.  Les  mss.  en  sont  très  nom- 
breux; voy  Bibl.  nat.  fr.  4$  ^,  953,  954,  102^,  1024,  102$,  1050, 
1144,  1145,  1798,  etc.,  et  il  a  été  imprimé  plusieurs  fois;  voy.  Brunet, 
Manuel  du  libraire,  sous  Magnus. 

(P.  71)  Cy  commence  la  table  des  rebriches  du  livre  des  bonnes  meurs  inlilulé, 
lequel  est  composé  de  cinq  parties. 

L'ouvrage  commence  ainsi,  après  la  table  : 

Tous  orguilleux  veulent  a  Dieu  comparer  en  tant  qu'ilz  se  glorifient  en  eulz 
mesmes  et  es  biens  qu'ilz  ont,  desquelles  choses  la  gloire  est  deue  principalement 
a  Dieu. 

4.  —  Jacques  de  Cessoles,  Le  livre  des  échecs,  traduit  par  Jean  de 
Vignai.  Traduction  faite  pour  le  roi  Jean,  encore  duc  de  Normandie, 
voy.  P.  Paris,  Manuscrits  français,  V,  16. 

(P.  209)  C'est  k  livre  des  eschez  translaté  par  frère  Jehan  de  Vignay. 

A  très  noble  et  très  excellent  prince  Jehan  de  France,  duc  de  Normandie  et 
ainsné  fils  de  Phelipe  par  la  grâce  de  Dieu  roy  de  France,  Irere  Jehan  de 
Vignay... 

L'explicit  est  ainsi  conçu  : 

Cy  fine  le  livre  des  eschez  translaté  par  trere  Jehan  de  Vignay  hospitalier. 
Et  fut  copié  et  escrit  a  Bourges  en  Berry  ou  moys  de  mai  l'an  de  grâce  mil 
quatre  cens  et  ving. 

Repanteur. 

Ce  dernier  mot,  qui  est  vraisemblablement  le  nom  du  copiste,  est 
d'une  lecture  très  incertaine. 


FF.  3.  31.  —  Le  Roman  de  Ponthus. 

Le  roman  de  Ponthus  et  de  la  belle  Sidoine  est,  comme  on  sait,  une 
imitation  en  prose  de  la  chanson  de  geste  anglo-normande  de  Horn  et 
Rimel.  La  trame  du  récit  est  celle  de  l'ancien  poème;  les  noms  des  per- 
sonnages et  des  lieux  sont  changés^.  Il  faut  rappeler  ici,  parce  que  ceux 
qui  s'en  sont  occupés  dans  ces  dernières  années  paraissent  l'avoir  ignoré, 


1.  Delisle,  Cr.binct  des  mss.  I,  60  et  III,  182  (n"  134),  31 1-2.  —  Il  y  a  sur 
ce  personnage  une  assez  bonne  notice  dans  le  Catalogue  des  mss.  de  M.  de 
Cam bis  (Awgnon,  1770),  p.  446. 

2.  Voy.  H.  L.  D.  Ward,  Catalogue  oj  Romances,  p.  469. 


276  p.    MEYER 

que,  selon  une  remarque  intéressante  de  M.  de  Montaiglon,  les  noms 
substitués  dans  Ponîhus  à  ceux  de  Horn  sont  empruntés  à  la  Bretagne 
et  à  l'Anjou,  que  le  nom  même  de  Ponthus  est  celui  d'un  membre  de  la 
famille  de  La  Tour  Landry,  qui  vivait  dans  la  première  moitié  du 
xv^  siècle,  et  pour  qui,  selon  toute  apparence,  fut  rédigé  le  roman  ' . 

Ce  faible  ouvrage  a  été  très  lu.  Il  en  existe  des  copies  dans  presque 
toutes  les  grandes  collections  de  manuscrits,  et  la  Bibliothèque  même 
de  l'Université  de  Cambridge  en  possède  un  second  exemplaire  sous  la 
cote  HH.  3 ,  162.  Enfin  l'ouvrage  a  été  plusieurs  fois  imprimé  de  1478 
environ  à  1550J.  Aussi  n'aurais-je  pas  mentionné  ici  le  ms.  FF.  ^  31, 
s'il  ne  se  recommandait  par  deux  particularités  intéressantes.  D'abord 
il  est  précédé  d'un  prologue  en  vers  à  rimes  plates,  et  très  plats  eux- 
mêmes,  qui  donnent  un  résumé  somm.aire  du  roman.  C'est  l'œuvre  d'un 
Anglais  qui  savait  assez  bien  le  français.  En  outre,  le  ms.,  qui  a  été 
exécuté  en  Angleterre,  quoique  la  langue  en  soit  assez  correcte,  est  orné, 
au  commencement  de  chacun  de  ses  chapitres,  de  grandes  lettres  ini- 
tiales noires  dont  les  formes  variées  rappellent  celles  qu'on  trouve  dans 
les  anciens  mss.  exécutés  à  Lindisfarne.  Chacune  de  ces  lettres  contient 
une  devise,  ou  une  sentence  se  rapportant  au  sujet  traité  dans  le  cha- 
pitre. Ainsi  dans  l'initiale  du  premier  chapitre  on  lit  ces  deux  vers  : 

Vroy  amoureux,  que  que  nul  die, 
Doit  estre  loial  a  s'amie. 

Le  ms.  est  sur  papier.  Il  fait  partie  de  la  collection  Moore,  bien  que 
je  ne  le  retrouve  pas  sur  l'inventaire  publié  par  Bernard . 

Si  d'aucuns  veulent  ycy  lire  Ni  a  nul'autre  créature, 

En  cest  livre  pour  eulx  déduire,  Ne  souffrir  sur  lui  nulle  ordure. 

Hz  pourront  bien  veoir  et  entendre  Secretteté  et  beau  langaige 

4  Que  fin  amant  n'a  sur  lui  membre  12  Doit  avoir  en  lui  et  couraige. 

Qui  ne  soit  livré  a  martire  Ponthus  le  vaillant  chevalier, 

.    Quant  son  cuer  n'a  se  qu'il  désire.  Dont  après  ci  orrez  parler, 

Vroy  amoreux  si  ne  doit  estre  Fut  moult  secret,  vaillant  et  saige 

8  Orgueilleux  n'a  clerc  ny  a  prestre  lé  Et  amoureux,  haulten  couraige; 


1.  Le  livre  du  Chevalier  de  La  Tour  Landry,  publié  par  A.  de  Montaiglon, 
p.  xxiij. 

2.  C'est  un  volume  en  parchemin,  orné  au  premier  feuillet  d'une  assez  jolie 
miniature.  Dans  la  vignette  qui  encadre  ce  feuillet  on  lit  ces  lettres  plusieurs 
fois  répétées  ;ê;,  dont  le  sens  m'échappe.  La  rubrique  initiale  est  ainsi  conçue: 
Ci  commence  le  livre  de  Pontus  filz  du  roy  Tlnbor  de  Galice,  et  comment  en  armes 
et  amours  il  souffrit  moult  de  pestilences,  de  mauls  et  de  douleurs.  C'est  le  ms.  45 1 
de  l'inventaire  des  mss.  de  Moore  (Bernard,  II,  373). 

3.  Dates  approximatives;  voy.  Brunet,  sous  Ponthus. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE   CAMBRIDGE    (FF.J.^l] 


277 


Aussi  ledevoitil  bien  estre, 
Car  sailli  estoit  de  grant  estre: 
Filz  au  roy  de  Galice  estoit  ; 

20  Mais  Fortune  qui  tout  deçoipt 
Et  qui  est  a  chascun  maistresse, 
A  bien  et  a  mal  tout  reversse, 
Le  fist  partir  et  absenter 

24  De  son  païs  et  toust  en  aler. 
Tant  fut  conduit  et  droit  ala 
Que  en  basse  Bretaigne  ariva, 
Ou  roy  estoit  pour  lors  nommé 

28  Duquel  fut  grandement  amé. 
Celluy  roy  une  fille  avoit, 
La  plus  belle  que  homs  veoir  pou- 
Sydoine  estoit  appellée,  [ait; 

32  La  plus  belle  et  d'onneur  clamée 
Que  on  peust  sur  terre  trouver 
Ne  de  nul  vivant  oïr  parler. 
Saige,  honnourable  et  sans'despit 

36  Estoit,  com  le  livre  le  dit. 
Elle  fut  trestant  amoureuse 
En  tout  honneur  et  curieuse 


Du  dit  Ponthus,  bon  chevalier, 

40  Que  elle  ne  savoit  quel  part  tour- 
Etsi  de  lui  envie  avoit,         [ner  ; 
Plus  grant  luy  d'elle  il  avoit. 
Leurs  amours  si  lurent  selées, 

44  A  nulz  ne  furent  escandées, 
Combien  que  le  dit  amoureux 
Fust  jour  et  nuit  moult  curieux 
De  accomplir  tout  le  désir 

48  De  sa  dame  et  tout  le  plaisir. 
En  fait  d'armes  et  autrement 
Abandonnoit  son  scentement, 
Et  trestoute  sa  vaillantie 

f  2  A  accomplir  le  gré  s'amie. 
Dont  en  la  fin  furent  joyeux 
L'un  de  l'autre  et  vraiz  amoureux. 
A  ytant  je  me  vueil  cesser 

56  De  ceste  rime  convoier, 

Car  tout  en  prouse  on  trouvera 
Cy  après  qui  bien  vous  dira 
De  Sydoine  et  de  Ponthus, 

60  Pour  ce  ycy  ne  vous  en  dy  plus. 


Sy  commence  le  livre  du  vaillant  chevalier  Ponthus,   lequel  devise  de  plusieurs 
heaulx  faiz  que  icellui  fist  a  sa  vie,  et  par  especial  ou  temps  de  sa  jeunesse. 

Et  premièrement,   compter   vous  en  vueil   une  moult  belle   histoire  ou  l'en 
pourra  aprendre  moult  de  bien  et  de  exemplaire... 

FF.  6.  13.  —  Traités  de  fauconnerie. 


Parchemin,  81  fF.  ;  hauteur  :  igç""'",  largeur  :  128"™  ;  fm  du 
XIII*  siècle.  Ancienne  marque  de  provenance  :  dono  Roberti  Hare,  1594. 
—  Ce  ms.  renferme  divers  opuscules  latins  dont  je  n'ai  pas  à  m'occuper 
et  qui  sont  correctement  indiqués  dans  le  catalogue.  J'ai  seulement  à 
faire  connaître  trois  traités  de  fauconnerie,  l'un  latin,  les  deux  autres 
français,  qui  occupent  les  derniers  feuillets  du  volume .  La  description 
donnée  dans  le  catalogue  est  ici  fautive,  confondant  les  deux  traités  fran- 
çais en  un  seul. 

Peu  versé  dans  la  littérature  de  la  chasse,  je  ne  saurais  dire  si  l'un  ou 
l'autre  de  ces  opuscules  a  déjà  été  signalé,  ni  s'il  en  existe  d'autres  copies. 
Les  bibliographies  d'ouvrages  sur  la  chasse  ne  manquent  pas,  mais  il  ne 
faut  point  y  chercher  de  renseignements  sur  les  textes  inédits,  et  même 
pour  les  traités  du  moyen  âge  qui  sont  publiés,  elles  sont  en  général 


278  p.    MEYER 

peu  exactes,  et  n'indiquent  point  les  rapports  que  ces  traités  peuvent 
avoir  entre  eux. 

On  sait  que  plusieurs  des  anciens  livres  français  de  fauconnerie  dé- 
rivent des  traités  bien  connus  de  Frédéric  II  et  d'Albert  le  Grand.  Il  ne 
me  paraît  pas  que  tel  soit  le  cas  des  opuscules  contenus  dans  le  ms.  de 
Cambridge.  D'autres  écrits  français  sur  le  même  sujet,  soit  en  vers,  soit 
en  prose,  se  rattachent  à  des  traités,  probablement  latins,  composés  en 
Angleterre.  Daude  de  Prades  se  réfère  dans  ses  Auzels  cassadors  ledit. 
Sachs,  v.  1905)  à 

un  libre  de!  rei  Enric 

d'Anglaterra,  lo  pros  el  rie, 

sur  lequel  M .  Sachs,  qui  cite  en  sa  préface  maint  ouvrage  sans  rapport 
possible  avec  les  Auzels  cassadors,  ne  donne  aucun  renseignement. 
D'autre  part,  un  court  poëme  anglo-normand  sur  la  fauconnerie  que 
renferme  le  ms.  Harleien  978  (xiv^  siècle)  cite  «  le  livre  al  bon  rei 
Ewdard  »,  qui  ne  paraît  pas  identique  au  Booke  of  hawkyng  after  prince 
Edwarde,  Kyng  of  Englande,  publié  dans  les  Reliquia  antiqu£  de  Wright 
et  Halliwell,  I,  293-308.  Il  est  notable  du  reste,  que  l'auteur  de  ce 
poème,  bien  qu'écrivant,  selon  toute  apparence,  sous  Edouard  I,  ou 
sous  Edouard  II,  parle  du  roi  Edouard  comme  d'un  personnage  du 
temps  passé.  La  question  est  d'autant  plus  compliquée  qu'on  a  attribué 
à  Alfred  le  Grand  aussi  un  traité  de  fauconnerie.  Voilà  donc  trois  rois 
d'Angleterre  qui  auraient  écrit  ou  fait  écrire  sur  cette  matière.  Comme 
le  poème  du  ms.  Harleien  offre  quelques  rapports  avec  le  traité  latin 
du  ms.  FF.  6.  1 3,  j'en  citerai  ici  le  début  : 

Bel  oncle  cher,  jo  le  sai  pur  veir  1  12  Dites  le  moi,  vostre  merci. 

[(fol.  1 16  r)  —  Mult  volenters  )ol  vus  dirrai, 

Ke  en  bon  oisel  ad  riche  avoir  ;  Ke  en  escrit  trové  en  ai 

Mes  mult  i   covient  mettre  grant  Si  cum  jo  lis  e  jo  l'esgard, 

4  E  bien  conuistre  lur  nature,  [cure  16  El  livere  al  bon  rei  Edward; 
Kar  nulne[s]puet,  si  il  neseit  mestre,         Kar  jadis  esteient  Engleis 
Bien  afFeiter,  porter  ne  pestre.  Mult  enseignez  e  mult  curteis, 

Pur  ceo  vodroie  jo  volenters  E  savoient  affeitement 

8  Aprendre  de  ces  ostrizers,  20  Plus  ke  ne  savoient  nule  gent, 
De  ceus  la  manere  e  les  murs  E  nomeement  des  oiseaus 

Ke  deivent  garder  les  osturs;  Ki  ourent  sovent  de  bons  e  beaus. 

E  si  ren  en  avez  oï,  Ore  vus  dirrai  volenters 


_i .  Ce  poème  est  écrit  à  lignes  pleines,  comme  de  la  prose.  Ce  n'est  peut-être 
qu'un  morceau  détaché,  à  en  juger  par  ce  début. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE    (FF.6.13)  279 

24  Queus  deivent  estre  ostrizers  :  Iço  vus  pus  jo  ben  retrere, 

Sobres  e  chastes,  sueve  gent,  Délivre  scient  de  autre  affere, 

Deivent  estre,  cum  |0  l'entent,  —  Ore  me  mustres  dune  purquei? 

E  si  eient  mult  duce  aleine;  52  —  Dirrai  le  vus  en  la  mei  fei, 

28  Délivre  seient  de  autre  peine.  Jo  vus  en  frai  ben  la  provance 

Il  y  a  entre  ces  derniers  vers  et  le  texte  latin  qu'on  va  lire  un  rapport 
évident.  Les  conditions  requises  pour  un  bon  fauconnier  sont  les  mêmes 
de  part  et  d'autre,  et  il  faut  que  le  français  soit  imité  du  latin  ou  que 
tous  deux  aient  une  source  commune  ' . 

1.— (Fol.  69  i'>)înciplt  liber  di  passionibus  falconum^  accipitrum^  austurorum, 
spcrvûriorum,  et  tjualiter  eos  curare  poteris,  et  qualiter  eos  nutrire  et  mudare  debeas  2. 

Oportet  eos  qui  falcones,  accipitres,  austuros  vel  spervarios  nutriunt  sobrios 
esse,  ne  per  ebrietatem  aut  crapulam  sue  cure  obliviscantur  ;  castos  ne  tactu 
meretricum  penne  scabie  vel  tineis  corrumpantur  ;  non  iracundos,  ne  irati  illos 
ledant;  non  fétide  anelitu,  ne  illorum  odio  ceteros  homines  fugiant,  et  illo  fetenti 
odore  reumatizati  fiant;  providos,  ne  ferre  5  illos  tempore  pluviôse  vel  ventoso, 
et  ne  in  firma  quam  mudam  vocant,  vel  diutius  morentur,  vel  citius  justo  extra- 
hantur,  et  ne  vincula  que  jacti  vocantur  ex  dure  et  inflexibili  corio  fiant,  ne 
macri  vel  pingues  fiant  plus  justo,  unde  amittant  voluntatem  volandi.  Septimo 
autem  die  ab  ortu  eos  denido  capies,  quo  die  jam  sensus  eorum  sunt  perfecti  et 
membra  eorum  in  malléole  paciuntur  plicari... 

2.  —  Médecine  des  faucons^,  autours  et  éperviers.  Ce  traité,  dont  je 
ne  connais  pas  d'autre  exemplaire,  offre  quelques  points  de  contact 
avec  le  précédent. 

(Fol.  73)  Médianes  verraies  de  garir  falcons  e  osturs  e  esperviers,  e  la  manière 
cornent  les  conustrez  e  cornent  les  afeilerez. 

Si  vostre  oisel  a  le  dos  rus  e  il  eit  grosse  maille  e  il  seit  mult  petit,  dune  est 
il  de  jeofne  eir,  e  s'il  est  gros  e  il  eit  le  des  bien  gris  ou  fauf,  donc  est  il  de  viel 
eir.  Si  vostre  oisel  ad  les  piez  blancs  e  les  oilz,  donc  est  il  nyès.  Ostur  ramage 
les  soit  aver  plus  blancs  ke  espervir  {sic),  mes  oysel  ramage  les  soit  aver  meins 
blancs;  girfalc  les  soit  aver  bien  jaunes,  e  tel  i  ad  vermeils.  Si  vostre  oysel  ad 
la  maille  russet,  dune  est  il  esclos  en  pumer  ou  en  aine  ou  en  espine.  Si  il  ad 
la  maille  blanche,  dune  est  il  esclos  en  bul  ou  en  trembler  ou  en  codre.   S'il  est 


1.  Les  mêmes  prescriptions  se  retrouvent  ailleurs  encore;  ainsi  dans  un 
traité  sur  les»  oiseaux  gentils  »  et  leurs  maladies  dont  on  a  plusieurs  copies  : 
«  cil  qui  garde  l'oisel  gentil  doit  estre  sobre,  qu'il  ne  s'enyvre  point,  car  yvresse 
«  est  mère  d'oubliance...  après  il  doibt  estre  débonnaire  et  souffrant,  car  ire 
«  engendre  blessure...  »  (Bibl.  nat.  fr.  24272,  fol.  135). 

2.  A  lignes  pleines;  à  partir  du  fol.  71  à  deux  colonnes. 

3.  Corr.  ferant  ou  suppl.  présumant.? 


28o  p.    MEYER 

canevaz,  c'est  ne  bien  russet  ne  bien  blanc,  donc  est  il  esclos  sur  cheinne. 
Sachiez  ke  oisel  nyès  ne  seit  nient  si  bien  prendre  l'un  oisel  cum  seit  le  ramage, 
mes  le  niés  soit  estre  plus  hardi,  e  ceo  avient  de  ceo  ke  l'en  les  get  de  surse. 

Si  vus  volez  en  deus  meins  vostre  oysel  muer,  pernez  un  serpent  ou  une 
coluvere  ou  ambedeus,  si  quisez  les  en  pot  plein  de  furment,  e  ovek  un  poc  de 
awe  corne  anguille.  Kant  il  erent  bien  quit  e  le  furment  ert  enbeveré  del  venim, 
donc  prendrez  deus  gelines,  si  les  pestrez  de  cel  forment,  e  si  ne  mangerunt  de 
nule  altre  chose.  Pur  ceo  les  lessez  en  une  cornière  par  elz  meimes  :  quant  eles 
averunt  la  meitié  mangée,  donc  eiez  aparillée  une  chaude  mue  ;  si  getez  vostre 
oysel  dedenz.  Donc  tuez  une  geline  des  deus,  si  pessez  vostre  oysel;  l'autre 
geline  pessez  del  remanant  del  furment,  tant  ke  vostre  geline  seit  mangée.  Après 
ceo  tuez  vostre  altre  geline,  si  en  pessez  vostre  oisel  ;  puis  si  le  pessez  de  bûche' 
e  de  menus  oiseals  e  de  maulle  chat.  Idunc  muera,  ke  devant  quinze  jurs  près 
sera  tut  nu.  E  si  vus  ne  poez  trover  serpent  necolevere,  pessez  lesoventde  luz: 
c'est  pesson  de  ewe  duce  ' . 

Fin  (fol.  jSb): 

Plumée  a  espervier  ou  a  muschet  ou  a  esmerillon  ou  a  hobel  de  la  teste  del 
oisel  devez  fere,  ou  de  la  pel  de  suriz  :  si  la  aturnez  en  meimes  la  manière;  mes 
n'i  avéra  ke  une  pelote. 

Je  ne  sais  si  le  traité  est  fini:  le  reste  de  la  colonne  est  blanc. 

3.  —  Traité  sur  l'art  de  dresser  les  oiseaux  chasseurs,  avec  un  pro- 
logue et  un  épilogue  en  vers  qui,  dans  le  ms.  sont  écrits  à  lignes  pleines, 
comme  de  la  prose. 

Dreit  e  reison  e  volenté    (/.  78  c)  8  Cum  l'en  le  devera  afeitier, 

Ferme  de  mon  einz  degré  2  Dès  que  il  seit  bien  entré 

Me  ad  le  cueor  suspris  E  de  oisel  prendre  bien  aleuré, 

4  A  dire  ceo  ke  jeo  ai  apris  E  puis  del  niés  vus  dirrai 

De  oisels  daunter  la  nature  12  E  del  rebuté  ceo  ke  jeo  en  sai, 

E  fere  entendanz  a  nureture.  Si  ke  chescun,  solum  sun  dreit. 

De  falcon  ramage  dirrai  premier  De  dreite  aprise  prenge  espleit. 


1.  Cf.  le  passage  ci-après  du  traité  latin  précédemment  indiqué:  (Fol.  69  v°) 
«  Ad  mutandum  volucrem.  Si  avis  in  muda  posituspennas  non  deposuerit,  accipe 
«  colubrem  varium  vel  serpentem,  vel  utrumque,  et  cum  frumento  in  aqua 
«  cocto  decoque  ;  quo  bene  cocto  et  jure  projecto,  tritico  illo  ac  jure  pullos  gal- 
«  line  vel  columbarum  assidue  refice.  Quorum  carnibus  si  avis  usus  fuerit,  et 
"  pennas  suificienter  deponet,  et  si  quis  morbus  interius  fuerit,  omnino  discedet  ». 
Cette  manière  de  muer  les  oiseaux  est  indiquée  ailleurs  encore,  voir  par  ex.  The 
Booke  0}  hawk)ng  ajtcr  prince  Edward  kyng  of  Englande^  dans  Wright  et  Halli- 
well,  ReUquut  anùquiV^  I,  307,  et  Daude  dePrades,  v.  ^ô^etsuiv. 

2.  a  De  mon  propre  gré  »,  plus  loin  ein  degré;  voir  pour  d'autres  ex., 
tous  anglp-normands.  Godefroy,  sous  ayrtdegré  et  eindtgré.  C'est  une  locution 
hybride  dont  le  premier  terme  est  l'anc.  angl.  dzen,  dwen,  angl.  mod.  own. 


MANUSCRITS   FRANÇAIS   DE    CAMBRIDGE   (FF.6.I3)  28 1 

Après  vus  dirrai,  si  Deus  l'otrie.  Dunt  vus  dirrai  de  alleggaunce 

16  Des  griefs  e  de  iur  maladie  E  de  médecine  pure 

Kesoventescheientparmescheance,       20  De  tuz  curer  solum  nature. 

Primes  covendra  debonerement  le  falcon  manier  e  ciller',  e  puis  mettre  les 
gez  e  recoper  li  les  ungles  e  le  bek  un  petit,  ke  il  en  serra  le  meillur  a  manier, 
e  puis  mettre  li  le  chaperon  pur  user  ke  il  le  veolle,  e  puis  le  devez  debonere- 
ment manière  daunter  dedenz  meison,  desque  il  seit  asigé  saunz  départir  del 
poin,  e  ke  perche  ne  conuisse  desque  il  seit  luré.  Petit  e  petit  li  donez  a 
a  manger  jeske  a  mie  gorge  al  plus,  issi  ke  quant  il  eyme  mielz  a  manger  li 
tolez,  kar  comencera  d'enamer  sun  mestre. . . 

Fin  (fol.  81  al: 

Pur  oster  la  pelote  de  la  mule,  abatez  le  oisel  e  le  turnez  envers  e  le  lavez  de 
ewe  chaude  endreit  la  mule.  Puis  fendez  la  pel,  ke  vus  pussez  buter  vos  deus 
deis  e  la  mule  autresi,  e  vus  troverez  quatre  pels  ;  e  sakez  hors  ceo  ke  vus  tro- 
verezen  la  mule,  pnis  lavez  la  mule  (b)  un  poi  de  ewe  chaude.  Puis  récusez 
la  mule  e  chescune  pel  par  sei  de  un  fil  de  seie  délié. 

Sauve  la  sentence  e  la  fei  Ke  cest  enprenge  par  folie, 

De  celi  ke  plus  en  seit  de  mei,  Dunt  jeo  me  avante  de  saver. 

Dit  vous  ai  mon  avis  16  Pur  loaunge  ou  pris  aver, 
4  Si  cum  le  conuis  e  ai  apris.  Ou  ke  de  mei  face  clamer  mestrie, 

Par  orguil  e  sorquiderie, 
Al  finement  de  mon  dite  De  greinnur  sen  ke  il  n'i  ad  : 

Ke  fet  ai  de  mon  ein  degré,  20  Ki  cest  prêche,  si  peccherad. 
Saluz  a  tuz  mes  amis  Mes,  si  plus  averoiede  bien  retenu 

8  Pur  ki  m'en  sui  entremis  Ke  autre  de  mei  k'en  eust  meins 

De  cest  treitiz  en  escrit  fermer,  [veu, 

Les  uns  pur  aprendre,  les  autres  De  franc  queor  dirroie  mon  avis 

[pur  remembrer;  24  Cum  de  mon  mestre  l'averoie  apris, 
Kar  cels  ke  en  seivent  si   remem-  Kar  la  seinte  Escripture  dit, 

[brunt  Ke  parolt  par  le  seint  Esperit  : 

12  E  les  autres  aprendre  porrunt.  «  Cil  n'est  pas  en  Dieu  bien  are 

Mar  nul  en  pense  ke  nul  en  die  28  «  Ki  ne  seime  k'il  ad  seié  2  ». 

FF.  6.  1  s.  —  Miracle  opéré  par  la  vertu  d'un  trentel. 
Ce  ms.  contient  un  grand  nombre  de  morceaux  latins  dont  on  trouvera 


1.  Il  s'agit  d'une  opération  appelée  en  latin  du  moyen  âge  aliatio,  qui  con- 
sistait à  priver  temporairement  l'oiseau  de  la  vue  en  lui  cousant  les  paupières. 
Elle  est  minutieusement  décrite  dans  le  traité  de  Frédéric  II,  de  arlevcnandi  cum 
avibus,  1.  Il,  ch.  xxxvii. 

2.  Il  faut  sans  doute  corriger  A.';  ne  seic  k'il  ad  semé;  Cf.  Matth.  XXV,  26 
«  quia  meto  ubi  non  semino  d  ,  et  Luc .  xix,  2  2 . 


282  p.    MEYER 

le  détail  dans  le  catalogue.  A  la  fin  est  transcrite  la  pièce  dont  le  texte 
suit.  L'écriture  est  de  la  seconde  moitié  duxiV  siècle.  C'est  le  récit  d'un 
miracle  destiné  à  montrer  combien  grande  est  l'efficacité  du  genre  de 
service  religieux  qu'on  appelait  trentel  au  moyen  âge  '  et  dont  la  définition 
est  donnée  dans  le  récit  même.  Il  s'agit  d'une  femme  qui  à  l'insu  de  tous 
avait  tué  successivement  deux  enfants  illégitimes  auxquels  elle  avait  donné 
le  jour.  C'était  la  mère  d'un  pape  qui  n'est  pas  nommé.  Après  sa  mort, 
elle  apparut  sous  un  aspect  hideux  à  son  fils,  et  lui  avoua  la  cause  des 
souffrances  qu'elle  endurait,  lui  faisant  savoir  en  même  temps  que  s'il 
disait  pour  elle  un  îrentel  elle  serait  délivrée.  Le  pape  y  consentit,  et  en 
effet,  un  an  après  sa  mère  lui  apparut  de  nouveau  rayonnante  de  beauté 
à  ce  point  qu'il  la  prit  pour  la  reine  des  cieux.  Elle  lui  apprend  que  Dieu 
l'a  délivrée  par  la  vertu  du  trentel,  et  qu'ainsi  fera-t-il  de  tous  ceux  pour 
l'âme  de  qui  on  fera  le  même  service. 

Il  est  bien  vraisemblable  que  cette  légende  intéressée  se  retrouve  ail- 
leurs, sous  la  même  forme  ou  sous  une  autre.  Je  rappelle  qu'il  y  a  parmi 
les  fables  d'Eude  de  Cheriton  un  autre  conte  destiné  à  faire  connaître 
les  vertus  du  trentel^. 

(Fol.  249  v°)  Une  apostol  fu  ja  qi  eut  une  mère  qe  mult  fu  tenu  prode 
femme  de  tote  gens.  Avint  si  qe  par  mésaventure  la  dame  enceinta  privement, 
qe  nul  homme  ne  sout,  e  enfanta  a  son  terme  ;  e  par  doute  de  son  fllz  e  de  pople, 
quida  celer  son  enfant  e  son  meffet,  e  murdri  son  enfant  ;  aiters  fiez  avint  aultresi. 
Li  apostel  e  tuz  ceous  qi  la  conisseint  la  tindrent  chère  pur  les  granz  biens  que 
quidoint  en  luy.  Avint  issi  qe  la  dame  enmaladit  e  morut,  e  son  fiiz  e  tuz  les 
aultrez  furent  en  bone  espeire  de  luy.  Après  iceo,  si  cum  li  apostol  garda  derer 
soi,  si  vit  la  plus  trelede  3  créature  que  hum  puist  regarder,  e  dit  :  «  Créature, 
«  jeo  te  conjure  de  par  Diex  qe  vous  me  diez  qe  vous  estez.  »  La  chaitif  dolent 
respundi  e  (fol.  250)  dit:  «  Cher  duz  filz,  jeo  su  vostre  mère  ».  Li  apostol  si 
merveilla  e  dit  :  t  Ja  quidoms  nous  que  vous  fuissez  mult  prude  femme,  e  que 
«  vous  fussez  en  grant  joie  »,  E  celé  luy  conta  quele  vie  el  out  démené,  e  pur 
ceo  suffri  si  grant  paine  cum  aime  put  suflfrer,  e  fu  en  si  grant  ardure  que  la 
flamme  luy  issi  a  touz  senz  d'enz.  E  son  filz  en  out  mult  grant  pité  e  luy  de- 
mande si  l'em  luy  puist  aider.  E  ele  dit  qe  si  l'em  feït  dire  pur  lui  un  trentel, 
que  serrait  deliveré  de  peine.  Ceo  est  le  trentel:  treis  messez  de  l'Anunciacione 
Nostre  Dame,  .iij.  de  la  Nativité  Nostre  Seignur;  .iij.  de  l'Aparicione  de  luy, 
.iij.  delà  Purificacion  Nostre  Dame,  .iij.  de  la  Résurrection;  .iij.  de  l'Ascen- 
sion, .iij.  de  la  Pentecoste,  .iij.  de  la  Trinité,  .iij.  de  l'Assumpcion  Nostre 
Dame,  .iij.  de  la  Nativité  Nostre  Dame.  Touz  ceoz  messes  serront  dites  dedenz 


1.  Voy.  du  Cange,  trentale. 

2.  Romania,  XIV.  395-6. 
5  izz  très  lede. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE    IFF.6.I5I  28? 

les  uteves  des  avant  ditez  festez  en  même  la   manière  que  eles  sunt  dites  les 

lourez Li  apostol  dit  qe  voluntres  le  freit,  elacomanda  qe  ele  se  mustrat  a 

luy  a  ceo  joure  en  un  an^  e  ceo  jour...  '  e  fu  si  qe  ii  apostol  chanta  messe. 
Estez  vous  une  si  grant  clareté  vint,  cum  si  tut  le  munde  fut  alumé.  Li  apostol 
fut  a  bai  5,  si  regarda  e  vit  deuz  angeles  descendre  e  amener  entre  euz  la  plus 
bêle  créature  de  dame  que  unkes  fut  veu.  Des  orez  li  apostol  {v°)  quida  que  ceo 
fu  la  damede  cel,  e  la  chaï  a  pez  e  dit:  «  Duz  dame,  raine  de  cel  e  de  terre, 
«  jeo  vus  cri  merci  pur  l'amur  vostre  duz  filz.  »  E  ele  respondi  :  «  Bieu  duz 
"  filz,  ceo  su  jco  vostre  mère.  Beueite  soit  le  hore  qe  vous  nasquistes  !  qe  de  tele 
«  cum  vous  me  veïstez  aultre  fiz  me  a  Diex,  par  vous  massez,  deliveré  de  ma 
«  paine.  E  si  fra  tous  ceous  pur  qi  l'em  les  chantera  en  la  manere  que  vous  les 
«  avez  fêtes,  e  serront  deliverez  de  périls  e  de  péchez.  »  E  tant  tôt  envanit  des 
veu  od  les  angeles  qi  la  menèrent. 

GG    I .   I .  —  Recueil  varié. 

Ce  livre  esta  lui  seul  toute  une  bibliothèque,  et  il  serait  impossible  de 
lui  trouver  un  titre  quelque  peu  précis.  C'est,  eu  égard  à  son  format,  l'un 
des  plus  gros  manuscrits  que  j'aie  vus.  Il  n'a  pas  plus  de  2 1 7"""  de  hau- 
teur sur  142  de  largeur,  mais  il  compte  encore  dans  son  état  actuel 
633  feuillets,  bien  qu'incomplet.  Selon  une  collation  dont  Bradshaw  a  in- 
diqué le  détail  sur  un  des  plats  de  la  reliure,  il  a  perdu  neuf  feuillets. 
Cà  et  là  (fF.  113,  12$,  164,  204,244,  324,  345,  584,  392,  etc.)  on 
trouve  des  traces  d'une  pagination  du  xvi*  siècle  qui  semble  avoir  été  exé- 
cutée avec  négligence  et  d'où  on  ne  peut  rien  conclure  quant  à  l'état 
ancien  du  ms.  Les  pages,  le  plus  souvent  à  deux  colonnes,  ont  de  37  à 
40  lignes  par  colonne  5 .  L'écriture  est  des  premières  années  du  xi V^  siècle, 
postérieure  toutefois  à  1307,  puisqu'il  y  a  une  pièce  sur  la  mort  d'E- 
douard L  Le  copiste  était  peu  instruit.  Il  a  fait  beaucoup  de  fautes  dont 
plusieurs  montrent  qu'il  lisait  mal  son  original. 

Nous  n'avons  aucun  moyen  de  .savoir  pour  qui  fut  exécuté  ce  pré- 
cieux livre,  où  plusieurs  écrits  d'origine  française  sont  joints  à  des  com- 
positions anglo-normandes.  Tout  ce  que  je  puis  dire,  c'est  qu'il  a  fait 
partie  de  la  collection  de  l'évêque  J.  Moore,et  que  le  contenu  en  est  som- 
mairement indiqué  sous  le  n°  272  de  l'inventaire  publié  dans  les  Cata- 
logi  àe  Bernard.  Sur  le  premier  feuillet  de  garde,  on  lit  ces  mots  écrits 
au  xvii=  siècle  «  Bought  of  Mr.  Washington.  »  Les  feuillets  1  à  5, 
peut-être  déplacés,  contiennent  la  table  de  la  Lumière  as  lais,  ci-après 
article  3.  Le  feuillet  6  r"  est  occupé  par  une  table  sommaire  et  assez  peu 


1.  Ici  un  mot  que  je  n'ai  pu  lire. 

2.  Ou  aba'i  (  _r  esbjï)  '' 

3.  Sauf  à  l'art.   15  jGautier  de  Biblesworth)  où  les  lignes  sont  espacées  pour 
recevoir  les  gloses  anglaises. 


284  P-    MEYER 

exacte  de  tout  le  manuscrit,  sous  cette  rubrique  :  En  iceste   livre  con- 
tienent  tauntz  de  romaunces  cum  ci  après  sant  notez  et  escritz. 

Une  particularité  notable  de  ce  livre  est  que  le  copiste,  s'étant  attaché 
à  commencer  en  belle  page,  ou  au  moins  au  haut  d'une  colonne,  la  plu- 
part des  ouvrages  de  quelque  importance,  n'a  pas  voulu  laisser  de  blancs 
à  la  suite  des  ouvrages  qui  ne  finissaient  pas  au  bas  d'une  colonne.  Il  a 
rempli  les  espaces  vides  en  y  copiant  de  courts  morceaux  latins  ou  fran- 
çais qui  ne  recevront  pas  de  numéros  dans  la  description  qui  suit. 

1.—  Urbain  le  Courtois.—  Il  existe  à  ma  connaissance  cinq  copies 
de  ce  traité  de  civilité '.  Elles  présentent  des  différences  très  considé- 
rables. Celle-ci  a  784  vers.  Je  me  bornerai  à  transcrire  les  premiers  et  les 
derniers,  réservant  pour  une  autre  occasion  la  publication  du  texte  com- 
plet, qui,  accompagné  des  observations  que  le  sujet  comporte,  occupe- 
rait ici  trop  d'espace. 

Ici  comence  Urbanc   curteise  (Fol.  6  b) 

Une  sage  home  de  graunt  valeur 

Ki  jadis  vesquist  en  honur, 

Urbane  estait  il  apeié, 
4  Ki  en  sun  tens  fust  amé, 

De  sun  fiz  ceo  purpensa 

E  de  son  bon  senji  demustra, 

E  dist:  «  Chier  fiz,  ore  escotez, 
8  Si  jeo  di  bien  le  entendez. .. 

Fin  (fol.  7  c): 

Tant  cum  la  bours  peut  durer, 
Amurde  femme  poez  aver; 
E  quant  la  bourse  si  est  close, 
De  femme  avérez  une  glose. 
De  ceo  soiez  bien  garni, 
Chier  fiz,  jeo  vous  prie. 
Plus  ore  a  vous  ne  dirrai. 
Mes  a  Dieu  vous  commanderai. 
Explicit. 

2.—  Petit  recueil  de  sentences  rimées  diposées  en  forme  de  quatrains 
ou  de  distiques,  La  première  a  cinq  vers, mais  on  la  trouve  ailleurs 
réduite  à  quatre.  Je  ne  sais  que  penser  de  «  la  dame  de  Halop  »  à  qui 
est  attribué  un  proverbe,  d'ailleurs  bien  connu.  Est-ce  Salop  (Shropshire)  -' 

'^ZïïL± 

I.  Voy.  Bulletin  de  la  Société  des  anciens  textes  français^  1880,  p.  75. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE  (GG .  I  .  I  )  285 

1  Ki  de  fellouniet  Sun  porter  [j.'jc)  4  Celle  vie  est  mauveis 

E  de  eschars  soun  despenser  La  ou  home  dit  en  la  fin:  Alas  ! 

E  de  traitour  soun  conseiller  Foie  est  qui  sist  en  i'estate 

E  de  folle  femme  sa  mullier(/.  7  d)  Ou  il  ne  ose  morrir  pas. 
Il  ne  morra  ja  sanz  encumbrer  ' . 

5  Quant  large  doune  largement 

2  Ki  maie  custume  lèvera  Vileins  est  qi  trop  en  prent, 

Il  ne  l'abatera  2  quant  il  vodra.  Car  largesse  fet  a  touz  entendre 

Qe  surfet  est  de  trop  prendre. 
2  Foie  5  est  qui  foie  boute, 

E  plus  est  foie  qi  fol  ne  doute  ;  6  Ceo  dit  la  dame  de  Halop  : 

Fol  est  qi  foie  tarie,  Mult  miez  vaut  assez  qe  trop  $. 

E  plus  est  foie  qi  foie  marie. 

7  Qi  mestres  est  de  soun  délit 

j  Sage  hom  deit  félon  4  cremir,  Bien  est  reison  qe  s'en  joyt. 

E  sot  félon  deit  hom  haïr; 

Sot  deboner  déporter,  8  Launge  qe  ja  ne  retreit 

E  sage  deboner  bien  amer.  Del  Dieu  bouche  seit  maleit. 

3. —  Raùf  de  Lenham,  Comput. —  J'ai  donné  jadis,  dans  mon  rapport 
sur  les  mss.  de  Glasgow,  une  notice  de  ce  poème,  avec  extraits  ' .  Je 
n'en  connaissais  point  alors  d'autre  ms.  que  celui-même  que  j'avais  trouvé 
au  Musée  Hunterien,  Depuis,  j'ai  rencontré  le  même  traité  non-seule- 
ment dans  le  ms  de  Cambridge  que  je  décris,  mais  encore  dans  le  ms. 
399  de  la  Bodléienne^,  qui  paraît  du  temps  d'Edouard  I  environ.  Je 
donne  les  variantes  de  ce  ms.  au  bas  de  la  leçon  du  ms.  de  Cambridge. 
—  Une  quatrième  copie  se  trouvait  dans  le  ms.  Cotton  Vitellius  D  III, 
qui  fut  presque  entièrement  détruit  dans  l'incendie  de  1731.  Les  débris 
qui  en  subsistent  ont  été  consolidés  autant  que  possible  et  mis  en  ordre 
par  l'administration  du  Musée  Britannique,  et  j'aurai  prochainement 
l'occasion  de  dire  ce  qu'on  y  peut  encore  trouver,  mais  les  feuilets  où 
était  écrit  le  comput  sont  détruits  et  on  ignorerait  qu'ils  ont  existé,  sans 
la  mention  du  catalogue  de  Th.  Smith  (1696),  p.  90. 


I .  La  même  série,  moins  le  second  vers,  est  rapportée  d'après  un  recueil  ms.  du 
xiii"  5.  par  Le  Roux  de  L:ncy,  Livre  des  Proverbes,  II.  388.—  2.  A/5,  la  bâtera. 
Ces  coupes  vicieuses  sont  tr'cs  fréquentes  dans  ce  ms.  Désormais  je  m'abstiendrai 
de  les  noter.  —  3  Pour  fol,  comme  plus  loin.  —  4  Corr.  Sage  félon  deit  hom. 
Ces  quatre  vers  forment  le  seizième  des  quatrains  moraux  publiés  en  appendice  à 
L'Hôtel  de  Cluny  au  moyen  âge,  de  Madame  de  Saint-Surin,  p.  109  {Paris, 
Techener,  1835,  in-S). 5  Prov.  connu,  voy.  Le  Roux  de  Lmcy,  II,  346. 

1.  Archives  des  Missions,  2'^  série,  IV,  154^^  '60- _i  (tiré  à  part,  pp.  121  et 
127-31). 

2.  Ancien  D  10;  dans  les  Catalogi  de  Bernard,  n"  d'ordre  2230. 


286  P-    MEYER 

Les  morceaux  que  je  vais  rapporter  sont  au  nombre  de  ceux  que  j'ai 
publiés  d'après  le  ms.  de  Glasgow.  Delà  sorte  il  sera  facile  de  se  rendre 
compte  du  rapport  des  trois  copies.  On  constatera  sans  peine  que  les 
mss.  de  Glasgow  et  d'Oxford  sont  apparentés  de  très  près. 


De  geste  ne  voil  pas  chaunter,  (/.  8) 
Ne  veilles  estories  cunter 
Ne  la  vailance  as  chevalers 
4  Ke  jadis  estoient  si  fiers. 

Mun  sen,  ce  crem,  pas  nel  save- 
Lur  vaiur  escrivre  a  droit,    [roit 
Dedirepoi  crendrai  mult. 
8  D'autre  part  ausi  redut 
Ke  taunt  preisasse  lur  vaiur 
Ke  tenu  fuisse  a  mentur  ; 
Ke  mut  i  a  cuntes  e  fables 

12  Ke  ne  sunt  pas  véritables. 
Pur  ceo  tels  chose  vous  dirai 
Dunt  verit[é]  vous  musterai, 
E  proverai  de  mun  dite 

i6  Par  resun  la  vérité. 
De  estudier  en  ceo  labur 
Bien  su  tenu,  kar  mun  seignur, 
Par  ki  amur  cest  ouvre  pris, 

20  Comandé  me  avoit  e  requis 
De  aprendre  lui  e  enseigner 
En  romance  l'art  de  kalender. 
C'est  l'acheson,  autre  n'en  ai, 

24  Ke  cost  (sic)  dite  comensai, 
Mes  nepurgant  (su)  le  lai  gent 
Asenser  purrai  bien  sovent. 
Ki  ke  les  resons  savera 

28  Entendre,  kar  meint  tel  i  a 
Ke  lunkes  muser  i  porreit 
E  ja  plus  sages  ne  serreit. 
Jeo  di  tel  de  la  lai  gent 


32  Ke  sunt  de  feble  entendement. 
Pur  ceo  di  :  Ça  entendez 
Vous  ke  saver  le  voilez 
Les  resons  de  cest  art 

36  Ou  poi  en  ert  la  vostre  part,  (b) 
Kar  une  petite  reson 
En  sun  livret  nous  dit  Catun: 
«  Li  mestres  en  vein  la  lesson  lit 

40  «   Dunt  cesdisciples'unt  en  despit, 
«  E  le  cunte  est  pur  rien  cunté 
e   Kant  de  nul  est  escuté.  » 
Pur  ceo  pensez  del  escoter 
Kar   mut  araine    (sic)    en   vain 


44 


[counte[r] 

A  Roume,  al  tens  auncienur, 
Esteient  clers  de  graunt  vaiur 


Jeo  ki  ceste  petit  treté    (/.  14  a) 
48  De  latin  vous  ai  translaté 

Rauf  de  Linham  ai  a  nun  ; 

Ne  voil  que  nul  hom  si  mei  non 

De  ceste  ovre  nul  blame  eit, 
52  Si  rien  par  aventure  i  seit, 

Mesdit,  mesfait  u  mesasis. 

Pur  ceo  vus  ai  mun  nun  apris  ; 

Ore  escutez  dune  avaunt 
56  Kar  ne  larrai  pas  ataunt 

Ke  mun  purpos  ne  pardie, 

Sen  l'en  teng  ou  folie. 


Variantes  du  ms.  Bodiey  399  {fol.  96-104).  Rubr.  Art  de  Kalender  par  Raùf 
de...  {mot  gratté)  romanncé  {sic)  e  ceo  pur  simpli  {sic)  gent  lettré. —  5  la  omis. 
—  5  p.  ne  s.  —  7  descrivere.  —  7  crendreie.  —  8  Ed'a.  —  1 1  Kar  m.  — 
1 3  c.  de  tele  ch.  d.  —  17  cest  1.  —  18  kant  m.  —  19  Pur  ki...  enpris.  — 
22  romanz.  —  23  Ceo  est  l'a.  altre  n'ai.  —  53  P.  c.  vus  di.  —  34  saver 
desirez.  —  37  Les  brèves  r,  —41  pur  nent.  —  42  Ki  de  nul  n'est.  —  44  m. 
harraie.  —  47  Ore  qui  cest.  —  49  Raù.  —  50  nus,  —  58  Sen  le  teingnez. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS 


Seignurs    une   rien    vous  di(e)  : 
[(/.  16  ^) 

60  Si  ceste  dite  ke  avez  oï'e) 
A  clers  nesuffist  pas  assez, 
De  ceo  ne  vous  enmerveilliez, 
Kar  pur  eus  nel  fis  jeo  mie 

64  Ki  entendent  graunt  clergie, 
Mes  ceo  romanz  a  lai  gent 
Assez  suifist  plenerement, 
E  lur  aprent  del  kaiender 

68  Quancques  as  lais  serra  niester; 
Kar  cil  ne  poent  tantost 
Augrime  saver  ne  compost, 
E  pur  mun  seigneur  enveer 

72  Ke  tant  me  deigna  a  preer 
Ke  cest  art  saver  voleit; 
Kar  par  latin  ne  entendreit, 
Kar  il  ne  esteit  for  poi  lectré  ; 

76  E  pur  ceo  en  romauns  l'ai  traité. 
E  taunt  des  auns  i  aveit  tenu 


DE    CAMBRIDGE    (CG.  1  .  l)  287 

De  l'incarnation  Jhesu 

Mil  e  deuz  cenz  e  cinkaunte  sis, 

80  Ke  jeo  Rauf  ceste  traité  fis. 
E,  seignurs,  si  vous  desp[l]eit 
De  ceo  k'en  ceo  dite  est  fait, 
Pur  Deu  pensez  del  amender, 

84  Si  mieuz  le  savez  adrescer. 
Pur  ceo,  si  cum  dient  la  gent, 
Un  sage  aukune  fiez  mcsprent; 
Dunt  n'est  ce  pas  merveille  grant. 

88  Si  sil  mesfestk'est  meins  sachant. 
Si  riens  i  troverez  de  profit, 
Dunt  solas  vous  vieiige  ou  délit, 
Taunt  me  facez  de  guerdon 

92  Jhesu  priez  pur  sun  noun,        (c) 
Pur  la  vertu  de  sun  poer 
Graunter  me  voile  ceste  loer 
Ke  a  tuz  bons  serra  commun  ; 
Amen,  amen  die  checun! 

Explicil  de  compotu  secundum 
Radulphum  de  Lynham. 


Le  reste  du  feuillet  i6  v"  est  occupé  par  trois  courts  morceaux  latins  ; 
De  bapîismaîe.  De  utiliîaîe  visionis  corporis  Christi.  Utiliîates  missa. 

4.  —  Pierre  de  Peckham,  La  Lumière  as  Lais.—  Dans  ma  notice  sur 
les  mss.  de  Saint  John's  Collège  j'ai  présenté  sur  ce  long  poème  quelques 
observations  et  j'ai  dressé  la  liste  des  exemplaires  qu'on  en  possède  '. 


61  As  c.    —   69  ne   pount  pas.  —  70  Angrim   s.   e.  c,    (algorisme).   — 
71  s.  aueer. —  73  Kar  c.  —  74  E  pas  le  I.  ne  entendeit. —  76  I'  omis. —  77  de 


Î2  De  c.  ke  est  en  cest 
pur  g.  — 92  Ke  pars. 


anz.  —  80  Raû  cest.  —  81  si  ren  vus  desplet. — 
dite  fet.  —  86  meinte  feiz.  —  88  Si  cil  fest  ki  est.  —  91 
—  Explicit  :  Finy  est  le  art  de  Kaiender.  Suivent  ces  vers  : 

Pus  ke  Deu  créa  cest  mond 

Cinc  mil  anz  aie  s'en  sunt, 

E  dous  cenz.  un  seul  adiré, 

Deske  nasquit  nostre  Sire; 

Ajustez  les  anz  Ihesu 

Duncert  li  numbres  tut  seù. 

Pus  ke  Deu  devint  homme, 

Mil  .ccc.  anz  est  la  summe. 
I.  Romania,  VIII,  525.  J'ai  signalé,  p.  326,  dans  le  catalogue  de  la  vente  De 
Coussemaker  (18771  un  ms.  de  la  Lumière  as  lais  dont  le  sort  m'était  inconnu.  Je 
sais  maintenant  que  ce  livre  a  étéacquis  par  la  Bibliothèque  royale  de  Belgique, 
où  il  est  coté  B  282  . 


288  p.    MEYER 

J'ajouterai  présentement  que  la  Lumière  as  lais  n'est  probablement  pas  le 
seul  ouvrage  de  Pierre  de  Peckham.  On  connaît  depuis  longtemps  une 
ancienne  imitation  en  vers  du  Secret  des  secrets  Aristote  dont  l'auteur  se 
nomme  Pierre  d'Abernun'.  Or  ce  Pierre  déclare,  à  la  fin  de  son  poème, 
qu'il  a  composé  un  autre  ouvrage  qui  est  précisément  intitulé  la  Lumière 
as  lais.  Voici  le  passage,  qui  a  déjà  été  cité  par  l'abbé  de  La  Rue  [Essais 
sur  les  bardes,  etc.,  H,  365): 

En  un  livre  que  fez  ai  jad 

De  caste  matière  traité  ad. 

E  mult  choses,  sachiez,  sanz  fables, 

K'a  aime  d'hom  sunt  profitables; 

Le  livre,  en  vérité  sachiez, 

La  lumière  as  lais  est  nomez, 

Pur  ceo  n'en  voil  plus  traiter. 

(Bibl.  nat.  fr.  25407  fol.  196). 
Il  me  paraît  infiniment  probable  que  «  Pierre  d'Abernun  «  ou  «  estrait 
de  ces  d'Abernun  »  et  notre  Pierre  de  Peckham  sont  un  seul  et  même 
personnage,  qui  vivait  probablement  au  milieu  du  xiii''  siècle. 

Le  texte  du  ms.  Gg  est  meilleur  que  celui  S.  John's;  il  renferme  ce- 


pendant des  fautes  dont  on  trouvera 
extraits  que  j'ai  publiés  de  ce  dernier. 
Ceo  est  le  oreisoun  mestre  Pères  de  Pec- 
chamt  auctour  de  ceste  livre,  (f.  17). 
Oracio 
Verrai  Dieu  omnipotent 
Ki  estes  fin  e  commencement 
De  toutes  les  choses   k'en  siècle 
[sunt, 
4  E  k'avaunt  furent  e  après  serrunt, 
Ke  criastes  al  commencement 
Ciel  e  tere  e  angels  de  nient 
Avaunt  ke  tens  fust  u  movement 
8  Del  solail  u  de  firmament, 
K'al  primer  jour  lumer  feistes 
E  la  nuit  del  jour  departistes  ; 
Le    firmament    feïstes    le    jour 
[secunde 
12  Entre  les  ev/es  que  sunt  el  munde; 
Le  tierz  jour  l'ewe  departistes 
De  la  terre  ke  descouveristes 


souvent  la   correction   dans  les 

Del  ewe  que  avaunt  fu  tote  co- 
[verte, 

16  Issi  ke  ele  apareit  tute  aperte; 
La  terre  commaundastes  a  germir, 
Arbres  porter  fruit  e  flurir; 
Les  ewes  en  un  liu  comaundastez 

20  Assembler,  e  mers  lesappellastez; 
Le  ciel  aornastez  le  quarte  jour, 
Si  com  aferment  li  seint  plusur, 
De  solail  et  de  lune  ensement 

24  E  des  esteiles  au  firmament  ; 
Le  quinte  jour  les  ewes  e  l'eir 
Ahurnastes,  ceo  crei  de  veir, 
L'eir  [d']oyseaus,  e  de  pessuns 

28  Les  ewes,  cum  en  escrit  truvums; 

Le  sime  jour  la  terre  ahurnastes 

D'aumaile  e  de  bestes  ke  com- 

[mandastes 

De  tute  manière  que  fust  repienie, 


Mais  ore  priez,  pur  Deu  amur, 
En  ceste  tin  pur  le  translatur 


De  cest  livre,  ke  Piere  ad  nun, 
K'e  treit  est  de  ces  de  Abernun. 
(Bibl.  nat.  fr.  25  407,  fol.  196.) 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE 


32  K.e  home  après  en  eust  aïe 

Après  SUR  pecché,  kar,  n'est  pas 

[gas;  {b) 

Bien  saviez,  sire,  de  sun  trespas, 

Ke   vostre    commandement    en- 

[freindreit 

36  E  ke  purceo  parais  perdreit; 
Dunt  après  aveit  grant  mester 
D'aumaile,  de  meuz  sei  guverner; 
Mes  totes  bestes  ne  furent  pas  : 

40  En  sa  poesté  pur  sun  trespas: 
Ceo  poùm  nous  bien  aparcever 
Ke  pas  ne  sunt  a  nostre  poer; 
Meime  cel  jour,  a  tun  pleisir, 

44  Pur  vostre  overaigne  acomplir, 
Feistes  humme  après  ta  figure 
Corne  sire  de  tote  créature; 
Après  ta  ymage  e  ta  semblance, 

48  Les  feistes,  sire,  n'est  pas  dutance  ; 
En  dreit  del  aime  que  nient  cri- 
[astes, 
Le  cors  de  la  terre  formastes 
En  le  champe  Damacene  numé, 

52  Si  cum  est  en  Escripture  truvé; 
Puis  en  parais  terrestre 
Les  meistes  pur  garder  cel  estre 
Ke  de  délices  fu  repleniz, 

56  Si  cum  nous  truvum  en  escriz. 
Sire,  entre  les  arbres  ke  i  plantas- 
Deus  en  un  liu  i  ordenastes  :  [tes 
L'un  arbre  fu  appelé 

60  Le  fust  de  vie,  kar  ki  mangié 
En  eust  del  frut  ke  portereit 
A  tuz  jours  sanz  murrir  vivereit; 
L'autre  fust,  de  mal  e  bien 

64  Saver,  et  sur  tote  rien 

Fin  ifoL  111  a]  : 

Mes  ore  vous  prie  a  chief  de  tur 

Qe  vous,  pur  amur  Nostre  Seignur, 

Qe  ceste  romance  oï  avez, 

Pur  Pères  qu'en  ad  travaillez 

Prient,  qe  Dieu  pust  bien  servir 

Issi  qea  sa  joie  pust  venir. 

E    quancqe   orunt   volunters    cest 

[romanz. 

Romama,  XV. 


CAMBRIDGE    (GG.  I  .  l)  289 

Vertu,  dunt  bien  s'aparçut 
Adam  quant  manga  del  frut. 
Ne  mie  purceo  bien  savoit  avant 
68  Ke  bien  e  mal  fu,  nepurquant 
N'aveit  nule  maie  esp[r]uvé 
Geske  tant  k'od  del  frut   mangé. 
Sire,  donc  après,  quant  aviez  mis 
72  Adam  pur  garder  cel  purpris,   \{c) 
Si  !i  commandastes  que  ne  man- 
[gast  rien 
Del  fust  de  saver  mal  e  bien  ; 
Si  li  déistes:    «   Quel   hure   que 
[mangiez, 
76  «    De    mort    sachez    que     vous 
[morrez.  » 
Puis  veistez  bien  quesolas  li  fust 
K'aucune  compainie  en  eust: 
Dormir  le  feistes  par  ta  poesté 
80  E  une  femme  de  sun  costé, 
De  une  des  costes  numement, 
Od  l'os  e  la  char  ensement  ; 
E  puis  quant  Adam  l'avisa 
84  Sei  joist  e  prophetiza  : 

1  Iceste  char  est  de  ma  char, 
1  E  os  de  l'os,  n'est  pas  eschar. 
«  Pur  ceo  père  e  mère  lerra 
88  «   Humme,  e  a  sa  femme  erdra.  » 
En  iteu  maner  fu,  sanzfaile, 
En  parais  trové  esposaiie  ; 
Si  signefia  l'incarnation, 
92  Si  cum  nous  en  escrit  trovum  ; 
E  si  signefia  en  sun 
La  seintime  conjunctiun 
De  seint  Eglise  e  Jhesu  Crist 
96  Vostre  fiz,  cum  truvum  escrit. 


Vieuz  e  joevenes,  femmes  e  enfanz, 

Amen  die  devoutement 

A  ceo  checun,  e  ceo  que  apent, 

C'est  Pater  noster  e  Ave  Marie 

A  la  dame  qe  pur  nous  prie, 

Si  issi  seit  sun  fiz  Jhesu  Crist.  .      {b) 

Amen,  amen,  issi  finist. 


290 


p.    MEYER 


5.  —  Les  quinze  signes  de  la  fin  du  monde.  —  Voir,  au  sujet  de  ce 
poème,  fait  en  France,  et  des  copies  qu'on  en  possède,  Romania,  VI,  22 
et  VIIl'  ?  1 3.  La  leçon  de  notre  ms.  est  l'une  des  plus  complètes.  Je  pro- 
pose en  note  ou  dans  le  texte  les  corrections  indiquées  par  les  autres  mss. 


Ci  commet  de  les  .xv.  signes  devaunt  le 
jour  de  jugement  (f .  m  h). 

Oiez  tuz  communalment 
Dount  nostre  Sire  nous  reprent  : 
De  ceo  qe  tute  créature, 
4  Checun  sulum  sa  nature, 
Recunust  meuz  sun  creatur(e) 
Qu'i  ne  facehomme,  si  est  dolur(e); 
Mes  home  de  li  servir  se  feint, 
8  De  quei  nostre  Seignur  se  pleint. 
Il  nous  aime  tut  bonement  ; 
De  quanque  desuz  le  firmament 
Nous  a  doné  le  seignurie, 
12  E  chescun  de  nous  le  guerpie. 
Muus  bestes,  urs  e  lions, 
Oyseauz,  serpens.mer  e  peissuns 
Funt  qei   dievent  sans  tristur(e), 
16  E  gracent  lur  creatur(e). 
Ciel  e  tere,  solail  e  lune, 
Neis  des  esteiles  n'i  ad  une 
Q_e  ne  face  quanqe  ele  deit; 
20  E  home  faut  que  tut  ceo  veit. 
Tant  est  pleines  de  cuveitise 
Qe  ne  eime  Dieu  en  nul  guise. 
Plus  volenters  orreit  chaunter 
24  Cum  redel  juster 
Culyer  sun  companun 
Qu'il  ne  freit  un  bon  sermun 
Ne  de  la  seinte  passioun 
Que  suffri  Dieu  par  grant  vyan 
28  Pur  le  péché  qe  fist  Adam. 
Pur  quei  sûmes  nous  orguilus  ? 


Acheitifnes,  ja  murrum  nous  ! 
U  est  l'ami  qe  bien  nous  Ira 
32  Quant  l'aime del  cors  partira?  (c) 
Nos  amis  pur  nous  plurunt: 
C'est  le  bien  que  pur  nous  frunt. 
A  scient  nous  occium 
36  Quant  Dieu  del  ciel  guereum. 
Nous  sûmes  tretuz  qe  dolenz  ; 
Mult  en  averum  grevez  jugemenz 
Quant  ceo  siècles  finira 
40  E  Dieus  as  bons  joie  durra. 
Oncore  dis  il  assés  plus  : 
Cum  feintement  Zodiacus 
Curt  cuntre  le  firmament, 
44  Que  planète  ne  vunt  pas  lent, 
La  nature  des  elemenz 
E  la  nature  des  venz; 
Li  uns  est  en  Oriente, 
48  Li  autres  est  en  l'Occidente, 
Akun  vient  en  nnunt. 
Seignur,  pur  Dié  ne  vous  enoit  ! 
Si  vous  ne  cremise  enuier 
52  E  desturber  d'acun  mester, 
De  quinze  signes  vous  deïsse, 
Einz  qe  partir  me  voïsse, 
Tute  la  pure  vérité. 
56  A  akun  de  vous  vendra  a  gré 
A  oïr  la  fine  de  ceste  munde 
Quant  totes  choses  finirunt  ? 
N'i  ad  home  suz  ciel  tant  felun, 
60  Si  ver  Dieu  ad  ententioun, 
Si  m'escute  vous  a  parler, 
Qe  ne  vousist  de  ceo  penser. 


6  Corr.  Que  ne  f.  hom.  —  10.  Suppl.  [a]  après  quanque.  —  13  Muus,  corr. 
Mues. —  15  Corr.  F.  quanqu'il  deivent.  —  16  Corr.  gracient  —  24-5  Corr. 
Cume  Rolans  alad  juster  |  A  Uliver.  —  26  Ms.  sernum.  H  -j  a  ici  trois  vers  sur 
la  même  rime.  Aussi  faut-il  en  fondre  deux  en  un,  et  lire  :  Qu'il  ne  fereit  la  passion. 

—  27  vyan,  corr.  ahan.  —  30  Corr.  Hé  las  chaitif.    —  41  C'est  ici  que  com- 
mence, bien  qu'un  peu  différemment,  la  leçon  du  ms.  de  l'Arsenal  citée  ici,  VI,  23. 

—  49  5(c  ;  Ars.  Eli  autres  versmienuit. —  ^1  Ms.  enuoier,/4  ce  vers  commencent 
plusieurs  des  copies  de  ce  pocme. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE 

Car  quant  ceo  munde  finira 
64  Nostre  Seignur  signes  fera. 

Ceo  nous  cunte  Jeremie, 

Zorobabel  e  Helye, 

De  Babiloine  Daniel, 
68  Ben{e)  1'  aferme  Ezechiel, 

David,  Amon  e  Moysès 

E  li  tûtes  prophètes  après,      {d) 

Un  poi  devant  le  jugement 
72  Ou  li  felun  serrunt  dolent 

Mustr[er]a  Dieu  sa  poesté 

En  terre  de  sa  majesté. 

Qui  voil  oïr  le  merveille 
76  Enver  qi  rien  ne  s'aparaille 

Adresse  ses  oez  ;  si  me  regard: 

Jeo  li  dirrafi]  devers  quel  part 

Vendra  la  grant  mésaventure 
80  Que  passera  tute  mesure. 

Ore  escutez  de  la  jurnée 

Fin  (fol.  \i^  b): 

Le   quinzime  signe    vous  dirrai, 
224  Car  de  la  dolur  aukes  sai 

Qeli  sires  de!  ciel  f[e]ra 

Quant  ces  signes  mustr[erja  : 

Le  noun  q'il  avéra  le  vous  dir- 
[rum  : 
228  Ceo  sera  consummacioun  ; 

E  terre  e  ciel  partut  ardra 

E  a  nient  repeirera  ; 

La  mer  qe  tut  rien  enclost(e) 
232  E  les  ewes  e  tut  li  flot 

Reperierunt  tut  a  nient, 

Corne  fu  al  commencement. 

Idunc  serrunt  les  voiz  oïre]z 
236  En  semblant  de  symphoni[e], 

E  dirrunt:    «Oie!   vous  pecche- 
[our,  (c) 

«  Fuez  trestuz,  veez  le  jur 


CAMBRIDGE    (CG.  I  .  il 


291 


Qe  tant  par  deit  estre  duté. 

De  ciel  cheira  pluvie  senglaunt; 
84  Ne    quide[z]   pas  que  jeo   fvos] 
[mente, 

Tute  tere  [en]  iert  culurée  : 

Mult  i  avéra  aspre  rosée. 

Li  enfant  qi  né  nient  serrunt 
88  Dedenz  les  ventres  crierunt 

A  cler[e]  voiz,  mult  hautement  : 

.(  IVIerciezvous,Dieusomnipotent! 

«  Sire,  nous  querumja  mèsnestre, 
92  «  Mes  nous  vaudreit  nient  a  estre 

«  Que  nasquisum  a  ceste  jur 

«  Quant  tute  rien  suffre  dolur.  » 

Li  enfanz  plurunt  isci 
96  E  dirrunt:  «  DuzJhesu,  merci!  » 

Le  primer  [jur]  tut  iert  iteles, 

Mes  li  secunde  iert  plus  maies. 


«  Tut  plein  de  mésaventure  !  » 

240  Dieu  ne  fist  ceste  créature, 
Si  se  purpense  de  ses  feez, 
Qe  jamès  en  sun  cuer  eit  pès, 
Idunc  sunerunt  les  busines, 

244  Dunt  leverunt  li  mort  a  primes, 
E  resurdrunt  [tresjtut  li  mort  : 
Chescun  avéra  escrit  sun  sort. 
E  nostre  seignur  ref[e]rad 

248  Ciel  e  tere  qi  défera  ; 

Puis  descendra  mult  cruelment 
Od  les  seinz  al  jugement. 
Devant  li  assemblera 

252  Tut  le  people  q'il  rechata 

De  sun  precious(e)  sanc  el  munde, 
E  bon  e  mal  tut  i  serrunt. 
Aïdez  nous,  seinte  Marie. 

2)6  Amen,  amen  chescun  en  die! 


66  Hélie,  corr.  Isaïes.  —  70  Corr.  Tuit  li  autre  p.  —  77  D'autres  mss.  ont 
Dresse  son  chief  ou  son  cuer.  —  80  Ms.  pallera,  —  82  deit,  ms.  dreit.  — 
90  Corr.  Merci  roi  D.  —  92  Corr.  Meuz. 

223  Les  numéros  des  vers  sont  ceux  du  texte  de  Saint  John  s  Coll.  (ci-dessus 
VIII,  314).  —236  Corr.  semblance.  —  2^9  Les  autres  mss.  portent  Trestot  p. 
ou  T.  pi.  de  grant  m.  —  248  Corr.  qe  defet  a. 


292  p.    MEYER 

Le  reste  de  la  colonne  est  rempli  par  un  extrait  dont  les  premiers  mots 
sont:  «  Arisloteles  faciî  questionem  in  Naturis:  Quo  cibo  nutriatur  in  cor- 
«  pore  conceptus  ?  s.  profecto  sanguine  menstruo...  » 

6.  —  La  plainte  d'Amour.  —  Voir  sur  ce  remarquable  poème,  et  sur 
les  mss.  qu'on  en  possède,  Romania,  XIII,  507.  C'est  un  dialogue  entre 
Amour  et  un  prudhomme,  comme  l'explique  un  couplet  d'introduction 
qui  n'a  été  conservé  que  dans  le  ms.  de  Trinity  Collège.  Je  donne  quel- 
ques variantes  destinées  à  faciliter  l'intelligence  du  texte. 


I  Amour,  Amour,  ou  estes  vous? 
[if.  u^d) 

—  Certes  en  mult  poi  de  iuys, 

Kar  jeo  ne  os. 

—  E  pur  quel  n'osez  estre  veu, 
Vous  qi  estes  si  bien  coneu 

6  De  bon  les  ? 

11  Jeo  parlas  a  vous  a  leisir, 
Si  vous  vensist  a  plesir, 

Privement, 
Pur  saver  moun  la  vérité, 
Pur  quel  estes  reboté 

12  De  la  gent. 

III  —  Aias,  alas  !  ceo  dit  Amour, 
Vous  acrescez  ma  dolur 

Par  vostre  dit. 
Si  jeo  face  a  vous  ma  pleint 
Jeo  serrai  las  e  tost  ateint 
18  Avant  qe  ei  dit. 

IV  —  Douce  Amour,  ne  lessez  pas 

Ke  vous  ne  me  diez  vostre  cas 

E  vostre  ennuy. 
Dites,  dites,  jeo  vous  prie, 
Pur  quel  estes  revilie 
24  En  chescune  iuy. 

V  —  Ore  vous  dirrai,  ceo  dit  Amour, 

Qe  dire  ne  puisse  ma  dolour 
Ne  ma  enchesoun  : 


36 


42 


Par  mes  enemis  suis  enchacé 
Hors  de  vile  e  de  cité 
E  hors  de  mesoun. 

—  Chère  Amour,  qui  sount  ceux 
Qi  sunt  si  hardi  e  si  fous 

A  celé  chace  fere? 
En  nos  livres  avom  trovee 
Qi  par  vous  fist  la  Trinité 

E  celé  e  tere. 

Vous  feites  Dieu  a  nous  descendre, 
Vous  li  priastes  de  char  prendre, 

E  il  vous  graunta.   (/.   1 14) 
Par  vostre  prier  voleit  soffrir 
Peine  e  dolur  e  puis  morir, 

E  tous  nous  sauva. 


VIII  Ja  ne  est  home  qe  seit  sauvé 
Si  par  vous  ne  seit  amené 

A  sauvacioun, 
Duntme  merveille  durement 
Qe  trovée  estes  si  relement 
46  En  chescune  mesoun. 

IX  Jeo  su  aie  sovent  querant 
La  ou  dusse  estre  menant 

Par  bone  resoun, 
Entre  amis  de  bone  linage 
E  entre  clers  e  barnage, 

^4  En  chescune  seisoun. 


26-7  Trin.  ne  p.  sanz  dolur  |  Ma  e.  —  48  Trin.  dussez. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS 

X  Cum  plus  sovent  vous  vois  quere, 
Tant  vous  vei  jeo  plus  retrere 

Hors  du  pais. 
Douce  Amour,  qi  sunt  si  fous 
Que  vous  enchacent?  qesunt  ceus 
60  Vos  enemis? 

XI  —  Pur  ceo    qe   vous    me   avez 
Beau  frere,  mes  enemis     [requis^ 

Vous  voile  desclore, 
Mes  jeo  ne  purrai  tote  la  soume 
De  ma  dolur  a  nul  home 

66  Parcunter  ore. 


DE   CAMBRIDGE    (GG.I.i)  2Ç}] 

Ne  me  grevez  par  prière 
90  De  plus  dire. 

XVI  —  Si     frai,   ceo  sachez,    douce 
[Amour. 
Vous  me  dirrez  en  ceste  estour 

Une  autre  chose  : 
S'il  est  veirs  qe  est  escrit 
Qe  par  la  lectre  nous  est  dit 
96  E  par  la  glose, 


XVII  Vous  aviez  jadis  teu  pouer 
Qe  nul  vous  pot  cuntre  ester 
En  ceste  vie  ; 

XII  Une  prince  est  venu  si  fiere  Pur  quel  ne  priez  vos  amis 
E  sa  baner  ad  fet  lever                             Qe  il  vous  venge  des  enemis 

Encuntre  moy.  102  Par  curteisie  ? 

XVIII  —  Beau  douce  frere,  bien  avez 

72  [dit, 

E  bien  est  veirs  q'est  escrit 

XIII  Soun  noun  est  nomé  Coveitise;  De  ma  mestrie  : 

Par  li  ai  perdu  ma  franchise  Jeo  solaiaver  en  ceste  munde 

E  sui  enchac[i]e  ;  De  haut  e  bas  e  en  roùnde 

Ire  e  Orguille,  ces  deus  barouns,       108  Que  ore  est  faillie. 

Vers  moi  sunt  trop  feluns 
78  E  mei  unt  plaie. 


XIV  Soun  chivaler  moût  renomé, 
Sire  Envie,  ad  bien  juré^  (b) 

Si  jeo  returne, 
Ke  il  me  fra  par  graunt  ire 
Primes  batre  e  puis  occire, 
84  Dunt  jeo  sui  mourne. 

XV  Pur  ceo  vois  jeo  tapissaunt, 
De  liu  en  liu  mendivaunt, 

E  ne  sai  qe  dire. 
Dunt  jeo  vous  prie,  douce  frere, 


XIX  Ceux  qe  volent  qe  feussse  mestre 
La  sus  en  ciel  [unt]  pris  leur  estre 

En  bon  seisoun  ; 
Ore  sunt  venuz  atres  après 
Qe  ne  me  soefïrent  vivre  en  pès 
116  En  nul  mesoun. 

XX  E  solai  aver  bêle  grâce 

En  queors  des  gens  e   tant   d'es- 
Qe  a  moun  pleisir        fpace 
Jeo  porrai  demorer  e  sejorner  (c) 
E  moun  sojourn  bien  garder, 
120  Sanz  départir. 


70-2.  Les  trois  derniers  vers  de  la  strophe  manquent.  Les  voici  d'après  Harl.  273 
{ils  sont  moins  corrects  dans  Trinity)  : 

Si  m'ad  engeté  hors  de  terre 
Et  hors  me  tent  par  forte  guerre  ; 
Hore  créez  moy. 
79  Trin.  Un  ch. 


294  P-    MEYER 

Or,  dites-moi,  dit  le  prudhomme,  oii  est  votre  séjour.  —  Vous  me  trouverez 
dans  les  celiers  ou  dans  les  greniers,  sous  le  blé.  Si  vous  ne  m'y  trouvez  pas, 
il  faut  me  chercher  dans  la  bourse.  Là  sûrement  vous  me  trouverez  solidement 
lié.  D'autre  fois  encore  je  fais  mon  lit  dans  l'étable  ou  dans  la  porcherie.  — 
Hélas  !  cher  Amour,  c'est  pour  vous  un  bien  vil  séjour,  vous  qui  jadis  aviez 
coutume  de  siéger  dans  la  salle.  Amour  énumère  tristement  les  honneurs  qui 
lui  étaient  rendus  autrefois,  lorsqu'il  portait  la  croix  et  la  mitre  en  sainte  Eglise. 
Il  y  a  là  des  strophes  véritablement  éloquentes  : 


XXX  Od  moi  ala  la  pape  a  pié,  (f.  1 1 
Od  moi  sit  le  rei  en  see, 

E  vout  jeuer ; 
Par  mei  entra  devant  justice 
Li  povere  home  a  sa  devise 
180  Sanz  rien  doner. 

XXXI  Jeo  defendi  ses  taillages, 
Jeo  fiz  rendre  ses  damages 

A  povre  gens  ; 


4^)  Jeo  fis  crier  les  grans  festes, 

Jeo  fiz  chaunter  les  gestes 
186  En  moun  temps. 

XXXII  Jeo  fiz  marier  gentil  femmes, 
Sanz  doner  or  ou  riche  gemmes, 

Mult  noblement; 
Mes  ore  ad  fet  mon  enemi 
Qe  la  chose  n'est  pas  issi, 
192  Mes  autrement. 


Mais  Convoitise  a  enlevé  à  Amour  sa  franchise.  Jadis  Amour  fondait  des 
monastères  et  les  dotait  richement:  maintenant,  poussés  par  Convoitise,  les 
barons  reprennent  les  biens  donnés  par  leurs  ancêtres;  ils  abusent  du  droit  de 
gîte,  ils  enlèvent  aux  clercs  leurs  dîmes,  ils  donnent  les  églises  à  des  séculiers 
et  se  moquent  de  nos  sermons.  Amour  est  allé  se  plaindre  à  Rome,  mais,  là, 
belle  parole  ni  bonne  renommée  ne  servent  de  rien,  et  il  fut  mis  à  la  porte.  Les 
rois  sont  bons,  mais  leurs  conseillers  sont  mauvais.  Amour  a  été  emprisonné 
<c  En  wapentak  '  et  en  conté  |  Par  les  baillifs  ».  Ses  filles.  Pitié,  Vérité,  «  Na- 
turesce  »,  Chasteté,  sa  sœur  Humilité,  ont  disparu.  L'ouvrage  se  termine  ainsi  : 


CLix  Ore  vous  ai  jeo  fet  ma  pleinte 
Dunt  jeo  su  las  e  ateinte, 

Jeo  pri(e)  repos(e),  (/ 
Ja  ne  querez  moun  sojour 
En  ceo  qe  par  reddure 

954  Me  ount  forclos. 

CLX  Si  me  volez  embracer 

Ne  vous  estut  trop  travailler 
Pur  mei  querre  : 


Vous  me  troverez  od  Jhesu  Crist  ; 
La  est  ma  chambre  e  .moun  lit 
120)      960  Tut  hors  de  guerre. 

CLxi  Jeo  fu  od  lui  sanzcomencement 
E  serra[i]  od  li  durablement 

A  touz  jours. 
Unkes  créature  ne  fit 
Q_e  par  consailenel  fist, 

966  Par  ces  douces  eoveres. 


I.  Division  territoriale  dont  le  sens  varie  selon  les  textes;  ici  il  s'agit  pro- 
bablement du  hundred,  subdivision  du  comté. 

953  Corr.  Entre  cels.  —  965  Corr.  p.  [mon]  c.  n.  feïst.  —  966  Corr.  P.  sa 
douçour. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE    (CG  .  I  .  I  )  295 

CLXii  En  ciel  ne  enterre  ne  en  mer(e)  À  la  court  lur  ert  rendu 

De  mei  ne  pount  celer(e)  Mult  hautement  ; 

Nul  rien.  En  la  court  le  rei  celestre 

Od  lui  vendrai  au  drein  jour  Jeo  lur  frai  sires  e  mestre 

Pur  fere  a  ceuz  grant  honur  984          Durablement. 
972          Qe  me  unt  fet  bien. 

cLxv  — ■  Très  chier  Amour,  jeo  vous 

CLxiii  Tuz  ceux  qe  me  unt  revilié  [requier 

E  me  veilleunt  crier  merci  Qe  od  mei  voiliez  herbeger, 

L'en  comperount  ;  Sans  déparier . 

Ire  e  Orgille  mes  enemys  Jeo  prie  Jhesu  le  fiz  Marie 

E  Coveitise  lur  chiers  amis  Qe  vous  me  doygne  en  compai- 

978           Me  vengerount.  990          A  mon  departer.      [gnie  (b) 

cL.xiv  Tuz  les  autres  qe  me  unt  receu  Amen,  Amen,  Amen. 

7.  —  Les  prophéties  de  Merlin,  en  prose,  concernant  Henri  III  et  ses 
successeurs. —  Cette  prophétie,  probablement  imaginée  sous  Edouard  I,se 
rencontre  fréquemment  dans  les  mss.;  voy.  Ward,  Catal.  of  romances, 
I,  300,  308,  309,  et  Duffus  Hardy,  Descript.  Catal. ,  III, no  330. 

(Fol.  120  l>)  Ici  comcncc  alciins  de  les  prophéties  e  des  merveilles  qe  Merlin  dit 
en  soun  temps  de  Engleterre,  e  des  reis  qe  unt  esté  puis  le  temps  le  rei  Henri  le  derein 
qe  nasquist  a  Wincestre  e  de  euz  qe  serrant  pur  tuz  jours  m'es  en  Engleterre,  de  lur 
aventures  queuz  il  serrunt,  bons  ou  maiiveis,  moles  ou  dures. 

Un  aignel  vendra  hors  qe  avéra  blaunche  laung  e  leveres  véritables^  e  avéra 
escrit  en  sun  queor  seinteté.  Cel  aignel  fra  une  mesoun  deu  Westm.  qe  serra 
de  bêle  veue,  mes  ele  ne  serra  parfest  en  soun  temps.  En  la  fin  de  soun  règne 
vendra  une  lowe  de  estraunge  terre... 

Fin  (fol.   121  b]  : 

E  si  serra  test  après  ceo  terre  de  conqueste,  e  si  fuierunt  les  heires  de  Engle- 
terre hors  de  lur  héritage.  Alas  !  Alas!  Alas  ! 

Le  reste  de  la  page  est  occupé  :  1°  par  un  morceau  sur  le  parjure  : 
«  De  perjurio,  Qui  jurât  super  librum  tria  facit  :  primo  ponit  manum 
super  librum...  »  2°  par  des  sentences  :  «  Proverhia.  Meliora  sunt  vul- 
nera  corrigentis  quam  oscula  blandientis...  » 

8.  —  Poème  anglais  sur  la  Passion  dont  on  a  d'autres  copies. 

Herkinith  aile,  ihc  '  voile  you  telle  {{.  122  a) 
Of  muche  pitié  in  mi  spelle... 


968  Corr.  Unkes  de  moi  ne  vout  [ms.  de  Trinity) .  —  980  Corr.  A  la  cunte 
(Trin.)  —  987  Corr.  S.  returner  {Tiin.). 
1 .  The  (/)  dans  le  catalogue  imprimé. 


296  p.    MEYER 

9.  —  Le  «  Miroir  »  ou  «  les  évangiles  des  domeés  »,  par  Robert  de 
Gretham.  —  Poème  de  plus  de  20,000  vers  dont  l'objet  est  de  mettre 
à  la  portée  du  public  laïque  les  évangiles  de  chaque  semaine  avec  leur 
exposition.  Ce  long  ouvrage  ne  peut  prétendre  à  beaucoup  d'originalité. 
Il  est,  selon  toute  apparence,  entièrement  traduit  du  latin.  Toutefois  ce 
n'est  pas  la  traduction  d'un  seul  et  unique  livre  écrit  en  latin.  C'est  une 
compilation  dont  les  éléments  ont  été  recueillis  en  des  livres  divers.  Les 
indications  que  l'auteur  donne  (vv.  69  et  suiv.)  permettent  de  lui  faire 
crédit  d'une  certaine  originalité,  au  moins  en  ce  qui  concerne  le  choix 
des  matériaux.  Autant  qu'il  m'a  paru,  le  plus  grand  nombre  des  exemples 
cités  à  l'appui  des  explications  des  évangiles  sont  empruntés  à  saint 
Grégoire,  mais  d'autres  sont  tirés  de  sources  plus  proprement  anglaises. 
Je  citerai  notamment  la  curieuse  rédaction  de  la  vision  de  saint  Furseus 
qui  sera  imprimée  plus  loin. 

L'auteur  nous  a  fait  connaître  son  nom  et  son  surnom  à  la  fin  de  son 
œuvre:  il  s'appelait  Robert  de  Gretham,  et  s'il  s'est  nommé,  ce  n'est 
certes  pas  par  un  vain  désir  de  gloire  littéraire,  car  il  parle  de  son  œuvre 
avec  la  plus  grande  modestie',  c'est  simplement,  comme  Pierre  de 
Peckham  et  comme  plusieurs  autres,  pour  avoir  part  aux  prières  de  ses 
lecteurs.  Il  y  a  Greetham  en  Lincolnshire  et  Rutland,  Greatham  en 
Durham,  Hampshire  et  Sussex.  Je  n'ai  pas  le  moyen  de  faire  un  choix 
entre  ces  divers  lieux. 

Robert  dédie  son  œuvre  à  une  certaine  dame  Aline  sur  laquelle  je  ne 
possède  aucun  renseignement.  Il  existe,  dans  la  littérature  anglo-nor- 
mande, un  poème  qui  n'est  pas  sans  quelque  analogie  avec  notre  Miroir, 
c'est  le  Corset,  œuvre  de  théologie  à  l'usage  des  laïques  dont  le  seul 
exemplaire  connu  se  trouve  dans  le  ms.  Douce  210  de  la  Bodléienne  ^ 
C'est  un  exemplaire  incomplet,  le  ms.  offrant  diverses  lacunes.  Nous 
savons  toutefois,  par  le  début  qui  nous  a  été  conservé,  que  le  Corset  a 
été  dédié  à  un  certain  Alain  par  son  chapelain  Robert.  Il  m'a  semblé, 
lorsque  j'ai  rédigé  la  notice  du  ms.  Douce  210,  et  il  me  semble  encore, 
que  Robert  auteur  du  Corset  et  Robert  de  Gretham  auteur  du  Miroir 
pourraient  bien  être  un  seul  et  même  personnage.  Les  deux  poèmes  sont 
sensiblement  de  la  même  époque,  du  milieu  du  xiii<^  siècle  environ  ;  la 
langue  et  la  versification,  autant  que  j'en  puis  juger  par  une  étude  som- 
maire, ne  diffèrent  guère,  et  à  la  coïncidence  du  nom,  Robert,  se  joint 


1.  Voy.  vv.  97  et  suiv. 

2.  Voy.  Bulletin  de  la  Soc.  des  anciens  textes  français,  1880,  p.  62, 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE    (CG  .  I  .  1  )  297 

cette  autre  coïncidence  que  les  deux  poèmes  débutent  à  peu  près  de 
même  : 

MIROIR  :  CORSET  : 

A  sa  très  chiere  dame  Aline  A  son  très  chier  seignor  Alain 

Saluz  en  b  vertu  divine.  De  part  Robert  son  chapelain 

Salutzel  fitz  sainte  Marie. 

Il  ne  me  paraît  pas  improbable  qu'Aline  ait  été  la  femme  d'Alain. 
L'usage  de  donner  à  la  femme  le  nom  de  son  mari,  avec  une  terminaison 
féminine,  est  attesté  au  xiii<=  siècle  et  en  Angleterre  (en  France  aussi  du 
reste«  par  de  nombreux  exemples.  La  fille  de  Guillaume  le  Maréchal, 
Mathilde,  mariée  à  Huges  Bigot,  est  appelée  la  Bigote  dans  le  poème 
consacré  à  la  mémoire  de  son  père. 

Nous  savons  par  le  début  du  Corset,  que  le  seigneur  Alain  aimait  à 
entendre  «  la  leçon  divine  ».  Malheureusement,  il  ne  savait  pas  le  latin, 
et  c'est  pour  le  mettre  à  même  de  se  faire  lire  de  la  théologie  en  français 
que  son  chapelain  dut  lui  composer  le  traité  qu'il  a  nommé  Corset.  Dame 
Aline  ne  savait  pas  le  latin  non  plus,  mais,  à  la  différence  d"Alain  (que 
celui-ci  ait  été  ou  non  son  époux),  elle  se  plaisait  surtout  à  lire  ou  à 
entendre  des  «  chansons  de  geste  et  d'histoire  ».  Tout  cela,  dit  le  sage 
Robert  de  Gretham,  n'est  que  vanité  et  mensonge.  Pour  une  bonne 
parole  il  y  en  a  beaucoup  de  mauvaises^  et  la  vérité,  quand  elle  apparaît, 
ne  sert  qu'à  faire  passer  la  fausseté.  Il  ne  faut  pas  croire  tout  ce  qu'on 
dit  ni  tout  ce  qu'on  écrit.  Et  comme  exemples  de  récits  visiblement 
controuvés  l'auteur  cite  la  chanson  de  Mainet  et  quelques  autres  qu'il 
n'est  pas  facile  d'identifier,  le  texte  étant  assez  corrompu.  On  remar- 
quera la  mention  de  la  chanson  de  l'orphelin  Sansonet  (v.  30I  qui  ne 
nous  est  pas  parvenue,  mais  dont  une  chronique  française  nous  a  con- 
servé le  résumé  ' . 

Comme  d'autres  poètes  français  d'Angleterre,  Robert  de  Gretham  se 
permet  de  temps  à  autre  de  donner  la  même  rime  à  quatre  vers  consé- 
cutifs, mais  ce  qui  est  plus  singulier,  c'est  qu'au  début  de  son  ouvrage, 
après  le  prologue  il  a  écrit  trente-cinq  vers  sur  la  rime  e,  ne  distinguant 
pas^  cela  va  sans  dire,  ié  àeé. 

L'ouvrage  est  complet,  dans  notre  ms.,  sauf  une  lacune  produite  par 
l'enlèvement  d'un  feuillet  entre  lesff.  252  et  255.  Un  second  exemplaire, 
apparemment  un  peu  plus  ancien,  mais  auquel  manquent  les  premiers  et 
les  derniers  feuillets,  est  conservé  au  Musée  britannique,  add.  26775. 


I.  Bibi.  nat.  fr.  5003,  fol.  ici  v»;  voy.  G.  Paris,  Hist.  pocticjac  de  Chark- 
magne,  p.  405.  J'ai  trouvé  de  cette  même  chronique  un  autre  ms.  à  la  Lau- 
rentienne. 


298  p.    MEYER 

Acquis  par  le  Musée  en  1865,  ce  ms.  avait  figuré  sucessivement  dans 
un  catalogue  Techener,  à  prix  marqués,  en  1862,  où  il  était  bien  indû- 
ment attribué  au  xii"  siècle  (il  est  de  la  fin  du  xiii'^)  et  dans  une  des 
ventes  faites  par  Libri,  celle  de  1864.  Il  a  été  l'objet,  dans  le  t.  I  de  la 
Zeiîschriftf.  romanische  Philologie,  d'une  notice  fort  imparfaite,  qui  a  été 
appréciée  ici  même  [Romania,  YU,  345). 

Il  y  a  quarante  ans,  la  bibliothèque  de  Trinity  Collège,  Cambridge, 
possédait  du  même  ouvrage  un  troisième  exemplaire.  En  effet  Th.  Wright, 
traitant  de  la  vision  de  saint  Furseus,  dans  son  livre  sur  le  Purgatoire 
de  saint  Patrick  publié  en  1844  [Saint  Patrick' s  Purgatory,  p.  11)  dit 
l'avoir  rencontrée  «  among  some  french  metrical  saints'  legends,  in  a 
«  Ms.  in  the  library  of  Trin.  Coll.  Camb.,  marked  B.  14.  39,  of  the 
«  end  of  the  twelfth  orbeginning  of  the  thirteenth  century  ».  Et  il  en 
cite  vingt  et  un  vers  qui  tous  se  retrouvent  dans  le  récit  relatif  à  saint 
Furseus  tel  qu'on  le  lira  plus  loin  d'après  les  deux  autres  mss.  Ce  ms., 
qui  est  celui  même  d'après  lequel  Hickes  a  publié  dans  son  Thésaurus 
(1705)  une  ancienne  vie  anglaise  de  sainte  Marguerite  et  cité  quelques 
vers  de  la  vie  de  saint  Nicolas  de  Wace  et  du  traité  de  Gautier  de 
Biblesworth,  a  disparu  peu  après  1844.  J'en  parlerai  avec  plus  de  détail 
lorsque  je  décrirai  les  manuscrits  français  de  Trinity  Collège,  et  peut- 
être  d'ici  là  aura-t-il  reparu,  car  celui  qui  l'a  emprunté  irrégulièrement 
il  y  a  quelque  quarante  ans  ne  l'a  pas  vendu  et  ne  peut  espérer  en  jouir 
encore  pendant  de  longues  années. 

l!  existe  sous  ce  titre  «  Les  évangiles  des  domées  et  des  saints  de  tout 
l'an  «,  un  ouvrage  en  prose,  apparemment  composé  au  milieu  du 
XIV*  siècle,  et  dont  l'objet  est  le  même  que  celui  du  poème  de  Robert 
de  Gretham  ',  mais  qui  en  est  tout  à  fait  indépendant. 

A  sa  trechiere  dame  Aline  (/.  1 5  5)  E  folie  de  vaine  cure. 

Saluz  en  la  vertu  divine.  Si  l'em  i  trove  un  bone  respit, 

Ma  dame,  bien  l'ai  oï  dire  12  Tut  l'autre  waudra  mut  petit. 

4  Que  mult  amez  oïr  et  lire  Ceo  est  en  veir  le  tripot 

Chaunsçun  de  geste  e  d'estorie,  De  chescun  qe  mentir  veut  : 

E  mult  mettez  la  memorie  ;  Pur  plus  s'entremet  mentir 

Mes  bien  veille  qe  vous  le  sachez,  16  Aucune  rien  dit  a  pleisir, 

8  Qe  ceo  est  plus  que  vanitez,  E  dite  aucune  vérité 

Qe  ceo  n'est  rien  for  contrevure  Pur  fer  oïr  sa  fauseté. 


^  908  et  1765  ;  voy.  sur  le   premier  de  ces  mss.,  P.   Paris, 
s,  VII,  225,  et  sur  le  second,  S.    Berger,  La  Bible  française 


I  Bibl.  nat.  n"^ 
Manuscrits  françois 
au  moyen  tige,  pp.  223,  J47. 


MANUSCRITS   FRANÇAIS   DE   CAMBRIDGE    (GG .  I  .  1 1 


299 


Ceo  n'est  pas  chose  creable 

20  Q_e  tut  seit  veir  quanque  dit  fable, 
Nun  est  ceo  veir  quanqe  est  escrit 
Deestorie  qe  home  chant  e  lit  ; 
Qe  cil  qe  chaunçun   contreverent 

24  Sulum  lur  quiders  les  furmerent; 
E  l'em  dit  en  prover  pur  veir 
Qe  quider  n'est  pas  saveir  ' . 
Veez  si  ceo  peut  estre  veir 

28  Qe  nuls  enfes  out  tel  pouer 

Cum  dit  la  chaunsçun  de  Mais- 
U  cel  orphanin  Samsmeth?  [neth 
U  de  la  geste  de  Emeristane, 

32  U  de  bon  message  Balaane? 
Veez  les  autres  aisément  : 
N'i  ad  celé  qe  trop  ne  ment. 
Ore  sel  jeo  qe  tut  seit  vérité, 

36  Si  est,  pur  aucune  vanité, 
Deliz  escriz  oïr  e  entendre 
U  l'aime  put  nul  bien  aprendre. 
De  quanqe  a  l'aime  ne   seit  bien 

40  De  vaunt  de  fet  nul  rien.         [(b) 
Cil  trop  laidement  se  sert 
Ke  Dieu  pur  nul  rien  pert; 
EDieu  mult[plesl?]de  sun servant 

44  K'il  «eit  a  lui  tut  atendaunt. 
Tut  veut  que  seit  a  lui  turné 
Quanqe  il  ad  a  checune  doné. 
Il  nous  ad  doné  cors  e  aime, 

48  Veer,  parler,  sens  e  oïe, 
Entente,  menbres  e  corage. 
Tut  pur  nous  garder  de  damage. 
Nus  eimes  tuz  ses  despensers 

52  Pur  lui  servir  de  ses  mesters. 
Si  nous  a  gré  bien  le  servum 
Cent  double  en  ert  legueredoun; 
Eqi  mesfait  a  escient 

56  Mult  en  ert  dur;e)  le  vengement. 
E  pur  ceo  qe  nus  eime  encé  (i/c), 
Tolir  nous  veut  de  vanité, 


Que  nus  lui  puissums  rendre  en 
[bien 
60  Quanqe  il  demande  a  cristien. 

Pur  ceo  ai  fet  cest  escrit, 

Sur  le  purrez  lire  a  grant  délit. 

Ou  nul  rien  ne  troverez 
64  Dunt  Jhesu  ne  seit  paiez, 

Dunt  l'aime  ne  seit  conforter 

E  la  char  de  maus  desturner. 

Quant  vous  prendra  celé  cure, 
68  Treez  avant  ceste  escriplure  : 

Les  evangeliz  i  verrez 

Mult  proprement  enromauncez, 

E  puis  les  esposiciouns  . 
72  Brevement  sulum  les  sens  espuns, 

Qe,  sachez,  n'i  ad  mot  dit 

Qe  lesseinz  n'eient  escrit. 

Jeo  l'ai  excepé  e  estrait 
76  Des  escriz  qe  sainz  unt  fait,     [{e) 

Point  de  latine  mettre  ne  voille 

Qe  ceo  resemblereit  (a)  orgoille  ; 

Orgoile  resemble  verreiment 
80  Ceo  dire  a  autre  qui  n'entent, 

E  si  est  ceo  grant  folie 

A  lai  parler  latinerie. 

Cil  s'entremet(te)  de  fol(e)  mestier 
84  Qi  vers  la[i]  vout  latin  parler  ; 

Chescun  deit  estre  a  resoun  mis 

Par  la  langage  dunt  (il)  est  apris. 

Ore  vous  prie,  chiere  dame  Aline, 
88  Pur  Dieu  a  qi  le  munde  encline, 
Qe  vous  preez  devoutement 
Qe  Deus  me  doint  entendement, 
De  si  traire  e  de  si  escriv(e)re 
92  Q'il  me  pardoint  pecché  e  ire, 
Ke  leaument  sachez  de  fie 
Qe  en  vos  preers  mult  [m']  afie  ; 
Qe  bien  le  sai  qe  ob  bon   entent 
96  Deu  s'abandoune  en  présent. 


26  «  Cuidiers  fu  un  sos  «.  Le  Rvux  de  Lincy,  Livre  des  Prov.  II,  489.  — 
30  Corr.  U  del  0.  Sansoneth.  — 32  Bj/an,  dans  Aspremont.  —  35  Corr.  Or  seit 
ceo.?  —  38  Corr.  U  l'em  ne  p..?  —  40  Corrompu?  —  47-8  Les  rimes  indiquent  une 
lacunecntre  CCS  deux  vers.  — ^2  Sur,  corr.  Vus.?— 65-6  Corr.  confortée,  desturnée. 


}00 


p.    MEYER 
.36 


Si  rien  i  ad  a  amender, 

U  del  fraunceis  u  del  rimer, 

Nel  tenés  pas  a  mesprisoun, 
100  Mes  bien  gardez  la  raisoun. 

Deus  n'entent  pas  al  beau  dit  140 

Cum  il  fet  al  bon  espirit. 

Meus  vaut  veir  dire  par  rustie 
104  Qe  mesprendre  par  curteisie; 

Quanqe  s'acorde  a  vérité 

Tut  est  bien  dit  devant  Dé.  144 

Dame,  ne  vous  en  merveille?, 
108  Qe  les  cutis  (?)  ai  abreggez: 

Jeo  face  pur  vous  ennui  tolir, 

E  de  lire  doner  désir;  148 

Kar  trop  purra  tost  ennuier. 
1 12  L'em  s'ennuie  de  bon  chaunter, 

E  par  ennui  poet  l'em  lasser 

La  rien  qe  plus  tost  peut  aider. 

Par  ennui  pert  l'em  sovent       {d)       152 
1 16  La  ren  qe  plus  serreit  a  talent. 

Nepurquant,   si  tuz   nous  pusse 
[vivre 

E  sanz  nule  entrelès  escrivre,  1 56 

E  eusse  la  bûche  fermé[e] 
120  E  la  lange  assermé[el, 

E  eusse  trestut  le  saver 

Quanqe  nul  home  peut  aver  160 

Ne  purra  la  moite  dire 
124  De  ceo  qe  apent  a  ma  matire. 

Mais  meutz  voil  dire  aucune  chose 

De  Dieu  qe  tenir  bouche  close,  164 

Qe  sovent  par  bon  petit  dite 
128  Tresaut  le  cors  en  graunt  délite. 

Mun  noun  ne  voil  uncore  nomer 

Pur  les  envius  rehercer,  168 

Q'il  ne  toillent  a  nous  le  bien 
132  Dunt  il  ne  voilent  oïr  rien, 

Qe  custume  est  as  envius 

Qe  grussus  sunt  e  enuius; 

Trestuz  despisent  autri  dis  172 


E  purventent  les  bons  escriz. 
E  ceo  cuntent  a  grant  délit 
Qu'il  unt  en  resprence  (sic),   en 
Qe  lessent  d'autres  blâmer  [escrit, 
Quen  ses  cum  pur  sei  amender  (.-') 
Li  fel  se  quide  anienter(?} 
Par  le  prudume  déprimer. 

Geste  livre  Mirour  ad  noun  ; 
Ore  oiez  par  quel  raisoun  : 
Par  le  mirour  seit  l'em  defors, 
E  par  cest  escrit  aime  e  cors. 
Le  mirour  moust[r]e  le[s]  mespri- 
E  les  choses  mesassises,  [ses 

E  cist  mustre  en  vérité 
Quanqe  home  ad  mespris  envers 
[Dé. 
Li  mirour  moustre  adressement 
De  vis,  de  cors,  de  vestiment, 
E  cistadresce,  ceo  sachez,  (/.  1 36) 
Pensers  e  diz  e  voluntez  ; 
E  mirurs  est  pur  enseigner 
Coment  li  home  se  deit  atiffer, 
E  cist  enseingne  verreiment 
De  vertuz  tut  l'entiffement. 
Li  mirurs  quant  al  siècle  en  veir 
Fet  les  femmes  bêles  aparer, 
Qe  plus  seient  coveitez 
Quant  bêlement  sunt  acemées, 
E  cist  demustre  la  beauté 
Qe  Jhesus  aime  en  lieauté, 
E  fait  les  aimes  adrescer 
Qe  Dieus  les  voille  amender. 
Li  mirurs  sul  le  cors  aturne, 
Mes  cist  cors  e  aime  ahurne; 
Pur  ceo  est  li  mirurs  a  dreit 
Qe  tuz  maus  oste  e  tut  biens  feit. 

Ore  prie  chescun^'e)  qe  out  e  veit 
Qu'il  prie  pur  celi  qi  i'ad  feit 


1 1 1  Ms.  Par,.,  enuiner.  CJ.  la  même  idée  dans  le  Corset,  Bulletin  des  anc.  textes, 
180,  p.  66.  —  1 12  Ms.  sen  urne.  C'est  un  proverbe  bien  connu:  Beau  chanter 
enuie,  Le  Roux  de  Lincy,  Livre  des  Prov.  II,  247. —  117  Cor/',  tuzjurs? —  123 
Corr.  purroie.  —  130  envius  ms.  emmns.  —  156  Corr.  purvertent  ?  —  145 
seit,  corr.  veit  ? 


MANUSCRITS    FRANÇAIS  DE   CAMBRIDGE    (CG .  I  .  1 1                    ^01 

E  mette  en  perdurable  vie,  A  les  nun  lettrés   bien   aprendre. 

E  Dieu  li  pardoint  sa  folie.  E  chascun  ke  seit  lettrure 

Li  prologes  fet  ici  sujur.  212  E  de  fraunceis  la  parlure 

176  Ore  regardés  al  mirur:  Lire  i  poet  pur  sei  amender 

Tut  i  verrez  vostre  figure,  E  pur  autris  endoctriner. 

Vostre  netesce  e  vostre  ordure.  Bien  saiqetantest  grantlamaterie 

Si  bien  regardez,  tut  verrez  216  Ke  ne  pus  a  tut  suffire, 

180  Cum  vous  en  Dieu  vous  attiffez.  Mais  meuz  vaut  parti  tucher 

Deus  vous  doint  issi  esgarder,  Pur  mei  e  autres  amender 

Eissi  nos  aimes  attiffer  Qe  trésor  Deu  enfuir 

Ce  Dieus  les  voille  coveiter,  220  En  tere,  par  del  tut  tasir. 

184  E  od  lui  puissumssanz  fin  régner.  E  jeo  l'ai  fet  tut  autres! 

Cum  cil  ke  passe  pré  florie: 

De  tûtes  les  flurs  ad  talent, 

224  Mes  tûtes  coillir  ne  poet  nent: 

Dunt  jeo,  pur  tuz  amonester  Tûtes  aune  et  tûtes  espie 

Ke  en  Deu  se  volent  chastier,  E  puis  aprent  une  partie  ; 

Enpris  ai  pur  Dieu   cest  escrist  Ausi  coil  jeo  en  ceste  escrit 

188  U  chescun  purra  aver  délit  228  Ce  qe  hom  poet  lire  a  délit, 

Lire  e  oïr  overtement  E  qi  mustre  suffisanment 

Iceo  qu'en  Dieu  a  lui  apent  :  A  chescun  ceo  qe  a  lui  apent. 

Cument  li  clers  deit  sermuner  Nel  fas  pas  par  losangerie,  (/.  1 38) 

192  E  sei  meimesen  Dieu  garder,  232  Par  orguil  ne  par  surquidrie, 

Cornent  li  lais  deit  bien  oïr  Ne  pur  l'onur  de  ceste  vie, 

E  sun  doctur  en  Dieu  chérir,  Ne  pur  mustrer  ma  clergie: 

E  comenttuz  uniement  Autre  loer  ne  quer  prendre 

196  Frunt  le  Dieu  comandement,  236  Ke  sul  Deu  ke  puet  tut  rendre, 

E  quel  mérite  cil  averunt  [(f.  137^/)  E  preers  e  oreisuns 

Ke  Deu  de  bon  quer  servirunt.  De  ces  qe  orrunt  les  lessçuns; 

Les  evangelies  de  donmées  Car  jeo  le  face  pur  moi  aquiter 

200  Ai  en  fraunceis  translaté[ejs  240  E  corse  aime  d'encumbrer 

E  des  festes  as  seinz  partie  De  la  folie  qe  ai  parlé 

Pur  mustrer  a  chescun  sa  vie  E  del  bien  qe  ai  entrelassé. 

Cornent  deit  ensample  prendre,  Qe  cest  escrit  seit  parfaisaunt 

204  De  seinz   pur   sa    aime    a    Dieu  244  Quanqe  ai  mesfet  en  mon  vivant, 

[rendre,  Si  li  autre  finist  sa  vie, 

Kar  après  chescun[e]  lessçun  Bone  escrit  ne  poet  finir  mie  ; 

Ki  ad  del  évangile  noun  Quant  il  mort  e  porriz  serra, 

Ai  mis  del  exposicioun  248  Mes  l'escrit  pur  lui  parlera, 

208  Un  poi  pur  mustrer  la  reisun,  E  pur  celui  nomement 

Kel'em  leevangilepuisseentendre  Ki  en  cest  diz  sul  Deu  entent, 


175  Ms.  sunir?  —  199  donmées,  ms.  remuées.  —  210  A,  corr.  E.  —  226 
Corr.  en  prent.  —  240  Corr.  descumbrer.  —  245  Corr.  Si  li  home?  on  est-ce 
le  cas  sujet  (f'auctor? 


^02  P. 

Escrit  pur  tuz  enseigner 
252  De  fer  bien  e  mai  lessier. 
Seint  Pol  le  dist  pur  vérité  : 
Jammès  ne  charra  charité, 
Nu  fra  ovre  verrement 
256  Dunt  charité  est  fundament; 
E  li  escriz  qi  serra  faiz 
Pur  tuz  tolir  mortels  laiz, 
Quant  [est]  purement  fet  en  Dé, 
260  Dunt  ceo  est  dreit  charité. 


Ke  le  orrunt  e  lirrunt  ausi 

Qe  il  mettent  amendeisum 

292  Si  rien  i  ad  de  mesprisun. 

Ore  prie  jeo  de  quer  parfunt 
Tuz  iceus  qe  cest  escrit  averunt 
Qe  il  le  prestent  a  délivre 
296  A  tuzceusqi  le  vodruntescrivre. 


Ore  prie  trestuz  ceux  que  orrunt 
Icest  escrit  u  que  le  lirrunt 
Q_ei!  prient  Deu  omnipotent  (/".1 39) 

264  Qe  il  de  tuz  maus  me  defent, 
E  doint  ceste  ovre  issi  parfera 
Ke  en  droit  fei  le  puisse  trere, 
E  puz  le  curs  de  ceste  vie 

268  Od  seinz  estre  ensa  baillie. 
Car  ceste  ovre  face  verement 
Pur  mei  et  pur  tute  gent. 
Tuz  nen  ont  pas  tute  escripture 

272  Ne  tuz  n'entendent  pas   lettrure; 
Teus  les  evangeles  out  e  lit 
Ke  il  n'entendent   pas  quanqe  il 
[dit, 
E  pur  tuz  faire  e  tuz  entendre 

276  En  Deu,  osai  cest  ovre  enprendre, 
Ke  tuz  oient  overtement 
Ceo  qe  le  evangeile  lur  aprent; 
E  tuz  veient  en  ceste  escrit 

280  Ceo  qe  le  latin  espant  e  dit. 
Pur  nient  aillur  travaillerunt  : 
Suffisanment  ici  l'orrunt. 
Jeo  nel  di  pas  as  clers  lettrez 

284  Ke  sunt  en  seinz  escriz  fundez, 
Mes  as  autres  meinz  entendans 
Cum  jeo  sui  meimes  e  asquans, 
Ke  ne  poùm  tut  ensercher. 

288  Mes  a  pein[e]  le  frut  parer. 
Dunt  jeo  communément  tuz  pri 


DOMINICA   PRIMA   ADVENTUS   DOMINI. 
EVANGELIUM  SECUNDUM  MaTHEUM 

Cum  appropïnqiiasset  Jhesiis  Jerosolimis 
et  venissct  Bdhjagc  1 ,  etc. 

Jhesus  vint  près  d'une  cité 
Qui  Jérusalem  est  apelé. 
E  quant  il  vint  a  Bethfagé 

300  Qi  est  al  Munt  de  Olive, 

Dunt  ad  des  sens  deus  apelé  : 

«  Alez  »  fet  il  «  en  la  cité 

«  Al  chastel  cuntre  vous  levé  : 

304  «   Une  asnesse  i  ad  lié, 
«  E  sun  asnun  li  est  al  pé. 
«  Quant  les  avérés  deslié, 
«  Tantost  me  seient  amené. 

308  «  Si  nuls  vous  ad  demaundé, 
«  Dites  q'il  e.st  li  surs  a  gré, 
«  Mester  en  ad  sa  volunté  ;     [d] 
«  Cil  vous  avérât  tantost  lessé.  » 

3 12  Icest  feit  ad  aveiré 

Ceo  que  fut  einz  prophétisé  : 
«  La  fille  Syon  seit  nuncié 
«  Tis  reis  vient  en  peisibilté, 

3 16  «  Sur  un  asnead  fet  sun  se, 
«   E  sur  le  fiz  al  suzjugé  ». 
Li  disciple  s'en  sunt  aie; 
Fetunt  cum  lur  est  comaundé, 

320  La  asnesse  e  le  asnun  unt  mené 


2 $4  I  CoRR.  xm,  8.- 
se.  —  309  li  surs,  corr. 

MaTTH.  XXI,  5. 

: .  Matth.  XXI,  I. 


-  280  Corr.,  espaut  ou  espont;  cf.  337.  — 295  le,  ms. 
le  sire.?  —  317  «  et  super  pullum  filium  subjugalis.  » 


MANUSCRITS   FRANÇAIS   DE   CAMBRIDGE     GG  .  I  ,  I  ) 


P3 


E  sur  eus  unt  lur  dras  gellé, 
Puis  unt  Jhesum  en  sun  munté 
E  si  sunt  en  la  cité  entré. 

324  Li  serjaunt  a  la  gent  Ebré 
Encuntre  lui  s'en  sunt  aie  ; 
Lur  dras  al  chemin  unt  getté, 
Plusurs  unt  arbres  deramé, 

528  Si  unt  le  chemin  estrainé; 
De  tut  pars  unt  crié, 
Cil  devant  e  cil  detré  : 
«  Osanna  soit  al  fiz,  de  gré, 

332  «  Beneit  qui  vient  el   munde  ! 


Ore  avez  01  la  lessçun, 
Ore  oiez  la  interpretacioun, 
Qui  Dieu  nusdoint  sa  beneicun 

336  E  de  nos  péchez  facepardoun! 
Cist  nun  Jhesus  espont  «  saveur» 
Qui  nus  sauva  par  sa  dusçur, 
E  Jérusalem  iceste  noun 

340  Espant  de  peiz  la  visioun  : 

«  Meisun  de  bûche  »  est  Bethfagé, 
«  Miséricorde  »  est  Olive. 


La  vision  de  saint  Furseus,  dont  j'ai  dit  un  mot  plus  haut,  prend  place 
au  deuxième  dimanche  après  Pâques.  On  sait  que  ce  récit  a  été  incor- 
poré par  Bède  dans  son  Historia  ecclesiastica  (III,  xix).  On  consultera 
utilement  sur  l'histoire  de  cette  légende  les  notes  de  l'édition  que 
M.  le  professeur  J.-B.  Mayor  a  donné  des  livres  III  et  IV  de  Bède  (Cam- 
bridge 1878),  comme  aussi  Th.  Wright,  Saint  Patrick's  Purgaîory  (Lon- 
don  1844),  p.  7-1 1,  et  A.  d'Ancona,  I  precursori  di  Dante  (Firenze, 
1874I,  p.  40-1.  Voici  le  texte  de  notre  ms.  accompagné  des  variantes 
du  ms.  de  Londres  et,  pour  les  vers  cités  par  Wright,  du  ms.  de  Trinity 
Collège  aujourd'hui  en  déficit. 


Dunt  il  avint  jadis  a  un  prestre 
Quien  Knanisburch  esteit  mestre, 
Q^uant  lunges  i  eut  conversé 

4  Si  se  est  encuntre  lit  cuché  ; 
E  quant  il  quida  dévier 
Devant  lui  vint  un  bacheler. 
La  main  li  tendi,  si  li  dist  : 

8  «  Vien  t'en  od  mai  »,  e  il  si  fist. 
U  ne  Yoisist  u  ne  deingnasî, 
Convint  lui  qe  ovek  lui  alast. 
En  plusurs  lius  si  le  mena 

2  E  mut  des  choses  si  lui  mustra  ; 


D'enfern  li  mustra  le  parfund 
E  les  peines  qe  illeoques  sunt, 
E  puis  le  mena  vers  le  ciel 

16  U  il  vist  e  truva  tut  el; 
Mes  quant  al  ciel  aprocerent 
En  l'eir  un  feu  mult  grant   i  tro- 
Ly  feus  ert  merveille  grant  [verent. 

20  E  mult  orrible  e  mut  ardaunt. 
Li  guiurs  i  est  lors  entrés   (/.  191) 
E  li  prestres  se  est  arcstés. 
Ens  al  feu  li  guiurs  ala, 

24  Mes  unqes  le  teu  nel  tucha. 


328  On  pourrait  corriger  estramé,  niais  il  y  a  des  ex.  ^/'estrayner,  voy. 
ledict.  de  M.  Go.tefroy.  —  235  Corr.  Que.  —  340  Corr.  espaut  ou  espont. 

Variantes  du  ms.  de  Londres  {L.),fol.  53-4,  et  pour  les  vers  1-6  et  46-60,  du 
ms.de  Tr.  Coll.  d'après  Wright.  —  2  L.  de  Gnaresbure;  Tr.  Ke  de  Can- 
terbury  ert  m .  Celte  dernière  leçon  ne  vaut  rien.  Il  y  a  dans  Bede  (III,  xix)  Cnobher- 
esburg,  cjui  est  actuellement  Bnrgh  Castle,  en  Suffolk. —  11  L.  E  en  p.  I.  l'amena, 
—  I  2  L.  E  multes  ch.  I.  m.  —  18  L.  un  g.  feu  mult  t.  —  21  /..  g.  e.  lores 
e.  —  23  L.  el  f.  li  g.  entra.  —  24  L.  unks...  ne  le. 


304  P. 

Atant  regarda  il  le  prestre, 
Si  li  dist:  «  Vien  avant,  mestre; 
«  Ja  de  cest  fue  ne  te  ert  le  pis, 
28  «   Fors  sulement  de  tant   cum   tu 
[as  mespris  : 
t  Tant  arderas  en  iceste  feue 
a  Cum  tu  as' prise  nient  rendue.  » 
Muit  envis  e  mut  pensis 
32  Li  prestres  eins  al  feu  s'est  mis  ; 
Li  feu  de  tute  pars  esteit, 
Mes  unqes  point  ne  l'adeseit  ; 
Tuit  cel  feu  vist  il  repleni 
36  D'almes  ardant  od  grant  cri  ; 
E  li  diables  les  turmentoient 
E  l'un  sur  l'autre  od  crocs  moient; 
Od  crocs  ardans,  mes  fermes  erent, 
40  Les  aimes  tutsanz  merci  getoient: 
Nul  n'estoet  pas  par  sei    several, 
Mes  chescun  ert  a  autri  mal; 
Checun  ert  a  autri  peine; 
44  Si  crioient  a  dure  alaine. 

Del  crie,   del  plur,  de!  guayement 
Ert  li  prestres  en  grant  turment  ; 
Quant  il  vint  el  feu  ben  avant, 
48  Es  vus  un  diable  a  fort  curant, 
Les  oiles  ardans  mut  roelant 
E  de  la  bûche  eschivout  ; 
Un  aime  ardant  en  son  croc  tint 
52  E  vers  le   prestre   ad  grant  curs 
E  criout  fort  en  sun  estais:   [vint, 
«  Di  va  !  prestre  fel  maveis, 
«   Pren  celui  qe  tu  as  tué  !  » 
56  Si  ad  l'aime  sur  lui  rué.  (b) 


L'aime  descendi  sur  le  prestre, 
E  si  lui  art  li  espaule  destre. 
L'arsun  tant  mal  lui  feseit, 

60  Ce  lui  ert  vis  qe  morir  deveit, 
Qe  de  arsun,  qe  des  espuntailles. 
La  quida  remeindre  sanz  faille. 
Al  chief  del  tur  mut  haut  s'escrie 

64  E  de  sun  guiur  demande  aïe; 
E  il  lui  dist:  «  Ne  vous  damez; 
«  Tant  arderez  cum  pris  avez, 
«  Pos  a  vous  deis  que  en  cest  feu 

68  «  Ardreit  ceo  qe  n'est  rendu. 
(I  Ore  veez  si  vous  cunoissez 
«  Cestui  par  qui  vous  ardez.  » 
E  li  prestres  respundi  atant  : 

72   «  Jeo  le  cunusse  a  ma  peine  grant 
»   De  lui  oi  a  sun  moriant 
«   Une  chape,  mes  par  sunt  grant; 
«   Mais  puis  ne  lui  n'ai  rendu  tant 

76  "  Cum  jeo  lui  lui  en  covenant. 
0   E  sachez  qe  par  ubliance 
t   L'ai  fet,  e  nient  de  voillance.  » 
Dune  ad  l'angle  l'aime  pris, 

80  En  le  feu  l'ad  arere  mis  ; 
L'espaule  al  prestre  lors  tucha, 
E  la  dolur  del  feu  en  osta. 
Par  mi  le  feu  l'ad  amené 

84  E  del  ciel  lui  ad  mut  mustré. 
La  glorie  lui  mustra  en  veir 
Tant  cum  dust  a  home  saveir 
E  puis  l'ad  conduit  a  sun  cors. 

88  E  li  prestres  vesqui  lors 
Ke  trestuz  qe  al  cors  erent 


26  L.  Venz  a.  dan  m. —  28  L.  F.  sul.  —  3 1  L.  e  m.  est  p.  —  33  L.  tûtes 
parz.  —  35  ^-  omet  il.  —  36  L.  ardantes.  —  38  L.  cros  ruouent.  —  39  L. 
m.  de  fer  erent.  —  41  L.  omet  pas.  —  43  L.  Ch.  esteit.  —  44  L.  crièrent  a 
dur.  —  48  Trin.  Coll.  vint  f.  c.  —  49  corr.  roelout,  leçon  de  L.;  Tr.  Coll.  a 
roilant  £/  au  v.  suivant  eschivant.  —  49  L.  eschumout.  —  $1-2  L.   tient-vent. 

—  52  Tr.  omet  ad.  —  1,4  L.  traître,  Tr.  treiturs.  —  57  Tr.  descent.  —  58  L. 
li  arst  le  e.  ;  Tr.  li  ardla  paume;  Bide:  humerum  maxillamque  ejus  incenderunt. 

—  59  L.  L'a.  ad  fet  mal  li  f.  ;  Tr.  Li  a.  ke  ad  feit  mal  li  f.  —  60  L.  Ceo  li  e. 
V.  m.  d.  ;  Tr.  Ceo  li  fu  v.  m.  d.  —  61  L.  Ke  d'espuntaille.  —  64  L.  A  sun 
seignur  d.  —  65  L.  v.  tamez.  —  68  L.  Ardera.  —  71  L.  respunt  a.  —  72 
L.  Jol  cuneis.  —  -j^  L.  [Jjamès  p.  ne  I.  ai.  —  77  L.  c'est  u.  —  80  L.  E  el  fu 
ad.—  82  L.  omet  en.  —  83  L.  l'ad  puis.  —  85  L.  La  g.  del  ciel  li.  —  86  L. 
c.  il  sist  a.  —  89  L.  Kar  t.  cil  ki. 


92 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE    (CG 

Par  treis  jours  a  mort  le  quiderent; 
E  puis  vesquist  il  lungement 
E  se  cuntint  mult  seintement,    (c) 
Mes  l'arsun  qu'il  el  feu  resust 
A  tut  dis  al  cors  lui  aparust; 


i.i) 

Mien  scient  Deu  vout  ceo  fere 
96  Qe  l'em  ne  deust  pas  niescrere. 
E  Sun  vivant  le  amenda  issi 
Qe  ore  est  apelee  seint  Furci. 


30$ 


L'ouvrage  se  termine  ainsi  [fol,  261 

Pur  ceo,  seignurs,  pur  amur  Dé, 
Si  ben  volum  estre  sauvé 
De  tluxiun  de  nostre  charnage, 
Turnum  a  Deu  nostre  curage, 
Turnum  a  lui  nostre  espirit 
En  penser,  en  fet  e  en  dit  ; 
Si  nostre  penser  sulement 
Ceo  coveit[e]  qe  a  Deu  apent, 
Certes,  la  char  tost  revendra 
A  Jhesum  ke  se  ameisera. 
La  char  ne  ad  force  ne  valur 
Fors  par  l'espirit  le  sur  [sic). 
Ki  l'espirit  tent  ben  en  Dé 
Mar  duterat  la  charnalté. 


ib) 


Deu  nous  doint  issi  en  lui  tenir 

En  lui  vivre  en  lui  garir 

Ke  sanz  espiritel  damage 

Lui  puissum  servir  en  charnage, 

Si  veir  eu  m  ceste  sana 

E  a  la  fille  al  prince  vie  dona. 

Ici  finent  les  domenées 

Brevement  cspus  [e]  endité[e]s. 

Ore  prie  tuz  ke  les  oient  e  dient 

Keil  pur  Robert  de  Gretham  prient 

Ki  Deu  meintenge  si  sa  vie, 

Ki  par  li  seit  en  sa  baillie. 

Amen,  amen  chescun  en  die  ! 


10.—  Les  psaumes  de  la  pénitence  traduits  en  vers .  —Version  qui  a  été 
très  répandue,  non  seulement  en  France,  où  elle  a  été  composée,  mais 
en  Angleterre'.  Du  Miserere  on  possède  une  autre  traduction,  également 
en  vers,  dont  un  extrait  a  été  publié  dans  le  Bulletin  de  la  Société  des 
anciens  Textes,  1881,  p.  $1 . 

Hic  incipiunt  vij.  psalmi  penitencic  (f.  261  b). 
«  Domine  ne  in  fur  ore  tuo,  etc.  »  [Ps.  vi] 
Deu,  en  tes  vengemens  ne  me  pernez,  sire! 
En  cesi  siècle  présent  si  me  chastiez  sanz  ire; 
Eez  merci  de  mei,  si  me  donez  sauncté, 
E  par  ta  seinte  lei  me  menz  asaveté. 

La  mei  aime  est  trublé  e  poy  de  senz  i  ay. 


Gloria  Patri.  Beau  quorum  [xxxi] 
Benurez  set  ciel  {sic)  a  ki  ad  Deu  perdonez 


92  L.  Si  se  c.  m.  sagement.  —  9j  L.  al  f.  —  95  L.  Men  exient  Deus  le  v. 
f.  —  97  L.  En  s.  V.  se  a. 

1.  Voy.  Romania,  VI,  19  et  XIII,  238,  note  3. 

Romania,  XV.  20 


306  P.    MEYER 

Le  péchez  qe  il  ad  fet  e  les  desleutez. 


Domine  ne  in  furore  [xxxvii].  (vo) 

Deu,  en  tes  vengemenz  ne  me  repernez,  sire! 
En  ceo  siècle  présent  si  me  chastiez  sanz  ire 
De  tes  digne  setes  as  mun  quor  féru 
E  pur  ceo  par  ta  main  ben  avéra  salu. 

Miserere  mei  Deus  [h].  (f.  262). 

Deuj  eez  merci  de  mei  a  ki  tut  ben  se  acorde, 
Eez  merci  de  mei  par  ta  miséricorde. 

Domine  exaudi  [ci].  (v") 

Deu,  oiez  ma  oreisun  e  entendez  ma  clamur, 
Entendez  ma  reisun  e  me  donez  ta  amur. 

De  profundis  [cxxix].  (f.  263  y). 

De  grant  profunde  crie  a  la  hautesce  : 
Receive  ma  voiz  en  gré,  si  me  aïe  e  dresse. 

Domine  exaudi  [cxlii]. 
Deu,  oiez  ma  oreisun  e  la  recevez  en  gré 
E  me  otriez  pardoun  sulum  ta  vérité. 

11.  —  Ave  Maria  paraphrasé.  — Un  couplet  pour  chacun  des  mots 
de  la  salutation  angélique:  Ave  Maria gratia  plena.  Dominas  îecum.  Bene- 
dicta  ta  in  mulieribus,  et  benedicîus  fruclus  venîris  îui.  Amen.  Les  pièces 
de  ce  genre  sont  nombreuses  ;  voy.  le  Bulletin  de  la  Société  des  anciens 
Textes,  i88i,p.  49,  et  Suchier,  Denkmder  provenzalischer  Literaîur, 
I,  284. 

Ave  très  duce  Marie,      ave  gloriouse,  (/.  264) 

Ave  ros  espani[e],      ave  preciouse, 

Ave  freche  flour  flori[e],      ave  graciouse, 

Ave  fonteingne  de  aïe,      ave  plentivouse. 

Maria,  esteile  de  mère     estes  appelle  ; 

La  lune,  le  soleil  cler      de  vous  est  alumé. 

Requérez  tun  trecher  fiz  2,      mère  benuré, 

Que  m'aime  doint  si  guverner      qe  en  ciel  eit  le  entré. 


1.  On  pourrait  corriger,  en  vue  de  la  rime  intérieure,  tun  fiz  trecher. 


MANUSCRITS   FRANÇAIS   DE   CAMBRIDGE    (GG.  1  .  I  ) 


307 


12.  —  Les  cinq  joies  de  Notre  Dame.  —  Ce  sujet  a  été  traité  au  moins 
cinq  fois  en  vers  français,  notamment  par  Gautier  de  Coinci  ' .  Ici  comme 
dans  un  texte  en  prose  conservé  dans  le  ms.  Digby  86  (Bodleiennei^, 
la  prière  des  cinq  joies  est  attribuée  à  l'évêque  de  Paris,  Maurice  de 
Sully  (f  1 196).  La  pièce  qui  suit  a  certainement  un  Anglais  pour  auteur. 
Je  n'en  connais  pas  d'autre  copie. 


Dt  les  c'inc  joies  Nostre  Dame  {l  265  a). 

Vous  ke  Nostre  Dame  amez, 

A  ceste  oreisun  bien  entendez. 

Nostre  Dame  lui  mult  ama, 
4  A  seintie)  Maurice  les  envea 

Ke  fu  eveslce  de  Paris, 

Qe  de  lui  servir  se  eut  entremis. 

Par  sun  message  lui  charga 
8  E  lui  dist  e  lui  comanda 

Ke  au  people  le  deïst 

E  enseignast  e  en  apreïst  ; 

[Ki]  chescun  jour  les  direit 
12  E  devoutement  le  chantereit, 

En  l'onurance  de  les  cink  joies 

Qe  ele  eut  bien  verroiz, 

Sun  cherfiz  qe  ele  ama 
16  De  s'amur  lui  guerdonera  ; 

Ja  en  ceste  siècle  ne  serra  enledi 

Ne  enginné  de  l'enemi, 

Ne  en  péché  criminal 
20  Ne  perdera  sun  jornal, 

Ne  en  curt  ert  faus  jugé, 

Ne  autrement  par  mal  ert  liveré; 

Femme  d'enfaunt  ne  périra 
24  (Qe)  qi  devoutement  ceste  oreisun 

Ne sanz  con'essioun  ne  murra,  [dira, 

Ne  sa  aime  en  peine  ne  serra. 

Li  seint  angle  Gabriel 
28  Vint  a  Marie  treis  fiez  de  ciel, 
E  lui  dist  la  joie  premereine  : 
«  Deu  vous  sauve,  Marie  de  grâce 
[pleine! 


«  Le  seint  Espirit  sur  vous  vendra 
32  E  de  sa  vertu  vous  ennumbrera; 
Le  fiz  Deu  conceiverés, 
En  vostre  ventre  lui  porterés.  » 

La  secunde  joie  ke  ele  eut, 
56  Geo  fu  quant  ele  enfauntout 
Li  fiz  née  sanz  dolur,  (b) 

S[a]uve  de  virgineté  la  flour. 

La  tierce  joie  lui  mustra 
40  Sun  chier  fiz  quant  il  releva 
De  mort  en  vie  vereiment, 
A  lui  aparust  certeinement. 

La  quarte  joie,  quant  il  munta 
44  E  les  apostles  ensembla. 
I!  iur  mustra  cum  il  alout 
A  sun  père,  qe  mult  li  plout. 

La  quinte  joie,  quant  ele  transit, 
48  De  ceste  siècle  sanz  péril  issist 
E  les  aposteles  ensembla. 
Le  fiz  sa  mère  mult  honura 

Marie  virgine  gloriouse, 
52  La  mère  Deu  e  sa  espouse 
Ki  par  lui  li  conseùtes 
E  après  lui  virgine  fustes, 
Sanz  dolur  lui  portastes 
56  E  del  leit  virgine  li  letastes, 
Duce  dame,  si  cum  jeo  crei 
Ke  vous  gloriouse  portastes  le  rei. 
Vous  estes  fille,  vous  estes  mère, 


Voy.  Zeitschrift  f.  romanisclie  Philologie, 
Voy.  la  notice  de  M.  Stengel,  p.  6. 


308  p.    MEYER 

66  Envostreventreportastes  ton  père,  Qe  de  moy  clamez  merci. 

Chier[e]  mère,  pur  moy  priez,  Priez  vostre  fiz,  père  vostre; 

Quant  de  moy  serra  finez,  68  Pur  ceo  dirrai  ma  pater  nostre. 

Ke  m'aime  seit  en  parais  Qe    ceste  oreisun   ciiescuns  jour 

64  Entre  les  angeles  ou  serrant  assis.  [dirra 

Cliere  mère,  jeo  vous  prie  vint  jours  de  pardoun  en  avéra. 

13.  —  L'Assomption  de  Notre  Dame,  par  Herman  de  Valenciennes. 
—  Cet  ouvrage  bien  connu  se  trouve  le  plus  ordinairement  réuni  à  h  Bible 
du  même  auteur.  11  se  rencontre  ici  isolément  comme  en  d'autres  mss. 
parmi  lesquels  on  peut  citer  le  ms.  Bibl.  nat.  fr.  1822  ,  le  ms,  Libri  1 1 2 
(volé  à  Toursl,  maintenant  chez  M.  le  comte  d'Ashburnham  '  ,  le  ms. 
de  la  Bodleienne  E  Museo  62,  et  le  ms.  Digby  86.  Dans  la  présente 
copie,  d'ailleurs  fort  incorrecte,  manquent  les  deux  dernières  tirades, 
dont  l'une,  l'avant-dernière,  contient  le  nom  de  l'auteur. 

{ci  comcnce  dcl  assumpcioun  Nostre  Dame  stinte  Marie. 

Seignurs,  ore  escutez!  ke  Deu  vous  beneïe 
Pur  sa  mort  doleruse  ki  nous  dona  la  vie. 
Bien  l'avez  oï,  ben  est  ke  jeo  vous  die: 
Kant  Deu  fu  mis  en  la  croiz  de  cele  gent  haïe 
Comanda  Jhesus  seignurs,  a  sun  ami  s'amie, 
A  l'apostle  sa  dame,  a  seint  Johan  Marie. 
Mut  par  fu  doleruse  icele  départie 
Si  2  bons  euvangelistes  la  prist  en  sa  baillie. 

Sachez  qe  nostre  Sire  mult  seint  Johan  ama, 
De  sa  croiz  u  il  pendi  quant  a  sei  le  apela. 
Sa  mère  vint  od  lui,  illoec  la  comanda. 
Volenters  la  reçust  e  tendrement  plora. 
Prist  sa  dame  en  sa  main,  plorant  s'en  turna; 
Al  temple  sunt  venuz,  iloec  la  comanda 
Oveec  les  seintes  dames  qe  il  ileoc  trova. 
Ele  remist  al  temple  u  sun  cors  travailla, 
Veillaunt  chescune  nuit  e  chescun  jour  juna. 

La  reine  del  ciel  mult  ert  gloriuse. 

Fin  (fol.  291  yo). 

En  kalendes  de  Aiist  fut  la  dame  enterée; 


1.  Fol.  i-i  I.  J'ai  pris  copie  de  ce  texte  en  1865  à  Ashburnamplace. 

2.  Corr.  Li. 


MANUSCRITS   FRANÇAIS    DE   CAMBRIDGE    (GG .  I  .  I  )  509 

Ceo  sachez  qe  ce!  jour  fust  mainte  aime  sauvée. 
El  val  de  Josaphat  fu  la  dame  posée. 
De  amis  e  de  parent  meinte  lerme  plurée. 
Iceo  sachez,  seignurs,  n'i  fu  pas  ubiiée, 
Ainz  fu  de  sun  fiz  bonement  visitée. 
Ne  remist  pas  enterre:  en  cel(e)  est  porté[e], 
La  set  od  ses  angeles,  reine  est  apelée, 
Mult  est  bien  servie  e  mult  est  honurée, 
Issi  comme  vous  ai  dit,  la  raison  est  otrie  ' . 

Ore  priez  le  seigneur  ke  ele  vous  doint  sa  glorie, 

E  le  diable  veintre  e  venir  a  victorie  ; 

Envers  Deu,  sun  bel  fiz,  nous  face  adjutorie, 

Ke  le  diable  ne  nous  puisse  faire  contrarie, 

E  si  nous  doint  deservîf  la  celestiene  glorie 

Ke  nous  ne  seum  vencu  si  nous  tenge  en  memorie. 

Iceo  nous  prist  (51c)  icel  sire  ki  vit  e  règne  en  glorie. 

Amen. 

14.  —  La  plainte  Notre  Dame.  —  Version  en  vers  d'un  opuscule 
latin  du  moyen  âge  dont  on  ignore  l'auteur  et  qui  a  été  attribué  à  saint 
Augustin,  à  saint  Bernard  et  à  saint  Anselme.  J'en  ai  signalé  jadis  *  trois 
traductions  françaises  en  prose,  et  j'en  connais  actuellement  une  qua- 
trième (Arsenal_,  937).  De  la  version  poétique  que  nous  oflfre  le  ms.  de 
Cambridge  il  existe,  dans  le  ms.  Grave  51  de  la  Bodleienne5,  une  autre 
copie  un  peu  moins  ancienne,  du  milieu  du  xiv"  siècle  environ.  La  particu- 
larité de  ce  poèmeestd'avoir  été  composé  en  vers  de  seize  syllabes.  Sans 
doute  les  vers  ne  sont  pas  tous  réguliers.  Même  en  faisant  largement  la 
part  des  erreurs  de  copie,  il  restera  fort  probablement  certains  vers  incor- 
rects dont  la  responsabilité  devra  être  laissée  à  l'auteur.  Il  ne  faut  point 
s'en  étonner,  puisque  le  poète  écrivait  en  Angleterre  et  dans  le  cours 
du  XIII*  siècle.  Mais  j'affirme  qu'en  général  on  réussit,  par  une  judi- 
cieuse combinaison  des  deux  copies,  à  établir  un  texte  oii  les  vers  sont 
composés  de  deux  hémistiches  ayant  chacun  huit  syllabes.  Voici,  par 
exemple,  comment  je  restituerais  les  premiers  vers  : 

Pur  ceus  et  celés  ki  n'entendent      quant  oient  lire  le  latin 


I  Corr.  outrée. 

2.  Bulletin  de  la  Société  des  anciens   textes  français,    1875,   p.   61  et  suiv. 
cf.  1886,  p.  48. 

3.  N"  382 j  des  Catalogi  de  Bernard. 


310  p.    MEYER 

Jeo  ai  comencé  icest  livre,       e  Deus  i  mette  bone  fin  ! 

Jeo  vei  qe  la  letrée  gent      unt  lur  joie  de  seint  escrit, 

E  quant  entendent  ceo  qu'il  oient      mult  en  ad  l'aime  grant  délit  ; 

Les  lais  ne  sevent  qu'est  a  dire,       dunt  sovent  en  ai  grant  pité, 

Car  ausi  bien  les  dei  amer       cume  les  clercs  en  charité, 

Honmes,  fenmes  e  tute  gens      de  siècle  e  de  religion. 

Je  ne  connais  pas  d'autre  exemple  bien  caractérisé  de  cette  forme  dans 
la  poésie  lettrée;  quelques  vers  isolés  qu'on  peut  rencontrer  çà et  là  dans 
la  littérature  anglo-normande  ne  sont  pas  à  prendre  en  considé- 
ration. Toutefois  le  vers  de  seize  syllabes  coupé  au  milieu  n'a  rien  qui 
répugne  aux  principes  de  la  versification  française.  Il  est  au  vers  de  huit 
syllabes  ce  que  l'alexandrin  est  au  vers  de  six  syllabes.  Il  y  a  toutefois 
cette  différence  que  le  vers  de  huit  syllabes  était  originairement  divisible 
en  deux  hémistiches,  ce  qui  n'était  pas  le  cas  du  vers  de  six  syllabes.  Par 
suite  le  vers  de  seize  syllabes  a  du  être  très  rare  à  l'époque  ancienne. 
Mais  dans  la  poésie  populaire  il  est  très  fréquent,  avec  cette  nuance  que 
le  premier  hémistiche  a  ordinairement  une  terminaison  féminine.  On  en 
fait  ordinairement  deux  vers,  mais  il  n'y  a  pas  de  raison  pour  ne  pas 
mettre  les  deux  hémistiches  sur  la  même  ligne^  puisque  la  rime  est  un 
élément  essentiel  du  vers  roman».  Ainsi  j'écrirais  volontiers  ainsi  le 
premier  couplet  de  la  chanson  de  Philippe  de  Savoie  3  -. 

Voilés  oyr  chanson  piteuse      qui  fut  faite  de  cueur  marri? 
Elle  fut  faite  en  une  chambre,      Phelippe  de  Savoye  la  fist. 

Voici  le  début  et  la  fm  de  notre  lamentation  ou  plainte  de  Notre 
Dame,  d'après  les  deux  mss.  : 

Ici  cummence  H  livre  de  les  lamentaciuns  Nostre  Dame  seinte  Mariei  (f.  272). 

Pur  ceus  e  pur  ceis  ki  n'entendunt      quant  oient  lire  latin 
Ai  comencé  iceste  livre;        Deus  i  met  bon  fin  ! 
Jeo  vei  qe  la  gente  lettré        unt  lur  joie  de  seint  escrist, 
4  Car  quant  entendunt  ceo  qu'il  oient      l'aime  en  ad  mult  grant  délit. 


1 .  On  sait  que  Milà  y   Fontanals  considérait  comme  deux  hémistiches  ce 
qu'on  imprime  ordinairement  comme  deux  vers. 

2.  Romania,  IX,  473 . 

3.  Ms.  Grave  51,  fol.  69  : 

Ici  comcnce  la  passiun  Nostre  Dame. 
Por  ceous  qe  entendent  ren       quant  oient  lire  le  latin 
Jeo  ai  comencé  cet  livre  ;       Deus  i  mette  bone  fin  ! 
Jeo  vey  qe  les  gens  lettrés      unt  lur  joie  en  seinte  escrist, 
4  E  quant  entendent  ceo  qe  il  oient      must  ad  l'aime  grant  délit. 


MANUSCRITS    TRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE    (GG.l.I  ^11 

Les  lais  ne  sevent  qe  ceo  est  a  dire,      dunt  sovent  ai  grant  pité. 

Car  ausi  bien  les  dei  amer      cum  les  clercs  en  charité, 

Madies,  femmes,  tute  gent      del  siècle  e  de  religion, 
8  A  tuz  sûmes  nous  docturs      en  tant  cum  fere  le  poùm. 

Par  tant,  del  petit  ke  jeo  sai       vous  ai  iceste  roir.aunce  escrit. 

Ore  licez  {sic),  ne  puet  estre      qi  ne  ad  acune  délit; 

Si  rien  oiez  qe  vous  semble      qe  en  evangeile  ne  seit  escrit 
2  Sachez  bien  qe  en  sun  livre      seint  Johan  apert  le  dit  : 

Car  si  tut  fu  mis  en  livre      kancke  Jhesu  fist  et  dist, 

Tut  le  munde  n'en  entendreit,       tant  fu[st]  grant  icel  escrit. 

Pur  ceo  vous  pri  comunement      qe  cest  romance  lir  orretz  : 
6  Si  ren  oiez  qe  vous  despleise,      jeo  prie  nel  descreez. 

Rien  n'  i  ad  pur  vérité,       si  vous  die  hardiement; 

Le  perteus(?)  ne  provereie      si  fuisse  meïsmes  en  présent. 

Seint  Bernard  fist  iceste  livre,      mes  poi  i  ai  mis  del  men  ; 

Ore  prium  duz  Jhesu      ke  chevir  le  puisse  bien. 


20 


Ki  me  durra  tant  de  lermes      ke  plurer  puisse  nuit  e  jour 

Jeske  atant  qe  sun  serjant      conforte  le  duz  Seignur? 

Peisif  {sic)  sui  e  mult  dolent,      si  ne  puisse  confort  aver, 
24  Si  li  seignur  debonere       ne  me  voille  conforter. 

Filiez  de  Jérusalem,      kar  entendez  mei  devoutement  ; 

Deu  espusez,  Deu  amiez,      priés  le  entendement. 

Plorom  sur  lui,  en  plurant      priom  nostre  duce  espusc 
28  Ke  il  sa  doçur  e  sa  leauté      deigne  mustrer  a  nous  tuz 


Les  lays  ne  scevent  quant,  ceo  est  a  dire,      dont  sovent  en  ay  pité, 

Qe  autres!  ben  les  dei  amer      cum  les  clers  en  charité, 

Honmes  e  femmes  e  totes  gens      de  secle  e  de  religion, 
8  A  touz  sûmes  nous  doc'.ours      tant  cum  fere  le  poûm. 

Par  unt  de  petit  qe  jeo  say      vous  ay  cete  romaunce  escrist. 
12  Sachez  qe  seint  Jon  en  son  livre      tut  apertement  le  dit: 

Que  si  tut  fusl  mis  en  livre      quant  qe  Jésus  fist  e  dit, 

Tut  le  munde  ne  le  entendereit,      tant  sereit  grand  ce!  escrist. 

Pur  ceo  vous  pri  comunement      qo  vus  cete  liverette  orrez, 
16  Si  rens  oiez  qe  vous  despleyse       vous  pri  pur  ceo  ne  descreez. 

N'i  ad  rens  mes  que  vérité,       ce  vus  afi  hardiement; 

Apertement  le  proveray       par  tut  ou  jeo  fuse  présent. 

Seint  Bernard  fit  cet  livere      e  poy  jeo  ay  mis  del  men  ; 
20  Ore  piiums  ly  douz  Jesu      qe  eschever  le  pussum  ben. 

Ke  meyTdorra  tant  de  lermes       qe  plorer  pusse  nuyt  e  jour 
Deskes  tant  qe  li  sergant      recomforte  sun  seigneur? 
Pensif  seu  e  mut  merveyié,       si  ne  puys  confort  aver, 
24  Si  le  seignur  debonere      ne  mey  voylle  reconforter. 
Filles  de  Jérusalem,       car  eidez  mey  devoutement 
Deu  espousese  amies,      priez  le  ententivement. 


j,2  P.    MEYER 

Fin  (fol.  279  V)  : 

Atant  se  levé  seint  Johan      e  li  autres  li  vfujnt  entur, 
Si  le  menez  en  la  cité      plus  par  force  qe  par  amur. 
Seint  Johan  l'a  gardé  al  meuz      ke  il  puet;  beneitseit  il  de  luer, 
E  tuz  ceus  ke  la  dame  honurent      ben  a  lur  poer  1 
Beneit  seit  li  duz  Jhesu      e  tut  [jurs]  mes  seit  honuré 
Ke  cesser  ne  veut  jeskes      a  tant  ke  veit  sa  gent  délivré  1 
E  beneit  seit  la  duce  mère      kenous  porta  le  rei  de  gloire, 
E  beneit  seittresluz  iceus      ke  sa  peine  unt  en  memorie! 
Amen. 

15.  — Gautier  de  BiBLESwoRTH,'Traité  pour  apprendre  le  français 
(fol.  279  c  à  294  b).  —  Ici  Gautier  de  Biblesworth  est  appelé  «  Gauter 
de  Bitheswey  ».  Pour  la  bibliographie  de  ce  poème  essentiellement 
didactique,  je  renvoie  à  un  article  précédent  de  la  Romania,  XIII,  500  ' 
et  quant  au  texte  même  de  notre  ms.,  on  en  trouvera  les  86  premiers  vers 
dans  mon  Recueil  cV anciens  textes  français,  partie  française,  n"  37. 

18.  —  William  de  Wadington,  Manuel  de  péchés.  —  J'ai  donné, 
de  cet  ouvrage,  dans  mon  mémoire  sur  les  mss.  français  de  Saint  John's 
Coll.,  une  notice  bibliographique  qui  doit  ^être  corrigée  et  augmentée. 
Le  ms.  que  j'ai  indiqué ^  comme  appartenant  à  la  Société  royale  de 
Londres  est  passé,  avec  beaucoup  d'autres,  au  Musée  Britannique  ',  où 
il  est  coté  Arundel  288.  Un  autre  livre  du  même  fonds,  Arundel  372, 
contient  deux  feuillets  de  garde  arrachés  à  un  ms.  du  Manuel  de  péchés. 
Enfin  j'avais  négligé  de  mentionner  le  ms.  Grave  51,  de  la  Bodleienne, 
dont  il  a  été  question  plus  haut,  p.  309.  Le  texte  qu'offre  notre  ms. 
ne  contient  guère  que  5700  vers,  soit  la  moitié  du  poème  environ.  Voici 
les  premiers  et  les  derniers  vers  : 

Ici  comence  la  Manuel  de  péchez  Nous  seit  aidaunt  en  ceste  escrit 

[(/.  294  c)      A  vous  deus  choses  mustrer 
Dunt  hom  se  deit  confesser, 
La  vertu  de!  seint  Espirit  E  ausi  en  la  queu  manere, 


1.  J'ajoute  que  le  ms.  de  Trinity  Coll.  Cambridge,  signalé  ci-dessus,  p.  198, 
comme  disparu  depuis  une  quarantaine  d'années,  contenait  une  copie,  accom- 
pagnée d'une  traduction  anglaise  (qui  ne  paraît  pas  se  trouver  ailleurs),  du  même 
traité.  De  plus  les  deux  premiers  vers  ont  été  écrits  sur  une  page  restée  vide 
du  ms.  Harl.  377$  (fol.  74  v"). 

2.  Romania,  VIII,  333. 

3.  En  183!  et  1832;  voir  la  préface  du  catalogue  du  fonds  Arundel 
(Londres,  1834,  in-fol.),  et  Edw.  Edwards,  Lives  of  the  Founders  of  the  Bntish 
Muséum,  p.  201. 


MANUSCRITS   FRANÇAIS    DE   CAMBRIDGE    (GG.I.i)  ^I? 

Ke  ne  fet  mie  bon  a  tere,  Ki  cestescrit  vot  regarder. 

Car  ceo  est  la  vertu  del  sacrement,  Primes  dirroum  la  droite  voie 

Dire  le  péché  e  coment.  Ke  fundement  est  de  nostre  iaye, 

Tuz  pecchez  ne  poiim  recunter,  En  quele  ad  doze  point  prové, 

Mes  par  taunt  se  pot  remembrer  Ke  sunt  articles  apelé, 
E  ses  pecchez  bien  amender 

Fin  (fol.  328  c): 

Ha!  duce  Dieu  de  majesté,  E  ciel  e  tere  e  mère  fist  il   ensement, 

Qe  pot  comprendre  ta  bounté  !  Li  cors  de  servir  a  l'aime  si  verai  de- 

Ki  de  sa  grant  bien  pensât  la  sume  [finement 

Ke  avez  fet  a  cheitif  home.            [(d)  Ke  l'aime  ne  seit  dampné  a  jur  de  ju- 

Pur  ceo  priums  Jhesu  Crist  qui  fist  la  [gement  '. 
[firmament 

17.— Pierre  de  Langtoft,  Vie  d'Edouard  I.— Ce  poème  estune  des 
parties  de  la  chronique  en  laisses  monorimes  de  Pierre  de  Langtoft, 
chanoine  de  Bridlington  (Yorkshire),  que  Th.  Wright  a  publiée  en  deux 
volumes  dans  la  collection  du  Maître  des  rôles.  On  en  possède  plusieurs 
mss.  plus  ou  moins  complets,  qui  n'ont  pas  été  tous  indiqués  par  Wright 
dans  sa  préface.  J'ai  signalé  en  diverses  occasions  les  mss.  qui  ont 
échappé  à  ses  recherches  î.  Le  ms.  GG.  1.  i.  est  mentionné  dans  la 
préface  du  tome  second  de  l'édition.  Th.  Wright  s'en  est  servi  pour 
l'extrait  de  la  chronique  de  Pierre  de  Langtoft  qu'il  a  publié  dans  ses 
PoUtical  Songs  of  England  [London,  1839.  Camden  Society),  p.  237  et 
suiv.  Le  titre  de  Brut  donné  dans  notre  ms.  à  la  partie  de  la  chro- 
nique de  P.  de  Langtoft  qui  se  rapporte  à  Edouard  I,  est  exceptionnel, 
et  n'a  probablement  pas  d'autre  raison  d'être  que  le  nom  de  Bruîus 
inséré  dans  le  second  des  vers  qu'on  va  lire,  mais  ce  qui  n'est  nullement 
exceptionnel,  c'est  l'usage  de  copier  comme  un  ouvrage  complet  en  soi 
la  partie  de  la  chronique  qui  concerne  Edouard  I.  Trois  autres  mss. 
offrent  la  même  particularité,  à  savoir:  Collège  of  arms  14  (Londres)^, 
Fairfax  24  (Oxford)  4,  et  Douce  120  (Oxford)  5. 


1 .  La  mesure  montre  assez  que  les  quatre  derniers  vers  ne  sont  pas  de  l'auteur 
du  poème. 

2.  Revue  critique,  1867,  II,  198,  note  2  ;  Bulletin  de  la  Société  des  anciens 
textes,  1878,  p.  105,  note  i,  et  p    140. 

5.  Voy.  le  Catalogue  de  Sir  Ch.  Young  (1829),  p.  22;  Fr.  Michel,  dans  le 
volume  de  Rapports  au  Ministre  publiés  dans  les  Documents  inédits^  p.  76;  Le 
Roux  de  Lincy,  Roman  de  Jirut,  description  des  mss.   p.  ixxvij. 

4.  Le  n"  5904  dans  les  Catalogi  de  Bernard. 

^.  Bulletin  de  la  Soc.  des  anciens  textes  1878,  p.  140;  Duffus  Hardy,  Des- 
cript.  Catal.  III,  n°  433. 


314  p.    MEYER 

Ici  commence  le  Brut,  cornent  H  bon  rei  Edward  gaigna  Escotz  e  Galis  (f.  328  c.) 

Ky  volt  oyr  des  reys  cornent  chescune  vesquit 
E(n)  le  ille  de  Brutus  Bretainne  appeller  feist, 
E  puis  celé  houre  en  sça  ki  gaignast  ki  perdist 
Comment  li  rei  de  Lyns  Itaille  tut  venquist 


Fin  (fol.  345  v")  : 

For  Sectes  at  Dunbar 
Haved  et  thayre  gau  char 

Schame  of  thar  note, 
Wer  never  dogges  there 
Hurled  out  cl  herre^ 

Fro  coylthe  ne  cotte 

Suivent  quelques  lignes  latines  pour  compléter  la  page:  «  Quid  est 
celum  ?  Celum  habet  octo  gaudia  celestia . . . 

18.  —  L'Image  du  monde.  —  On  connaît  environ  soixante  inss.  de  ce 
poème,  sans  compter  les  exemplaires  de  la  rédaction  en  prose.  Us  ont  été 
énumérésetsoumisàun  classement  provisoire  par  M.  D.  Grand,  dans  une 
thèse  présentée  récemment  à  l'Ecole  des  Chartes  5.  Cesmss.  se  divisent  en 
deux  catégories  assez  nettement  tranchées,  selon  qu'ils  renferment  ou  ne 
renferment  pas  certaines  additions  dont  la  plus  considérable  est  con- 
stituée par  une  vie  de  saint  Brandan.  La  leçon  de  notre  ms.  appartient 
à  la  catégorie  des  mss.  «  non  interpolés  ».  Victor  Le  Clerc,  qui  a  lon- 
guement insisté  sur  cette  distinction  entre  les  deux  classes  de  mss.,  est 
d'avis  que  les  exemplaires  où  les  additions  manquent  représentent  seuls 
l'œuvre  pure  de  l'auteur,  et  il  suppose  que  la  rédaction  «  interpolée  » 
est  l'œuvre  d'un  copiste  messin  «  qui  avait  du  loisir  et  surtout  un  grand 
amour  des  contes  »  4.  Depuis  Le  Clerc  cette  opinion  est  devenue  cou- 
rante. Je  crois  au  contraire  qu'un  examen  attentif  de  la  rédaction  inter- 
polée suffit  à  montrer  que  l'interpolateur  n'est  autre  que  l'auteur  lui- 
même,  qui  aurait  ainsi  fait  deux  rédactions  de  son  ouvrage.  C'est  ce  que 
j'essaierai  de  démontrer  dans  un  prochain  mémoire,  mettant  à  profit, 
outre  les  éléments  connus  jusqu'à  présent,  un  ms.  déjà  signalé,  mais  non 


1.  Cf.  l'édition  de  Wright,  II,  162. 

2.  Ces  vers  sont  publiés  par   Wright  dans  la   préface  du  second  volume, 
X.  ils  ne  se  trouvent,  selon  lui,  que'dans  ce  ms. 

3.  Voy.  les  Positions  des  tlûses  soutenues  par  Us  élevés  de  la  promotion  de  1885, 
80  et  celles  de  i88é,  p.  85. 

4.  Histoire  littéraire,  XXIII,  323. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE    (GG  .  I  .  I  )  ^15 

étudié,  dans  lequel  j'ai  récemment  découvert  des  données  toutes  nou- 
velles qui  résolvent  la  question . 

Il  est  notable  que  parmi  les  nombreux  mss.  de  l'Image  du  monde, 
plusieurs,  appartenant,  si  je  ne  me  trompe,  à  la  rédaction  la  plus  courte, 
ont  été  copiés  en  Angleterre.  C'est  la  preuve  que  la  Petite  Philosophie, 
pourtant  bien  répandue,  ne  suffisait  pas  à  satisfaire  la  curiosité  de  ceux 
qui  voulaient  acquérir,  sans  recourir  aux  livres  latins,  quelques  éléments 
de  cosmographie  et  de  géographie.     • 

(Fol.  346)  Ccst  livre  de  clcrgu  en  romaunce  qi  est  appeliez  Ymage  dumounde 
contint  par  tut  Av.  chapitres  e  .xx.  e  .viij.  figures,  saunz  qi  le  livre  ne  purreit  pas 
estre  légèrement  entenduz^'qi  est  devisez  par  treis parties  (suit  la  table  des  rubriques). 


Ki  veot  entendre  a  cest  livre   (f.  347) 

E  savoir  cornent  il  deit  vivre 

E  aprendre  tiel  clergie 

Dunt  meuz  vivera  tout  sa  vie, 

Si  lise  tut  primerement 

E  après  ordeniement, 

Si  qu'il  ne  lise  rien  avaunt 

S'il  ne  athent  ceo  q'est  devaunt. 

Einsi  purra  le  livre  entendre 

Qe  autrement  ne  pot  nuls  emprendre. 

Fin  (fol.  289  c]  : 

E  la  joie  de  paradis 
Q_ue  Dieu  nous  otroit  a  tut  dis 
En  qi  toute  pité  habounde. 
Issi  finist  l'Ymage  del  mounde  ; 
A  Dieu  comence  e  a  Dieu  prent  fyn, 
Que  ses  biens   nous  doint  a  la  fyn. 
[Amen. 
Vous  qe  aviez  oï  l'escrit 
Del  fiz  Dampnedeu  Jhesu  Crist, 
E  puis  del  mounde  que  Dieu  forma 


De  Dieu  parloms  au  commencement. 

Ky  veot  entendre  a  cest  romaunce 
Si  poet  entendre  a  cest  comaunz. 
Graunt  partie  de  la  laiture 
De!  mounde,  cornent  par  nature 
Fu  fet  de  Dieu  e  acompliz... 


E  de  toutes  les  vertuz  q'il  ordina, 

Qe  par  cestui  poez  aprendre 

Qi  del  siècle  volez  entendre, 

Queu  cbose  soit  e  coment  ceo  est,  (d) 

En  ceste  figure  compris  est  ; 

Par  ceste  dereine  figure 

En  poez  bien  veer  la  faiture, 

Qe  ici  devant  vous  escrit  est 

Coment  li  firmament  fet  est  ' 


19.  —La  bonté  des  femmes.  —  Plaidoyer  habilement  tourné  et  vive- 
ment mené  en  faveur  des  femmes.  L'objet  de  l'auteur  a  été  principale- 
ment de  réfuter  les  pièces  dirigées  contre  le  sexe  faible  qui  abondent 
dans  notre  ancienne  littérature  ^  Sa  discussion  juridique  pour  prouver 


1.  La  figure  annoncée  par  ces  derniers  vers  occupe  le  r»  du  fol.  390. 

2.  Voy.  la  liste  que  j'ai  dressée  des  pièces  contre  les  femmes,  Remania,  VI, 
499-500. 


?l6  p.    MEYER 

qu'Adam  fut  plus  coupable  qu'Eve  est  véritablement  curieuse.  On  remar- 
quera le  passage  (vv.  126-143)  où  il  s'inscrit  résolument  en  faux  contre 
les  récits  selon  lesquels  Salomon,  Sanson  le  fort  et  Absalon  auraient  été 
trompés  par  les  femmes.  Il  est  permis  de  croire  que  ses  dénégations  ne 
visaient  pas  la  source  première  et  respectée  de  ces  récits,  mais  qu'il 
pensait  à  ce  passage  du  Blâme  des  femmes  : 

Neïs  H  sages  Salemon, 

Qui  de  bien  et  si  grant  foison 

Que  plus  sages  de  lui  ne  fu, 

Fu  par  safamedeceiiz; 

Ausi  refu  Sanson  Fortin  ' 

ou  quelque  autre  du  même  genre,  car  ces  exemples  de  la  tromperie  des 
femmes  étaient  passés  à  l'état  de  lieu  commun^. 

L'auteur  était  anglais:  sa  langue  le  prouve  comme  aussi  la  mention 
(v.  24)  de  Westminster  et  delà  Tour  de  Londres. 

Il  existe  parmi  les  mss.  du  collège  Saint-Jean,  à  Cambridge,  une  copie 
fautive  et  abrégée  de  notre  poème  :  j'en  ai  publié,  ici-même,  VIII,  334, 
environ  80  vers  dont  je  rapporterai  en  note  les  variantes  utiles.  Là  où  ce 
secours  m'a  manqué,  le  texte  reste  souvent  inintelligible. 

Ci  comence  du  bounté  des  femmes  (/.  590  c). 

Cil  fableùrs  trop  me  grèvent  Dount  iur  loaunge  creistra. 

De  rimer,  qe  ne  sevent  b  Bien  eit  qe  moy  escutera  ! 
Rimer,  counter  for  de  fable. 
4  Escutez  un  dist  creable:  fsunt 

De  dames  e  de  damoiseles  Quant  que  sunt   nez  e  a  nestre 

Vous  sache  dire  tiei  noveles  Saluz  trestuz  de  quor  parfount; 


^i.  Je  cite  d'après  Bibl.  nat.  fr.  1593  fol.    153   c   Pour  d'autres  copies  du 
même  opuscule,  voir  Romanïa,  VI,  499  et  IX,  436. 

2.  Cf.  ci-dessus  p.  219  le  Facetus  catalan,  v.    1627-8.  Dans  un  ms.  du 
xv  siècle  je  lis  ces  vers  qui  peuvent  remonter  auxiv«: 
Par  femme  fut  Adam  deceu. 
Et  Virgiles  moquez  en  fut; 
Ypocras  en  fut  enherbez, 
Senson  le  fort  deshonnorez; 
David  fit  faulx  jugement 
Et  Salemon  faulx  testament; 
Femme  chevaucha  Aristote  : 
Il  n'est  rien  que  femme  n'assote. 
(B.  N.  lat.  4641  E,  fol.  142;  ces  vers  se  retrouvent  ailleurs:   voy.  Bulletin 
des  anciens  textes,  1876,  p.  129. 

Pour  d'autres  textes  plus  ou   moins  analogues,  voir  l'article  de  M.  Tobler 
sur  l'empereur  Constantin,  Jahrb.  f.  roman,  u.  cngl.  Literalur,  XIII,  104  et  suiv. 
Pour  la  fable  de  la  temme  de  Salomon,  voy.  Romania,  IX,  536  et  X,  626. 
6  S.-J.  V.  en  dirray.  —  9-18  Pour  ces  dix  vers  il  y  en  a  trois  seulement  dans 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE 

Trestuz  saluz  les  maund 
1 2  Corne  leaus  e  fin  amaunt, 
E  come  profès  en  le  ordre. 
E  me  veille,  sachez,  amordre 
De  combatre  pur  fin  aniur, 
i6  QMl  n'  i  ad  for  douce  odur 
E  doucement,  sachez,  en  fleire. 
Bone  amur,  qe  est  deboneire, 
Me  ad  prié  devoutement 
20  Pur  estre  gardein  de  covent; 
E  pur  défendre  la  meisoun 
Su  devenu  lur  champioun 
E  lur  countur  e  lur  provostur 
24  A  Wesmouster  ou  a  la  Tour, 
Tort  e  force  maintenaunt 
Encuntre  chescune  mesdisaunt 
Pur  les  chivale[r]s  al  issir 
28  E  pur  les  dames  al  revenir. 
Mes  ja  de  l'eil  en  parlerom; 
Ne  isterai  de  la  meisoun 
De  cunsail  prendre  avaunkant(?). 
j2  Meintenant  veez  ci  mon  gaunt: 
Pur  l'amur  nostre  Sauveur 
Qe  fistafemme  taunt  de  honur 
Qe  une  pucele  salua 
56  Par  sun  angle  k'il  enveia. 

Le  noun  Eve  fu  tost  turné,       (d) 
Qe  de  Eve  fist  l'angle  ave. 
«  Dieu  vous  sauve,  Marie 
40     i  De  grâce  replenie; 
«  Li  sires  est  en  vous. 
«   De  touz  femmes  qe  sunt 
«  Par  my  ceste  mounde 
44     «  Beneïte  seez  vous, 
«  E  beneit  seit  le  fruit 
(I  Q^en  vostre  ventre  crut, 
47     «  Jhesu  le  très  douce  b.  Amen. 


CAMBRIDGE    (GG.  I  .  l)  ^7 

E  ceofu,  sachiez,  le  douce  salue 
Dount  nous  avint  tut  le  prue. 
Beneit  seit  le  hure  q'el  nasqi! 

51   Desprisonés  sûmes  nous  par  H; 
Qe  femme  porta  le  raunçoun 
Qe  nous  reint  de  enfernal  prisoun. 
Par  femme  est  la  dei'té 

55  Joint  a  nostre  humilité. 
Qe  vout  les  estories  cercher 
Apertement  porra  trover 
Qe  Dieu  ad  fet  plus  grant  honur 

59  E  mustré  greignur  amur 
A  femme  par  sa  curtaisie 
Qe  a  home  que  soit  en  vie. 
Nostre  Seignur,  bien  dire  le  hos, 

63  Si  fist  Adam  e  Eve  de  un  os; 
Os  saunz  char  en  sei  est  pure, 
Seec  e  nette,  redde  e  dure; 
Os  est  blaunche  come   flour  de 

67  E  Adam  qe  fu  fet  de  tay,    [may. 
De  vile  tere,  ceo  dist  lescrit; 
Conment  purroit  estre  parfit 
Chose  fet  de  purreture? 

71  Ceo  serroit  encuntre  nature; 
Dount  jeo  vous  [di]  pur  jugement 
Qe  femme  est  natureument 
Braunche,  necte  e  fin  épure. 

7S  E  de  ceo  très  bien   moi  assure 

[(/.  390 
Qe  home  qe  fu  fet  de  bowe  ; 
A  la  barbe  e  a  la  jowe 
Poez  bien  veer  la  matire, 

79  Chescune  quinze  jour  a  reire. 
De  barber  e  de  hoster  le  ordure. 
Femmes  deivent  par  droiture 
Eestre  (sic)  fines  e  creables 

8j  E  de  lur  cors  plus  estables 


22-3  S.-J.  son,  au  lieu  de  lur.  —  2/^11  y  a  entre  2^  et  2^  deux  vers  de  plus 
dans  S.-J.  —  25  S.-J.  T.  et  fort.  —  29  S.-J  d'eles  ne.  —  31  S.-J.  a  nul  vi- 
vant. —  39-47  ^'î  li^çon  de  S.-J.  est  tout  autre.  On  a  introduit  ici  la  salutation 
angêliijue  telle  quelle  se  trouve  un  peu  plus  loin  {ci-aprls  art.  22,  p.  322)  dans  le 
même  ms.  —  51  Ms.  ici  et  ailleurs  sum9,  qui  serait,  selon  le  sens  ordinaire  de 
l'abréviation,  sumus,  mais  on  trouve  aussi  sûmes.  —  53  II  y  a  réellement  remt  et 
non  reint.  —  6;  S.-J.  Fist  A.  de  tay  e  E.  —  6^  S.-J.  Et  forte  en  sei,  pure  et 
d.  —  74  S.-J.  Blaunche.  —  76  Le  second  qe  est  omis  dans  S.-J..,  sans  doute 
avec  raison.  —  81  Ms.  devient. 


3i8  p.  M 

Qe  nul  homme  qe  l'em  trove  ; 
Meintenaunt  veez  ci  la  prove. 

Sachez  li  femmis  nous  donassent 

87  E  de  aturs  nous  priassent, 
E  nous  donassent  beaus  douns, 
Si  corne  nous  a  eus  fesoms, 
N'i  avereit  frere  ne  cordeler, 

91  Jacobin  ne  hospiteler, 
Heremite  ne  grey  moigne 
Ne  chivaler,  saunz  essoigne, 
Si  une  dame  cointe  e  sage 

95  Ly  dounast  de  bon  courage, 
E  poit  a  luy  venir  sovent 
E  lui  acoler  doucement, 
E  a  la  fiez  en  un  bea  lit, 

99  E  la  dame  ust  bon  délit 
De  li  beiser  e  acoler, 
Iço  vous  di  bien,  un  chivaler 
Freit  adunk  plus  tost  un  saut 

103  Ke  une  dame,  si  Dieu  me  saut. 
Par  ma  vie  e  par  ma  mort, 
Femmes  ount  dreit,  nous  le  tort. 
Remembrés  vous  feire  justise 

107  Deceste  prove  en  toute  guise 
Qe  jeo  ai  devaunt  vous  cy  prové, 
Qe  vous  ne  seez  reprové. 
Si  jeo  poi  mil  aunz  vivre 

1 1 1   Assez  en  averoie  a  matire 
Pur  p[ar]ler  de  lur  boneireté, 
E  de  lur  bounté  e  de  humilité,  {b) 
Si  ne  deit  pas  estre  celé 

1 1 5  Entir  lur  biens  lur  grant  beauté; 

Que  teus  i  sount  qe  plus  pleise- 

[runt 

Lur  beauté  qe  lur  biens  ne  fount. 

Mes  quant  ces  deus  sontensemble, 


1 19  Dunkeest  tuit  bone,  si  me  semble. 
Femme  e  angle  unt  un  façoun  ; 
Moût  i  ad  bon  comparisoun: 
Façoun  de  femme  est  de  grant  pris, 

123  Vermaille  corne  rose,  blaunkecom 
Lur  bouche  savure  a  beiser  [lyz, 
Plus  ke  gilofre  a  manger. 
Ceo  qe  l'em  dit  qe  Salomon 

127  Samson  le  fort  e  Absolon 

Furent  par  lur  femmes  deceùs, 
De  ceo  ne  seez  pas  ennuy[u]z, 
Tuit  seit  ceo  en  livre  escrit, 

1 3 1   De  fableie  se  entremist 

Qe  primis  fist  celé  escrivere; 
L'em  trove  meinte  chose  en  livre 
Ou  i  n'  i  ad  for  divinaile. 

135  Ceo  fu  fable  tuit  sanz  faille. 
Honny  seit  ore  li  escrivein 
Quant  a  sun  gré  mist  la  mayn 
Tiele  mensoigne  mectre  en   livre: 

1 39  11  fu  hors  de  sen  ou  yvre 
U  très  mauveis  rescriveyn(e), 
De  ceo  sui  bien  certein(e) 
Qe  ascun(e)  mauveis(e)  li  fist  fere 

143  Qe  a  femmes  fu  contrere. 
Morir  pust  il  desconfès 
Qe  trop  vers  femmes  seit  engrès  ! 
Qe  vilein  dist  en  reprover  : 

147  Celé  oysel  eit  mal  encumbrer 
Qe  foule  soun  demeinenye. 
Ore  orrez  pur  quel  le  vous  die, 
Qe  ceo  ne  put  dedir  nuls, 

i\i  Qe  de  femmes  ne  fumes  issus:    (c 
Dune  est  femme  ny  a  home; 
Si  come  de  le  fut  crest  la  poume, 
Si  crest  l'enfaunt  naturelment 

155  De  la  mère,  ore  di  coment  : 


Susceptum  semen  sex  primis,  crede,  diebus 
Est  quasi  lac,  reliquisque  .ix.  fit  sanguis  ;  at  illud 
Consolidât  duodenadles,  duo  nona  dices  (?)  ; 
Effigiat,  tempusque  sequens  producit  ad  ortum. 


86  li,  corr.  se.  —  99  Corr.  0?  —  124-5  Cf.  dans  une  autre  pièce  sur  lemcme 
sujet  {Wright,  Reliquias  antiquaj,  II,  219):  De  femme  plus  savoure  un  beiser  j 
Que  plein  poyn  de  lorer.—   147-8  Prov.  cite  dans  Us  mêmes  circonstances  par 
Robert  de  Blois  dans  le  morceau  publié  Remania,   VI,  501  (v.  25-6).  Pour  l'au- 
teur de  ce  morceau  voy.  VI,  637.  Le  même  prov.  existe  en  anglais. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE    (CG .  I  .  T 


V9 


Herbergezsumesdedeinz  lurflaunc, 
De  els ewom  char  e  saune. 
Ausi  nurrist  femme  home 

I  ^9  Come  arbre  fet  peire  ou  poume. 
Ni  est  dune  encuntre  nature 
Si  le  fruit  deit  l'arbre  destrure? 
Fruit  ne  poet  sanz  l'arbre  cres- 
[tre. 

163  Sanz  femme  ne  put  nul  neestre, 
Mes  sanz  home,  come  dit  l'escrit, 
De  femme  un  home  nasquist  ; 
Dune  puis  dire  par  de  sa 

167  Ke  dunkes  home  ne  l'adessa. 
Si  Jhesu  Crist  l'ust  destené, 
Le  siècle  pout  estre  estoré 
Sanz  home  e  de  femme  crestre, 

171  Mes  de  home  ne  put  nul  nestre. 
De  femme  feseit  Dieu  sa  mère, 
Ne  fist  pas  de  home  sun  père; 
E  dune  devom  plus  obeier 

1 7  5   Femme  par  droit  e  bien  server 
Qe'^nul  home  qe  soit  vivant, 
Ja  ne  seitil  si  puissaunt. 
Femme  deit  averseignurie 

179  Sur  toute  rien  qe  seit  envie; 
Ciel  e  tere,  quaneke  li  apent, 
Deit  estre  a  sun  comandement 
Volez  ore  saver  pur  quoy  ? 

183  Sun  fiz  est  si  puissaunt  roy 

Qe  tuz  rois  sunt  a  li  entendaunt. 
Ne  ad  dunk  femme  poer  grant 
Qe  tiel  roy  put  sun  fiz  clamer, 

187  Qe  tut  le  mounde  ad  en  poer? 
E  par  nature  dreiturere 
Qe  fiz  obéisse  a  sa  mère , 
Dunk  pertiI,mèsjeone[l].  dimye, 

191  Ke  femme  ad  Dieu  en  sa  baillie. 
Ne  ad  il  donke  a  quoer  la  rage 
Qe  fet  a  femme  nul  outrage, 
U  que  li  trespas  en  fet  ou  en  dite 

19  j  Pur  la  vengaunce  de  sun  fiz  ? 


Garde  sei  petit  e  grant 

Qe  de  femme  ne  soit  mesdisaunt 

La  vengaunce  fet  a  douter 

199  Del  fiz  qe  ad  si  grant  poer 
Honurez  les  sur  toute  rien, 
Ja  ne  troverez  mes  ki  bien, 
Ke  eles  bones  e  douces  sount; 

203  Ceo  est  tuit  la  joie deeeo mounde. 

De  lur  bounté  ai  aukes  dit, 
Mes  ma  lange  pas  ne  sufï(r)ist, 
Si  jeo  fuisse  eserivein  bon(e) 

207  Ausi  sage  corn  Salomon(e), 
E  vivereit  tuz  jours  saunz  fin, 
Ja  en  romaunce  ne  en  latin 
Ne  serroit  counté  ne  dit 

21 1  Bounté  de  femme  ne  descrit. 
Ceo  qe  home  dist  que  héritage 
Perdimes  tut  par  utrage 
Eve,  ceo  est  trestut  faus, 

2 1 5  Qe  nienz  devum  recter  ceo  maus  : 
Si  di(e)  qe  Adam  plus  trespassa 
Quand  il  de  la  poume  manga. 
Ne  fetis  ja  pur  eonsaillur 

219  Rien  qe  tourne  a  deshonur, 
Jeo  su  certein(e)   pur  le  trespas 

[(/•  392) 
Eve  Adam  ne  perdi  pas. 
Pur  le  furfet  [de]  la  mulier 
223  Deit  home  nul  disheriter? 

Ne  ley  escrit,  ne  vout  pas      [pas. 
Qe  homecomperge  autrui  t[rjes- 

Quant  Eve  hust  le  fruit  mangé, 
227  Si  Adam  se  fust  bien  purpensé 

E  sei  ust  détenu  eom(e)  sage 

Tenu  eùst  sun  héritage; 

Dune  di  jeo  qe  tut[e]  sa  peine 
231  Li  vint  par  sun  trespas  demeine, 

Dune  ne  put,  sachez,  remeidir; 

Que  de  Adam  devum  tuz  pleidir. 


204  On  trouvera  dans  la  Romania,  VIII,  535  les  vers  204-11  et  294-5  tjui 
forment,  avec  deux  vers  que  n'a  pas  le  ms.  GG,  la  fin  du  polme  dans  le  ms.  de  Saint 
Jean.  —  201   Corr.  n'i  ...  ke.  —  208  Corr.  vivereie;  S.-J.  E  vivere  puisse. 


320  p.    MEYER 

Recter  devom,  si  a  li  noun , 
2J5  De  nostredeserteisoun,  271 

Qe  femme  deit  estre  escondite 

Par  ma  reisoun  avant  dite. 

Si  Adam  ust  fet  come  sage  home 
239  A  Eve  dut  détendu  la  poume,  275 

Si  come  ele  fust  a  li  suget, 

E  ele  n'ust,  sachez,  pur  nul  abet 

Del  serpent  la  poume  mangé 
243  Ne  si  hardi  de  aver  atuché  ;  279 

Ne  cru  le  maufé  tant  ne  quant, 

Mes  Adam  qe  fu  si  sachaunt 

Etrestut  plein  de  science 
247  Qe  encuntre  sa  conscience  283 

E  encuntre  le  tut  puissaunt, 

Come  ust  esté  un  enfaunt, 

Crust  le  malfé,  e  tost  receust, 
251   Par  consaille  le  serpent  le  fruit.  287 

Ore  seit  qe  Eve  le  consenti  : 

Pur  bien  le  fist,  e  entendi 

De  fere  bien  saunz  malice  ; 
255  Si  come  le  serpent  le  entice,  291 

Ele  entisça  Adam,  dist  leescrit, 

Sanz  plus  dire  fors  un(e)  petit. 

Ceo  est  la  lorce  qe  li  a':  {b) 

259  Eve  enticyt,  Adam  le  manga;  295 

E  pur  ceo  puse  bien  prover 

Qe  Eve  ietmeins  a  blâmer. 

Endreit  de  ceo  primer  péché, 
263  Si  Eve  fust  mal  entecché,  299 

Par  defaute  de  nurture 

De  Adam  qe  l'aveit  en  cure 

De  chastier  e  aprendre, 
267  Par  la  reisoun  voil  défendre  303 

Eve,  eque  Adam  out  le  tort. 

Si  vous  ussez  un  homme  mort 


E  fuissez  ore  accoupé 
Devant  justise  e  amené, 
Dirroit  le  justise  :  «  Amys, 
«  Avezvous  cest(e)  home  occis.?» 
Vous  qe  ne  poez  dédire,      [sire. 
Li    respoundreit:    «   OyI,  beau 
«  Mes  jeo  vous  di  certeinement 
0  Qe  ceo  fu  par  enticement  : 
«  Robert,  Willeam  ou  Wauter 
«  Moi  conseillerunt  e  Roger 
«  A  tieu  jour  celé  home  occire.  » 
Quel  dite  vous,  beau  douce  sire.  ? 
Serra  celui  pur  ceo  sauvé 
U  celé  gent  par  li  dampné, 
Tut  par  sun  simple  dist?  Nanil  ! 
Au  conseil(e)  du  roy  venent  mil  ; 
Chescun  dirra  sun  avis, 
E  quant  li  rois  avéra  tuit  enquis 
Qei  cil  ad  dit  e  cil  e  cil, 
Si  prent  le  bone  e  lesce  le  vil;: 
Ja  n'ert  celui  pur  ceo  dampné 
Ne  de  conseil  le  roy  osté. 
Si  la  reisun  peut  suffire, 
Unke  n'ad  mester  de  plus  dire. 
S'il  i  ad  nule  qe  sei  délit 
Bounté  de  lemme  aver  escrit, 
Ore  a[i]  jeo  aukes  recunté       (c) 
De  lur  beauté  e  de  lur  bounté, 
Se  vous  di(e)  to(s)t  outre[e]ment 
K[eJ  il  mentunt  tut  hautement. 
Ke  de  femme  rien  niesdie, 
Dieu  lur  doint  malencolie, 
E  Dieu  lur  doint  grant  meschief. 
Mal  en  bouche,  mal  enchiet, 
E  [la  grant  anguisse  de  deinz, 
E  mal  dehors  e  ma[l]  deinz  ! 


Suit  immédiatement  : 

Diabolus  quosdam  mordet  per  suggestionem,  quosdam  fedat  per  delectationem, 
quosdam  vulnerat  per  consensum,  quosdam  dévorât  per  operacionem,  absortum 
revocat  per  miseracionem. 


239  dut,  corr.  eust.  —  258  sic,  lis.  q'el  i  a.  —  275  Corr.  respoundreiz. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIGE    (GG.1.1)  ^21 

La  pièce  suivante  paraît  être  un  résumé  des  arguments  théologiques 
en  faveur  des  femmes. 

Mulier  prefcrlur  viro,  s[cilicet]  : 

Materia.  Quia  Adam  factus  de  limo  terre,  Eva  de  Costa  Ade.    {Cf.  vv.  62-80). 

Loco.  Quia  Adam  factus  extra  paradisum,  Eva  in  Paradiso. 

In  conccptionc.  Qnh  mulier  concepit  Deum,  quod  homo  non  potuit.  (Cf.  vv. 

165-6). 
Apparicione.  Quia  Christus  primo  apparuit  mulieri  post  resurrcctionem,  scilicet 

Magdelene. 
Exaltalionc.  Quia  mulier  exaltata  est  super  choros  angelorum,  scilicet   beata 

Maria. 

Quoique  ces  lignes  latines  aient  déjà  été  imprimées  ici-même  ^Vl,  501), 
j'ai  cru  utile  de  les  reproduire  afm  de  pouvoir  indiquer  par  des  renvois  les 
rapports  qu'elles  offrent  avec  notre  poème.  Ajoutons  que  plusieurs  des 
arguments  ici  résumés  sous  une  forme  scolastique  se  trouvent  ailleurs  en 
core:  dans  Robert  de  Blois  (/.  /.),  dans  le  commentaire  de  Francesco  da 
Barberino,  oij  se  lit  cette  sentence,  attribuée  à  la  comtesse  de  Die,  que  la 
femme  est  plus  noble  que  l'homme  «  quoniam  vir  de  humo  et  terra  lutosa 
«  creatus  seu  formatus  extiterit,  femina  vero  de  nobilissima  costa  humana 
<(  jam  mundificata  Dei  presidio,  quod  ex  utriusque  manus  lavatione  pro- 
«  babat'  »  ;  dans  le  poème  de  Serveri  de  Girone',  etc. 

20.  —  Le  Credo  paraphrasé  en  vers.  —  Cette  pièce  et  les  deux  qui 
viennent  après  font  immédiatement  suite  sur  la  même  page  (fol.  392  v°) 
au  morceau  latin  qui  précède.  La  paraphrase  du  Credo  en  douze  vers 
ne  se  rencontre  point  ailleurs,  que  je  sache.  Je  crois  que  l'auteur,  évi- 
demment anglais,  a  eu  l'intention  de  faire  des  vers  de  seize  syllabes, 
cf.  plus  haut,  p,  309,  art.  14. 

Credo  in  Deum. 

Jeo  crei  en  Dieu  tait  puissaunt  père  qe  cria  ciel  e  tere, 
E  qe  Jhesu  nostre  sire  est  un  soûl  fiz  au  puissaunt  père, 
Qe  conseu  fust  del  seint  Espirit  e  de  la  virgine  Marie  né. 

4  Peine  e  passioun  suffri  pur  nous  e  en  la  croiz  fu  attaché, 
Mort  estoit  e  enseveli  e  en  le  sepulchre  reposa, 
En  enferns  descendit,  le  tierce  jour  releva; 
Le  ciel  mounta  ou  siet  a  destre  Dieu  sun  père  tut  puissaunt  ; 

8  De  illuc  vendra  pur  juger  mortz  e  vifs^  petitz  e  granz. 


1.  A.  Thomas,  Francesco  da  Baiterino,  p.  173.  —  M.  Thomas  propose 
de  corriger  comparatione^  mais  le  passage,  bien  qu'obscur,  ne  semble  pas  appeler 
de  correction. 

2.  Suchier,  Denkmaler^  1,  261. 

Romanla.  XV.  21 


322  P.    MEYER 

Jeo  crei  ausi  en  le  seint  Espirit  e  tut  la  seinte  cristieneté, 
Le  sacrementz  de  seint  Eglise  e  pardoun  aver  de  pecché, 
Qe  tuz  releverunt  a  drein  jour  e  serrunt  lors  jugés, 
12  E  la  vie  pardurable  qe  Dieu  nous  graunt  par  sa  pité.  Amen. 

21.  —  Le  Pater  paraphrasé  en  vers. —  Il  est  visible  que  cette  para- 
phrase a  été  faite  en  Angleterre.  Les  fautes  contre  la  mesure  sont  nom- 
breuses et  résistent  à  la  correction  ;  certaines  rimes  sont  purement 
anglo-normandes.  Une  autre  version,  ayant  la  même  origine,  sera  publiée 
plus  loin  d'après  le  ms.  GG.  4.  32.  On  connaît  en  français  d'Angleterre 
et  du  continent  d'autres  traductions  ou  paraphrases  en  vers  du  pater,  voy. 
La  Bible  française  de  M.  S.  Berger,  p.  25-6  et  ma  notice  du  ms. 
Phillipps83  36,  n°  47,  [Romania,  XIII,  $54). 

Dominica  oracio.  Hui  nous  donez  pain  jurnel; 
Reieissez  trespas  a  peccheurs, 

Père  qe  as  en  ciel  sojourn,  Si  corne  nous  fesums  a  nos  nuisors. 

Seintefié  seit  toun  noun  ;  Ne  suffrez  pas  que  seum  encumbrez 

Tun  règne  nous  seit  prest(e),  Par  temtatioun,  einz  délivrez 

E  ta  volunté  seit  fet  Nous  de  tuz  maus  par  ta  mein. 

Ci  en  tere  corne  e[n]  ciel.  Geo  nous  grantés,  sire,  Amen. 

22.  —  L'Ave  Maria  en  couplets  coués.  —  Cette  courte  pièce  débute 
comme  un  autre  Ave  Maria,  également  en  couplets  coués,  qui  se  trouve 
dans  le  ms.  Phillips83  36;  voy.  Romania,  XIII,  526.  Les  deux  premiers 
vers  seulement  sont  identiques  de  part  et  d'autre.  Je  ne  connais  du 
texte  qui  suit  qu'une  autre  copie,  celle  qui  a  été  introduite  dans  la  Bonté 
des  femmes  (ci-dessus,  nMç,  p.  317,  col.  i). 


Li  Sires  est  en  vous. 


Ave  Maria 

Dieu  vous  sauve  Marie 
De  grâce  replenie, 

De  tut  femmes  que  sunt  )  „      .,  , 

n  .  j        i  Beneit  seez  vus  ! 

Parmy  ceste  mounde 


E  beneit  seit  le  frut 
K'en  vostre  ventre  crust, 


Jhesu  li  très  duz!  Amen. 


23.  —  Pronostics.  —  Les  pronostics  exprimés  dans  le  poème  qui  suit 
se  rapportent  aux  événements  généraux  de  l'année,  et  particulièrement 
aux  saisons,  aux  récoltes.  J'ai  disserté  en  une  autre  occasion'  sur  ce 


1.  Bulletin  de  la  Soc.  des  anciens  textes,  1883,  p.  84  et  suiv. 


MANUSCRITS   FRANÇAIS   DE   CAMBRIDGE    (CG .  1  .  I  )  32^ 

genre  de  prévisions,  et  j'ai  montré  qu'elles  se  divisent  en  deux  séries, 
qui  se  distinguent  par  leur  point  de  départ,  la  conception  générale  restant 
identique.  Dans  toutes  ces  prédictions  l'idée  commune  est  que  les  événe- 
ments de  l'année  qui  va  s'ouvrir  sont  déterminés  par  la  co'incidence 
d'une  date  fixe  avec  tel  ou  tel  jour  de  la  semaine;  dans  les  prédictions 
de  la  première  série  cette  date  est  le  premier  janvier,  dans  la  seconde  série 
c'est  le  jour  de  Nocl.  Les  unes  et  les  autres  sont  souvent  placées  dans 
les  mss.  sous  le  nom  d'Ezechiel,  ou  sous  celui  d'Esdras.  Ici  la  coïncidence 
est  établie  avec  le  jour  de  Noël.  J'ai  publié,  dans  la  dissertation  précitée  ', 
un  texte  latin  qui  appartient  à  la  même  série  et  offre  avec  notre  poème 
des  rapports  étroits,  sans  que  je  puisse  affirmer  qu'il  n'existe  pas  du 
même  texte  latin  quelque  variante  encore  plus  voisine  de  notre  petit 
poème.  J'ai  aussi  indiqué  trois  rédactions  françaises  en  prose  de  ces  pro- 
nostics dans  des  mss.  de  la  Bibliothèque  nationale;  j'en  pourrais  signaler 
bien  d'autres.  Citons  seulement  celles  qu'offrent  le  ms.  EE.  i.  i.  de 
l'Université  de  Cambridge  (fol.  i)  et  Phillipps  4156  (fol.  183). 

La  rédaction  en  vers  que  nous  offre  notre  ms.  est  indubitablement 
d'origine  anglaise.  La  versification  en  est  extrêmement  faible.  L'auteur, 
tout  en  se  proposant  de  faire  des  vers  rimant  par  paires,  n'a  pas  résisté 
à  la  tentation  d'aligner  de  longues  séries  de  vers  en  unt.  Il  faut  dire  que 
le  sujets'}' prêtait  singulièrement.  L'opuscule  est  précédé  d'une  rubrique 
envers,  circonstance  dont  j'ai  déjà  cité  d'assez  nombreux  exemples  dans 
la  poésie  anglo-normande,  voy.  Romania,  XIII,  521.  Une  autre  copie  du 
même  texte  nous  a  été  conservée  par  le  ms.  59  de  Corpus  Chr.  Coll., 
Oxford  ;fol.  1 16).  J'en  donne  les  variantes.  Elle  contient  la  même  rubrique 
que  le  ms.  de  Cambridge. 

Ci  comence  la  rcison  Veals,  pecunie,  forment  crèstrunt; 

Del  tais  de  l'iln{é)  e  de  la  seisoun  Mult  par  ert,  cel  an,  bon  blé; 

E  des  koures  queus  i  senunt  8  De  mol  avérez  a  graunt  planté; 

E  des  au[n]tures2  qe  avendrunt.  Curtiis  e  gandins  fructiferunt; 

Pees  et  concorde  cel  an  serrunt. 

Quant  pardimaine  avez  la  Nati-  Cel  an  ert  fet  nieinte  larcin(e); 

[vite,  12  Veuz  homes  murrunt  sanz  fin(e). 

Idunc  avérez  bon  an  esecche esté,  Le(s)  plus  de  femmes  que  cel  an 

Ver  e  iver  bon  e  moût  ventouse;  [murrunt 

4  Vignes  erent  moût  plentivuse;  Par  jur  de  dimaine  finirunt, 

Uailes  cel  an  multiplierunt;  Ki  cel  an  rien  comencer  vodra 


1.  P.  88,  note. 

2.  C'est  l'ancienne  forme  anglaise  à'avenUire  ;  voy.  James  A.H.    Murray, 
Dict.  hist.  de  l'anglai.s,  sous  adventure. 

j  c  omet  e  et  moût.  —  s  C  Owayles.  —  7  M.  p.  serunt  bon  li  blé.  —  8  a. 
mut  g.  p.  —  9  C.  g.  multeplierunt.  —  10  an  fet  s.  —  12  m.  sel  an  sen  fin. 


324 

i6  Saunz  failler  finir  le  purra. 
Les  enfantz  qe  cel  an  nestruni 
Grantz  e  fors  e  beaus  serrunt. 

Quant  par  lundi  avérez  la  Nativité, 
20  Cel  jour  avérez  commun  horré. 

Le  tensde  ver  avérez  ventous^e), 

Secche  estée  tempestus(e); 

En  aiist  avérez  maen  horré, 
24  Ne  bien  secche  ne  bien  moillé. 

En  plusurs  lius  orrez  medlé 

De(s)  chivalers  grant  plenté. 

Mult  mères  cel  an  plurunt 
28  Pur  lur  enfanz  qe  els  perdrunt, 

Cel(e)  an  avérez  graunt  gelé, 

E  plusurs  princes  finerunt  lur  es. 

Vignes  avérez  menement. 
32  E  grant  mortalité  de  gent. 

Les  plusurs  de  gentz  qe  murrunt 

Jeuvenes  e  petiz  enfantz  serrunt. 

Ki  cel  an  neistrunt  hardiz  e  fortz 

[serrunt 

36  Mèsees  e  pecunie  perirunt.      (t) 

Ki  nul  bien  volt  commencer 

Finir  le  poet  saunz  desturber. 

Ki  par  Lundi  enmaladira 
40  De  celé  maladi  bien  tost  garra; 

U  ki  par  Lundi  avéra  riem  emblé 

En  icel  an  ert  retrové. 

Quant  la  Nativité  ert  par  Mardi, 


p.    MEYER 


44  Sachez,  pur  veir  le  vous  die, 
Iver  avérez  graunt  e  tenebruse, 
Od  neif  e  od  diluvie  tempestuse. 
Ver  e  esté  moist  serrunt;     [runt 

48  Aiist  ert  secche,  mes  feins  peri- 
E  pecune  cel  an  descrestrunt; 
Nefs  en  mer  mult  perirunt, 
Grantz  pestilences  icel  an  serrunt, 

^2  Fruiz  e  curtils  apparirunt, 
Reis  e  princes  perirunt. 
Cil  qui  les  vignes  edifierunt. 
Cel  an  femmes  murrirunt 

^6  De  lur  travaille  mult  perdrunt; 
Enfanz  qi  cel  an  neistrunt. 
Fors  ecoveituse  serrunt. 
Ains  jusques  parvendrunt 

60  A  grant  âge  qi  dune  nestrunt. 

Quant  la  Nativité  ert  Megerdi , 
Sachez  qe  vers  le  vous  di, 
Iver  dur,  ver  ventouse 

64  Avérez  moist,  moût  nuouse; 
Mult  avérez  edunc  bon  esté, 
E  aust  avérez  bien  atempré; 
Cens  de  vignes  mult  travaillerunt 

68  E  ees  meinement  mel  averunt. 

Quant  par  Judi  ert  la  Nativité; 
Mult  avérez  bon  an  e  bon  esté, 
Ver  avérez  bon  e  ventouse, 
72  Profitable  nent  e  ennuieuse; 
Vin  e  mel  habunderunt;  (c) 


16  San  fayle.  —  20  Sel  ivern  a. —  21  Le  t.  de  ivern. —  23  Esté  sec  et  tempes- 
tious.  —  23  meint  orée.  —  26  De  ch.  g.  asemlé.  —  27  Mutes  m.  —  30  E 
omis. —  33  Le  plus  detens,  —  35  hardiz  e  omis.  —  36  eus  en  pecunne  p. 
—  37  Ki  n.  b.  sel  an  vodra.  —  38  le  porra. 

40  de  cel  mal.  —  41  ki,  riem  omis.  —  42  returné.  —  44  Sertes  verement 
vus  di.  —  46  e  omis.  —  47  moyte  s.  —  48  sec  fint  p.  —  49  E  p.  desterunt, 
avec  n  au-dissus  de  ie.  —  50  E  nef.  —  5 1  Dans  C:  l'ordre  des  vers  est  50,  53, 
^5,  54,  56,  51,  ^2,  57.  —  56  travail  femme  p.  —  57  Seus  ke.  — 59  Ainz 
unkes  avendruni  ;  corr.  Avisunques  (cf.  S.  Alexis,  115  e,et  la  note  de  G.  Paris). 
61  ert  par  mecredi.  —  62  Sertes  je  le  vus  di  de  fi.  —  64  m.  et  annuius.  — 
65  edunc  omis.  —  66  E,  bien,  omis. 

67  Gens  de  vines  mut  travailent 
Gardins  en  plusurs  liu[s]  failent 
Uwailes,  peunies  défunt  (?) 
Etes  et  mel  memement  (sic)  averunt. 
69  avérez  la.  ■ —  72  P.  et  nente. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS    DE    CAMBRIDGE    (GG  .  1  .  I  )  325 

Des  plus  grantz  crétines  serrunt.  E  boefs  e  vaches  issi  frunt. 

Cil  qi  en  cel  an  nesterunt    [runt. 

Quant  la  Nativité  ert  par  V'en-  92  Fors  e  luxurieuse  pur  veirs  ser* 
[dcrdi, 

76  Sachez,  verraiinent  le  vous  di,  Quant  la  Nativité  ert  par  Samedi 

Iver  avérez  merveilleuse,  Iver  avérés  trubles,  le  vous  di, 

Mult  pesaunt  e  ennuiuse,  Esté  bon,  ver  ventouse, 

Ver  bon  e  secch  esté,  96  Aùst  moist  e  travailleuse. 

80  E  de  furment  graunt  marché.  Veuz  home  cel  an  murrunt, 

Dolur  des  oez  mult  serra  E  blees  par  lius  chiers  serrunt. 

Entre  la  gent  qe  moul  demurra;  Mult  femmes  habunderunt. 

Aust  ert  secche  e  assez  de  blé,  100  En  cel  an  mult  nesterunt; 

84  E  de  vin,  sachez,  a  grant  plenté;  Neifs  e  craitines  multiplierunt. 

Petiz  enfanz  mult  murrunt,  [runt,  Roseez  e  pluvies  grans  serrunt, 

Batailles  de  chivalers  mult   er-  E  ees  forment  descrestrunt, 

Estranges  noveles  parorrez  104  Car  poi  de  bien  coillerunt; 

88  Entre  princes  e  coronez.  E  cil  q'en  cel  an  ncstrunt 

Ouwailles  cel  an  perirunt,  Ains  unkes  bons  serrunt. 

Le  reste  du  fol.  593  et  les  fï.  394  à  399  a  sont  occupés  par  divers 
morceaux  latins  dont  je  me  contenterai  de  donner  ici  une  brève  indica- 
tion :  1°  «  Qiiando  puer  nascitar.  Si  natus  fuerit  homo  die  dominica...  » 
Pronostics  tirés  du  jour  de  la  naissance.  —  2"  «  De  etate  hominis.  Prima 
«  etas  infancia. ..  »  Division  de  la  vie  de  l'homme  en  six  âges. —  5''\<  De 
a  sanguinis  minucione.  Quarta  luna  bona...  ».  Jours  de  la  lune  oij  il  est 
avantageux  ou  périlleux  de  se  saigner  ou  de  prendre  médecine,  — 
«  4°  «  Denceptionemedlcinarum.  MenseJanuariosanguinemnonminuas...» 
Il  est  question  des  endroits  où  il  faut  pratiquer  la  saignée,  selon  les  jours 
de  la  semaine.  —  5°  «  De  tonitmo  experimentum.  Mense  Januarii  si  lonitrus 
«  sonuerit...  »  Pronostics  tirés  du  tonnerre.  —  6°  «  Sententie 
«  Danielis  hec  sunt:  Arma  in  sompno  portare...  »  Signification  des 
songes.  — 70  «  De sacramentis  ecclesie.  Quotsunt  sacramentaEcclesie...  « 
On  voit  que  la  plupart  de  ces  morceaux  ont  trait  à  des  superstitions 
qui  ont  été  très  répandues  jusqu'à  une  époque  voisine  de  la  nôtre.  Il  n'y 
a  pas  d'utilité  à  publier  ici  ces  petits  textes  isolément.  Ce  sont  des 
«  matériaux  »,  dira-t-on.  Mais  des  matériaux  trop  dispersés  courent  bien 


74  De  plues  g.  —  80  g.  plenté.  —  82  m.  muera  (.?)  —  83  sec  aset  ert  b. 

—  84  v.mut  g.  p. —  87  par  tere  verret.  —  88  e  omis.  —   91   pur  veirs  omis. 

—  94  trublus  de  fi.  —  95  Ivern  esté  et  veir  e  tayus  (?)  —  99  femmes   mut. 

—  100  mutes  n.  —  101-2  Fustens  (?)  et  plues  mut  serrunt  |  Neifs  e  tertines 
abunderunt.  Au  v.  102  traitine  ou  tertine  doit  itre  corrige  crétines.  —  104 
quiller  porrunt.  —  io$  Icil  ke  sel  an.  —  102  Enviz  unkes  bon  s.;  corr. 
Avisunkes,  cf.  v.  59, 


}26  p.    MEYER 

risque  de  ne  pas  trouver  qui  les  emploie.  Je  forme  depuis  longtemps  un 
dossier  des  pièces  de  ce  genre  que  je  rencontre  dans  mes  recherches. 
Le  nombre  en  est  déjà  considérable,  et  j'en  ferai  quelque  jour  un  volume. 

24.  —  La  légende  du  bois  de  la  croix  —  Récit  qui  se  rencontre  sous 
une  infinité  de  formes.  J'en  ai  signalé  quelques-unes,  il  y  a  bien  des 
années,  dans  un  compte  rendu  critique  du  Mystère  de  Jésus  édhé  eltradmt 
par  M.  de  la  Villemarqué  '.  Depuis  le  sujet  a  été  repris  et  étudié  avec 
autant  d'érudition  que  desagacité  par  M.  Mussafia2,par  M.  W.  MeyerJ, 
enfin  par  M.  H.  Suchier^.  Toutefois  il  reste  encore  beaucoup  à  dire 
sur  certains  points,  notamment  sur  l'histoire  de  la  légende  dans  la 
littérature  française.  Il  y  aura  lieu  de  distinguer  les  rédactions  en  prose 
et  en  vers,  et  d'examiner  ce  qu'on  trouve  sur  ce  sujet  dans  les  compi- 
lations, notamment  àansVlmage  du  monde.  Pour  ce  moment  je  me  borne 
à  dire  que  la  version  conservée  dans  le  ms.  GG.i.i.,  caractérisée  surtout 
par  son  prologue,  n'est  pas  celle  qu'on  rencontre  le  plus  fréquemment 
dans  les  mss.  J'en  signalerai  une  autre  copie  dans  le  ms.  0.  i.  17. 
ff.  275  v°  à  279,  de  Trinity  Coll.  Cambridge.  Voir  aussi  Fr,  Michel, 
Tristan,  I,  lvii. 

Ici  comcncc  la  romance  dd  scinte  croyz  e  de  Adam  nostre  prcmcre  picn  (f.  399  ^). 

Qui  vodra  saver  e  oyer  de  la  verrai  croiz,  dunt  ele  vint  e  de  quel  fut  ele 
crust,  e  come  longement  le  abre  fu  vert,  e  qi  le  porta  à  Jerl'm,  met  enver  moy 
amiable  entente,  e  jeo  lui  cuntera[i]  la  vérité,  solum  ceo  quel'em  trove  en  escrit 
en  ebru  une  partie  e  grant  partie  en  latine. 

Adam  nostre  prumere  piere,  quant  fu  getté  hors  de  paradis  terrestre  pur  sun 
pecché,  cria  en  haut  voiz  la  miséricorde  de  Dieu,  e  Dieu  par  sa  pité  e  par 
benigneté  li  $  perizomata,  ceo  est  une  manere  de  peliz,  e  promist  a  lui  ke  lui 
envei[e]roit  le  oyle  de  miséricorde  en  le  plenté  de  temps.  Puis  vint  Adam  e  sa 
femme  en  le  val  de  Ebron,  e  la  suffrist  meinte  travaille  en  mal  aan  e  en  sun(t) 
cors  e  en  dolur  de  sun  quoer,  e  la  engendra  de  sa  femme  deuz  fiz,  Caym  e 
Abel. 

Fin  (fol.  402  c)  : 

E  quant  li  félons  Jeues  le  urent  dampnez  e  jugés  a  la  mort,  si  dist  un  de 


1.  Rivue  criti^ue^  1886,  I,  221, 

2.  Sulla  Icggtnda  dd  legno  ddla  croce,  comptes  rendus  de  l'Acad.  de  Vienne, 
classe  de  philosophie  et  d'histoire,  LXllI,  165-216  (1869). 

j.  Dans  les  mémoires  de  l'Acad.  de  Munich,  classe  de  philosophie  et  de 
philologie,  XIV,  m  (1882),  101  et  suiv. 

4.  DcnkmceUr  fTOvcnzalischcr  LiUralur  u.  Sprjche,  I,  16J-200  et  525-8.  Je 
constate  en  passant  que  la  version  provençale  publiée  par  M.  Suchier  comme 
texte  A  est  traduite  d'un  texte  français  fort  répandu  et  non  du  latin. 

j.  Sic,  manque  un  verbe;  p.  e.  dona?  latin:  indutus  perizomate. 


MANUSCRITS   FRANÇAIS   DE   COMBRIDGE   (gG.I.I)  327 

eus  par  prophecie:  «  Pernez  cele  fut  qe  gist  dehors  la  vile,  outre  cele  russel; 
si  en  fêtes  une  croiz  de  .vij.  eûtes  de  lungure,  e  de  quatre  coûtes  en  travers.  » 
Si  firent  comme  iur  fu  comandé  e  crucifièrent  (d)  nostre  Seignur  Jhesu  Crist 
desus,  qe  nous  sauva  par  sa  dusur  e  par  sa  bunté,  si  nous  deservir  volums. 
En  ceste  manere  corne  jeo  vous  ai  cunté  Dieu  voleit  qe  nostre  redempcioun 
veneit  de  meime  le  lu  e  de  meime  le  arbre,  dount  nostre  perdicioun  surdi  pri- 
merement;  e  de  meime  le  fruit,  e  de  meisme  la  bouche  crust  nostre  salvacioun. 
E  issi  corne  nous  sûmes  par  femme  0  Dieu  descordez,  issi  sûmes  par  femme  a  ly 
reconciliez  », 

La  dernière  colonne  du  feuillet  402  est  occupée  par  un  morceau 
attribué,  ici  et  en  maint  autre  texte,  à  saint  Jérôme.  On  le  trouve  dans 
VHistorlcL  scoîastica  de  Pierre  Le  Mangeur  [Hist.  emng.,  ch.  141).  Inc.: 
«  Invenit  Jeronimus  in  annalibus  Judeorum  de  .xv.  diebus  ante  diem  judicii. 
Primo,  eriget  se  mare  in  altum  .xl.  cubitis  super  altitudinem  monlium. . .  »  ' . 

25.  —  Abrégé  de  la  Bible  en  vers  rhythmiques. 

Compcndium  historiaram  (fol.  403). 
Vos  qui  concupiscitis      statum  vestrum  scire, 
Hec  signa  tractabitis      que  dant  invenire 
Omnia  que  possitis      de  nobis  audire; 
Quid  estis  vel  eritis      hic  est  reperire. 

26.  —  Miracle  de  la  Vierge.  —  Ce  miracle  a  quelque  rapport  avec 
celui  du  clerc  malade  d'un  cancer  à  la  bouche  que  la  Vierge  Marie  visita 
en  songe  et  guérit  en  lui  donnant  le  sein.  Réduit  essentiellement  à  ces 
termes,  le  récit  se  rencontre  sous  des  formes  nombreuses  2.  Mais  ici  il  y  a 
quelque  chose  de  plus.  Le  clerc  est  transporté  en  songe  dans  un  jardin 
magnifique  où  on  distingue  particulièrement  vingt-trois  fleurs  dont  l'une 
l'emporte  sur  toutes  les  autres  en  beauté.  Comme  dans  toutes  les  visions 
relatives  à  la  vie  future,  il  est  accompagné  d'un  guide,  un  ange  dans  le 


1.  Voici  le  début  d'une  autre  rédaction  (Ms.  d'Evreux  n'  9,  fol.  138; 
XII<=  siècle)  : 

Signa  que  even'unt  .xv.  diebus  ante  diem  judicii,  sumpta  ex  annalibus  Hcbrcorum. 
«  Maria  omnia  in  altitudine  .xv.  cubitorum  exaltabuntur  super  montes  excelsos, 
orbem  terrarum  non  affligentia,  sed  sicut  mûri  equora  slabunt.  Omnia  equora 
prosternentur  in  ununi...» —  C'est  la  version  citée  d'après  saint  Thomas  d'Aquin 
par  M""  Michaëlis,  Anhiv.  de  Herrig,  XLVI,  58- 

2.  Texte  latin  :  Vincent  de  Beauvais,  Spcc'.  Hist.  VII,  Lxxxiv  (éd.  de  1624, 
p.  251-2);  version  provençale.  Romjnia,  VIII,  18-9;  version  française  en  vers 
de  Gautier  de  Coincy,  éd.  Poquet,  342-6.  Ces  trois  textes  représentent  une 
même  forme,  oii  le  moine  se  dévore  lui-même  la  langue  et  les  lèvres.  Une  autre 
forme,  où,  comme  dans  les  textes  qui  nous  occupent,  le  moine  souffre  d'une 
maladie  de  peau,  est  traitée  par  G.  de  Coincy,  345-54.  Cf.  encore  la  rédaction 
du  ms.  fr.  818,  fol.  62.  Quant  aux  versions  en  prose  française,  il  serait  trop 
long  de  les  énumérer. 


J28  p.    MEYER 

cas  présent,  qui  lui  fait  savoir  que  ce  jardin  est  le  Paradis,  ou  quelque 
chose  d'approchant,  et  lui  explique  la  signification  allégorique  des  vingt- 
trois  fleurs.  La  Vierge  opère,  par  le  procédé  susindiqué,  la  guérison  du 
clerc,  qui,  néanmoins,  meurt  plein  d'espérance  après  avoir  conté  sa  vision 
à  son  évêque. 

Sous  cette  forme,  à  laquelle  on  pourrait  donner  le  nom  de  «  vision  du 
champ  fleuri  »  le  miracle  se  rencontre  en  trois  rédactions,  toutes  en  vers 
et  d'origine  anglaise,  à  savoir  dans  le  recueil  de  Miracles  de  la  Vierge 
d'Adgar  '  ;  2"  dans  le  fragment  que  j'ai  en  partie  publié,  ci-dessus,  pp. 
272-5  ;  3"  dans  le  texte  ci-après.  Je  ne  prétends  nullement  indiquer  ici 
l'ordre  chronologique  de  ces  trois  rédactions  ;  je  suis  toutefois  porté  à 
croire  que  celle  d'Adgar.  est  la  plus  ancienne.  La  troisième,  dont  on  trou- 
vera ci-après  l'analyse  accompagnée  de  quelques  extraits,  ne  nous  a  pas 
été  conservée  seulement  dans  le  ms.  de  Cambridge  :  elle  se  trouve  en- 
core à  la  fin  d'un  recueil  de  miracles  de  la  Vierge,  paraissant  former  un 
ouvrage  complet  en  soi,  dont  l'unique  ms.  (sauf  erreur)  appartient  au 
Musée  britannique  (Old  Roy.  20.  B.  XIV).  M.  Neuhaus  en  a  édité  les 
vingt-quatre  premiers  vers*  pour  compléter  la  rédaction  d'Adgar  qui  a 
cet  endroit  offre  une  lacune.  Il  y  a,  entre  les  diverses  rédactions,  quel- 
ques différences  dans  le  détail  de  l'allégorie.  Je  crois  néanmoins  qu'elles 
dériventtoutes  trois  d'un  même  récit  latin,  qui  n'a  pas  encore  été  retrouvé. 

Miracalum  sancte  Marie  Virginis  Come  plus  finement  Tenama 

(fol.  404  d).  De  plus  en  plus  se  délita. 

Si  cum  encountent'  ses  amis  chiers 

Entre  les  overaines  de  charité  Celé  clerk  estoit  un  des  primers 

Ke  ad  fet  la  Reyne  par  sa  pité,  Ke  les  2  heures  primes  coniplia; 

Une  douce  fet  vous  cunterai  Pur  ceo  unke  après  ne  fina 

E  puis  après  me  reposerai.  De  dire  les  doucement; 

Vers  Europe,  en  celé  partie,  A  lui  servir  meut  bien  s'entent, 

Estoit  un  clerk  de  bêle  vie.  Ove  lermes  moût  très  pitousement 

Moût  fu  devout  en  seinte  église  Les  oures  diseit  mult  sovent  î. 
E  la  dame  ama  sanz  feintise.    (/.  405) 

Atteint  d'un  cancer  à  la  bouche,  le  clerc  se  voit  abandonné  de  tout  le  monde 
saut  de  son  évêque  qui  l'avait  pris  en  affection  et  ne  cessait  de  le  conforter  par 


1.  Adgar's  Marienkgendcn...  hgg.  von  C.  Neuhaus  (Heilbronn,    1886),   pp. 

2.  Ouvrage  cite,  pp.  28-29. 
j.  B  recuntent. 

4.  B  Ki  ces. 

5.  Ces  quatre  vers  sur  un:  même  rime  sont  réduits  à  deux  dans  B:  De  dire  les 
devoutement  |  Les  cures  disert  mult  sovent. 


MANUSCRITS    FRANÇAIS   DE   CAMBRIDGE    (GG.I.I)  P9 

de  bonnes  paroles.  Un  jour  qu'il  s'était  endormi,  le  malade  eut  une  vision.  Un 
ange  l'emmena  en  une  délicieuse  prairie.  11  y  vit  vingt-deux  fleurs  qui  surpas- 
saient toutes  les  autres  en  beauté  et  en  parfum.  Une  vingt-troisième,  plus  belle 
encore,  avait  sept  pétales.  L'ange  lui  explique  ces  merveilles  :  le  champ  lui  est 
donné  en  récompense  de  l'amour  qu'il  a  porté  à  la  ^Vierge.  Les  vingt-deux 
fleurs  sont  les  psaumes  qu'il  a  chantés  en  son  honneur.  La  fleur  qui  l'emportait 
sur  toutes. 


Ceo  est  la  premere  saume  de  prime 

[(/.405  c/) 
Ke  en  i  ajustâtes  vous  meïsme, 
Dcus  in  riominc  tuo  vous  l'apelez. 
La  signifiaunce  tost  en  saverez: 
N'est  pas  la  greindre,  mes  la  meinur; 


Seet  foilletes  ad  en  sa  flour, 
En  la  saume  sunt  ,vij.  vers,  ceo  quide'  : 
Ces  sunt  les   .vij.  grâces  del    Seint 
[Esperit  ;  (/.  406) 
Ceo  est  la  signifiaunce  des  flurs 
E  des  graindres  et  des  menurs. 


Bientôt  le  clerc  entre  en  un  temple  en  or  bruni,  tout  enrichi  de  pierres  pré- 
cieuses. Il  y  voit  la  Vierge  Marie  qui  l'appelle  à  lui  et  le  presse  dans  ses  bras, 


Si  corne  fere  soleit  sun  fiz 
Quant  il  estoit  jeovenes  e  peti(ti)z, 
Taunt  q'ele  mette  sa  blaunche  mayn, 
Sa  seinte  mamel  trest  hors  de  sun  seyn 
[(/".  406  b) 
E  al  clerc  la  mist  en  bouche. 
E  il  le  très  douce  let  en  souche 
De  la  bouche  qe  fu  si  orde. 
Si  le  dist  la  mère  de  miséricorde: 


Suchez,  beau  fiz,  suchez  a  trete; 
Sachez  qe  grant  bien  vous  fête. 
Cest[e]  mamele  qe  habounde 
Nurrist   le    créature    de    universe 
[munde, 
Qe  fist  tuit,  [e]  ciel  e  tere  : 
Par  ceste  porezta  saunté  conquere. 
N'est  pas  dreit  qe  taunt  seez  grevée, 
La  bouche  qe  m'ad  souvent  louée.  » 


Le  clerc  se  reveille  guéri.  La  puanteur  qu'exhalait  sa  bouche  se  change  en 
une  odeur  délicieuse.  La  nouvelle  de  cette  cure  merveilleuse  se  répand,  l'évêque 
est  averti.  Le  clerc  lui  demande  la  communion,  et  meurt  après  l'avoir  reçue. 


E  vous  seignurs,  ne  doutez  mie      (/. 

Ke  la  dame  ne  l'ad  seisie         [406  d) 

Ke  tiele  secour  li  out  mustré 

La  mist  en  joie  que  n'ert  fine. 

E  le  vesque  cel(e)  seint(e)  cors  prent 

Si|^l]  mist  en  sarcu  mult  noblement. 

Issi  rent  a  chescun  sun  servise 


La  douce  dame  en  meinte  guise, 
E  qi  bonement  e  bien  la  sert, 
Sachez,  sun  servise  pas  n'i  pert. 
Benoit  soit  la  mère  nostre  Seignur 
Par  qeest  achevé  (celé  i)cest(e)  labur^, 
Amen. 


27. —  Apocalypse  en  français. —  Version  dont  il  existe  un  très  grand 


1.  Le  psaume  LUI  (Deus  in  nomine  tuo)  a  en  effet  sept  versets. 

2.  Ms.  lobonr. 


JJO  p.    MEYER 

nombre  de  copies,  surtout  en  Angleterre.  Elles  sont  souvent  ornées  de 
miniatures  ;  parfois  les  peintures  occupent  la  plus  grande  partie  de  cha- 
que page  et  ne  laissent  au  texte  que  quelques  lignes.  Ici  Pillustration 
est  assez  copieuse,  mais  la  qualité  en  est  fort  ordinaire.  Sur  cette  version 
voir  Romania,  VIII,  326,  note  3,  et  surtout  S,  Berger,  La  Bible  française, 
pp.  78  et  suiv.  Le  texte  commence  ainsi  (fol.  407)  : 

Seint  Pol  li  apostle  dit  qe  tuz  iceuz  qi  veilent  piement  vivre  en  Ihesu  Crist, 
qe  il  suffrunt  persecucion.  Mes  nostre  très  duz  seignur  Jhesu  Crist  ne  voetpas 
qe  ces  esliz  défaillent  en  tribuiacioun  ;  pur  ceo  les  cunfort  il  de  sei  meismes  e 
donne  ve[r]tu  de  sa  grâce,  e  dit:  «  Ne  eiez  pour,  jeo  su  od  vous  tuz  les  iours 
«  deskes  a  la  fin  de  ceste  siècle. ...» 

Fin  (fol.  439  J'"): 

Ceo  qe  il  dist  :  «  La  grâce  nostre  sire  Jhesu  Crist  seit  od  vous  touz  »  signe- 
[fie]  la  vie  de  grâce  qe  Nostre  Sire  ad  donné  a  seinte  église  par  la  mort 
Jhesu  Crist  e  par  sa  resurreccion,  desqe  ele  viegne  a  la  vie  de  glorie.  Jhesu 
Crist  le  fiz  seinte  Marie,  qi  est  un  Dieu  tut  puissaunt  od  le  père  e  Seint  Esperit, 
nous  alume  les  quors  de  verray  creaunce  e  esleve  par  ferme  esperaunce  e  es- 
prenge  par  verrai  charité,  e  nous  doint  issi  en  li  vivre  e  morir  qe  nous  puissum 
ove  li  en  sa  glorie  en  cors  e  en  aime  saunz  fin  régner.  Amen. 
kl  finisf  la  pocalipse  en  romance. 

28.  —  Le  Roman  des  Sept  Sages,  en  prose.  —  C'est  la  version  la 
plus  répandue,  celle  qu'a  publiée  Le  Roux  de  Lincy,  à  la  suite  de  VEssai 
sur  les  fables  indiennes  de  Loiseleur  Deslongchamps  (1838).  Les  nombreux 
mss.  qu'on  en  possède  se  répartissent  en  divers  groupes  que  G.  Paris  a 
déterminés  dans  sa  préface  aux  Sept  Sages  de  RomeK  La  copie  que  ren- 
ferme le  ms.  GG.  1 .  i  appartient  au  groupe  A  de  ce  classement. 

Ici  commence  le  livre  qc  est  appclcc  le